Les risques psychosociaux et la responsabilité du chef d’entreprise

, par Christophe Lechaptois

Une relation de cause à effet semble prévaloir entre le cout des RPS - dont le stress couterait en France de 3 % à 4 % du PIB, soit environ 60 milliards d’euros selon le BIT - et la décision de la Cour de cassation obligeant, par un arrêt du 3 février 2010, les entreprises à offrir à leurs salariés un milieu exempt non seulement de tensions, mais aussi de risques de tensions. Si l’application scrupuleuse de la loi par les entreprises ne les immunise pas totalement d’éventuelles tensions, elle peut avoir un effet contreproductif. Quelle orientation les entreprises doivent elles tenir en matière de risques psychosociaux ? C’est difficile à dire. Les entreprises s’intéressent bien sûr à la prévention ou à la gestion de crises humaines déclarées. Leur intérêt se porte aussi, en amont, sur l’impact humain de leur stratégie. Elles n’ont par contre aucune garantie sur le type de management à adopter. Le juge seul appréciera, en cas d’accident du travail, la « faute inexcusable » de l’employeur en fonction des mesures de prévention ou de traitement mis en œuvre par l’entreprise.

 Introduction

Les risques psychosociaux et la responsabilité du chef d’entreprise

La notion de travail trouve son origine dans le mot latin tripalium, un instrument à 3 pieux, un instrument de torture, de combat pour gladiateurs ou destiné à ferrer les chevaux rétifs. Travailler serait donc vécu comme une torture. Torture physique dans le film « les temps modernes », torture morale et risques psychosociaux aujourd’hui en répercussion des pressions mises en œuvre par toutes les organisations en recherche d’efficacité économique pour les entreprises privées, d’efficacité de l’action publique pour les organisations de la fonction publique. Lorsque les entreprises investissent dans leur système de production de richesses, on constate trop souvent encore qu’elles ne prennent en compte que les aspects organisationnels, techniques et financiers. Mais à un moment ou un autre, elles se trouvent confrontées à des difficultés dans leur gestion des ressources humaines. Les entreprises industrielles notamment maîtrisent pourtant leur niveau de sécurité au travail du fait de l’amélioration de leurs processus de production. Mais l’ensemble des organisations observe une augmentation des nouvelles pathologies du travail : violences physiques et psychologiques, dépendances et stress. L’intensification du travail, l’augmentation des exigences de productivité ont entrainé une dégradation des conditions de travail pour les salariés, dégradation révélée non seulement par l’augmentation du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles mais aussi par les témoignages de souffrance des salariés au travail, les cas de suicides en étant malheureusement l’expression aigüe. La santé au travail n’est dès lors plus un axe de la gestion des Ressources humaines, elle en est la limite. C’est pour cela que depuis une dizaine d’années, les risques psychosociaux en situation de travail font l’objet de recherches en sciences sociales. L’objectif est ambitieux : la prévention de ces risques majeurs du travail relatifs à la santé et à la sécurité permet non seulement de réduire les coûts cachés du travail, mais plus encore de faire du bien-être au travail un vecteur de performance.

Lorsqu’on s’interroge sur la signification de l’adjectif « psychosocial » qui qualifie le risque, deux sens différents viennent à l’esprit. En premier lieu, les risques peuvent être relatifs au dommage. Ils s’expriment par des troubles psychologiques, « sociaux » renvoyant à des troubles de l’insertion sociale. En second lieu, les risques psychosociaux sont relatifs aux causes du danger créé par l’interaction d’une situation sociale avec le psychisme. C’est cette deuxième solution qu’a adopté le Ministère du Travail considérant que ce qui fait qu’un risque pour la santé au travail est psychosocial, ce n’est pas sa manifestation, mais son origine : « les risques psychosociaux recouvrent des risques professionnels qui portent atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés : stress, harcèlement, épuisement professionnel, violence au travail... Ces risques peuvent entraîner des pathologies professionnelles telles que dépressions, maladies psychosomatiques, problèmes de sommeil, mais aussi générer des troubles musculo-squelettiques, des maladies cardio-vasculaires, voire entraîner des accidents du travail ». Ces situations de danger ne sont pas toujours clairement identifiées. A propos du concept de risque en situation de travail, Jean Pierre Brun [1], fait référence, à la relation de cause à effet entre l’exposition aux dangers du travail et les préjudices engendrés par cette exposition. Le risque serait donc probabilisable selon l’acceptation de Frank Knight [2]. Pourtant pour Hervé Lanouzière [3], directeur de l’ANACT [4], les RPS ont la palme de la complexité. Pour Alain Lancryl [5], le stress est encore un concept incertain et ambigu. On retrouve cette ambigüité risque / incertitude relative à la perception des RPS entre les employeurs et les salariés et elle est d’ailleurs développée par les travaux récents des sociologues. Pour Marichalar et Martin [6], la terminologie « risques psychosociaux » est plutôt employée à l’initiative des employeurs. Les salariés et syndicats évoquent davantage leur souffrance psychique à propos des RPS, ils revendiquent ainsi la reconnaissance par l’employeur des conséquences incertaines sur leur santé et leur prise en compte suivant le principe de précaution sous peine d’engager sa responsabilité. Quoiqu’il en soit, pour Brun, il existe un lien de causalité très fort entre le bien-être au travail et l’efficacité des entreprises. Et si « le contexte économique n’a fait qu’amplifier » les risques psychosociaux, « recouvrant des réalités aussi diverses que le harcèlement moral et sexuel, l’épuisement professionnel, les suicides au travail ou encore les violences adressées aux salariés par des personnes extérieures à l’entreprise », le Conseil économique, social et environnemental (CESE) préconise dans un projet d’avis présenté fin Mai 2013 l’amélioration de la prévention des risques psychosociaux au travail. Nous allons voir dans quelle mesure la prévention peut présenter une réponse à l’inquiétude et l’incertitude qui marque les situations de RPS au travail. Dans une première partie, nous ferons le point sur la mise en évidence de la souffrance du salarié, avant de passer en revue les outils de management dont disposent les employeurs pour gérer les RPS.

 I. Les risques psychosociaux : la mise en évidence de la souffrance du salarié

Dans une enquête réalisée en 2003 auprès de 194 personnes, E. Abord De Chatillon [7] compare les conditions de travail des banquiers avec celles de salariés de l’immobilier, deux secteurs a priori comparables. Dans le secteur bancaire, on retrouve davantage de dépressions, plus d’absentéisme et de congés maladies qu’au sein d’autres secteurs. En approfondissant l’explication, les salariés subissent dans ce secteur plus de pression morale, une moindre liberté dans le travail, un sentiment d’iniquité, du mépris voire des manifestations de harcèlement moral, expressions de leur souffrance.

Les différents acteurs économiques et sociaux reconnaissent à présent la réalité de ces souffrances, il reste néanmoins difficile d’en mesurer l’ampleur et l’évolution en l’absence d’indicateurs spécifiques et fiables. Cette souffrance est complexe, mais l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat conformément à l’article L4421-1 du Code du travail, engageant de fait sa responsabilité pénale.

A. L’état des lieux des RPS

1. Les chiffres

Quelques chiffres illustrent l’urgence à agir en matière de risques psychosociaux :

  • Selon l’IFOP (2007) : 73 % des salariés s’avouent stressés au travail ;
  • Selon TNS SOFRES (2009), 66 % des français se considèrent de plus en plus stressés au travail.
  • * Les enquêtes SUMER 2003 et « conditions de travail » 2005 réalisées par le ministère chargé du Travail auprès de la population active (disponibles sur le site www.travail.gouv.fr rubrique statistiques) montrent les résultats suivants :
    • 60 % des salariés interrogés estiment devoir fréquemment interrompre une tâche qu’ils sont en train de faire pour en commencer une autre,
    • 48 % déclarent travailler dans l’urgence (devoir toujours ou souvent se dépêcher),
    • 53 % déclarent que leur rythme de travail est imposé par une demande à satisfaire immédiatement,
    • 1 salarié sur 4 travaillant en contact avec du public subit des agressions verbales,
    • 42 % déclarent vivre des situations de tension avec le public (parmi les 68 % des salariés en contact avec le public).
  • Selon la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), 20 % des causes des arrêts maladie de plus de 45 jours seraient liés à des troubles psychosociaux.
  • Les français sont les plus démotivés d’Europe selon le baromètre Edenred Ipsos 2013 : en cause, un manque de reconnaissance et une frustration salariale. Ils vont au bureau « à reculons » malgré un attachement plus fort à leur travail que les britanniques plus distants.
  • Enfin, selon un sondage réalisé dans le cadre de la 10e semaine pour la qualité de vie au travail, (sondage TNS SOFRES entre le 7 et le 17 Mai 2013), près de 7 salariés sur 10 interrogés considèrent que la qualité de vie au travail s’est dégradée au cours des 5 dernières années. Les salariés pointent du doigt le manque de temps et de moyens pour faire leur travail, alors que les exigences de leur employeur restent les mêmes voire progressent.

