Le métier d’entrepreneur : des compétences à développer, acquérir et maîtriser

, par Stéphane Jacquet

Les deux dernières années ont été marquées par la réussite du lancement de l’auto entreprise. Cette année, près de 300 000 auto entrepreneurs se sont déclarés pour goûter aux joies de l’indépendance et du développement de sa propre affaire (la moitié des entrepreneurs !). Ce résultat n’est pas étonnant quand on sait que, spontanément, une grande partie des salariés déclare rêver de devenir entrepreneur individuel. Ce regain de l’esprit d’entreprise peut-il être analysé comme un véritable mouvement de fond ou bien ne serait-il qu’un faux semblant favorisé par le statut simplifié de l’auto entrepreneur et ses promesses d’absence de risque ?

Au-delà de ce phénomène on peut légitimement se demander si créer une entreprise et la développer serait à la portée de tous, comme énoncé lors du lancement du statut. Ne faudrait-il pas certaines aptitudes, prédispositions ou habiletés, comme l’ont démontré certains chercheurs des années 60 aux années 80. Mais à la lumière d’une mortalité encore importante des jeunes entreprises (une sur 2 ne passe pas le cap des 5 ans), on devrait plutôt chercher ce qui permet d’expliquer la pérennité. A ce moment là, on pourrait réellement invoquer des compétences d’entrepreneur, à l’instar de tout professionnel, qui permettraient la réussite et le développement de l’entreprise, plus particulièrement la TPE qui représente 94 % des entreprises françaises. Pour s’intéresser à l’entrepreneur, on retiendra la définition de Gartner (1990) : « individu qui engage une quelconque action en vue de la création ou l’établissement d’une entreprise ou d’une organisation »

Si pendant des années, on a présenté l’entrepreneur comme une sorte d’aventurier visionnaire, doué de caractéristiques intrinsèques spécifiques, de nombreux chercheurs ont infirmé cette thèse en montrant que de réelles compétences étaient nécessaires à l’entrepreneuriat. Ainsi, un référentiel pourrait émerger, mais avec quels contours et comment le mettre en place ? Comment ensuite développer ces compétences ?

Après avoir démontré que l’entrepreneuriat est un véritable métier, dont on a pu penser qu’il s’appuyait sur des traits personnalité de l’entrepreneur (1)…mais qui justifie une approche par les compétences (2) ; nous montrerons qu’il faut développer celles-ci dans une optique de pérennisation de l’entreprise (3).

 1. L’entrepreneur, d’une approche par la personnalité à une approche privilégiant les compétences clés

Depuis longtemps, l’entreprise est un objet d’enseignement dans tous les programmes d’économie-gestion, à tous les niveaux. Que ce soit par une approche juridique, économique ou en management ; de nombreux décodages sont possibles et la littérature est fournie dans le domaine. Il s’agit ici de se focaliser sur l’entrepreneur et de chercher à le caractériser. La recherche en management présente plusieurs pistes à ce sujet, les plus récentes définissant les contours d’un véritable métier. Mais les chercheurs ont d’abord posé l’hypothèse de traits de personnalité particuliers (1.1.), l’approche qui s’est avérée incomplète et peu pertinente même si elle existe encore, qui a cédé la place à une réflexion sur le métier (1 .2.) pour conduire à l’émergence d’une référentiel de compétences (1.3.).

1.1. L’analyse des statistiques et études sur la création d’entreprise

Dans une étude de Janvier 2010, l’INSEE a cherché à analyser le développement d’entreprises créées en 2002 et à isoler les facteurs de réussite ou d’échec. Sur 215 000 entreprises créées en 2002, la moitié existe toujours cinq ans après. On peut donc constater d’une part que la mortalité des entreprises jeunes est réelle mais également que la pérennité de certaines entreprises est possible. Si, d’après les experts, les conditions de mise en oeuvre du projet sont fondamentales, le profil du créateur est quand même un facteur qui entre en compte dans la réussite et la pérennité de l’entreprise. Ainsi, on peut se demander en quoi ce profil favorise ou au contraire gêne le développement de l’entreprise. L’INSEE a identifié comme facteur déterminant l’expérience professionnelle et le diplôme d’origine de l’entrepreneur. La motivation, et plus particulièrement l’obligation de créer un emploi, est également mise en avant, car elle permet de donner 1,4 x plus de chance de passer la première année que les autres raisons de création. On peut également relever l’âge comme facteur limitant le développement de l’entreprise car les entreprises créées par les personnes de moins de 30 ans franchissent moins souvent le cap des cinq ans (46 %). Les créateurs seraient donc plutôt des hommes, de plus de 30 ans, relativement diplômés et assez expérimentés. Mais si ce profil pourrait convenir à certains observateurs il ne résiste pas à une analyse plus fine des raisons ayant poussé à créer une entreprise. L’INSEE, dans son enquête de 2006, relève l’esprit d’indépendance, mais également l’opportunité de création et le désir d’affronter de nouveaux défis. Réduire le caractère de l’entrepreneur à ces simples caractéristiques serait réducteur mais c’est souvent ce qui est retenu lorsqu’on tente une première approche de l’entrepreneuriat.

