Quel avenir pour les services publics en Europe ?

, par Milan Vujisic

Les services publics recouvrent l’ensemble des activités « prises en charge » , directement ou indirectement, par la collectivité pour répondre à des besoins « vitaux » pour la société : sécurité, police, justice, eau potable, santé, éducation, voies de communication, réseaux de télécommunications, électricité, enlèvements et traitements des déchets etc...Tous ces biens collectifs sont essentiels pour le développement économique ( cf : théories de la croissance endogène) mais aussi et surtout pour le développement de la personne humaine et de la cohésion sociale.

Les services publics recouvrent l’ensemble des activités «  prises en charge » , directement ou indirectement, par la collectivité pour répondre à des besoins « vitaux » pour la société  : sécurité, police, justice, eau potable, santé, éducation, voies de communication, réseaux de télécommunications, électricité, enlèvements et traitements des déchets etc...Tous ces biens collectifs sont essentiels pour le développement économique ( cf : théories de la croissance endogène) mais aussi et surtout pour le développement de la personne humaine et de la cohésion sociale.

En effet, l’accès aux services publics est indispensable à l’exercice des droits fondamentaux. L’accès aux services publics permet d’être relié à la société et d’avoir « voix au chapitre » et donc d’exprimer sa liberté. L’homme libre est celui qui est habilité à prendre part à la communauté, qui peut donner son opinion et être écouté. (Conception germanique de la liberté reprise par le philosophe allemand Habermas dans sa théorie de « l’agir communicationnel », citée par Daniel Cohen dans un article du Monde paru le 03/05/2005))

Ce qui fait la spécificité finalement des activités de service public c’est de répondre à une « logique par laquelle elles sont mises au service de fins qui les dépassent ». (J.Chevalier)

Concrètement, Elie Cohen et Claude Henry distinguent trois catégories de missions de service public :

  • celles qui visent à rendre accessibles aux usagers menacés d’exclusion des services essentiels.
  • celles qui, au-delà strictement de la lutte contre l’exclusion, contribuent à la cohésion sociale et au sentiment d’appartenance à une communauté, qu’elle soit nationale ou européenne.
  • celles qui visent à favoriser une utilisation efficace et équilibrée du territoire et des ressources communes.

Pendant longtemps en France, de manière il est vrai inconstante et sous divers avatars, l’Etat a été le garant et l’acteur principal de la poursuite de cet objectif d’intérêt général, légitimant ainsi une intervention sans cesse croissante des pouvoirs publics.

La conception traditionnelle des services publics est résumée par J. Rivero : « La finalité du service public est la satisfaction d’un besoin d’intérêt général ; cette finalité exige que le service relève d’une autorité publique et soit soumis, dès lors, aux règles juridiques qu’implique cette dépendance ». Ainsi la notion de service public est devenue indissociable de la propriété publique.

Aujourd’hui beaucoup de choses ont changé ; on admet que le secteur public et le service public peuvent être totalement dissociés. Ainsi des secteurs longtemps dominés par des monopoles publics, comme l’audiovisuel ou les télécommunications, s’ouvrent à la concurrence. D’autre part, certaines missions de services publics sont remplies par des entreprises privées ce qui est le cas, par exemple, du service public de l’eau.

En effet, il existe en France aussi un autre modèle , celui des services publics locaux ou urbains (eau, assainissement...) qui sont soit en gestion directe par les collectivités territoriales, soit de plus en plus en gestion déléguée.

Pourtant, la conception qui considère que l’intervention publique est nécessaire à la satisfaction d’autres objectifs que la simple fourniture de service, comme la promotion de l’équité sociale et de la cohésion nationale, est encore bien prégnante en France.
Ainsi la notion de service public propre à la France, n’est pas d’utilisation générale.

Dans le monde anglo-saxon, l’usage de l’expression « public utilities  » dénote le caractère essentiellement utilitariste de l’approche des grands services en réseaux, approche centrée sur la fourniture de services aux consommateurs finals.

D’une façon tout de même plus ambitieuse que la conception anglo-saxonne, le projet de constitution européenne, à la recherche d’un compromis, préfère la notion de « services d’intérêt économique général » (complétée par celle de « service universel ») évitant de reprendre l’expression de « services publics » aux relents trop étatistes. Finalement c’est la nature du service (éducation, santé, transport, électricité...) qui prime et non le statut du prestataire (public ou privé).

La notion de service public impose-t-elle celle de propriété publique, de monopole ou même de péréquation comme le soutiennent certains ?

Mais, a contrario, est-il réellement possible d’affirmer que les services publics peuvent se développer sans maîtrise ou régulation publique ?

Comment poursuivre le processus de modernisation des industries de réseau et de nos économies tout en renforçant le « lien social »  ?

Les processus de libéralisation, de privatisation et de déréglementation, soucieux de rendre ces services plus performants, ne risquent-t-ils pas de remettre en question, in fine, les missions de service public qui incombent aussi bien à des opérateurs privés que publics ? A quelles conditions ces missions peuvent-elles être préservées ?

En analysant les facteurs qui ont gouverné les mutations des services publics ces dernières années, ainsi que leurs modes d’organisation et de régulation aujourd’hui, nous pourrons mieux éclairer la question de l’avenir des services publics en Europe.

Mais au préalable, il convient de revenir sur une notion qui véhicule encore beaucoup de fantasmes et de préjugés.

I) Les « services publics » : une notion complexe

La notion de service public est complexe d’abord parce qu’elle désigne indifféremment un large éventail de services, depuis les missions régaliennes (défense, police, justice), les missions dites providentielles (éducation, santé publique, assurance chômage et sécurité sociale), ainsi que les grands services industriels et commerciaux en réseaux (services postaux, télécommunication, transports, gaz et électricité, adduction d’eau et collecte des eaux usées, collecte des ordures ménagères,). qui nous intéressent plus particulièrement ici, puisque pour le moment ce sont les seuls à être « menacés  » par la législation européenne. Ensuite parce qu’elle intègre à la fois des éléments politiques, juridiques, sociaux, économiques et même idéologiques.

1) De l’idéologie au besoin d’une réflexion éthique

La notion de service public est multiple. Elle ne s’arrête pas aux approches économiques ou juridiques que nous allons développer par la suite mais elle évoque une dimension idéologique qui a aussi son importance. En effet, elle fait référence de manière immédiate à un Etat et à une société unis dans un corps commun orienté vers le bien être de tous. Même si cette vision aide à comprendre les réactions épidermiques et réfractaires à tout changement et à toute mutation de la part de certaines personnes, je n’évoquerai cette « dimension mythique » que de façon liminaire.

Dans cette conception le service public est totalement inféodé à un Etat qui bénéficie selon J. Chevalier du triple postulat de bienveillance, d’omniscience et d’infaillibilité et où ce dernier serait « investi d’une mission d’intérêt général, et doté de la capacité, de répondre à l’ensemble des demandes, de satisfaire les besoins de tous ordres des individus et des groupes, en leur fournissant les prestations qu’ils réclament ».

Un Etat et un service public investis d’une telle puissance ne sont plus viables.

La crise économique et sociale que nous traversons, la mondialisation de l’économie et la réalité d’une Europe plurielle nous obligent à réfléchir objectivement sur les véritables contraintes qui pèsent sur nos différents choix de société.

Pour autant, cette dimension « idéale » doit être un élément important du projet de construction européenne pour lequel il s’agit d’obtenir l’intérêt et l’adhésion du plus grand nombre. L’Europe ne peut s’abstraire d’une réflexion éthique et d’une « morale communicationnelle » (J. Habermas ) sur ce qu’elle propose à nos concitoyens.

C’est ainsi que l’Europe face à elle même et au reste du monde doit donner un sens à sa construction.