L’opinion publique n’a pris conscience du problème du mal-être au travail qu’à travers les médias : en 2006, Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil réalisaient le documentaire « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés » [8], documentaire mettant en avant les souffrances endurées au travail. En 2009, les suicides sur le lieu de travail dans la société France télécom sont dénoncés. Ces drames qui ont également lieu dans d’autres entreprises, ne sont que la manifestation tragique d’un phénomène beaucoup plus large. En termes de mesure des risques psychosociaux, la France a fait figure de mauvais élève pendant longtemps. Ce n’est qu’en mars 2008 que Xavier Bertrand, alors ministre du travail, a demandé à l’INSEE d’établir une enquête nationale annuelle pour mesurer le stress au travail et identifier les secteurs touchés. Cette initiative fait suite au Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail de Philippe Nasse et Patrick Légeron publié en 2008. Pour dresser un premier état des lieux des RPS au travail en France, le collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux, présidé par Michel Gollac, détermine en octobre 2009 des Indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail [9]. La classification en 6 catégories proposée est à présent reconnue. En 2011, les conclusions du rapport du même collège d’expertise ont dénoncé l’absence en France d’enquête ciblée sur les RPS au travail. « Les mesures effectuées sont partielles et ont moins de cohérence que dans les meilleures enquêtes étrangères ». L’INSEE aborde le thème des RPS, pour la première fois, dans son enquête sur la qualité de la vie de 2011. Il apparaît par exemple que mal-être au travail et mal-être dans la vie courante ne se substituent pas mais s’ajoutent l’un à l’autre. On peut noter également que l’impact des RPS est comparable à celui des problèmes de santé physique. Pourtant, il est moins fort que l’impact des contraintes financières, de l’isolement social et du stress de la vie courante. Le manque de mesure des RPS en France n’empêche pas les professionnels de pouvoir établir que le stress coûterait chaque année à la France entre 2 et 3 milliards d’euros incluant les coûts de soins et la perte de richesse pour cause d’absentéisme, de cessation prématurée d’activité et de décès prématuré (source INRS – Étude réalisée en 2010 basée sur des chiffres de 2007). Pour remédier à ce constat de carence, l’INSEE a entrepris de réaliser une enquête ciblée sur les RPS en 2015 sur un échantillonnage élargi à toutes les catégories de la population active notamment aux personnes sans emploi.

2. Les RPS et la palme de la complexité

La complexité d’un système est le produit du nombre des éléments qui le composent et de la variabilité de ces éléments. La variabilité, conséquence de la variation continue ou discontinue, prévisible ou imprévisible des éléments du système engendre différences et spécificités des systèmes. La complexité renvoie donc au nombre d’éléments du système et à leur propre variabilité et à l’état d’incertitude du système. Les RPS sont des risques professionnels qui renvoient aux impacts qu’ont les conditions de travail sur la santé physique et mentale des travailleurs. Ils sont « à l’interface de l’individu et de sa situation de travail ». Les spécialistes évoquent des RPS multifactoriels qui se caractérisent par l’imbrication de facteurs professionnels (organisationnels, relationnels) et extraprofessionnels (familiaux, personnels). Et cette conjugaison joue évidemment sur la complexité du phénomène.

Force est de constater que le développement des risques psychosociaux est, d’une manière générale, lié aux transformations du travail ainsi qu’à l‘environnement économique et social. On retrouve autant de causes internes à l’entreprise sur lesquelles nous reviendront que de causes externes, notamment un environnement économique hypercompétitif, la situation de crise permanente conjuguée à la peur du chômage, l’allongement des temps de transports.

« Ce qui fait qu’un risque pour la santé au travail est psychosocial, ce n’est pas sa manifestation, mais son origine ». Sont donc psychosociaux les risques suivants :

a. Le stress au travail

Il se caractérise par un déséquilibre entre les contraintes imposées en situation de travail (temps, conflits, surcharge de travail…) et la capacité des employés à faire face à celles-ci (AESST 2002). C’est le problème de santé majeur de nos organisations. Dans un environnement perçu comme de plus en plus compétitif et où chacun doit assumer les multiples contraintes de la vie familiale et professionnelle, la pression semble peser de plus en plus lourdement sur les épaules des salariés. Certains d’entre eux ne la supportent pas. L’étude du stress [10] a donné lieu à de nombreux modèles théoriques cherchant à comprendre les relations entre facteurs de stress et indicateurs et symptômes de stress. Pour les biologistes, dont Cannon, le stress fait référence à la rupture de l’équilibre (homéostasie) provoquée par l’action sur l’organisme par un agent extérieur. Pour les médecins, le stress est considéré comme une maladie de l’adaptation. Pour les psychologues Lazarus et Folkmann (1984), il s’agit de comprendre pourquoi un individu perçoit ou non un évènement stressant et de quelle façon il s’adapte. Abord De Chatillon [11] envisage le stress comme cause et conséquence de l’état des conditions de travail.

Le stress un phénomène récursif complexe : E. Abord De Chatillon

Deux types de stress peuvent être différenciés :

  • Le stress aigu affronté par l’individu de manière ponctuelle ;
  • Le stress chronique : l’individu doit faire face à des situations de stress répété ou cumulé.

L’accumulation de stress dans la durée, les stress antagonistes situations de « Job strain » (exigences psychologiques élevées et autonomie faible) décrit par Karasek sont particulièrement néfastes pour le travailleur. Le modèle du déséquilibre effort-récompense de Sigriest est lui fondé sur l’idée de la réciprocité des échanges. Une violation de ce principe est de nature à générer de fortes émotions négatives et un stress durable.

La balance effort-récompense du modèle de Siegrist [12]

b. L’épuisement professionnel

Autrement appelé « burn-out », il s’agit d’un épuisement physique, mental, émotionnel et profond du salarié suite aux situations de stress professionnel prolongées. Le salarié perd tout intérêt pour son travail voire perd toute estime de soi. Le « burn-out » est fréquemment la conséquence d’un investissement personnel et affectif important dans son activité professionnelle. On peut ainsi souvent le croiser dans les professions en lien avec la formation, la santé ou l’aide sociale. L’épuisement professionnel a un impact considérable sur la santé du travailleur comme le stress : accident de travail, hypertension, problème cardiovasculaires, troubles anxio-dépressifs, tentative de suicide voire suicide…

c. Le harcèlement

Moral ou sexuel, Il consiste en des agissements, abus, menaces, humiliations hostiles exprimés ou manifestés par une ou plusieurs personnes envers une personne victime, atteinte dans sa dignité ou dans son intégrité.

  • Le harcèlement moral ou psychologique [13] - mobbing en anglais - désigne toute attitude durable et répétée d’un ou plusieurs membres de l’organisation dont l’intention délibérée est d’intimider, dévaloriser ou isoler un autre des membres dans le but de le déstabiliser. Il a pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
  • Le harcèlement sexuel : Il est caractérisé par des agissements dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers.

Le harcèlement est un processus dynamique en quatre étapes. L’interaction de trois types d’antécédents - la rencontre de deux ou plusieurs individus (caractéristiques de la victime et de l’agresseur) dans un contexte de travail donné (caractéristiques de l’organisation) - (phase 1), développe le comportement de harcèlement (phase 2), qui génère des réponses des individus et de l’organisation (phase 3), et produit trois types de conséquences - conséquences individuelles, organisationnelles et sociétales - (phase 4).

Le modèle de harcèlement psychologique au travail : G Poilpot-Rocaboy [14]

Le harcèlement peut être analysé comme une relation de pouvoir entre l’agresseur et le harcelé. Le harcèlement peut être le fait de l’employeur, d’un supérieur, d’un collègue ou d’un subordonné. Aucun rapport n’est exigé entre la victime et l’auteur du harcèlement. La faible estime de soi, le haut niveau d’anxiété, l’introversion, la probité sont pour les victimes soit la cause soit la conséquence de leur harcèlement. Concernant le harceleur, 3 types de harcèlement peuvent être distingués. Le premier lié à la volonté du harceleur de protéger son estime de soi. La seconde forme est liée à un manque de compétences sociales et relationnelles du harceleur. Le harcèlement peut enfin être le résultat de jeux politiques de l’organisation, ce qui explique que les harceleurs sont souvent des managers. Concernant l’organisation, le harcèlement ne peut se développer que dans un contexte organisationnel et/ou culturel tolérant à l’égard de ces comportements. Pour Hirigoyen, il est plus présent dans le secteur tertiaire, le secteur médico-social et l’enseignement. Enfin le changement organisationnel apparait comme un déterminant du harcèlement.

d. Les violences et agressions

La violence est le fait pour une personne d’être agressée physiquement ou verbalement du fait de son travail par une personne extérieure au travail ou une personne de l’entreprise. Il peut s’agir d’un manque de respect, d’incivilité, d’agression physique – verbale ou comportementale. Les femmes sont plus essentiellement visées par les violences, en raison de la persistance des stéréotypes et des tabous. La violence peut se manifester au travail en interne : entre les salariés eux-mêmes, entre les salariés et la hiérarchie ; ou être externe, c’est-à-dire entre le personnel et une personne extérieure à l’entreprise mais présente sur le lieu de travail (tel un client). Certains secteurs d’activité sont plus touchés que d’autres par la violence externe. Les activités de service multiplient les contacts qui peuvent créer des tensions voire dégénérer en conflits. Les activités dans lesquelles des personnes manipulent des objets de valeur (banques, bijouteries…) sont fréquemment à la une en termes d’agressions plus ou moins graves.