Dans une contribution imposante, Verstraete et Saporta ont tracé le profil des entrepreneurs et cherché à expliquer la création d’entreprise (« création d’entreprise et entrepreneuriat » aux éditions de l’ADREG en 2006) ; On retrouve les mêmes résultats que dans l’enquête de l’INSEE, mais avec une plus grande finesse d’analyse. Ils reprennent la notion de capital social pour expliquer la provenance plus fréquente d’entrepreneurs dans des milieux où l’on constate la présence d’entrepreneurs. Ils insistent également sur la sous représentation des femmes, en la relativisant, car elle ne montre pas de différence de profil mais plutôt des secteurs de prédilection plus restreints que les hommes (beaucoup de créations de femmes dans les services à la personne). Enfin, ils montrent bien l’impact des dispositifs légaux sur la création, que ce soit des incitations ou des simplifications légales (SARL à un euro par exemple). Quant à leur approche du profil des créateurs, ils présentent une revue de littérature des critères de segmentation extrêmement intéressante. On y retrouve principalement les motivations, mais aussi les traits cognitifs, ainsi que l’expérience antérieure. En allant plus loin, la recherche en management propose de véritables théories qui ont d’abord essayé de montrer qu’il existerait un véritable profil d’entrepreneur, modélisable à travers un ensemble de traits de caractères.

1.2. La mise en avant d’un corpus de traits de caractères…

L’émergence du concept d’entrepreneur, peut être attribuée à JB Say au 19°, qui a montré qu’il était animé d’une idéologie individualiste et d’une volonté d’indépendance. Plus tard, Schumpeter écrira, en 1935, que celui-ci introduit une « méthode de production nouvelle », en innovant plus qu’en recherchant le gain. Il incarne le parti de l’innovation, est énergique et aventurier, car il sort des sentiers battus et doit vaincre toutes sortes de résistances.

Un premier mouvement d’identification des entrepreneurs a consisté à élaborer des typologies pour les classer et en décrire les principaux traits. Louis-Jacques Filion a cherché à les recenser (1997), pour en trouver une dizaine ! Ainsi, Laufer présente 4 types d’entrepreneurs : l’innovateur, celui orienté croissance, celui orienté efficacité et l’artisan (1975). Toujours dans les années 70, Miles et Snow identifie 4 types : le prospecteur, l’innovateur, le suiveur et le réacteur (1978). La plus connue est française, tirée de l’analyse de Marchesnay (1987 et 1996) qui distingue les PIC (pérennité, indépendance, croissance) et les CAP (croissance forte, autonomie, peu de pérennité). En utilisant le modèle des socio-styles, Duchéneaut présente 4 sortes d’entrepreneurs : les rebelles, les matures, les initiés et les débutants (1999). Mais la diversité de ces typologies montrent une perception différente de l’acte entrepreneurial et ne permet pas d’établir la présence de certains traits chez les entrepreneurs que les non entrepreneurs n’auraient pas.

De nombreux chercheurs, la plupart anglo-saxons, se sont alors demandés si on pouvait mettre en avant certains traits de caractères pour expliquer l’entrepreneuriat.

Dans une analyse clinique célèbre, Kets De Vries (1996) insiste sur les traits psychologiques des créateurs, qui seraient littéralement « habités » par leur passé, qui expliquerait la création. En mettant en avant le goût du sacrifice, la recherche de la domination et le refus de l’autorité,, l’auteur montre que les entrepreneurs seraient « inadaptés » à des environnements codifiés (« struggling with the demons » 2001).

A l’opposé d’une approche déterministe, certains auteurs mettent en avant l’influence d’évènements contraints qui auraient généré la création (notion « d’accident »). Fayolle montre que la création permettrait de limiter les risques (2001), comme c’est le cas pour une partie des auto entrepreneurs à l’heure actuelle.

Même si ce mouvement est contesté, l’approche par les traits est encore d’actualité, principalement au Canada, à travers 2 chercheurs. Jean-Charles Cachon cherche à expliquer l’acte de création à travers un article au titre évocateur : « entrepreneur, pourquoi ? Comment ? Quoi ? ». A la première question, il présente une réponse intégrant différents vecteurs de motivation ; avec des explications d’ordre social et psychologique. Il rappelle les travaux de Mac Clelland sur le besoin d’accomplissement du créateur (1961), mais aussi le sentiment de contrôle (Rotter, 1964), l’indépendance (Collins et Moore, 1964) et le besoin de prendre des risques (Atkinson, 1957). Une autre piste évoquée est celle des origines, en particulier de la dynamique familiale et de la présence d’entrepreneurs dans la famille du créateur (Levinson, 1971). Enfin, l’étude des croyances quant à leur rôle social est également avancée, avec un système de valeurs particulier et une vision dichotomique du monde. Les entrepreneurs seraient des marginaux qui assumeraient leur statut (Bechhofer, 1974). Dans leur ouvrage : « la réussite des entreprises » (1990), Maul et Mayfied insiste sur l’appétit de la prise de risque qui caractérise les créateurs, mais également sur la recherche de la liberté, l’optimisme et la nécessité de travailler dur. Jean-Pierre Bozek, dans un ouvrage récent (« coachez les entrepreneurs » chez Eyrolles en 2008) avance la piste des circonstances qui façonnent l’entrepreneur mais aussi des permissions qu’il se donne et de son expérience antérieure. L’entrepreneuriat ne serait pas un process linéaire mais bien oscillant, avec des hauts et des bas, assumés par le créateur.