L’économie de marché ne résout pas tout. Le capitalisme obsédé par la compétitivité, glorifiant l’individu, mène à des égarements qui aboutissent à l’exclusion et à « l’oubli d’autrui ». L’Europe ne peut tolérer cela. Elle doit permettre, aux individus, aux pays et aux sociétés qui le souhaitent, de construire une « éthique de l’intersubjectivité où chacun construit son identité en fonction de l’autre  ». F. Racheline rappelle, en citant E. Lévinas, que l’autre ne m’est pas extérieur mais qu’il se trouve au cœur de ma propre identité. Le « Je suis » est en même temps « Je pense l’Autre ».

Penser les services publics c’est penser l’autre, c’est se penser soit même en liaison avec les autres.

On comprend dès lors que la protection des services publics devienne un enjeu majeur.

La cohésion sociale ne peut être sacrifiée à la compétitivité économique. Les Etats-nations l’ont parfaitement compris par le passé. Aujourd’hui pour éviter un repli identitaire et nationaliste amenant cette fois-ci à une « négation de l’autre  », l’Europe doit réfléchir à cette nécessaire conciliation entre performance économique et justice sociale.

La question des services publics est donc centrale pour le développement des sociétés démocratiques à économie de marché, elle est vitale pour l’Europe.

Le traité établissant une constitution pour l’Europe affiche clairement cette ambition

Article II-96 : L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union.

Une des avancées significatives de la Constitution européenne repose sur l’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le traité.

2) Des fondements historiques et juridiques

Le concept français de service public a une origine juridique : à la fin du XIXe s et au début du XXes, la jurisprudence du conseil d’Etat forge les trois grands principes d’égalité, de continuité et de mutabilité qui devront s’appliquer à chacune des activités relevant du service public.

Le principe de continuité renvoie à l’existence d’un besoin social ou stratégique à satisfaire qui implique que l’activité soit continue, une implication pratique de ce principe est le service minimal en cas de grève assuré par exemple dans la navigation aérienne et l’audiovisuel ; le principe d’égalité implique que tous les usagers soient placés en position égale, sans discrimination ni avantage particulier (d’où l’instauration de la péréquation sociale et géographique des tarifs) mais ce principe n’empêche pas de pratiquer des prix différenciés qui prennent en compte des situations différentes (les prix du TGV sont modulés selon les heures de pointe, percevoir de faibles revenus permet de payer moins cher la cantine scolaire de ses enfants...). Pour autant, les entreprises de service public n’ont pas tout à fait la même liberté de tarification et de choix de qualité de leurs prestations que les entreprises ordinaires. L’éventualité d’un recours au tribunal administratif marque la différence ultime entre une entreprise soumise à l’économie de marché et une entreprise de service public à caractère industriel et commercial ; enfin le principe de mutabilité-adaptabilité implique que les prestations soient adaptées en permanence aux besoins et évoluent en quantité et en qualité.

Au travers de ses trois grands principes le régime du service public est donc conçu comme un moyen d’imposer à l’administration certaines normes et certaines règles de fonctionnement pour le profit collectif des usagers.

Cet ordre juridique, qui a pour fonction d’énoncer ce que la communauté reconnaît comme juste ou licite est le résultat d’une construction historique et sociale qui remonte à des périodes très anciennes.

Le service public recouvre, en France, deux modèles : un modèle local, dont l’origine remonte au moyen-âge et un modèle national plus récent que l’on pourrait faire remonter à Colbert.

Le processus historique de construction des services publics est lié au développement de nos sociétés et au rôle dévolu à l’Etat dans le fonctionnement de celles-ci.

«  A mesure que la civilisation se développe, le nombre des activités susceptibles de servir de support à des services publics augmente et le nombre des services publics s’accroît par la même.  » écrit Léon Duguit, un des pères de la doctrine sur les services publics, au début du XXe siècle.

Sont apparus successivement des services publics régaliens (diplomatie, armée, police, justice, monnaie, impôts) puis des services municipaux ou locaux enfin des services de nature essentiellement infrastructurelle pour reprendre l’expression de P. Bauby.

En France, les services publics se sont construits pour l’essentiel à partir de l’Etat, compte tenu de son rôle dans la construction de « territoire national » et de la constitution de la « nation  ».

a) les services publics locaux

Au XIXe siècle, de nombreux services nouveaux, érigés en services publics, apparaissent à l’échelon local (eau, gaz, électricité...).

Les collectivités locales voient leurs compétences se développer (lois de 1871 et de 1884), ce qui les amène à fournir un nombre croissant de services publics.

Pourtant, au départ, la jurisprudence administrative (d’inspiration libérale), qui veille au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, est précise : « la création d’un service public local ne sera admise que si, en raison de circonstances exceptionnelles puis seulement particulières de temps et de lieu, un intérêt public l’exige  ».

Au début du XXe siècle cette jurisprudence s’est assouplie et l’intérêt public est conçu de manière de plus en plus exclusive. L’exigence d’une carence de l’initiative privée est passée au second plan. L’intérêt public tend ainsi à prévaloir sur la sauvegarde de l’initiative privée. Plusieurs vagues d’extension des services publics économiques vont alors se produire pendant le XXe siècle.

Une première vague est d’abord liée au développement du socialisme municipal qui aboutit à la légalisation de certaines activités économiques des communes (voies ferrées d’intérêt local 1913). Par la suite, tout au long du XXe siècle, les collectivités locales se verront charger de la gestion d’une série de services de proximités (distribution et épuration des eaux, transports urbains, chauffage collectif,...). Les collectivités locales, dont la vocation sociale est clairement affirmée, jouent un rôle essentiel pour la gestion des services sociaux, qu’il s’agisse de l’assistance, de l’hospitalisation, du logements (H.L.M.) ou de la lutte contre les fléaux sociaux. Il ne faut pas oublier non plus, bien que plus récente, la croissance des services sociaux plus culturels.

La gestion des services publics locaux relève de la compétence des communes et des regroupements de communes. Leur mode d’organisation dépend de la décision des élus, qui ont le choix entre deux modes de gestion, la gestion directe, c’est-à-dire la régie, ou la gestion déléguée, celle-ci pouvant prendre deux formes.

Le premier de ces modes est représenté par la concession ou l’affermage, dans lesquels le titulaire du contrat est rémunéré par le produit du prix du service payé par l’usager (le concessionnaire a pour mission la construction, l’entretien et la gestion d’un réseau, le fermier reçoit un ouvrage déjà constitué qu’il doit entretenir et gérer).

Le second mode est celui du marché public, dans lequel le titulaire du contrat est rémunéré directement par la collectivité qui lui a confié l’exploitation. Le gestionnaire du service, qu’il soit personne publique, privée ou mixte, dispose pour la gestion du service d’un monopole territorial et temporel (accordé pour un période de temps déterminé).

b) Les services publics nationaux.

Les services publics nationaux, mis en œuvre par les grandes entreprises publiques comme La Poste, la SNCF ou EDF, forment l’autre modèle de service public existant en France. Ce sont ceux que l’on évoque le plus souvent quand on parle aujourd’hui de service public.

En réalité, la notion de service public sous tend une vision bien précise de l’Etat : alors que l’Etat pouvait être érigé en instance supérieure, dotée d’une puissance inconditionnée, « il est désormais placé dans un statut de subordination assujetti au droit et au service des citoyens ; et son rôle n’est plus que de fournir les prestations qu’appellent le développement de la solidarité sociale ».

Selon Duguit le service public permet de jeter les bases d’une limitation objective de l’Etat : la puissance des gouvernants est justifiée par la nécessité de satisfaire les besoins collectifs du public. Comme le dit Duguit «  les gouvernants ne sont plus les organes d’une personne publique qui commande  ; ils sont les gérants d’affaires de la collectivité ». Et l’Etat selon les circonstances, poursuivant l’intérêt général, dans un souci d’efficacité, sera amené à prendre les affaires directement en main ou à les déléguer, tout en les encadrant.