Pour ce qui est des violences internes, on constate généralement deux choses :

  • l’auteur est fréquemment une personne bien intégrée à l’entreprise (il croit alors pouvoir justifier davantage son attitude) ;
  • la victime n’est pas nécessairement une personne jugée comme fragile (femme, jeune).

A présent, on ne peut pas passer en revue les risques psychosociaux sans parler du suicide au travail, acte éminemment dramatique, par lequel un individu décide se donner la mort. Le suicide au travail ne relève pas d’une problématique spécifique à un secteur d’activité en particulier, aucun secteur n’est épargné. La révélation des suicides permet juste de matérialiser un sentiment diffus que les conditions de travail se dégradent. Bon nombre d’entreprises avec la complicité de certains syndicats, ont refusé ou refusent toujours d’envisager la complexité de la cause de cet acte. Evacuer le problème en le mettant sur le compte des problèmes personnels et psychologiques rencontrés par les victimes, sans vraiment s’interroger sur les organisations du travail et la façon de les faire évoluer a été jusqu’il y a peu ou est toujours une façon fort rationnelle de le résoudre [15].

3. Les effets des RPS : un enjeu de santé publique

L’intérêt des dirigeants tant politiques qu’économiques est justifié par l’importance des RPS au travail en tant qu’enjeu de santé publique.

C’est un enjeu pour les salariés : Les RPS peuvent engendrer des pathologies voire des accidents du travail et avoir des conséquences irréversibles. En termes médicaux, les stresseurs de type psychosocial conduisent notamment à l’augmentation de la sécrétion de certaines hormones, l’augmentation de la tension artérielle, et à la modification de certains comportements « à risque » comme la consommation de tabac ou d’alcool. Ces effets sont autant de :

  • facteurs de risques cardiovasculaires tels que hypertension, troubles digestifs, métaboliques ;
  • facteurs de problèmes de santé mentale dont l’anxiété et la dépression constituent l’essentiel des troubles pour les populations au travail ;
  • facteurs accroissant les risques de troubles musculo squelettiques : entre 40 et 64 ans, en 2008, une personne sur cinq déclarait souffrir d’une lombalgie, d’une sciatique ou d’un lumbago. Le coût des TMS représente plus du tiers des indemnisations du régime général au titre des maladies professionnelles en 2008 (Source CNAMTS 2008).

C’est un enjeu pour les entreprises. L’impact des RPS sur la santé des salariés se répercute évidemment sur la bonne marche de l’entreprise. Les RPS engendrent une fréquence accrue de l’absentéisme au travail pour raison de santé, des accidents du travail... On constate une baisse de la productivité, l’augmentation du turn-over (taux de rotation du personnel). Plus généralement, on constate une recrudescence des actes de malveillance ou de violence au travail, une dégradation du climat social, des mouvements sociaux et des procédures judiciaires. La prise de conscience de toutes les dimensions des RPS amènent aujourd’hui tous les acteurs de l’entreprise à réfléchir à cette problématique.

B. La judiciarisation des risques psychosociaux

En matière de RPS, la souffrance des salariés se traduit par une constante augmentation des contentieux. Et cette situation s’est renforcée depuis la mise en examen au mois de juillet 2012 de l’ancien président directeur général de France Telecom, Didier Lombard, pour harcèlement moral après le suicide d’une trentaine de salariés de l’entreprise au cours des années 2008 et 2009.

L’article L4121-1CT dispose que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour la protection de la sécurité et de la santé physique et mentale de ses salariés. Cette obligation générale de sécurité s’analyse à présent et selon une jurisprudence désormais bien établie, en une obligation de sécurité et de résultat. Cela concerne aussi les risques psychosociaux. Jusqu’alors, si la responsabilité de l’entreprise pouvait être engagée, c’était essentiellement sur le terrain civil : une responsabilité pour faute de l’entreprise. Aujourd’hui il faut également envisager la possibilité de la mise en cause de la responsabilité pénale de l’entreprise ou de ses représentants pour tous les risques psychosociaux.

1. La faute inexcusable de l’employeur et la réparation des effets sur la santé des RPS.

a. La notion de faute inexcusable

Les avancées de la jurisprudence ont permis la reconnaissance des RPS à partir du concept d’obligation de sécurité de résultat, elles ont aussi permis de faire évoluer la définition de l’accident du travail, permettant dans certaines circonstances la reconnaissance et la réparation des effets sur la santé des RPS en entreprise. Dès 1898, en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle, le principe de la responsabilité de l’employeur était reconnu, mais c’était une responsabilité sans faute ne donnant lieu qu’à une réparation automatique et forfaitaire. En 1941, la jurisprudence « Dame veuve Villa » a permis de définir la faute inexcusable de l’employeur « faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant, par le défaut d’un élément intentionnel, de la faute intentionnelle ». Les Arrêts amiante de 2002 ont étendu la faute inexcusable, celle-ci passant du manquement à l’obligation de sécurité au manquement à l’obligation de résultat : « En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». La responsabilité de l’employeur est même engagée en l’absence de toute faute de sa part (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914). Depuis, le conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, impose la réparation intégrale de tous les préjudices dès lors qu’est reconnue une faute inexcusable de l’employeur (Cons. Const., décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010). Et la responsabilité de l’employeur découle de son obligation de sécurité (Cass. Soc. 1er mars 2011, n° 09-69.616).

b. L’obligation de sécurité de résultat concerne aussi les risques psychosociaux

Dans l’arrêt du 28 février 2002 évoqué ci-dessus, la Cour de cassation énonce que « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ». L’employeur, pour respecter cette obligation de sécurité de résultat, doit donc mettre en place de véritables mesures de nature à empêcher la survenance d’actes constitutifs de RPS. La Cour de cassation, dans deux arrêts, a jugé que l’employeur n’avait pas respecté cette obligation de sécurité de résultat alors qu’un salarié était victime sur le lieu de travail [16] :

  • de violences physiques ou morales, exercées par l’un de ses subordonnés (en l’occurrence, un directeur), même s’il a pris - dès qu’il a eu connaissance des faits - des mesures en vue de faire cesser ces agissements (Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-40.144). Dans cette affaire, la Haute juridiction a considéré que l’employeur ne pouvait ignorer le danger auquel était exposée la salariée et que – même s’il avait pris certaines mesures pour éviter tout nouveau conflit, et donc pour faire cesser le harcèlement – il n’avait pas pris les mesures préventives nécessaires pour l’en préserver, conformément aux articles L. 4121-1 et 2 (7°) du Code du travail (ex : formation des managers, systèmes d’alerte en amont pour désamorcer les conflits…) ;
  • d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, même s’il a pris les mesures en vue de faire cesser ces agissements (Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019).
2. De la responsabilité civile à la responsabilité pénale

Concernant le harcèlement moral, les victimes ont tout intérêt à choisir la voie prud’homale pour obtenir réparation de leur préjudice, car elles bénéficient de l’inversion de la charge de la preuve. Il en va tout autrement devant les juridictions pénales : il n’existe aucune présomption de preuve pesant sur l’auteur du harcèlement, la charge de la preuve revient à l’accusation. Aussi, le salarié qui agit devant les juridictions pénales pour faire reconnaître une infraction devra-t-il établir l’intention de nuire de son auteur (Cass. crim., 21 juin 2005, n° 04-86.936). Dans tous les cas, des sanctions civiles (dommages et intérêts) peuvent être demandées par le salarié dans le cadre d’une action en réparation fondée sur l’inexécution par l’employeur de ses obligations légales.

a. En matière de stress

Dans un arrêt du 3 Février 2010, n° 08-44.107, la Cour de cassation a dénoncé des méthodes de gestion d’un directeur qui soumettait ses vendeurs à un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail très pénibles, se traduisant par des propos insultants et des dénigrements ayant entraîné un état de stress majeur chez le salarié.

Le 8 novembre 2012 n° 11-23.855, S Sédih c/ Guiffre un employeur menant une politique générant du stress est condamné. Dans cette affaire, un salarié est victime d’un infarctus du myocarde dont le caractère professionnel est reconnu. Afin d’obtenir une indemnisation complémentaire, il intente une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, lequel aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié mais n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Pour cela, le salarié invoque une surcharge de travail provoquée par une politique de réduction des coûts menée depuis plusieurs années par la direction. La Cour de cassation approuve cet argument relevant l’accroissement du travail du salarié sur les années précédant son accident. Cette politique de surcharge, de pressions, et « d’objectifs inatteignables » a généré un stress. Par conséquent, l’employeur a ignoré les données médicales et n’a pas utilement pris la mesure des conséquences de son objectif de réduction des coûts en termes de facteurs de risque pour la santé de ses employés. Dès lors, les conditions de mise en œuvre de la faute inexcusable sont remplies. Désormais les employeurs devront donc faire attention à ce que la charge de travail ne soit pas trop importante, même si les salariés ne se plaignent pas.