L’approche la plus solide reste sans conteste celle de Gassé, au Canada, à l’université Laval. Il a testé 2000 entrepreneurs pour évaluer et classer les principales caractéristiques des entrepreneurs. Il trouve 10 caractéristiques principales qu’il classe en 3 dimensions : la motivation, les aptitudes et les attitudes. Il construit ainsi un modèle expliquant l’entrepreneuriat à travers 5 pôles : les antécédents (le passé de la personne et son histoire), les motivations (le besoin de réalisation, les défis et l’indépendance), les aptitudes (compétences latentes qui se développeraient à la création), les attitudes (prises de position conscientes ou non, influencées par les perceptions) et les comportements réels (savoir être). Le test MACE (motivation/aptitude/comportement entrepreneurial) permettrait de détecter les entrepreneurs potentiels. Il est une sorte de miroir des forces et faiblesses et posséderait un caractère prédictif élevé quant à la pérennité de l’entreprise. Un autre test reprend le même type de protocole (test ICE, « inventaire des caractéristiques entrepreneuriales »).

Pour résumer la position de Gassé, on pourrait présenter l’entrepreneur comme motivé par la réalisation et la réussite, mais aussi l’autonomie et la liberté ainsi que la réputation et la reconnaissance. Ses aptitudes principales seraient la confiance en soi, l’enthousiasme, la persévérance mais aussi le flair et la créativité. Enfin, ses attitudes privilégiées seraient une orientation vers l’action, la croyance de pouvoir influencer les évènements et la nécessité de prendre des risques. Même si ce profil peut servir de base à des tests, on peut se demander s’il est suffisant pour expliquer la création dans son ensemble.

1.3.…l’échec d’une généralisation du modèle

L’approche basée sur la personnalité peut être résumée par l’équation suivante : succès entrepreneurial = (f) personnalité. Ce sont surtout les années 60 qui regorgent de recherches sur ce thème, on en a recensé presque une centaine en tout, qui se prolongent avec les travaux du professeur Gassé au Canada, dans les années 2000. Mais ces résultats sont mitigés car ils mettent en corrélation les traits de personnalité, la motivation et les performances de l’entrepreneur. Ils ne permettent pas de mettre en avant la réussite des entrepreneurs dotés de ces traits par rapport aux autres. Lorrain et Dussault démontrent (1988) que les traits de personnalité ne discriminent pas les entrepreneurs à succès de ceux à échec, dans une étude réalisée sur des entreprises 3 ans après leur création. Il existerait bien des prédispositions à la création mais celles-ci deviendraient moins utiles par la suite, pour assurer la pérennité de l’entreprise (Belley, 1994). Gartner propose d’abandonner les recherches sur ce thème et de se tourner vers d’autres pistes (1988). Un nouveau courant émerge alors dans les années 90, que l’on peut appeler approche basée sur les comportements. Chandler et Jansen (1992), Heron et Robinson (1993) se tournent vers les compétences comme vecteur de la performance. D’après eux, la compétence serait plus pertinente pour expliquer la pérennité, l’approche par les déterminants psychologiques montrant trop de limites. On peut également préciser qu’il est difficile d’intégrer les compétences comportementales, ou savoir être (Sandra Bellier, 2000) comme vecteurs pertinents de la performance, ou alors il faut les redéfinir. En effet, trop d’analyses se sont focalisées sur des comportements du type : « charisme, assurance, présence, honnêteté, loyauté », qui, s’ils sont importants, ne peuvent apporter de valeur prédictive quant à la performance. C’est sur ce courant que se sont appuyés de nombreux journalistes ou entrepreneurs américains pour stigmatiser « l’esprit d’entreprise », présent dans les « success stories », mais qui ne peut constituer un élément à l’appui d’une recherche sérieuse sur la réussite de l’entrepreneur. Plus récemment, on a cherché à s’orienter vers les compétences, alors que certains précurseurs avaient déjà envisagé quelques analyses par le passé.

 2. La définition d’un véritable métier par une approche par les compétences

2.1. L’influence des grands auteurs du management (Chandler, Penrose…)…

L’analyse de la documentation scientifique des productions des chercheurs en management montre qu’avant 1990 les chercheurs ont très peu fait allusion aux compétences que doivent posséder les entrepreneurs. Les premiers travaux sont à rechercher dans l’école dite de la ressource (Penrose en 1959). Cette approche est une alternative à l’approche de Porter qui est basée sur le positionnement de l’entreprise face à la concurrence. Dans les années 90, Hamel et Prahalad vont développer encore cette théorie qui montre que l’entreprise va faire la différence par rapport à une autre par la détention de ressources rares. Ils mettent en avant des formes de connaissances et de pratiques maîtrisées par les acteurs de l’entreprise. Ils prennent en compte la dimension stratégique de la compétence ce qui va permettre le développement d’une véritable approche par la compétence. En effet, à partir des travaux sur la ressource, et de leur extension fondée sur la connaissance, une théorie émerge en mettant en avant la compétence qui donnerait une dimension supplémentaire à l’entreprise. (Durand, 2006).

Le nouveau courant qui émerge au début des années 90 explique la performance de l’entreprise à travers les compétences des entrepreneurs. Ce courant s’oriente vers la caractérisation de ce dernier par ce qu’il fait et non plus par ce qu’il est (Gartner, 1988). La recherche des compétences clés apparaît alors comme une priorité dans les travaux des chercheurs des années 80 (Crozier, 1985). Mais c’est au début des années 90 que les auteurs vont chercher à mettre en avant une typologie d’entrepreneurs fondée sur des compétences fondamentales.