Mais cette conception originelle, qui se voulait finalement celle d’un Etat « modeste » et responsable, a été en maintes circonstance dévoyée. La puissance publique a souvent instrumentalisé la notion de service public au point qu’une activité n’était considérée comme étant d’intérêt général que parce que les pouvoirs publics en avait décidé ainsi : «  est service public l’activité économique et sociale que les pouvoirs publics entendent ériger comme telle. »

A partir des années 30, sous le Front populaire, les services publics nationaux se sont rapidement développés avec notamment la nationalisation des chemins de fer. Mais c’est surtout à la libération que l’Etat se donne une base légale très forte pour un vaste mouvement de nationalisations. qui font fréquemment référence aux services publics, comme en témoigne le préambule de la constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité  ».

Le chemin de fer naît en France en 1827. Le réseau se développe entre 1840 et 1860 où le privé (concession de l’Etat pour les réseaux du Nord, de l’Est ou du Sud-Est) et le public (réseau de l’Ouest) s’entrecroisent. Aiguillonné par les initiatives privées, le législateur décide en 1833 de faire du chemin de fer une « chose publique ». « Le rôle de l’Etat se manifeste, par conséquent, dès la création du réseau ferroviaire, en symbiose avec une exploitation par des compagnies capitalistes dans le cadre du marché » (P. Bauby)

Cette organisation se maintient pour l’essentiel jusqu’aux années 30. La crise économique et l’apparition de la concurrence routière conduisent les compagnies à une situation financière critique. La nationalisation de 1937 en est la conséquence.

De la même manière, l’Etat a été amené à intervenir dans le secteur de l’électricité.

Au cours des années 30, les compagnies d’électricités privées sont accusées de pratiquer des tarifs trop élevés, de ne pas suffisamment investir, de ne pas desservir les zones peu denses ou isolées. L’Etat intervient de plus en plus pour réguler le marché : en 1928 entre en vigueur un cahier des charges type pour les concessions de distribution ; en 1935, les décrets-lois de Laval fixent les tarifs à l’échelon national et marquent u premier pas vers la péréquation ; en 1938, l’Etat intervient dans la coordination des investissements de production et de distribution pour exploiter les potentiel hydraulique ; le 29 mars 1946 l’Assemblée constituante vote la nationalisation des compagnies d’électricité. EDF est née.(P. Bauby)

Pourtant le service public industriel et commercial n’est pas une invention française. Tous les pays européens et même les Etats-Unis et le Japon ont pris soin d’organiser un secteur d’utilité publique qui devait concilier une double logique économique et sociale. C’est à cette fin qu’une réglementation des prix et des investissements a été mise en place. La France, à la différence de l’Allemagne, a préféré au début du XXe siècle la concession du service public, octroyé à des entreprises privées, au modèle de la régie publique. Ce sont les nationalisations d’après guerre qui ont étendu le contrôle public et rapproché le modèle français du modèle allemand même si au passage une nouvelle différence est apparue qui tient au caractère centralisé de l’Etat français et au caractère fédéral de l’Etat allemand

En réalité les services publics n’ont pas la même configuration dans le temps et dans l’espace. Ils sont toujours le résultat d’une construction sociale et de rapports de forces que le débat démocratique pousse au pragmatisme

3) Les fondements économiques  : les défaillances du marché

Le marché et la concurrence font preuve dans certains domaines de défaillances patentes. Faire relever certaines activités du service public permet de corriger ces imperfections et de prendre en compte des phénomènes utiles pour l’économie et la société : gestion du long terme, pour lequel le marché est myope ; financement d’investissements trop lourds, pas forcément rentables rapidement ; préservation d’un bien rare et précieux ; effet de « club », l’avantage qu’un usager retire d’un réseau étant proportionnel au nombre des autres utilisateurs...

Les services publics sont des services qui « contribuent à la qualité de vie des citoyens et sont un préalable au plein exercice de nombre de leurs droits fondamentaux, à la compétitivité des industries et renforcent le cohésion sociale et territoriale » mais que les marchés échouent à produire d’une manière souhaitable ou à des prix acceptables. Ils doivent être produits sous le contrôle de la collectivité, au meilleur coût possible pour celle-ci.

La théorie économique a montré clairement que le marché de concurrence parfaite ne conduit pas à l’optimum lorsqu’un certain nombre d’hypothèses ne sont pas vérifiées et que se manifestent les phénomènes d’externalités, de monopoles naturels et de biens collectifs (F. Lévêque : «  Economie de la réglementation »)

L’externalité est un effet de l’action d’un agent économique sur un autre qui s’exerce en dehors du marché. L’externalité est dite positive quand l’effet procure une amélioration du bien-être de l’autre agent et négative quand cet agent voit son bien être diminué.

Il y a monopole naturel quand les coûts moyens d’une entreprise sont décroissants pour tout niveau de production (le coût marginal est toujours dans ce cas inférieur au coût moyen). Dans ces conditions, une seule firme satisfaisant toute la demande aura des coûts inférieurs à deux firmes ou plus se partageant cette demande. Cette situation se rencontre lorsque le coût relatif des infrastructures « à rendements marginaux croissants » est important par rapport à ceux de l’exploitation comme c’est le cas pour les réseaux électriques à haute tension ou les réseaux ferroviaires qui présentent des coûts fixes élevés. « Le monopole permet de produire plus efficacement, car à moindre coût pour la collectivité ». Il y a intérêt à conserver la gestion des infrastructures dans un cadre monopolistique. Pourquoi aller construire deux réseaux ferroviaires alors qu’un seul suffit à assurer le transport de tous les trains souhaitables ?

Cependant la théorie économique standard réprouve le monopole privé car il conduit, « naturellement », à fixer des prix supérieurs et des quantités inférieures à ceux correspondant à l’optimum collectif. L’entreprise en situation de monopole naturel poursuit une logique de maximisation de profit qui l’amènera à fixer un prix de vente au moins égal au coût moyen et donc supérieur au coût marginal (contrairement à une situation de concurrence parfaite).

Dans cette circonstance la main invisible est mise en échec car la fixation du prix au coût marginal qui maximise la richesse collective entraîne un profit négatif pour l’entrepreneur. L’intérêt individuel du « monopoleur » s’oppose à l’intérêt général de la collectivité.

«  La tarification administrée est la solution canonique du problème de monopole naturel. » Pour pallier le « défaut » de rendements croissants, une autorité de réglementation intervient sur le marché en fixant le prix de vente du bien.

«  La tarification administrée connaît deux grandes variantes. La première stipule que l’Etat subventionne le déficit du monopole et établit autoritairement son prix au coût marginal. Cette solution, difficile d’application (la situation du « voyageur pour Calais »), n’a guère été mise en pratique. Elle nécessite d’opérer un prélèvement fiscal qui peut lui-même être à l’origine d’inefficacité. La seconde variante est celle qui maximise le surplus collectif en respectant la contrainte budgétaire de l’entreprise. Il s’agit d’un optimum de second rang, car il s’agit du second meilleur état possible pour la collectivité. Dans le cas où l’entreprise ne produit qu’un seul bien, le prix de vente sera fixé au coût moyen, résorbant par là même le déficit du monopole. Dans le cas où le monopole produit plusieurs biens, c’est-à-dire plusieurs produits faiblement substituables pour le consommateur, mais dont la production conjointe est source d’économie (un exemple est la SNCF, qui vend des trajets Paris-Lyon et Paris-Bordeaux) la méthode utilisée est celle préconisée par Ramsey et Boiteux. Elle consiste à faire payer à chaque catégorie d’usager un prix dont l’écart par rapport au coût marginal est d’autant plus grand que les usagers sont plus captifs. Les usagers paient d’autant plus cher que le service leur est indispensable » (F. Lévêque)

Dans cette approche, la présence de rendements d’échelle croissants dans les industries de réseaux justifie à elle seule l’intervention de l’Etat.