Le jugement du TGI de Lyon du 4 septembre 2012, « fait défense » à la Caisse d’épargne Rhône Alpes sud « d’avoir recours à une organisation du travail fondée sur le benchmark » consistant en une évaluation permanente... Aucun objectif n’est imposé officiellement aux agences, ni aux salariés. Le seul objectif qui existe est de faire mieux que les autres. Avec un tel système, tout est remis en question chaque jour, ce qui crée un stress permanent, stress exacerbé par le contrôle permanent permis par l’utilisation de l’informatique. Ce jugement devrait être transmis et étudié par toutes les Directions des Ressources Humaines de France.

b. En matière de harcèlement et de violence

Le harcèlement est une action punie par la loi tant elle constitue un désir volontaire d’atteindre l’intégrité d’une personne. L’employeur est tenu en vertu du Code du travail de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir et combattre de tels agissements. L’art. L1152-1 du Code du travail concerne le harcèlement moral : aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L’article L.1153-1 concerne le harcèlement sexuel. L’art. 222-33-2 du Code pénal dispose que le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Les jugements suivants montrent en quoi cette responsabilité ne doit pas être prise à la légère. Une situation de harcèlement moral est par exemple constituée lorsque l’employeur impose à une responsable d’effectuer des tâches de manutention lourde de manière répétée au mépris des prescriptions du médecin du travail entraînant des arrêts de travail (Cass., soc., 28 janvier 2010 n° 08-42.616). Le licenciement ici est sans cause réelle et sérieuse. Dans un autre cas, l’employeur est responsable des actes de harcèlement moral commis par un tiers (Cass, soc., arrêt du 19 octobre 2011 (n° 09-68272). Le harcèlement moral peut donner lieu à l’octroi d’une indemnité spécifique pour sanctions injustifiées (Cass. soc., 30.11.2011 n° 11-10.527 et 11-10.528). En cas de harcèlement, l’employeur doit rapidement sanctionner le salarié fautif (Cass. soc., 29 juin 2011 n° 09-70.902). Le licenciement pour inaptitude d’un salarié peut être annulé lorsqu’il est démontré que le harcèlement sexuel ou moral subi par le salarié est à l’origine de l’inaptitude (Cass. soc, 3 mars 2009, n° 07-44.082). Le harcèlement moral doit être apprécié en tenant compte de l’attitude de la personne qui s’en estime victime (Jugement du Conseil d’Etat. CE 11 Juillet 2011, n° 321225).

Par ailleurs, ce n’est donc pas l’intention qui caractérise le harcèlement, mais les agissements, dès lors qu’ils répondent aux critères légaux (exemples : réponses managériales abruptes et maladroites en réponse à une mauvaise adaptation du salarié pouvant se confondre avec le pouvoir de direction mais qui ont été reconnus comme caractérisant le harcèlement). Et le contexte organisationnel est déterminant. Dans un arrêt du 10 nov. 2009, n° 07-45.321), la Cour de cassation a décidé que l’organisation du travail et les méthodes de gestion pouvaient être à l’origine de harcèlement moral, dès lors qu’elles se manifestent par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail, susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé mentale ou de compromettre l’avenir professionnel. Dans cette affaire il s’agissait de reproches incessants, pression continuelle, ordres et contre-ordres, mise à l‘écart du salarié, etc. Dans tous les cas, l’employeur verra toujours sa responsabilité engagée. En effet, même si la loi prévoit que chaque salarié doit prendre soin de sa santé et de sa sécurité et de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail, cela n’a pas d’incidence sur le principe de responsabilité de l’employeur (C. trav., art. L. 4121-1 et s.et C. trav., art. L. 4122-1).

c. L’épuisement professionnel ou burn-out

Après le harcèlement moral, agir sur la charge de travail pourrait bien être le grand chantier des prochaines années. En décembre 2012, le TGI de Créteil a fait suspendre le plan « Organisation 2012 » de la FNAC au motif notamment d’une analyse insuffisante du report de la charge de travail sur les postes de travail conservés et induit par ce plan. En juin 2011, les conclusions du TGI de Versailles à l’encontre de Renault mettaient également en évidence l’absence de mesures prises par l’entreprise pour évaluer la charge de travail d’un de ses salariés. Dans un arrêt du 13 mars 2013 (n° 11-22.082), la Cour de cassation vient préciser sa jurisprudence en affirmant que ce motif ne peut être utilisé pour justifier un licenciement, lorsque les absences du salarié ont été causées par un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat. En l’espèce, le salarié avait subi un épuisement professionnel (burn-out) généré par une surcharge de travail.

La Cour de cassation affirme que « lorsque l’absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d’un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement ». L’obligation du contrôle de la charge de travail des salariés dans les entreprises recourant au forfait jour par exemple (Cass. soc., n° 11-14540 du 26 septembre 2012), la multiplication et l’intensité des réorganisations, les changements de paradigmes socio-économiques que vivent nos sociétés modernes nécessitent d’agir dès à présent sur la charge de travail au risque que celle-ci devienne une bombe à retardement dont le tic-tac est déjà audible.

d. Dépressions et suicides

Un certain nombre de cas de jurisprudence portent sur des souffrances psychiques ou autres atteintes à la santé mentale. Les juges du fond assimilent de plus en plus ces souffrances à des accidents du travail. Un arrêt de travail a été prescrit à une salariée pour « dépression ». La Cour de Cassation dans un arrêt en date du 1er juillet 2003, a souligné le caractère soudain de cette dépression qui était liée, pour les juges, au travail (à la suite d’un entretien professionnel avec le supérieur hiérarchique). La qualification d’accident du travail a donc été retenue.

De 2008 à 2009, selon les données de la CNAMTS/DRP, 107 décès par suicide ont fait l’objet d’une demande de reconnaissance au titre des accidents du travail. L’employeur est ainsi tenu d’agir sur le risque « suicide ». Les suicides peuvent être qualifiés d’accident du travail par la jurisprudence dans deux cas :

  • Si l’acte suicidaire s’inscrit et est en relation directe avec un accident de travail antérieur ;
  • Si l’acte suicidaire intervient en lien avec le travail. Avant 2007 la Cour de cassation, très réservée, demandait un lien clair entre l’acte et le travail.

Depuis 2007, la jurisprudence a établi un tournant en matière de requalification des suicides en accident du travail. La Cour de Cassation reconnaît même, le 22 février 2007 n° 05-13.771, le caractère d’accident du travail à un suicide intervenu au cours d’un arrêt maladie (hors temps de travail). Il convient seulement de prouver que « le suicide est survenu par le fait du travail ».

Le tribunal de sécurité sociale des Yvelines, dans un arrêt du 9 mars 2010 (n° 07-01555), a considéré que le suicide d’un salarié, survenu en raison du stress au travail, constituait un accident du travail, le fait générateur de cet accident étant la surcharge de travail et la dégradation des conditions de travail. Dans une autre affaire concernant le suicide d’un ingénieur, la Cour d’appel rappelle que lorsqu’un employeur ne fait pas preuve de réactivité devant la dégradation de l’état de santé d’un salarié et l’absence d’un système de prévention performant du stress au travail, il commet une faute inexcusable (CA Versailles 19 mai 2011 n° 10-000954).

Pour conclure, les RPS ont la palme de la complexité, les RPS ont la palme de la souffrance. Le niveau de cette souffrance est en relation directe avec l’augmentation des contentieux en la matière. Nous allons voir à présent comment l’employeur peut parvenir à transformer cette complexité en risque et ainsi mieux les contrôler.

 II. Le management du risque par l’employeur

Pour l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la santé ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité, la santé est définie comme un état de complet bien-être physique, mental et social. Pour l’OIT (l’Organisation Internationale du Travail), la santé est un état de bien être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accumuler un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté. Dès lors, se préoccuper du bien-être des travailleurs signifie identifier les RPS comme « un risque particulier qu’il faut traiter comme les autres ». Mais aussi comme « risque comme les autres qu’il faut traiter de manière particulière ». Nous avons analysé dans la première partie les manifestations des RPS. Il nous faut à présent sur la base d’une typologie des origines des RPS identifier les facteurs de risque au sein de l’entreprise afin d’envisager la gestion de ces risques.

A. L’ identification des facteurs psychosociaux à l’origine des RPS

Les déterminants principaux des RPS sont bien identifiés. Mais, comme pour tous les autres risques professionnels, il n’existe pas une grille unique d’analyse.