Pour bien comprendre de quoi on parle lorsque qu’on travaille sur les compétences, il ne suffit plus d’adopter la définition basique (somme de savoirs, savoir faire et savoir être) qui n’a plus de sens mais adopter celle qui prévaut dans la démarche de VAE : « ensemble de savoirs en action » (livret 2 de VAE, Education Nationale). Pour aller plus loin, nous proposons la définition de Guy Le Boterf, spécialiste incontesté de la compétence qui distingue dans son dernier livre, « être compétent » (être capable d’agir et de réussir avec pertinence dans une situation de travail) et « avoir des compétences » (posséder des ressources pour agir avec compétence). Son approche est combinatoire et situationnelle car le professionnel combine des ressources dans une situation donnée. (Le Boterf, 2010, « repenser la compétence » aux éditions Eyrolles)

2.2. …conduit à la mise en place de typologies

Les typologies développées à partir des années 90 sont beaucoup plus fines que les premiers travaux des années 80. La première à faire véritablement référence est celle de Chandler en 1992. Il classe les compétences en trois types : les compétences entrepreneuriales, managériales et technico-fonctionnelles. Les auteurs ont décliné ces compétences en capacités à : identifier et prendre avantage d’opportunités, travailler intensément, coordonner les intérêts et les activités de l’entreprise, diriger des individus et affirmer sa position dans un réseau d’affaires et les capacités techniques.

En 1993, Herron et Robinson proposent une typologie de 7 compétences :

Concevoir des produits ou services, évaluer les diverses fonctions de l’entreprise, comprendre son secteur d’activité et ses tendances, motiver son personnel, créer des relations d’influence dans son réseau d’affaires, planifier et administrer les activités de l’entreprise et implanter des opportunités.

Mais avec une nouvelle étude, celle de Baum, en 1995, on revient à la typologie du début des années 90 avec : la capacité cognitive, la capacité organisationnelle, la capacité décisionnelle, la capacité technique et la capacité à identifier et implanter des opportunités. Cette étude a été réalisée auprès de 363 entrepreneurs. Toutes ces typologies ont permis aux chercheurs qui ont suivi, à la fin des années 90 puis dans les années 2000, d’affiner l’approche par les compétences et de proposer de véritables référentiels.

2.3. …qui favorisent l’émergence de référentiels de compétences

2.3.1. La question de la construction du référentiel

Avant d’élaborer des référentiels, les chercheurs se sont posé la question de la légitimité de la compétence. Ce n’est que récemment que d’importants travaux ont fait la lumière sur la justification théorique du concept de compétence en entrepreneuriat (Loué, 2006). Alors que le concept de compétence s’appliquait largement au salariat, dès les années 60, il butait encore sur l’approche plus « psychologique » et comportementale de l’entrepreneur qui faisait référence depuis les travaux de Schumpeter (voir 1). L’approche de Malglaive (1990), «  un savoir en action  » est celle qui est apparue la plus évidente pour amorcer cette analyse. Mais la diversité des approches de la compétence, même si elle a pu permettre d’expliquer les différences d’entrepreneuriats, a surtout constitué un frein à la mise en place d’un référentiel commun et accepté par tous. Encore aujourd’hui, on perçoit des différences d’approches suivant la définition de la compétence qui est retenue. Lichtenberg retient 2 invariants applicables à la situation d’entrepreneuriat :

  • L’appréciation individuelle de la compétence et son caractère non interchangeable d’un individu à l’autre,
  • La contextualisation de la compétence qui se révèle en situation.

Si l’on se réfère aux travaux d’Hamel et Prahalad, et au concept de compétences clés, on pourrait retenir que les compétences seraient :

  • Difficiles à imiter
  • De réelles valeurs ajoutées
  • Des vecteurs de diversité de l’offre sur un marché

C’est bien l’approche basée sur l’action qui va permettre de travailler sur un référentiel pertinent (Laviolette et Loué, 2006). Elle met en avant les savoir faire qui permettent l’opérationnalisation et posent la question du développement et du maintien des compétences (voir 3).

2.3.2. Les évolutions actuelles

On peut dire que la recherche actuelle, surtout en France, s’intéresse à la mise en place de référentiels de compétences. Ils s’appuient sur les travaux plus anciens qui ont présenté les grands domaines de compétences de l’entrepreneur et ont permis d’affiner les compétences par des méthodes de recherche différentes ;

2.3.2.1. De référentiels basiques…

Une première approche simple en termes de référentiel consiste à identifier les grands domaines de compétences de l’entrepreneur. Le SAJE de Montréal propose un profil de compétences pour les apprentis entrepreneurs, à travers un questionnaire très fouillé. Il regroupe ces compétences de base en trois pôles, en suivant une démarche « chronologique » (de l’idée au développement) :

  • le pôle entrepreneurial : qui intègre différentes compétences servant à créer (concevoir, promouvoir, créer, acheter des parts dans une affaire)
  • le pôle de gestion : qui permet d’assurer la viabilité de l’entreprise, dans un premier temps (gérer l’entreprise, gérer les ventes, gérer la production, orienter)
  • le pôle personnel et interpersonnel : qui permet de développer l’entreprise, en communicant (bâtir un réseau, développer la communication et 29 compétences et attitudes personnelles qui renvoient aux recherches de Gassé).