- Enfin l’économie de la réglementation décrit une autre situation où la main invisible est inopérante à conduire l’intérêt individuel des producteurs vers la satisfaction de l’intérêt général. Il s’agit des biens collectifs.

«  Un bien est collectif quand il possède la double propriété de non-excludabilité et de non-rivalité » (F. Lévêque). La non-excludabilité (ou non-exclusion) désigne l’impossibilité d’écarter qui que ce soit de l’utilisation d’un service, y compris les individus qui ne contribueraient pas à son financement (les passagers clandestins). Se pose alors un problème d’incitation à produire, pour les entreprises privées, car elles savent à l’avance qu’elles ne parviendront pas à se faire payer et à rentabiliser leurs investissements. La non-rivalité est la propriété qu’un bien puisse être consommé simultanément par plusieurs agents sans que la quantité consommée par l’un diminue les quantités encore disponibles pour les autres.

«  En d’autres termes le coût marginal pour servir un consommateur supplémentaire est nul. A cause de ce coût nul, tous la agents économiques doivent avoir la possibilité de consommer. Il ne faut pas, par exemple, instaurer un droit de péage, pour la traversée d’un pont. Le prix du passage exclurait les usagers qui ont de faibles ressources ou qui ne sont pas très intéressés par le service proposé, alors qu’il ne coûte rien de les satisfaire.  »

Certes, si la consommation du bien non rival est gratuite le producteur ne peut pas couvrir ses dépenses, mais l’on devine bien que cette caractéristique des biens collectifs permettra aux pouvoirs publics d’intervenir de manière plus légitime et plus efficace dans le cadre des missions de services publics.

Il existe des correspondances entre ces trois notions. F. Lévêque nous montre, dans son ouvrage, explicitement comment un bien collectif est une sous-catégorie de l’externalité et comment le problème du monopole naturel peut lui-même être transposé en termes de biens collectifs.

Les services publics sont l’illustration même de cette complexité et du rôle qui leur est dévolu pour remédier aux défauts du marché.

Ils jouent un rôle important en matière d’externalités, qu’ils s’agissent d’externalités positives qu’ils créent (éducation, santé..) ou d’externalités négatives qu’ils corrigent (pollution...).

«  Certains services publics (poste, télécommunication) ont cette propriété que l’intégration d’un usager supplémentaire bénéficie non seulement à cet usager mais aussi à tous les usagers déjà raccordé qui souhaitent communiquer avec le nouvel arrivant. Cet effet positif justifie que celui-ci paie un prix inférieur au coût du raccordement Si d’autre part dans une agglomération, les transports en commun sont largement disponibles, ils diminuent le trafic des véhicules particuliers, et par conséquent les coûts d’environnement et de congestion que ceux-ci occasionnent. Cela justifie que les transports en commun soient tarifés au dessous de leur coûts. Il y a aussi de forts effets externes affectant la répartition des activités à travers le territoire. Des services publics attractifs en qualité et en prix constituent une composante importante d’une politique efficace d’aménagement du territoire et de lutte contre la désertification et la congestion de territoire. » (E. Cohen et C. Henry)

II) La nécessaire rénovation des services publics

Durant les années 80-90, dans un contexte de crise économique marquant l’incapacité de l’Etat à préserver un rythme de croissance et de plein-emploi, les services publics ont fait l’objet de critiques qui s’inscrivent dans un mouvement plus général de crise de l’Etat providence.« Le mythe du service public reposait sur le dogme de l’infaillibilité de la gestion publique et sur l’affirmation de sa supériorité sur la gestion privée  ».

Or ce postulat, jusqu’alors à peu près incontesté, va être dénoncé de l’intérieur comme de l’extérieur et être emporté par la vague libérale qui déferle sur le continent européen.

1) De profondes mutations

L’apparition de nouvelles technologies a rendu certains « marchés contestables » (cf. Baumol) ; la théorie du « monopole naturel » qui avait justifié la création de certains services publics nationaux a ainsi pu être considérée comme dépassée. La mise en place de réseaux concurrents pouvait dans certains cas être souhaitable ; le cas du secteur de l’audiovisuelle (TV et radios) ainsi que celui des télécommunication, avec les communications hertziennes, sont symptomatiques de cette évolution.

Les évolutions technologiques ont incité aussi à concevoir séparément la régulation des infrastructures et des services. Jadis, un réseau de fils de cuivre ne permettait d’acheminer que des communications vocales. Le réseau était identifié au service (unique) qu’il permettait d’offrir : le téléphone. Aujourd’hui, la fibre optique achemine aussi des données et des images, tandis que les services de téléphonie peuvent emprunter la voie des câbles , celle de la radio ou du satellite. Plus généralement, si la plupart de ces services présentent une structure en réseau, il apparaît que seule l’infrastructure présente les caractéristiques adéquates pour être maintenue en monopole : construire plusieurs réseaux gaspillerait effectivement des ressources, tandis que les services qui peuvent être rendus avec cette infrastructure profiterait sans doute de « l’aiguillon » de la concurrence.

Les services publics subissent aussi d’une autre manière l’impact des innovations technologiques ; partout l’informatisation contribue à infléchir leur organisation.

L’ouverture de frontières oblige les services publics qui agissent sur des marchés ouverts à miser davantage sur la qualité de leur prestation que leur privilèges pour assurer leur avenir.

La crise économique a bloqué la dynamique d’expansion de l’Etat providence. La maîtrise des déficits publics oblige l’administration à une gestion plus rigoureuse de ses moyens.

Toutes ces contraintes se conjuguent avec des contraintes d’ordre social.

Les services publics doivent faire face à une insatisfaction croissante du public. Le comportement des usagers a changé, en devenant de plus en plus semblable à celui des consommateurs ordinaires : exigeants et revendicatifs, les usagers attendent avant tout des services publics qu’ils leur fournissent des prestations meilleures et à moindre coûts.

2) L’inefficacité de la gestion publique : les défaillances de l’Etat

La mise en évidence des rigidités bureaucratiques qui affectent les services publics a nourri une critique virulente à l’égard de la gestion publique. Par essence peu performants et faiblement productifs, dans la mesure où ils ne connaissent pas la stimulation de la concurrence, les services publics s’acquitteraient moins bien et à des coûts plus élevés de leurs missions que les entreprises privées. Le monopole, tout public qu’il soit, n’a spontanément tendance à améliorer ni ses coûts ni sa qualité, puisque la sanction de la concurrence n’est pas là pour le priver de clients captifs.

Le rôle majeur de la concurrence, partout où elle est bénéfique, c’est de stimuler l’innovation et de faire pression sur les coûts et d’en faire bénéficier les usagers et indirectement les contribuables. Selon E. Cohen et C. Henry, «  Il ne sert pas à grand chose de définir avec soin les missions de service public, de raffiner les structures de tarifications et de subvention si les services offerts sont obsolètes et leur coûts de production excessifs. »

Mais surtout ce ne sont plus seulement les performances techniques et économiques des services publics qui sont jugées insuffisantes mais leur efficacité sociale qui est mises en doute.

L’égalité promise par les services publics serait une fiction. Plus encore la consommation des biens publics tendrait à amplifier les inégalités et non à les réduire. Pour A. Minc « La machine égalitaire  » fonctionnerait à rebours dans la mesure où les services publics profiteraient d’abord aux plus aisés.