1. Le collège d’expertise

Le collège d’expertise sur le suivi statistique des RPS présidé par Michel Gollac [17] a relevé 6 catégories de risques psychosociaux :

  • L’intensité au travail : contraintes de rythmes durée et organisation du temps de travail.
  • Exigences émotionnelles : relation au public, situation confrontant au contact avec la souffrance, devoir cacher ses émotions, peur au travail.
  • L’autonomie : autonomie dans la tâche, prévisibilité du travail, utilisation et accroissement des compétences, monotonie et ennui. Plaisir au travail.
  • Les rapports sociaux au travail : représentation des rapports sociaux telle l’intégration, la justice organisationnelle, la reconnaissance, relation avec les collègues et avec la hiérarchie, la rémunération, la carrière, violence interne.
  • Les conflits de valeurs : conflits éthiques, qualité empêchée, travail inutile.
  • L’insécurité de la situation de travail : sécurité de l’emploi, du salaire, de la carrière, soutenabilité du travail, changements.

C’est la typologie à la base de la grille d’évaluation ci-dessous proposée dans le rapport sur les risques psychosociaux du Conseil Economique et Social paru en mai 2013 [18].

2. Hervé Lanouzière

Quant à Hervé Lanouzière, conseiller technique à la direction générale du travail, il définit quatre grandes familles de risques psychosociaux : la charge de travail, la reconnaissance du travail, la qualité du travail et les changements et restructuration, typologie base de grilles d’analyse qui peut être également exploitée en entreprise dans le cadre d’audit des RPS [19].

- La charge de travail :

On vise ici l’organisation même du travail. La charge de travail n’est pas en elle-même facteur de risques psychosociaux. Il existe des salariés qui peuvent très bien supporter une lourde charge de travail. La charge de travail va être facteur de RPS lorsque les marges de manœuvres et d’autonomie dont dispose le salarié dans son travail vont être réduites. Plus celles-ci sont faibles, plus les risques sont élevés. Il en est de même en cas d’absence de soutien social de la part de la hiérarchie ou/et des collègues de travail. Ces différents facteurs permettent d’identifier la tension au travail (« job strain ») subie par un salarié. Un système d’évaluation de la tension a été mis en place par Karasek [20], un sociologue américain. On évalue ainsi la demande psychologique à laquelle le salarié est soumis, la latitude décisionnelle et le soutien social qu’il reçoit sur son lieu de travail.

Les questions que l’entreprise doit se poser pour éviter ces risques peuvent être les suivantes : la charge de travail est-elle bien répartie ? Les responsabilités sont-elles clairement identifiées ? Les salariés ont-ils des marges de manœuvre et des tâches variées ?

Niveau de risque Définition de chaque niveau de risque Exemples
3 Surcharge constante de travail - Plusieurs tâches à effectuer en même temps ou avec un temps insuffisant
- Non remplacement des personnes absentes
- Ajout de tâches sans vérifier la disponibilité du salarié
2 Surcharge fréquente de travail - Variation de la charge de travail en fonction de la demande des clients
1 Surcharge ponctuelle de travail - Travail interrompu
- Travail urgent ou imprévu (exigence d’heures supplémentaires)
0 Charge de travail adéquate - Objectifs adéquats et réalisables dans les heures de travail
- Travail respectant les aptitudes de chacun
- Appel à des ressources temporaires en cas de surcharge de travail

Selon une étude du groupe Cegos de septembre 2012 (groupe de conseil et formation), seuls 37 % des salariés du privé estiment que l’effectif de leur service est adapté à la charge de travail. L’organisation du travail est d’ailleurs citée par ces salariés comme le 1er facteur de stress.

- La reconnaissance du travail :

Sont ici visées les relations avec la hiérarchie, avec les collègues ou avec les clients/usagers. L’absence de reconnaissance au travail est source de risque. Les salariés doivent avoir un « retour » sur leur travail et sentir qu’ils sont utiles à leur entreprise. Une étude de Lanouzière réalisée en Finlande sur des managers montre combien cette reconnaissance du travail est mise à mal. La simple question suivante l’exprime parfaitement.

« Quand pour la dernière fois avez-vous fait un reproche à un salarié ? » ⇨ Réponse du tac au tac « ce matin » ou « hier soir »

« Quand pour la dernière fois avez-vous complimenté un salarié ? » ⇨ Réponse non spontanée, incertaine et évasive « Je ne sais pas » ou « il y a trois semaines ».

Niveau de risque Définition de chaque niveau de risque Exemples
3 Absence de soutien de la hiérarchie - Les supérieurs ne sont pas accessibles
- Les supérieurs sont incapables de gérer les conflits
- Conflits entre les collaborateurs
2 Présence de la hiérarchie avec faible soutien - Supérieurs accessibles mais laissant traîner les problèmes et ne soutenant pas les équipes
1 Bon soutien mais hiérarchie peu accessible - Le supérieur gère les conflits par personne tierce
- Le supérieur met en place des mécanismes pour donner suite aux requêtes et suggestions dans un délai raisonnable
0 Bon soutien et supérieurs accessibles - Le supérieur se soucie du bien être
- Le supérieur tient souvent des réunions avec ses équipes et sait favoriser le travail en équipe
- Le supérieur prend le rôle de médiateur et gère les conflits

M. Dejours, psychiatre et psychanalyste, est l’un des premiers à avoir mis en lumière le facteur de la reconnaissance du travail. Un questionnaire dit de « Siegrist » permet de détecter les déséquilibres entre les efforts fournis et la reconnaissance reçue [21].

Selon l’étude du groupe Cegos (septembre 2012), 39 % des salariés estiment que leur responsable hiérarchique est attentif à leur bien-être et 35 % estiment qu’il régule les tensions au sein de l’équipe.

- La qualité du travail :

La qualité du travail ne doit pas devenir secondaire. Le salarié doit pouvoir considérer que son travail est un travail de qualité. On renvoie aux conflits de valeur et à l’articulation entre vie privée et vie professionnelle.

On citera par exemple le fait pour un cadre d’être « joignable et disponible » à tout moment par e-mail, téléphone, smart phone …

Niveau de risque Définition de chaque niveau de risque Exemples
3 Absence de conciliation travail/vie personnelle - Pas de délai de prévenance
- Recours aux heures supplémentaires systématique
- Sollicitation fréquente en dehors des jours et heures de travail
2 Mesures contraignantes - Recours fréquent aux heures supplémentaires
- Souplesse dans les horaires
- Astreintes
1 Entreprise sensibilisée avec mises en place de dispositifs - Horaires variables
- Pas de réunion avant 9h et après 18h
- Renault : interdiction aux cadres d’ouvrir leur boîte mail après 20h
0 Equilibre vie professionnelle et vie privée par certaines mesures - Aménagement des horaires (pour les familles notamment)
- Temps partiel choisi
- Souplesse dans les modalités de récupération
- Souplesse dans la prise des CP

- Les changements et restructurations :

Les restructurations, réorganisations ou changements de toute nature créent un sentiment d’insécurité pour les salariés sur leur avenir. Les salariés ont peur du changement et ont besoin d’un accompagnement.

Niveau de risque Définition de chaque niveau de risque Exemples
3 Restructuration en cours ou à prévoir - Baisse de l’activité avec licenciements économiques
- Projet de fusion/absorption
2 Activité fluctuante avec des effectifs à la baisse - Préférence pour le recours aux CDD et intérims
- Non remplacement des départs
1 Activité forte avec maintien de l’emploi - Grand nombre de salariés en CDI
- Augmentation des effectifs
0 Marché pérenne ou en développement, forte croissance - Multiplication des CDI
- Absence de peur d’être licencié
Niveau de risque Définition de chaque niveau de risque Exemples
3 Absence d’information sur le contexte et les perspectives - Pas d’information sur l’économie, les politiques, les plans de restructurations en cours
2 Information ponctuelle et partielle - Communication de la direction
- Information limité
- Aucune rencontre
1 Information et rencontre avec les managers - Réunion avec la direction et les managers après une décision
- Réunion occasionnelle pour communiquer
0 Politique de communication - Politique claire
- Information bien diffusée et transparente
- Information régulière
- Multiplication des échanges
3. Typologie basée sur des facteurs organisationnels et managériaux

La finalité de la médecine du travail est de protéger la santé au travail. Si elle s’est construite autour d’une approche individuelle, la loi du 20 juillet 2011 sur la réforme de la médecine du travail cherche à présent à promouvoir l’approche organisationnelle et managériale dans le cadre d’actions collectives et pluridisciplinaires que les médecins du travail pourraient orchestrer. S’appuyant sur une enquête qualitative menée auprès de trente médecins du travail, une étude a proposé une typologie des souffrances permettant d’appréhender la perception en vue d’une mise en œuvre d’une prévention, résumée dans le tableau suivant [22].

4. D’autres questionnaires sont basés sur des questions ouvertes [23] posées lors d’entretiens.

Si ces questionnaires plus personnalisés permettent d’établir une empathie face à la souffrance subie, la mise en œuvre des entretiens est plus délicate. Les entretiens ne peuvent donc être destinés qu’à un échantillon de personnes plus ciblé et restreint. De la même manière que l’exploitation des réponses.