Cette approche est pratique dans une logique de positionnement, en particulier d’étudiants ou de chercheurs d’emploi, mais elle n’est pas assez précise.

Plutôt que de parler de référentiel, avant d’en proposer un très élaboré, Verstraete (2001) propose d’étudier les différentes dimensions de l’entrepreneuriat, ce qui nous éclaire dans la perspective de la recherche de compétences. Il présente 3 dimensions à travers cette figure :

Source : Verstrate « entrepreneuriat : modélisation du phénomène (www.adreg.net)

Dans l’approche cognitive, l’entrepreneur va développer une pensée stratégique, mais aussi sa réflexivité, ce qui va aller de pair avec l’apprentissage né de l’action et de l’expérience (on apprend en faisant). Après avoir eu cette représentation, l’entrepreneur va raisonner en termes de structure. Elle sera objective, en suivant l’approche de Bourdieu sur le capital, incluant toutes les formes d’apports dans l’entreprise (économique, culturel, social). Au niveau subjectif, on retiendra l’approche de l’école des conventions (Orléan, 1994) qui postule qu’il existe des conventions régissant le comportement des acteurs, en particulier des entrepreneurs. Enfin, l’approche praxéologique va permettre à l’entrepreneur de se positionner par rapports aux différentes parties prenantes et de mettre en place la configuration adéquate (GRH, relations avec l’environnement).

Dans une contribution assez complète sur le sujet, Lorrain, Belley et Dussault ont cherché à mettre en place un outil d’élaboration de référentiel à partir de questionnaires. Ils présentent d’abord les premiers référentiels de compétences pour choisir une base de travail. C’est le référentiel de Chandler et Jansen (1992) qui parait à la fois le plus basique et aussi le plus pertinent à des fins de développement. Il décline les compétences en 3 catégories :

  • les compétences entrepreneuriales (identifier et prendre avantage des opportunités, travailler intensément)
  • les compétences managériales (coordonner les intérêts et les activités de l’entreprise, diriger les individus, se positionner dans un réseau d’affaires)
  • les compétences technico-fonctionnelles (utiliser les outils, les procédures et les techniques spécialisées)

Ces compétences ont été validées sur un échantillon de 134 créateurs. Heron (1990) a formulé une liste de 7 habiletés qui peuvent se retrouver dans la typologie précédente. (Concevoir, évaluer les fonctions de l’entreprise, comprendre son secteur, motiver les autres, créer des relations d’influence, planifier et administrer, identifier et implanter des opportunités). Baum (1995) ira jusqu’à mettre en relation les habiletés et la croissance de l’entreprise, à travers 5 habiletés (cognitive, organisationnelle, décisionnelle, technique, d’identification des opportunités).

On peut faire le lien entre les catégories au sens de Chandler et les habiletés développées par les différents auteurs à travers le tableau suivant tiré de l’article de Lorrain, Belley et Dussault (« les compétences de l’entrepreneur » 4°congrès international francophone de la PME, université de METZ-NANCY) :

(Source : Lorrain, Belley et Lussault, université de Metz-Nancy)

A partir de toutes ces recherches, les auteurs ont pu alors affiner le concept de compétences en changeant surtout les protocoles de recherche.

2.3.2.2. …aux référentiels développés

Laviolette, Baronet et Loué ont présenté récemment (Avril 2010) un référentiel validé de manière qualitative auprès d’une trentaine d’entrepreneurs issus de 3 pays, ce qui permet de neutraliser la contrainte culturelle. Il ressort de cette étude des compétences validées et ordonnées en fonction des citations. Le référentiel produit présente alors plusieurs pôles et des compétences principales :

  • Compétences entrepreneuriales :
    • Impulser une organisation
    • Détecter une opportunité
    • Avoir une vision stratégique
    • Formaliser un plan d’affaires
    • Innover
  • Compétences managériales :
    • Faire preuve de leadership
    • Planifier l’activité
    • Suivre la production
    • Manager et susciter l’adhésion
  • Compétences commerciales et mercatiques :
    • Déployer un argumentaire de vente
    • Démarcher et prospecter
    • Développer une stratégie commerciale
    • Adapter les produits à la demande
    • Fidéliser
  • Compétences en GRH :
    • Recruter
    • Former
    • Evaluer
  • Compétences en gestion financière :
    • Gérer la trésorerie
    • Comprendre les documents comptables
    • Utiliser les ratios et indicateurs
  • Compétences comportementales :
    • Résister au stress
    • Etre visionnaire
    • Innover
    • Persévérer

On voit que ce référentiel permet de synthétiser les travaux déjà anciens des chercheurs et l’apport des praticiens. Il définit déjà les contours d’une profession et pourrait être utilisé comme référentiel d’évaluation lors de formations.