«  Si un prix très bas est nécessaire pour que les usagers aux ressources les plus modestes restent abonnés au téléphone, faut-il en faire bénéficier l’ensemble des usagers, provoquant un déficit qui doit être financé par les contribuables ?
Ne faut-il pas réserver le bénéfice des interventions publiques à ceux qui à défaut serait réellement exclus ?
Rien ne justifie que la péréquation tarifaire incite les propriétaires des résidences secondaires isolées à s’équiper à trop bon compte en chauffage électrique ; c’est économiquement inefficace et cela entraîne une charge financière pour la collectivité, qu’aucune mission de service public ne justifie  » (E. Cohen et C. Henry)

Si les critiques d’E. Cohen et C. Henry sont jusque là fondées et justifiées, il leur arrive d’exagérer, au risque d’énoncer une contre-vérité, en affirmant que les réels succès du service public « à la française » concernent davantage la politique industrielle et l’emploi que le service du public et la solidarité à proprement parler.

«  La vraie spécificité française n’est pas l’invention du service d’intérêt économique général. Elle réside dans une conception plus attentive au rayonnement de l’Etat social-colbertiste qu’au service public[...]Jusqu’en 1969, le téléphone est un bien public rare, rationné distribué sur des bases discriminatoires par des notables, alors que dans tous les autres pays développés le téléphone était non seulement accessible sur tout le territoire mais à un coût faible car péréqué. Certes à partir de 1969 et davantage à partir de 1974 un plan de rattrapage a été mis en place. Mais le facteur déclenchant n’a pas été une soudaine conscience de l’intérêt public mais plus prosaïquement la volonté de faire d’Alcatel un champion national en lui permettant de maîtriser l’accès à la technologie électronique temporelle développée »

Tout de même, il faut bien le reconnaître, les objectifs assignés à la politique industrielle et à la politique de l’emploi (fixer un salariat à statut qui jouie d’une sécurité de l’emploi en échange de salaires modestes) ne sont pas nécessairement contradictoires avec les missions de services publics. Sans doute que ces objectifs ont finalement permis d’offrir aux français des services publics de qualité.

Pour l’école du Public Choice, et les courants qui s’en inspirent, l’inefficacité de la gestion publique n’est pas accidentelle mais naturelle. Le développement des interventions publiques s’expliquerait en effet non par l’intérêt général mais par le profit qu’en tirent certains groupes sociaux d’une part , élus et fonctionnaires d’autres part.

En effet, non soumise aux contraintes de marché, l’équipe dirigeante peut établir des projets d’investissements surdimensionnés que son autorité de tutelle, faute d’informations suffisantes et adéquates ne peut juger correctement. Cette situation d’asymétrie d’information, entre l’Etat régulateur et le monopole public régulé, est à la source d’écarts importants entre les objectifs affichés de régulateur et ceux qu’il est capable de promouvoir effectivement. Cette situation se traduit par le fait que des ressources collectives, dont devrait profiter la collectivité des usagers ou des consommateurs sont de fait « capturées ».

Dans le même ordre d’idée , l’objectif des « managers publics » peut tendre à maximisation de la taille de l’entreprise, comme symbole de leur autorité et de leur réussite. « La croissance des moyens à leur disposition et la bureaucratisation qui en découle peuvent devenir un objectif en soi au-delà de toute considération de service public ».

Sans vouloir systématiser cette critique radicale, il apparaît clairement que les « services publics industriels et commerciaux » ont pu , en France, davantage servir la toute puissance de l’Etat ou même des intérêts particuliers sans nécessairement se soucier de l’intérêt de la collectivité ou des plus démunis.

3) Un choix élargi de solutions alternatives pour les pouvoirs publics.

Les prescriptions théoriques proposées par l’économie de la réglementation face aux problèmes de rendements croissants ne se limitent plus aujourd’hui à la tarification administrée.

Une première situation est celle des marchés contestables. La notion de marché contestable a été élaborée par Baumol (1982). L’hypothèse de contestabilité signifie notamment qu’il n’existe pas de barrières pour entrer et sortir de l’industrie.

Si le marché est contestable, l’entreprise fixera d’elle même son prix au coût moyen. La compétition potentielle a pour effet de discipliner le monopole maximisateur de profit et d’aligner son intérêt avec l’intérêt général (correspondant ici à un optimum de second rang).

Il n’est pas nécessaire, dans ce cas, que l’Etat intervienne en fixant le prix. Il suffit de rendre possible la concurrence en levant les obstacles juridiques qui interdisent l’arrivée de nouveaux entrants.

Une deuxième circonstance dans laquelle un optimum de second rang peut être atteint sans intervention de l’Etat sur les prix consiste à mettre en place un mécanisme d’enchère pour attribuer le droit de monopole. On doit à Demsetz (1968) d’avoir rappelé et approfondi une idée déjà suggérée par Chadwick en 1859 à propos des chemins de fer.

Cela s’applique déjà pour les services locaux de collecte des ordures ménagères et d’approvisionnement en eau.

Les entreprises enchérissent auprès du maire pour obtenir une concession sur une période donnée. Celle qui propose le prix le plus faible pour assurer le service l’emporte.

Une troisième circonstance qui amène le monopole à s’autodiscipliner est la compétition intermodale. Cette forme de compétition est particulièrement active dans le domaine de l’énergie et du transport. Elle peut être illustrée dans ce dernier cas à propos du tunnel sous la Manche.

Avant le tunnel, la concurrence intermodale s’exerçait faiblement. Air France et British Airways (en situation de duopole) et les compagnies maritimes (à l’abri de leur oligopole) ont pu sans obstacle mener des politiques de prix élevés. On se trouve aujourd’hui devant une concurrence intermodale multiple et intense. « Le degré de substituabilité entre les différentes façons de traverser la Manche est aujourd’hui tel que le caractère local de monopole naturel de chaque infrastructure ne conduit pas à une tarification au-dessus des coûts moyens. La concurrence intermodale est même si intense que les prix de certaines compagnies s’approchent plutôt du coût marginal ».

L’autorité publique dispose ainsi d’autres moyens d’action que la tarification administrée pour amener le monopole à un comportement qui tende vers l’intérêt général. Elle peut abaisser les barrières à l’entrée et à la sortie, promouvoir la rivalité pour obtenir une concession ou encore favoriser la multiplication des techniques (comme dans le transport et l’énergie)

4) La construction européenne

Le principe de la concurrence est « le ressort fondamental » de la construction européenne. Les instances européennes sont inévitablement portées depuis le traité de Rome à lutter contre l’ensemble des réglementations discriminatoires, des dispositifs protectionnistes et des situations monopolistiques aménagés au profit des services publics.

Néanmoins pendant longtemps, compte tenu d’une connivence entre les Etats, le secteur public et les services publics ont été épargnés.

Tout a changé depuis les années 80 : la politique de privatisations systématiques engagés par le Royaume-Uni brisait le consensus entre les Etats.

Les instances communautaires se sont attaquées au problème posé par l’existence de grands réseaux de services publics nationaux dotés d’une position monopolistique.

L’article 90 du traité de Rome stipule que les « services d’intérêt économique général » sont en principe assujettis à l’ensemble des disciplines communautaires et notamment la concurrence, les dérogations justifiées par la mission particulière de ces services étant soumises à des conditions strictes et au contrôle étroit des instances communautaires.

La commission cherchait donc à faire prévaloir les principes libéraux du traité et donc à ouvrir ces services à la concurrence. Ainsi s’est dégagé progressivement un consensus pour considérer que le principe de la concurrence peut être appliqué à la gestion des SIEG (services d’intérêt économique et général) moyennant une régulation publique.

Le terme de « service public » n’est pratiquement pas employé dans les textes européens. On lui préfère les notions de service universel et de services d’intérêt économique général.

La commission européenne, dans les réglementations du secteur des télécommunications par exemple , s’est récemment appuyée sur la notion de service universel qui regroupe, conformément à la tradition anglo-saxonne, les services de base pour lesquels un droit d’accès pour tous les citoyens est jugé indispensable. Cette notion correspond à une tarification à un prix abordable de prestations essentielles dont le contenu est révisable périodiquement afin de tenir compte de l’évolution sociale et du progrès technique. Le service universel entraîne un manque à gagner pour les fournisseurs. Il est donc nécessaire de prévoir des instruments qui assurent son financement (subventions croisées, fonds de financements spécial...)