5. Le bilan social, le tableau de bord social

Dans le registre de l’identification des risques psychosociaux, il faut enfin noter les outils essentiels que sont le bilan social défini par l’article L. 2323-70 CT et le tableau de bord social. [Pour les entreprises dont l’effectif dépasse 300 salariés], « Le bilan social récapitule en un document unique les principales données chiffrées permettant d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social, d’enregistrer les réalisations effectuées et de mesurer les changements intervenus au cours de l’année écoulée et des deux années précédentes. Le bilan social comporte des informations sur l’emploi, les rémunérations et charges accessoires, les conditions de santé et de sécurité, les autres conditions de travail, la formation, les relations professionnelles ainsi que sur les conditions de vie des salariés et de leurs familles dans la mesure où ces conditions dépendent de l’entreprise ».

L’article R. 2323-17 du Code du travail définit sous forme de tableau la liste des informations à remplir. Les indicateurs du bilan social en lien avec les RPS figurent au 1er chapitre « Emploi » rubrique 18 Absentéisme : un absentéisme élevé peut être expliqué par un mal-être ou une souffrance au travail. Le chapitre 3 « Conditions d’hygiène et sécurité » et le chapitre 4 « Autres conditions de travail » constituent également autant d’informations pertinentes au regard des RPS dans la recherche de solutions adaptées. Le tableau de bord social est lui, un instrument essentiel au pilotage de la performance des ressources humaines et permet de mettre en évidence par des chiffres les dysfonctionnements présents au sein de l’entreprises. Il aide et oriente le dirigeant vers la conduite la meilleure à adopter en matière de ressources humaines, en particulier il permet de cibler et surveiller les postes sensibles. Le tableau de bord social permet de comparer les indicateurs sociaux d’un exercice à l’autre. La difficulté consiste à définir les meilleurs indicateurs en lien avec les besoins et l’activité de l’entreprise et de traiter let analyser les données collectées.

En définitive, sur la base des typologies proposées par Gollac, Lanouzière ou d’autres, il existe une multitude de « questionnaire » ou « test ». Tous ont la même fonction : mettre en avant les difficultés ressenties par les salariés de l’entreprise. La recherche de cohérence est toutefois fondamentale pour faciliter la comparaison entre entreprises, faciliter une analyse de l’évolution de la situation d’une période à une autre, ou même faciliter la réponse et l’exploitation des questionnaires. A présent que les risques sont identifiés, il est possible d’envisager une mise en œuvre des dispositifs managériaux de gestion des RPS.

B. Les dispositifs managériaux de gestion des risques psychosociaux

Avec l’augmentation des risques psychosociaux, le management de l’entreprise est l’objet de nombreuses critiques. Pour autant si le management peut être à l’origine des risques psychosociaux, il détermine aussi les conditions du bien-être au travail. Les dispositifs managériaux de gestion des risques psychosociaux sont largement orientés par la législation. Ensuite, lorsqu’on envisage ces dispositifs, on pense de prime abord à la prévention dont la démarche vise à éviter la maladie ou le handicap (approche pathogénique de la santé), avec la définition d’une batterie d’indicateurs de suivi. Pour autant il est possible d’envisager une démarche autre portant sur l’amélioration des conditions de travail : c’est la démarche de bien-être, qui fait du travail un élément de construction de la santé (approche salutogénique), démarche bâtie autour d’actions collectives et pluridisciplinaires.

1. Les dispositifs légaux de la protection des salariés

Depuis un peu plus d’un siècle, le droit du travail s’est construit en préoccupation de la santé physique des salariés. L’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité et une obligation de résultat. Aucune direction d’entreprise aujourd’hui ne peut contourner la question des RPS, particulièrement dans un contexte social tendu. Les actions multiples dans ce domaine sont largement orientées par l’intervention publique. La prise en compte des risques psychosociaux par l’employeur ne s’arrête pas à la loi de 2002. De nouvelles lois font évoluer le Code du travail et le Code pénal dans la prise en compte de mesures de protection relative aussi bien à la sécurité des travailleurs qu’à leur santé physique et mentale.

a. Les incitations publiques, l’expression du dialogue social montrent à quel point le sujet est brûlant.

  • Mars 2008 : le rapport Nasse Légeron sur la détermination, la mesure et le suivi des RPS est réalisé sur demande du Ministre du travail
  • Octobre 2009 : Le ministre du Travail présente, le 9 octobre, un plan d’action d’urgence pour la prévention du stress au travail. Ce plan vise « à mobiliser les employeurs des secteurs privé et public sur cette problématique ».
  • Février 2010 : rapport Lachmann Larose Pénicaud [24] à la demande du premier ministre : 10 propositions pour améliorer la santé au travail.
  • 15 février 2012 : Le Comité des hauts responsables de l’inspection du travail (CHRIT) a décidé de mener une campagne de contrôle sur les RPS dans 11 pays de l’UE.
  • Dans le cadre du dialogue social, les dispositifs de négociations entre partenaires sociaux ont permis la conclusion d’accords nationaux interprofessionnels (ANI) :
    • Sur le stress le 2 juillet 2008, ANI étendu par arrêté du 23 Avril 2009. Des accords de branche et accords d’entreprises prévoient également des dispositifs de lutte contre le stress (site travailler mieux http://www.travailler-mieux.gouv.fr/ ) ;
    • Sur la prévention du harcèlement moral et sexuel et des violences au travail le 26 mars 2010.

La prévention des RPS constitue l’une des quatre priorités d’action de la branche AT/MP pour la période 2009-2012. Elle est devenue une action de priorité nationale et atteste de la volonté des partenaires sociaux de concevoir et déployer des dispositifs pour les combattre. Elle accompagne les employeurs dans le respect de leur obligation de sécurité de résultat visant à :

  • supprimer ou réduire les facteurs à l’origine des RPS ;
  • mettre en œuvre des mesures d’actions au profit des salariés.

La prévention est réellement mise en œuvre tous azimuts comme pour montrer encore davantage l’urgence du problème :

  • Rapport de la Commission Européenne de 1996 sur le stress « Manuel d’orientation sur le stress lié au travail, piment de la vie ou coup fatal » présente les lignes directrices recommandées aux Etats membres en matière de gestion du stress sur le lieu de travail.
  • En 2002, l’agence européenne pour la sécurité et la santé au travail a publié un recueil d’interventions réalisées dans différents pays « prévention pratique des RPS et du stress du travail ».
  • Le gouvernement a mis en place un site relatif à la prévention des RPS www.travailler-mieux.gouv.fr/Stress-les-risques-psychosociaux.html.

b. Le cadre juridique régissant les RPS

Le cadre juridique (Droit national) qui régit les risques psychosociaux est globalement repris dans le document de la Direction générale du travail publié en 2010 [25].

  • Les éléments qui concernent la protection de la santé physique et mentale du salarié sont les suivants : Les articles L. 4121‐1 et L. 4121‐2 du Code du travail énoncent les obligations de prévention de l’employeur. L’employeur a également une obligation de réparation en cas de faute inexcusable. La circulaire n° 6 DRT du 18 avril 2002 prise pour l’application du décret n° 2001‐1016 à l’origine de la création du document relatif à l’évaluation des risques (DUER Document unique d’évaluation des risques [26]) pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 230‐2 CT - ancien - et modifiant le Code du travail.
  • Concernant plus particulièrement le harcèlement, les textes majeurs sont les suivants : Arrêté du 23 juillet 2010 portant extension d’un accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail ; Accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail ; Article L. 1151‐1 : champ d’application ; Articles L. 1152‐1 à L. 1152‐6 : harcèlement moral ; Articles L. 1153‐1 à L. 1153‐6 : harcèlement sexuel ; Articles L. 1154‐1 à L. 1154‐2 : actions en justice ; Articles L. 1155‐1 à L. 1155‐4 : dispositions pénales.

L’introduction du harcèlement moral dans les Codes du travail et pénal incite les victimes de harcèlement à agir activement. Enfin, après la suppression inattendue par le Conseil constitutionnel le 4 mai 2012 du délit de harcèlement sexuel, la loi du 6 aout 2012 l’a réintroduit en améliorant sa définition.

  • Le droit d’alerte du délégué du personnel est repris à l’Article L. 2313‐2.
  • Le Règlement intérieur Article L. 1321‐2 : celui-ci doit énoncer les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel prévues par le Code du travail.
  • Concernant le stress, la lettre de la DGT du 10 décembre 2009 contraint les entreprises de plus de 1 000 salariés d’ouvrir avec les Organisations syndicales des négociations sur le stress.

L’employeur doit penser aux conséquences de ses décisions en matière de gestion et d’organisation du travail sur la santé de ses salariés. Il est responsable civilement, et s’expose à des sanctions pénales sur la base du délit de mise en danger délibéré de la personne d’autrui (C. pén., art. 223-1) ou d’homicides ou blessures involontaires(C. pén., art. 221-6 et s. ; C. pén., art. 222-19 et s.). Au pénal, l’auteur des agissements peut être poursuivi sur la base du délit de harcèlement sexuel (C. pén., art. 222-33), de harcèlement moral (C. pén., art. 222-33-2), ou sur la base du délit de menaces (C. pén., art. 222-17 et s.) ou de violences (C. pén., art. 222-7 et s.).