Il faut également présenter les travaux très poussés de Boughattas et Bayad au CEREFIGE de l’université de Nancy. En s’intéressant aux cas des très petites entreprises, ils ont mené plusieurs recherches qualitatives pour affiner un référentiel mixant compétences, capacités et aptitudes. Leur démarche a permis d’identifier et de mettre sur pied un référentiel permettant l’autoévaluation des entrepreneurs. Pour cela, ils ont confronté le référentiel conçu par des experts à des entrepreneurs de TPE. Il en ressort un document très complet avec 7 compétences génériques, 25 capacités et 88 aptitudes. Dans une autre étude, avec Christophe Schmitt, ils vont pointer une nouvelle compétence générique (la maîtrise de l’information) et développer 39 capacités. Les compétences retenues apparaissent sur ce tableau (source : Boughattas, Bayad et Schmitt « démarche d’identification et évaluation : approche par référentiel compétences » CEREFIGE) :

Laviolette et Loué ( 2007) ont également proposé une version plus poussée de leur référentiel vu plus haut. Dans cette version, les compétences « internes » aux grands pôles sont développées et nuancées, en particulier dans des domaines tels que les ressources humaines. Le référentiel développé suivant peut ainsi être établi :

Domaine de compétence Compétence
Compétences entrepreneuriales
  • Imaginer des produits ou services potentiels à partir des besoins insatisfaits et des besoins futurs
  • Concevoir ces nouveaux produits ou services en analysant leur faisabilité technique, commerciale et financière
  • Formaliser un système d’offre
  • Positionner un système d’offre par rapport aux concurrents existants et potentiels
  • Établir les stratégies de développement de l’entreprise
  • Faire la diagnostic des moyens disponibles et manquants (financiers, humains matériels, techniques) formalisés dans un plan d’affaires
  • Déterminer les modalités d’actions envisagées pour combler les écarts constatés
  • Concevoir une organisation en rassemblant les moyens financiers, matériels et humains à partir des objectifs fixés
  • Répartir et coordonner les moyens obtenus
Compétences managériales
  • S’imposer comme un leader
  • Susciter l’adhésion et l’implication de ses collaborateurs et/ou partenaires
  • Faire circuler l’information en interne et à l’externe en utilisant les bons supports (mails, réunions, rencontres informelles, courriers internes)
  • Tenir un discours clair et cohérent face à une personne ou un groupe de personnes
  • Planifier les travail de ses collaborateurs en fonction des objectifs fixés dans le plan d’affaires
  • Déléguer et responsabiliser ses collaborateurs
  • Suivre et contrôler la bonne atteinte des objectifs
  • Évaluer les résultats obtenus sous la forme d’un bilan
  • Récompenser l’effort et la performance
  • (Re)mobiliser, stimuler, motiver, encourager, accompagner ses collaborateurs
  • Résoudre les conflits au sein de l’équipe
Compétences commerciales et marketing
  • Identifier des cibles commerciales en segmentant le marché
  • Réaliser une étude de marché afin d’identifier et mieux cerner la cible et ses attentes
  • Définir la stratégie commerciale en établissant les « quatre P » (Product, Price, Place, Promotion)
  • Élaborer un argumentaire de vente adapté au client / prospect visé
  • Prospecter en utilisant le moyen approprié (téléphone, fax, mail...)
  • Déployer l’argumentaire de vente pour susciter l’adhésion et négocier les conditions de la vente du produit ou du service
  • Écouter le client / prospect, identifier ses attentes pour mieux répondre à sa demande en vue d’adapter et/ou enrichir l’offre
  • Relancer le client / prospect en utilisant les techniques appropriées
  • Fidéliser le client en effectuant des relances régulières et en entretenant avec lui des relations privilégiées
Compétences en gestion des ressources humaines
  • Définir un besoin de recrutement
  • Traduire ces besoins de recrutement en termes de métier, d’activités et de compétences
  • Choisir les viviers adéquats en fonction du poste à pourvoir
  • Formaliser, en amont, un entretien de recrutement
  • Mener un entretien de recrutement
  • Connaître la réglementation en vigueur concernant les contrats de travail et diverses aides à l’embauche
  • Choisir le contrat de travail le plus performant
  • Rédiger un contrat de travail
  • Fixer la rémunération du collaborateur
  • Connaître et appliquer les obligations légales en matière de fiscalité liée aux salaires
  • Rédiger un bulletin de paie
  • Planifier les ressources humaines
  • Détecter les perspectives de développement de l’entreprise en fonction des compétences de chacun de ses salariés
  • Évaluer et valoriser les compétences des collaborateurs en fonction des besoins de l’entreprise et de leurs diverses aspirations
  • Favoriser le transfert des compétences en encourageant les échanges inter-individuels et le travail d’équipe
Compétences en gestion financière
  • Anticiper et gérer les délais d’encaissement et de décaissement auprès des clients et des fournisseurs
  • Identifier les postes principaux de trésorerie
  • Gérer le niveau de trésorerie résultant à la fin d’une période (solde positif ou négatif)
  • Identifier/prévoir les besoins financiers de l’entreprise à court et log terme
  • Identifier les ressources possibles de financement à court et long terme
  • Articuler dans le temps les besoins et les ressources et les faire évoluer en fonction des perspectives de développement de l’entreprise
  • Se projeter dans le temps en développant une approche anticipatrice du risque et de la rentabilité en utilisant des outils prévisionnels
  • Gérer et anticiper les impacts fiscaux et financiers d’une décision d’investissement
  • Connaître et anticiper les contraintes et les opportunités sociales et fiscales

(Source : Laviolette et Loué « les compétences entrepreneuriales en incubateurs » ADVANCIA, 2007)

Il est à noter que les auteurs ont « fusionné » plusieurs compétences et sont revenus à des pôles assez proches de ceux définis par Chandler, l’aspect technico-fonctionnel se déclinant de manière plus « moderne » en compétences techniques de gestion suivant 3 axes que nous connaissons bien puisqu’ils servent de base aux systèmes de formation (commercial, RH et financier).