Par ailleurs, depuis l’origine de la construction européenne, compte tenu de la tradition continentale organisant des monopoles ou des dérogations importantes aux règles de la concurrence pour permettre en principe le service dans des conditions de prix et d’accès égales pour tous, l’Europe a forgé le concept de services d’intérêt économique et général (SIEG).

Le traité d’Amsterdam du 2 oct. 1997 soulignait le rôle que les SIEG jouent « dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union », il a confié aux autorités communautaires le soin de veiller « à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leur mission ».

L’article 36 de la Charte des droits fondamentaux proclamée à Nice en 2000 fait l’accès à ces services un des droits fondamentaux garantis par la construction européenne.

La construction européenne continue aujourd’hui sa route. Il n’y a aucune fatalité à ce que l’Europe à venir ne repose que sur la concurrence et le marché.

Le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe apporte des avancées non négligeables en matière de rééquilibrage des principes qui gouvernent l’intégration européenne. L’article III-166, qui reprend les traités précédents, précise que les SIEG peuvent relever d’autres règles et normes que le droit de la concurrence et du marché intérieur.

De plus, le traité constitutionnel accorde pour la première fois, à la demande conjointe de la France et de la Belgique, une base juridique aux SIEG à travers l’article III-122. Cet article ouvre la porte à l’adoption d’une loi européenne établissant les principes communs aux SIEG .

Article III-122.

«  Eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique et général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l’Union et les Etats membres, chacun dans les limites de leur compétences respectives et dans les limites du champ d’application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leur missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu’ont les Etats membres , dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services. »

Qu’il s’agisse des services publics locaux, sociaux, culturels, d’éducation ou de santé, les Etats gardent la liberté de les définir, de les organiser et de les financer selon leur propre volonté politique.

5) Conséquences de ces mutations : « La déréglementation  »

Toutes ces mutations technologiques, économiques et sociales ont provoqué la mise en place de nouvelles formes d’organisation et de régulations des services publics. L’Europe n’est évidemment pas la seule responsable de ce mouvement mais l’impulsion est souvent venue de la Commission européenne. A partir des années 80, une série de livres verts et de livres blancs a souligné l’intérêt, pour la réalisation du marché intérieur, d’une ouverture à la concurrence de secteurs jusque-là fermés, les industries de réseau, en commençant par les télécommunications, le secteur postal, l’électricité et le gaz. Ces recommandations ont ensuite donné lieu à l’adoption de directives européennes organisant l’ouverture progressive à la concurrence.

On a donc cherché à apporter le plus de concurrence possible et de soumettre un nombre croissant de services à des rapports marchands. Pour cela on a désintégré, au point de vue comptable, voire organique, les opérateurs entre production, transport et distribution, infrastructure et services. On a transformé les statuts des entités qui assurent les services publics pour ouvrir le capital, voire privatiser les entreprises publiques etc.

Précisons qu’il existe deux conceptions de l’ouverture à la concurrence  : encourager la concurrence en contribuant activement à l’émergence de nouveaux opérateurs ; ou rendre la concurrence possible en levant les obstacles juridiques qui interdisent l’arrivée de nouveaux entrants. L’idée dans le premier cas est que plus les entreprises seront nombreuses à utiliser le réseau en monopole naturel, plus les services aux consommateurs seront performants en prix et en qualité. Dans le second cas, la notion de concurrence qui sert de référence est celle de concurrence potentielle défendue par la théorie des marchés contestables. Il suffit que d’autres entreprises soient autorises à se raccorder au réseau pour que le monopole historique soit incité à améliorer ses performances.

La déréglementation conduit donc souvent, afin que la concurrence sur les segments de marchés où celle-ci est possible soit assurée, à séparer la gestion du réseau de la fourniture de service. Auparavant confondues dans le monopole public en charge du service, ces deux activités sont distinguées afin de mettre en concurrence l’opérateur historique sans pour autant nuire au financement et à l’entretien du réseau, qui constitue dans la plupart des cas un monopole naturel. Le gestionnaire des réseaux peut ainsi bénéficier des subventions publiques et ne voit pas son financement menacé par l’effort de réduction des coûts mené par l’opérateur historique, ni la qualité du réseau menacée par la concurrence qui s’engage avec les nouveaux entrants sur le marché. En outre, grâce à cette séparation l’opérateur historique ne bénéficie pas d’accès privilégié au réseau par rapport à ses nouveaux concurrents...

Cette étape a pris plusieurs formes en France. Réseau ferré de France (RFF) a ainsi été créé par la loi du 13 février 1997 afin de séparer la gestion du réseau ferroviaire de son exploitation par la SNCF. Cette séparation présentait également l’avantage de ne pas faire subir à l’entreprise le poids de la dette liée aux investissements dans le réseau, ce qui aurait pénalisé la SNCF par rapport à de futurs concurrents. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) a été créé le 1er juillet 2000. Si le RTE n’est pas juridiquement distinct d’EDF, à la différence de RFF par rapport à la SNCF (RFF est un EPIC), il dispose aujourd’hui d’une totale indépendance sur le plan managérial, comptable et financier (La dissociation comptable des activités de production, de transport et de distribution d’EDF est effective depuis le 1er janvier 2001).

Les Etats ne sont pas tenus de procéder à des privatisations en raison du principe de neutralité de la propriété publique ou privée posée par la communauté européenne mais on constate une évolution très rapide des secteurs réglementés dans tous les pays. L’ouverture du capital au secteur privé comporte deux avantages : un gain en matière d’efficacité interne, par la pression des actionnaires et des marchés financiers, et la possibilité de financer la croissance externe par des échanges d’actions. Mais rappelons tout de même qu’elle peut présenter des inconvénients lorsque le secteur concerné requiert des investissements spécifiques à rentabilité privée incertaine mais à fort rendement social à long terme ; ce qui est évidemment le cas des services publics.

Ainsi à l’opposé du modèle britannique où la réorganisation des chemins de fer est associée à une privatisation et à un démantèlement de l’opérateur historiques en soixante-dix morceaux (la propriété et la gestion du réseau est, par exemple, l’affaire de Railtrack, un monopole privé), la voie suivie par la Suède présente un modèle différent. En 1988, l’infrastructure est placée sous la responsabilité d’une administration ferroviaire, Banverket, tandis que l’exploitation est transférée à une société anonyme propriété de l’Etat, Statens Jarnväger. Banverket perçoit des subventions publiques d’investissement et assure la maintenance du réseau rétribuée par le péage de Statens Jarnväger. Le modèle suédois montre que le souci de conserver un caractère public aux entreprises (pour des raisons stratégiques ou sociales) est compatible avec un redécoupage des activités pour améliorer les performances.

La voie d’ouverture à la concurrence qui consiste à autoriser l’accès des infrastructures à de nouveaux opérateurs sans exiger le démantèlement des monopoles historiques est celle suivie par la Commission européenne. La Commission, qui a la charge de réduire les frontières commerciales et industrielles au sein de l’Union cherche évidemment à permettre l’entrée de nouveaux opérateurs, de nouveaux entrants sur ces secteurs d’activités. La séparation (qui peut simplement être comptable) entre l’infrastructure et l’exploitation permet à l’organisme de régulation de disposer de données pour fixer le montant des péages que doivent acquitter les nouveaux entrants pour utiliser le réseau.

Au travers de cette « libéralisation », on a voulu mettre en place un modèle de régulation, fondé sur l’existence d’organismes indépendants et sur le postulat d’illégitimité de l’Etat à assurer seul et directement cette responsabilité.

En effet, apparaît un nouveau mode de relations entre les services de l’Etat, qui fixent les règles générales, les régulateurs, autorités administratives indépendantes (voir plus loin), qui les font respecter, et les opérateurs qui peuvent être privés.