Le non-respect des obligations engage la responsabilité exclusive du chef d’entreprise, et ce même si c’est un salarié qui méconnait la règle. Dans ce contexte la faute est caractérisée par simple défaut de surveillance. Cette présomption peut être toutefois levée si une délégation a été attribuée. (C. pén., art. 121-2 et 121-3). Mais la délégation pour être valable doit respecter un minimum de règles : elle doit être antérieure au constat de l’infraction, précise, acceptée par le délégataire qui doit être investi de l’autorité, de la compétence et des moyens nécessaires à l’exercice de sa mission.

c. L’engagement de l’Etat

Les établissements publics et associations à mission de service public : CNAMTS, ANACT et INRS ont un rôle d’accompagnement des entreprises dans la lutte contre les RPS. Dans le cadre d’une action nationale de sensibilisation contre le harcèlement sexuel, le gouvernement a mis récemment à disposition des citoyens un site Internet et deux numéros d’appels à destination des victimes de violences (www.stop-harcelement-sexuel.gouv.fr). On peut en particulier y trouver :

  • Des affichettes rappelant que le harcèlement sexuel est un délit. Elles sont imprimables à partir du site Internet et peuvent être affichées dans les entreprises, dans le cadre de l’obligation pour l’employeur d’afficher le texte du Code pénal réprimant le délit de harcèlement sexuel sur le lieu de travail et dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche.
  • Des indications sur la marche à suivre pour les victimes et témoins de harcèlement sexuel.
  • Un rappel du contenu de la loi 2012-954 du 06 août 2012 qui a redéfini le délit de harcèlement sexuel et aggravé les peines encourues.
2. les dispositifs managériaux de gestion des risques.

La prévention de risques psychosociaux est un enjeu majeur et l’anticipation est devenue prioritaire. Les approches qui sous-tendent l’intérêt de prévenir pour réduire les RPS sont de plusieurs ordres :

  • approche économique : la promotion de la santé au travail génère des bénéfices économiques (ex : diminution de l’absentéisme et des accidents de travail) mais aussi au plan social (ex : meilleure performance globale due à un climat social moins conflictuel) et pour les personnes (ex : amélioration de la satisfaction professionnelle) et le développement de l’image « corporate » de l’entreprise (ex : satisfaction des clients, engagement concret dans la responsabilité sociale de l’entreprise).
  • approche gestionnaire : rationalisation de la gestion des ressources humaines lors de la mise en place de nouvelles méthodes d’organisation du travail et de management sur les lieux de travail (prise en compte du facteur humain et de la santé des travailleurs).
  • approche sociale : prise en compte de la vie privée des salariés (ex : arrivée des femmes sur le marché du travail, développement de technologies de communication).

A côté des démarches de prévention, d’autres misent sur la reconnaissance ou mettent en œuvre des actions de promotion de la santé. On vise à promouvoir les comportements sains et on met en œuvre des actions concernant l’organisation du travail. On introduit des politiques de qualité de vie ou de bien-être au travail.

On retrouve classiquement trois types de prévention :

  • La prévention primaire : elle s’applique quand des contraintes inhérentes au métier ou à l’organisation apparaissent dans l’entreprise. L’objectif est de réduire ou éliminer ces contraintes avant quelconque impact. Exemples : enrichir le travail – augmenter l’autonomie – harmoniser vie privée/vie professionnelle.
  • La prévention secondaire : les contraintes exercées ont déjà un impact sur les travailleurs et on tend à inverser, réduire ou ralentir la progression des RPS. Exemples : action avec les managers – coaching – promotion.
  • La prévention tertiaire : les personnes sont déjà touchées par les pathologies. On évite alors que l’état de santé de ces personnes ne se détériore davantage. On tend vers une prise en charge médicale et psychologique pour un retour au travail (tentative de suicide, dépression nerveuse, absentéisme de longue durée…) Exemples : gestion du stress – numéros verts – traitements – aide au retour vers le travail.

La mise en place d’une mesure de prévention s’effectue toujours de la même manière : Mise en place d’un projet et renvoie aux méthodes traditionnelles de prévention des risques professionnels :

  • Engagement d’une action. Il s’agit de regrouper l’ensemble des acteurs (direction, RH, IRP, CHSCT, service de santé au travail, assistants sociaux…) afin de traiter de la problématique des RPS. Ensemble, ils se doivent, après avoir ciblé les secteurs les plus touchés et les acteurs pouvant agir, d’opter pour la mise en place d’action de prévention.
  • Réaliser un diagnostic. Il s’agit d’analyser et de comprendre les questions de santé dans l’entreprise. Afin de poser un diagnostic, des indicateurs avec des données quantitatives et qualitatives doivent être fournis. Les difficultés doivent être ciblées. On vise à évaluer les risques. Exemples : données sur les AT/MP - maladies - arrêts de travail, recueil des conflits collectifs (actes de violence, insubordination), données sur le fonctionnement (burn-out, absentéisme, démissions, non-respect des délais, mauvaise qualité, incidents avec les clients) - envoi d’un questionnaire aux salariés. L’évaluation doit être transcrite dans le document unique d’évaluation des risques.
  • Définir un plan d’intervention. Il s’agit de définir les changements nécessaires pour améliorer la santé physique et mentale des travailleurs, et les moyens adaptés pour y parvenir.
  • Mettre en œuvre l’action de prévention consiste à réaliser les changements organisationnels et/ou conjoncturels.
  • Juger de l’efficacité de l’action revient à évaluer l’impact de l’action vis-à-vis des travailleurs. Le plan doit être suivi pour vérifier sa mise en application effective et son efficacité. La démarche peut ainsi s’inscrire dans le document unique d’évaluation des risques, notamment au travers de l’analyse des situations problème repérées. Toutes les étapes de ce projet s’accompagnent d’une communication adaptée et d’une implication de tous les acteurs, de sorte qu’ils s’approprient le projet.

Les indicateurs classiquement retenus pour le suivi et la prévention des RPS sont les suivants :

    • Un niveau élevé d’absentéisme notamment de courte durée ;
    • Un niveau élevé de rotation du personnel en particulier fondée sur des démissions, des conflits personnels ou des plaintes fréquentes de la part des travailleurs ;
    • Un taux de fréquence des accidents du travail élevé ;
    • Des passages à l’acte violents contre soi-même ou contre d’autres, même peu nombreux ;
    • Une augmentation significative des visites spontanées au service médical.

A ces indicateurs mesurables proches de ceux qui permettent d’élaborer le bilan social s’ajoutent d’autres indicateurs mesurés par échelle de Likert repris dans les questionnaires de Lanouzière, Karasek ou Siegrist.

Finalement, « la santé et la sécurité, ça se manage comme les autres domaines de l’entreprise ». Le référentiel ILO-OSH 2001 « Principes directeurs des systèmes de management de la santé et la sécurité au travail », Outil de management de la santé et de la sécurité au travail développé par le Bureau International du Travail (BIT), est le seul référentiel international adopté dans un cadre tripartite -pouvoirs publics, employeurs et travailleurs. Mais alors que ces programmes et outils se développent, les statistiques ne s’améliorent guère. Le caractère normatif de ces outils de gestion des risques est d’ailleurs en débat concernant les RPS.

D’ailleurs, pour Marie Christine Soula, médecin du travail et directrice du pôle santé de l’Institut français d’action sur le stress (IFA), les entreprises ne savent plus communiquer avec leurs salariés. Elles communiquent très peu sur le comment et le pourquoi. Nombre de managers sont d’anciens financiers et ne savent pas faire dans l’humain. Même les syndicats ont une part de responsabilité, car préférant jusqu’à présent se concentrer sur leur cœur d’activité : l’emploi. Pour Philippe Zarifian, il faut instituer dans les entreprises, des espaces de dialogue au sein desquels puissent être débattus les difficultés mais aussi toutes les potentialités positives, liées à l’exercice concret du travail. La qualité du travail se joue sur deux critères : le travail bien fait et le travail utile, critères simples qui donnent sens et valeur au travail [27]. Patrick Conjard parle, lui, d’activités de régulation lorsqu’il évoque le rôle des réunions d’équipe, les séances de coaching ou la gestion des conflits [28]. Certains responsables des Ressources humaines, proposent de mêler prévention des RPS avec la gestion prévisionnelle des compétences. Pour Detchessahar, Le Loch, Minguet et Stimec [29], ce n’est finalement pas la charge de travail ou le degré d’exigence du travail qui sont problématiques pour la santé des salariés mais la manière dont leur environnement socio psychologique va leur permettre de faire face à cette charge, de lui donner du sens et de se l’approprier. Les différentes dimensions mises en avant pour caractériser cet environnement convergent toutes vers la question importante de la reconnaissance du travail du salarié. Cette reconnaissance est au cœur des questions de santé au travail. Sans cette reconnaissance, le risque est que l’individu doive assumer des comportements vécus comme déviants et répréhensibles donnant lieu à de l’anxiété du stress. Certaines démarches promues par les directions incluent des services pour les salariés leur facilitant la vie quotidienne (service de pressing, salle de sport, salle de repos, crèche d’entreprise…). Laurence Vanhée, la DRH de la Sécurité sociale belge a quant à elle carrément décidé de remplacer son titre par « directrice du bonheur ». Elle a la simple conviction de gérer des êtres humains plutôt que des ressources. Happy_Laurence (son pseudo sur Twitter) a la tête parfaitement calée sur ses épaules quand elle avance ses (excellents) résultats : la hausse de candidatures spontanées de 500 %. La baisse d’arrêts maladie de 50 % dans ses services. Ou encore l’effondrement des absences : 6 fois moins qu’auparavant. Quant au taux de satisfaction interne, il est désormais de 89 %. Des chiffres qui lui ont valu d’être élu DRH de l’année dans son pays. Et sa conviction est communicative… [30]

3. Les acteurs en présence

Pour traiter des RPS, il est important de cerner les différents ressentis avec des approches variées, des échanges issus de compétences et de positions différentes dans l’entreprise. Ainsi, divers acteurs ont un rôle actif à jouer dans la prévention des RPS.