Cette approche aujourd’hui fait référence parmi les chercheurs mais aussi les praticiens, par exemple les acteurs de la formation des futurs entrepreneurs. On peut alors se demander pourquoi et comment acquérir et développer ces compétences.

 3. Des compétences à acquérir et à développer

3.1. Pourquoi faut-il les développer ?

3.1.1. Le contexte économique : développement et analyse des défaillances d’entreprises

L’analyse des défaillances d’entreprises (La Tribune, 2009 et INSEE, 2010) fait apparaître plusieurs enseignements :

  • Le manque de profitabilité a été le premier facteur de défaillance en France durant la crise.
  • Un trop fort endettement ou un besoin en fond de roulement (BFR) trop négatif constitue le second facteur de défaillance.
  • Les TPE sont plus vite touchées que les autres
  • Certains secteurs sont très sensibles à la crise (industrie)
  • Les entreprises créées par des jeunes et des femmes sont plus exposées aux risques
  • La formation des entrepreneurs est un facteur de pérennité, au-delà d’un an d’existence

Ce dernier point nous amène à réaffirmer l’importance de l’acquisition et du développement des compétences. Celles-ci peuvent permettre de réduire les risques de défaillances dans tous les domaines.

Cependant, une étude récente de la COFACE montre que les défaillances sont en recul en 2010 (- 12 % par rapport à Octobre 2009), soit environ 5000 défaillances enregistrées en Octobre 2010. Une meilleure formation combinée à l’information semble être la cause de ce recul. Enfin certains travaux ont montré que les compétences de l’entrepreneur constituaient la condition essentielle du succès d’une TPE (Ibrahim, Goodwin et Ellis, 1986).

3.1.2. Les compétences comme vecteur de la performance

Lorsqu’on s’intéresse à la dynamique de la performance et à ses liens avec les compétences, on se doit de considérer la performance comme un produit complexe composé de différents éléments combinés : les compétences, l’organisation, les moyens, le management et la motivation ainsi que l’environnement. On peut la schématiser :

(Source : A. Ferry, CNAM)

Si un seul des éléments est défaillant (mauvaise organisation ou manque de moyens…), alors la performance est compromise. L’absence de compétence, ou les compétences insuffisantes nuisent donc à la performance. La situation est complexe comme l’a démontré Meier en cherchant à étudier la vulnérabilité des TPE dans un environnement mondialisé (Meier, 2009). Il existe bien une dynamique ressources-compétences qui induit la performance.

3.2. Comment faut-il les développer ?

3.3.1. Le développement par l’action

Dans le domaine de l’entrepreneuriat, l’action constitue une manière privilégiée d’acquérir des compétences en se confrontant au terrain. Le processus d’acquisition des compétences entrepreneuriales a fait l’objet de plusieurs études (Bygrave et Hofer, 2001 ; Minniti et Bygrave, 2001 ; Cope , 2005 ; Politis, 2005 ; Aouni et Surlemont, 2007) qui montrent que « l’entrepreneuriat est un processus d’apprentissage ». L’entrepreneuriat est défini comme un processus continu et cumulatif (Surlemont, 2007). Les expériences professionnelles vont pouvoir être transformées en connaissances utiles pour l’exploitation de l’opportunité (Politis, 2005). On évoque également la notion de « routines professionnelles » (Minniti et Bygrave, 2001). L’entrepreneur adoptera donc 2 stratégies qui favoriseront le développement de son entreprise, donc de ses compétences :

  • Une stratégie d’exploitation, qui privilégiera les actions similaires, mais renforcera les compétences de base
  • Une stratégie d’exploration qui mettra en avant de nouvelles actions suivant un processus d’essais-erreurs et renforcera également les compétences.

Ces travaux rejoignent les analyses de Chandler et du courant actionnaliste qui tente d’expliquer que l’entrepreneur progresse et apprend à travers ce qu’il fait (Gartner, 1988).

3.3.2. Le développement par la formation

Depuis quelques années déjà des cursus existent pour former à l’entrepreneuriat. Au départ, les chambres de commerce ont semblé légitimes pour mettre en place des formations, non diplômantes pour la plupart puis des certificats consulaires. Avec le développement des licences professionnelles et des MASTERS professionnels, les universités ont saisi l’opportunité de ces cursus, mais ce sont les écoles de commerce qui montrent le plus de dynamisme dans le domaine. Chacune développe plusieurs formations au niveau BAC + 5, avec des cursus basés sur l’innovation et l’interculturalité. Ils s’adressent à des porteurs de projets innovants désirant développer à l’international, le plus souvent. La formation continue s’adresse à des cadres en entreprise désirant créer leur structure, le plus souvent dans une logique d’essaimage. Ce positionnement risque d’exclure de la formation toute une partie des créateurs, de très petites structures, à l’instar des auto-entrepreneurs, qui seraient susceptibles de commencer « sans formation » ! Avec les risques d’échecs et de désillusions importants qui seraient inévitables…