Cette révolution du service public a d’abord concerné les secteurs où la concurrence s’imposait en raison de l’évolution technique, comme les télécommunications et le transport aérien  ; elle est plus lente s’agissant de l’électricité et du gaz, en raison du caractère de monopole naturel des infrastructures, ce qui a imposé une séparation de l’activité des entreprises, autrefois intégrées, entre gestion des infrastructures et exploitation. Ce problème est encore plus aigu pour les chemins de fer ; enfin, s’agissant de la Poste, cela pose des problèmes sociaux et d’aménagement du territoire mais un calendrier de principe a été arrêté pour l’ouverture complète.

La présentation qui suit est empruntée à l’article de Benoît Ferrandon paru dans « La politique économique et ses instruments ». Les notices de La documentation Française. Juillet 2004

Les télécommunication

La loi du 26 juillet 1996, qui transpose dans le droit français les directives 90/388/CEE et 96/19/CE, a ouvert la totalité du secteur à la concurrence à compter du 1erjanvier 1998. Pour accompagner ce processus, la loi a créé l’ART (Autorité de régulation de télécommunications), qui a été mise en place le 5 janvier 1997. Afin d’assurer la concurrence pour l’ensemble des télécommunications (locales, longue distance, haut débit) et du réseau, le décret du 13 septembre 2000 a précisé les conditions de mise en œuvre du dégroupage de la boucle locale . De nouvelles directives européennes ont été adoptées au printemps 2002 afin d’adapter la réglementation aux évolutions qui ont affecté le secteur (en particulier l’émergence et le développement de l’Internet, des communications électroniques et, plus largement, de l’économie numérique).

L’électricité

La directive 96/92/CE a été transposée par la loi du 10 février 2000, qui a organisé l’ouverture à la concurrence du marché français de l’électricité en créant notamment RTE et la CRE (Commission de régulation de l’électricité). Cette ouverture, encore incomplète, se réalise de manière progressive, au bénéfice tout d’abord des clients éligibles, c’est-à-dire des grands consommateurs d’énergie. En février 2003, le taux d’ouverture du marché a dépassé les 34 %. Le sommet européen sur l’énergie qui s’est tenu au Danemark en novembre 2002 a validé les grands principes de la seconde directive énergie (arrêtés par le Conseil européen lors du sommet de Barcelone de mars 2002), à savoir une ouverture totale du marché de l’électricité pour tous les clients professionnels d’ici au 1er juillet 2004, et pour les particuliers au 1er juillet 2007. Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale le 19 mai 2004 vise à transposer cette directive (du 26 juin 2003) dans le droit français, en imposant une séparation juridique entre gestionnaire de transport et EDF, dont le statut sera réformé. EDF deviendra ainsi une société anonyme contrôlée par l’État mais dont le capital sera progressivement ouvert.

Le gaz.

La libéralisation du secteur gazier a connu dans un premier temps un développement décalé par rapport au secteur de l’électricité, puis commun depuis 2002. La directive 98/30/CE a ainsi engagé la démarche d’ouverture progressive du marché gazier à certains consommateurs éligibles en définissant les critères d’éligibilité et les seuils d’ouverture autorisés. La loi du 3 janvier 2003, commune au secteur de l’électricité, a transposé cette directive dans le droit français et fait de la CRE le régulateur du secteur gazier français. La seconde directive gaz, adoptée le 26 juin 2003, a approfondi l’ouverture et a fixé, pour l’ouverture totale aux consommateurs professionnels puis à l’ensemble des consommateurs, les mêmes échéances que pour l’électricité (respectivement le 1er juillet 2004 et le 1er juillet 2007). En cours de transposition dans le droit français (dans un projet de loi commun avec l’électricité), cette directive va conduire à la création d’une filiale pour la gestion des activités de transport dépendant de Gaz de France qui, à l’instar d’EDF, deviendra une société anonyme dont le capital sera détenu pour plus de 70 % par l’Etat.

Le secteur postal.

L’ouverture du secteur postal va bientôt connaître une étape décisive avec l’adoption prochaine de la loi transposant deux directives européennes (97/67/CE et 2002/39/CE) qui réduisent sensiblement le champ du monopole de La Poste. A compter du 1er janvier 2006, le seuil de monopole de La Poste sera de fait abaissé au courrier d’un poids inférieur à 50 grammes et facturé moins de deux fois et demie le tarif de base (rappelons que jusqu’au 31 décembre 2002, ces seuils étaient de 350 grammes et cinq fois le tarif de base). Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales a été adopté par le Sénat en première lecture le 28 janvier 2004 puis transmis à l’Assemblée nationale. Celui-ci précise l’étendue du service universel postal et confie la régulation du secteur à l’ART, qui deviendra à cette occasion l’autorité de régulation commune des télé-communications et des postes. Il est prévu qu’après le 1er janvier 2006, les États membres de l’Union européenne et la Commission évaluent l’impact de l’ouverture déjà mise en œuvre pour décider éventuellement de l’ouverture totale du secteur en 2009.

Le transport ferroviaire.

Le décret du 7 mars 2003 a transposé dans le droit français le « premier paquet ferroviaire », qui comprend plusieurs directives européennes adoptées en 2001 et a organisé une ouverture partielle à la concurrence du fret ferroviaire (le trafic international sur le réseau transeuropéen de fret ferroviaire) à compter du 15 mars 2003. Un second paquet ferroviaire a fait l’objet d’un accord politique lors du Conseil des ministres des Transports fin mars 2003 ; il prévoit notamment une ouverture à la concurrence de l’ensemble du transport de fret pour 2008. Au mois de janvier 2003, le Parlement européen a voté une résolution demandant à la Commission de présenter des propositions en vue d’une libéralisation totale du transport international de passagers pour 2008.

 

III) La régulation des services publics

La reconnaissance du caractère très imparfait de la régulation étatique, les évolutions technologiques, la mondialisation de l’économie et la construction européenne obligent à esquisser un nouveau modèle pour les services publics : une infrastructure confiée à un monopole régulé, des services plus concurrentiels, un rôle plus restreint de la puissance publique par l’institution d’un régulateur indépendant.

L’ouverture des industries de réseau à la concurrence va de pair, en réalité, avec un changement de réglementations et non pas avec leur suppression.

S’il est un point qui fait la quasi-unanimité en matières de services publics, c’est qu’on ne peut pas les abandonner au « laissez-faire  ».

Sous une forme ou sous une autre la régulation publique est nécessaire

Mais comme elle traite d’enjeux aussi importants que la qualité et les prix des services publics ou les condition s de la concurrence entre prestataires il est indispensable de l’organiser selon des modèles à la fois rigoureux et réalistes pour permettre la modernisation et la compétitivité de nos économies européennes sans compromettre le lien social garant d’une justice sociale.

1) Des modes diversifiés pour introduire la concurrence dans les services publics

Une réforme bien conduite des services publics, à travers la mise en place d’une concurrence régulée, devrait permettre de produire les biens ou les services concernés à moindre coût, les ressources ainsi dégagées pouvant ainsi être dirigées vers d’autres emplois. Cela suppose l’introduction d’une dose de concurrence, toute la difficulté étant de savoir où doit passer la frontière entre activité monopolistique et secteur concurrentiel, et suivant quelle modalités introduire la concurrence.

Anne Perrot s’empresse de préciser que « vouloir soumettre à la même organisation des secteurs dont la structure de coûts, la dimension géographique (locale, nationale ou européenne) ou le rôle social n’ont rien de commun relève, d’une démarche parfaitement idéologique, qu’il s’agisse de prôner le modèle de monopole public intégré ou celui de la concurrence  ».
Lorsque l’infrastructure tient une place importante dans les coûts totaux l’efficacité économique veut que la gestion de cette infrastructure soit confiée à un monopole, au moins sur le plan local.