  • La Direction de l’entreprise est le 1er acteur. C’est elle qui prend les décisions stratégiques et de gestion. C’est un acteur central aux RPS. Elle est tenue de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de ses évaluations des risques à laquelle il doit procéder. Ce document lui permettra de définir les mesures de prévention et d’actions à mettre en œuvre.
  • Le CHSCT (comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail) est une instance de dialogue social et de pilotage des conditions de travail. Cette instance permet de traiter des RPS à travers les discussions relatives au travail, aux relations sociales, aux situations des personnes, au management. Le CHSCT est la clé de voûte du système de prévention des RPS et des risques professionnels en général. Il est compétent pour prévenir la santé physique et mentale des travailleurs. Cette année (2012), le CHSCT célèbre ses 30 ans.
  • Les différentes IRP notamment concernant le harcèlement (moral ou sexuel) ou les actes de violence.
  • La médecine du travail : la médecine est le « conseiller » de l’employeur, des travailleurs, des IRP et des services sociaux. Son objectif est d’améliorer les conditions de vie et de travail, adapter les postes de travail, protéger les travailleurs, assurer l’hygiène en générale, aménager de nouveaux espaces… Elle émet des rapports de synthèse. Le médecin du travail joue un rôle crucial dans les RPS car en contact avec l’état de santé des travailleurs. Il peut alerter l’employeur en cas de développement important de RPS dans l’entreprise.
  • Les salariés eux-mêmes. Les salariés doivent pouvoir s’exprimer sur leurs difficultés au travail. Des dispositifs d’écoute, d’échanges doivent être mis en place pour en assurer l’effectivité.

Schéma tiré de JF Paulin : Les risques psychosociaux.

  • Les pouvoirs publics ainsi que nous l’avons vu plus haut.
  • Les partenaires sociaux. Ils représentent l’intérêt collectif et individuel des salariés. Ils sont donc tenus également de participer à la prévention des RPS. Les partenaires sociaux ont déjà beaucoup contribué en matière de RPS comme avec l’accord sur le stress de juillet 2008 ou sur le harcèlement/violence en décembre 2010.
  • Acteurs extérieurs divers : INRS, CNAMTS, ANACT

 Conclusion

Au regard des dispositifs d’incitation et de contrainte mis en œuvre par les pouvoirs publics, on peut raisonnablement affirmer que le niveau d’efficience dans la lutte contre les risques psychosociaux au travail est satisfaisant. Des réserves peuvent tout de même être émises concernant les petites entreprises dont l’effectif est inférieur à 11 salariés, par absence d’institutions représentatives du personnel parties prenantes dans la lutte contre les RPS. Des réserves peuvent être également formulées dans la fonction publique alors que la montée en puissance des CHSCT dans les projets de prévention des RPS reste encore très timide. Ce niveau d’efficience a certainement des effets positifs sur l’efficacité des mesures mises en place. Pour autant, aucun dispositif fiable n’a encore été mis en place pour mesurer cette efficacité des outils mis en œuvre. Cela ne saurait probablement tarder car après plusieurs années d’exercice, les facteurs impliqués dans les RPS sont identifiés. Avec le recul, l’analyse des démarches, méthodes et outils disponibles pour combattre les RPS au sein des entreprises permettent de les affiner et d’améliorer leur efficacité. Il apparaît toutefois que beaucoup de difficultés demeurent pour pérenniser la prévention. L’expérience montre que la prévention des RPS ne se résume pas à une question d’outil, de méthode… La question des RPS renvoie toujours à des enjeux locaux, liés tant aux contextes de travail particuliers, aux activités mises en œuvre, mais aussi à des relations de travail établies et des systèmes de rapports sociaux dans l’entreprise. Par conséquent, il est constamment nécessaire d’adapter la démarche au contexte. L’idée n’est donc pas seulement de combattre les risques mais également d’améliorer la qualité du travail : faire du travail une source d’épanouissement.

 Bibliographie :

La bibliographie est extrêmement abondante sur le sujet des RPS.

Sitographie :

Livres

  • F. CHAMPEAUX S. FOULON , Seuil, 2012 « Dernier recours. Le monde du travail devant les tribunaux »
  • Ouvrage collectif (2012), « Risques psychosociaux, santé et sécurité au travail : une perspective managériale ». Editions Vuibert

_,

Articles - Revues

  • « Approche institutionnelle de la prévention des RPS au travail », Semaine sociale Lamy, supplément n°1536 en date du 30 avril 2012
  • « Comment gérer les nouveaux risques psychosociaux dans l’entreprise ? », Charlotte Hammelrath, Lexbase, La lettre juridique n°383, 28 février 2010
  • Douillet Philippe (2012), « La prévention des RPS : une opportunité de développer le dialogue sur le travail » Semaine sociale Lamy Supplément 30 janvier 2012
  • Hervé Lanouzière (2011) « La prévention des RPS du point de vue du Code du travail » Semaine social Lamy 21 février 2011
  • Nicole Maggi-germain (2003) « Le stress au travail », Revue de jurisprudence sociale, n° 3, p. 191-200
  • « Risques psychosociaux au travail », Les cahiers du DRH, n°150, janvier 2009
  • « Santé physique et mentale des salariés », Lamy Social, 2012, p.1598 et suivantes
  • Emmanuel Abord de Chatillon (2005) « Le DRH de demain face aux questions de santé et sécurité au travail » http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2005-2-page-157.htm
  • Patrick Conjard (2011), « Prévenir les risques psychosociaux par le management du travail Chargé de mission Anact. » Association francophone de gestion des ressources humaines : http://www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2011conjard.pdf
  • Jocelyne Machefer (2011) « Approche collective des risques Psychosociaux en médecine du travail Intérets et limites des pièges à éviter. »
  • Alain Lancryl (2007) « incertitude et stress » Le travail humain Vol. 70, 2007/3 PUF Marie Laure Bertrand (2010) « Santé au travail : que doit faire l’employeur ? » Les cahiers Lamy du CE n°93 Mai 2010
  • Emmanuel Daoud et Marie Desplanques « la gestion pénale des risques psychosociaux » AJ Pénal Décembre 2010 Editions Dalloz
  • Marie Christine Soula (2009) « les entreprises sont allées beaucoup trop loin dans la dépersonnalisation » Stratégies Magazine n°1570

Rapports

  • «  Bien-être et efficacité au travail », Rapport Lachmann – Larose et Pénicaud réalisé entre le 15 novembre 2009 et le 15 février 2010
  • « Identification des RPS », groupe RH&M, conférence sur la gestion et la négociation des RPS dans l’entreprise, 22 juin 2011
  • « Les risques psychosociaux au travail : les indicateurs disponibles », DARES analyses, décembre 2010, n°81
  • Accord National interprofessionneI sur le stress au travail, 2 juillet 2008
  • * Cécile Benchetrit : mémoire de fin d’étude : « le stress au travail », http://www.slideshare.net/cecilebenchetrit/mmoire-le-stress-au-travail

Articles de journaux :

  • Philippe Zarifian : « Derrière les suicides et les RPS, un retour absolument nécessaire sur la question du travail ». Le monde 4 Mai 2011.
  • Stéphane Lauer « Souffrances et suicides au travail », Le Monde, 22 mars 2008
  • « Les salariés français sont les plus démotivés d’Europe » Le Figaro le 14/06/2013
  • « Pour sept salariés sur dix ; la qualité de vie au travail se dégrade » Le Figaro le 10/06/2013
  • « Au chevet du travail » Marie Pesé Le Monde 15/09/2008
  • « Suicides de salariés : quels risques juridiques pour les employeurs ? » Pierre Bonneau, avocat associé, département social, CMS Bureau Francis Lefebvre Les Echos Business « Le 06/05/2013 »
  • « Conditions de travail - La grande distribution commence à craquer ». Agnès Chareton le Figaro le 01/06/2013

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