Certains IUT, à travers des licences professionnelles, comme l’IUT de Bordeaux articulent leur formation autour de 5 UE (conception du modèle d’affaires, conception du plan d’affaires au premier semestre, entrepreneuriat, développement ou reprise et projet professionnel au second semestre). Cependant, ces cursus réclament un niveau BAC + 2, ou une procédure VAP pour les intégrer, ce qui exclut du champ de la formation les porteurs de projets au passé scolaire difficile ! Le CNAM a lancé depuis peu le CETPE (certificat d’entrepreneur de la très petite entreprise), diplôme niveau 3, à partir d’une formation-action basée sur l’alternance de 3 périodes : une phase d’acquisition des connaissances de base, puis une phase de transformation des connaissances en compétences, l’apprenant devenant acteur de son projet ; et enfin une phase de partage où l’apprenti-entrepreneur va présenter son projet et le partager avec les autres membres du groupe de formation. Les ingénieurs de formation du CNAM qui ont conçu cette approche mettent en avant l’apprentissage par l’action, cher à Malglaive ou Le Boterf. L’ensemble s’articule autour d’un outil EXCEL (AGIR) qui constitue la colonne vertébrale de la formation car il permet d’accompagner les stagiaires du début à la fin du projet. Il permet de formaliser le projet (AGIR PROJET) et de faire émerger les compétences nécessaires (AGIR COMPETENCES).

Voici l’écran de démarrage de l’onglet « AGIR COMPETENCES » (source : CNAM)

On voit bien que les compétences sont au cœur du processus de formation avec un outil qui permet une implémentation permanente et des temps d’autoévaluation (début, pendant et à la fin de la formation), durant les 4 mois de la formation. Cet outil va accompagner le stagiaire qui pourra s’en servir après la fin de la formation. Car se pose le problème de la pérennisation de l’entreprise, quand on étudie les statistiques et qu’on constate le taux de mortalité à 5 ans des TPE. Il s’agit donc d’envisager de nouveaux process d’accompagnement des entrepreneurs.

3.3.3. Le développement par l’accompagnement

Si former l’entrepreneur apparaît essentiel en termes de compétences, l’accompagner permet de développer ses compétences. L’accompagnement est au cœur des travaux du CEREFIGE de l’université de Nancy mais aussi des travaux du CNAM de Lorraine qui ont permis la création du certificat d’entrepreneur de la TPE, vu plus haut. Une expérience de formation élargie (Ile de France plus d’autres régions) va débuter en Janvier 2011 avec comme initiateur le Pôle Emploi et le CNAM comme opérateur de formation, avec l’aide des GRETA d’Ile de France.

La question est de savoir comment aider au mieux l’entrepreneur à gérer ses multiples compétences. Ceux-ci restent souvent réticents à l’accompagnement (Cullière, 2003), à cause de représentations négatives (Belet, 1993). Il faut que l’accompagnateur soit légitime à leurs yeux et apporte une véritable aide. Sa légitimité sera liée à 7 attributs mis en avant par l’étude du CEREFIGE (Bayad, Gallais, Marlin et Schmitt, 2010) :

  • Le niveau d’expertise élevé
  • La finalisation des prescriptions
  • L’empathie
  • L’interactivité
  • L’implication
  • La lisibilité des informations
  • La réputation de l’accompagnateur

L’accompagnateur va agir en facilitant l’adaptation par un processus de « décadrage » et « recadrage » de la situation nouvelle (Bateson, 1972). La question de la relation dans l’accompagnement sera alors centrale. Quelle posture adopter pour accompagner ? Les contours du positionnement des figures de l’accompagnement ont été mises en avant dans le mémoire pour le D.U. de coaching de l’université de Paris 2 (Jacquet, 2005, cité par le CEREFIGE, 2010) :

On voit bien que 4 postures sont possibles pour accompagner l’entrepreneur, il s’agit juste d’être clair avec l’approche retenue et qu’elle convienne à l’entrepreneur. Des changements de postures durant le processus sont toujours possibles, toujours avec l’accord des deux parties.

On pourrait alors tenter d’explorer les postures de l’entrepreneur, par rapport à ses compétences, à travers la carte perceptuelle suivante (Jacquet, 2010) :

Quatre grandes compétences ont ainsi été retenues. L’accompagnement de l’entrepreneur ne peut se faire qu’en connaissant d’abord la posture principale de l’entrepreneur, pour mieux agir sur les compétences de base. Par exemple, un entrepreneur en phase de démarrage pourra être en posture de « visionnaire » et avoir besoin d’un accompagnement permettant la structuration de son entreprise, par exemple de type ingénierie financière ou juridique. En phase de pérennisation, il aura développé une posture de stratège, lui permettant de créer de la valeur. Il s’agira de l’aider à pérenniser son affaire en travaillant sur la gestion des ressources, principalement la GRH mais aussi les ressources matérielles et financières. En phase de management, l’entrepreneur devra développer des compétences lui permettant de catalyser les autres pour dynamiser son entreprise, comme la compétence de remobilisation ou celle de stimulation, mais également l’aptitude à la résolution des conflits. Cet outil permet à l’accompagnateur de suivre au plus près l’entrepreneur. A condition que celui-ci soit convaincu de l’utilité d’un tel guidage.

On l’a vu, la compétence est aujourd’hui au cœur de la problématique de l’entrepreneur, à condition de la repenser (Le Boterf, 2010) pour éviter les gaspillages (référentiels non appliqués, « projets compétences » avortés…). C’est donc bien une « ingénierie de parcours » et non de programme qu’il faudra adopter (Le Boterf, 2010). On pourrait ainsi se demander comment s’adapter de manière plus ciblée aux besoins de formation continue des entrepreneurs, durant le développement de l’entreprise.

 Bibliographie indicative :

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Le métier d’entrepreneur : des compétences à développer, acquérir et maîtriser

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