Le réseau ferroviaire aura une étendue régionale, nationale ou même européenne alors que d’autres secteurs ont une dimension purement locale : par exemple, un réseau de desserte en eau est en général par un même opérateur sur une zone géographique limitée (commune ou groupement de communes).

L’introduction de la concurrence ne passe pas forcément par la concurrence et la confrontation directe. Dans ce cas elle peut être dommageable, allant jusqu’à détruire les bases sur lesquelles elle s’exerce, entraînant de fortes externalités négatives.

On peut en revanche imaginer d’autres formes d’organisation de la concurrence cette fois-ci profitables à la collectivité.

On peut par exemple mettre en place, ce que Anne Perrot appelle « une concurrence comparative ». Ce mode de régulation consiste à comparer les performances d’entreprises qui sont localement en monopole et à les inciter à les améliorer sur la base de cette comparaison. Bien sûr, un tel mécanisme doit tenir compte des circonstances locales dans lesquelles opère l’entreprise.

En d’autres termes, la concurrence comparative ne consiste pas à introduire de la concurrence sur le marché, mais à utiliser d’une manière plus complète l’information disponible pour augmenter la pression concurrentielle, qui incitera les entreprises à baisser leurs coûts, entreprendre les investissements les plus efficaces etc.

L’introduction de cette concurrence « virtuelle » n’est possible que si au sein des grands monopoles « nationaux », sont découpés (juridiquement ou comptablement) des « sous-monopoles » locaux : ces derniers resteraient seuls opérateurs sur leur terrain, mais seraient soumis à la comparaison de leurs performances avec celle des autres.

Par ailleurs, dans tous ces cas, où la présence simultanée de plusieurs opérateurs n’est pas souhaitable, la concurrence peut être introduite par un système d’enchères...Ce que Anne Perrot, entre autres, appelle la « concurrence pour le marché ».

C’est en effet pour des raisons de coordination et de garantie quant aux respects de leurs engagements, que la London Transport Authority a préféré introduire sous cette forme la concurrence dans les services urbains d’autobus. A partir de 1984, des paquets d’itinéraires ont été mis aux enchères ; tout opérateur qualifié, y compris LT, l’entreprise publique qui avait jusque là le monopole dans le grand Londres, était invité à concourir.

Les deux résultats les plus intéressants sont, d’une part, la « baisse modeste mais durable » des subventions publiques et d’autre part, que la qualité de service a augmenté et cette augmentation est aussi sensible sur les itinéraires restés en gestion traditionnelle par l’opérateur historique que les itinéraires concédés dans les enchères.

Les deux pistes qui viennent d’être évoquées (concurrence pour le marché et concurrence par comparaison) ne préconisent pas que plusieurs entreprises soient actives sur le même marché, mais permettent au contraire d’obtenir une efficacité accrue grâce aux incitation concurrentielles et le maintien du monopole (au moins localement) pour gérer une infrastructure unique.

Mais précisons tout de même que ces deux formes de concurrence indirectes ne sont pas pour autant miraculeuses, car après avoir passé des contrats de concessions, il faut les gérer, les adapter et les réexposer à la concurrence le moment venu (voir O. Williamson et les travaux empirique de M. Zupan)

Par ailleurs certaines activités de service public sont mieux à même de tirer parti des formes les plus dynamiques de la concurrence. D’autres activités, en revanche, comportent des transactions spécifiques qui requièrent des modes de coordination que le marché n’assure pas.

Le transport de voyageurs et le transport de marchandises par chemin de fer peuvent être approchés différemment selon cette problématique. « L’efficacité du transport de voyageurs dépend essentiellement de variables systémiques (sécurité, vitesse, respect de l’horaire, traitement des incidents) qui elles-mêmes dépendent essentiellement de la qualité de coordination entre infrastructure et trafics...Le transport de marchandises n’a quant à lui rien d’un grand mouvement d’horlogerie ; c’est une activité qui ne peut réussir que si elle s’adapte en permanence à des demandes spécifiques et diversifiées des clients et si elle put se déployer à la dimension de l’Europe. Or son développement est freiné par des systèmes ferroviaires qui sont nationaux, centralisés et rigides et dont la gestion est dominée par les services aux voyageurs.  »(E. Cohen et C. Henry). Il paraît par conséquent justifié de rechercher à la fois la dimension européenne des opérateurs et la rénovation de l’offre de services par une concurrence organisée dont les modalités restent à définir et qui peuvent être empruntées aux formes définies par Anne Perrot.
« Dans la mesure où il y a de forts arguments d’intérêt public (environnement, congestion, santé publique) en faveur du transport de marchandises par chemin de fer, les autorités européennes peuvent légitimement voir là un champ d’action où la «  libéralisation » sert à la fois l’ouverture européenne et des objectifs de service public »(E. Cohen et C. Henry)

Dans les télécommunications ou le transport aérien, le monopole ne produit pas plus efficacement que plusieurs entreprises mises en concurrence directe sur le marché. « Contrairement à une idée reçue, la libéralisation du transport aérien s’est accompagnée d’un accroissement de la sécurité quel que soit l’indicateur de mesure considéré ».(Anne Perrot)

Pourtant dans d’autres secteurs il conviendra d’être vigilants et éviter la concurrence directes. Ainsi E. Cohen et C. Henry, s’empressent de préciser  :

«  En ce qui concerne l’électricité, la structure et le dimensionnement à long terme du parc de production, d’une part, l’efficacité de l’ajustement permanent entre production et consommation , d’autre part, demandent une forte coordination et des engagements crédibles, peu compatibles avec les formes directes de concurrence.. A défaut d’un centre de coordination en mesure de sélectionner à tout moment les centrales capables de fonctionner le plus efficacement à ce moment, il ne peut y avoir utilisation efficace des capacités de production disponibles. L’acharnement de la Commission européenne contre l’intégration verticale ne paraît pas, dans un cas comme celui-ci, entièrement rationnel »

La voie de la « déréglementation » , puis de la régulation du secteur de l’électricité devra donc emprunter, de fait, des chemins et des trajectoires différentes, par l’articulation adroite de la concurrence pour le marché et de la concurrence par comparaison, pour s’adapter à la spécificité des transactions et des contrats ainsi qu’aux missions de service public qui incombent aux entreprises de ce secteur d’activité.

On vient de voir que, suivant la nature des services considérés, de multiples modes d’organisation pourraient apporter plus d’efficacité à la façon dont ils sont offerts, et que l’introduction d’une dose de concurrence peuvent être obtenus de multiples manières.

La question est maintenant de savoir comment maintenir, au sein d’un système concurrentiel, une certaine égalité des citoyens devant l’accès aux services.

2) La régulation : concilier concurrence et sauvegarde du « service public ».

«  Autant la notion de service public n’impose ni celle de propriété publique, ni celle de monopole, ni celle de gratuité, voire même de péréquation, autant il paraît en revanche possible d’affirmer qu’il ne saurait y avoir service public sans maîtrise ou régulation publique, et plus précisément sans mise en œuvre de procédés de régulation autres que ceux qui sont normalement à la dispositions de la puissance publique » Conseil d’Etat, Rapport public 1994.

Cette affirmation du conseil d’Etat est on ne peut plus juste. Le mot «  régulation » désigne avant tout l’ensemble des interventions de la puissance publique ayant pour but de définir les règles du jeu et de les faire vivre pour une période donnée. Cela implique une adaptation possible de ces règles dans le temps et dans l’espace. Ce mot a, ici, le double sens de réglementation et de contrôle du fonctionnement.

a) La création d’autorités de régulation

La mise en place d’autorités de régulation se déroule simultanément à l’ouverture à la concurrence. Elles ont en charge un secteur spécifique et poursuivent uniquement des missions de régulation. Sont exclues de leurs attributions par exemple des missions de définition de service public.

Même si leur financement est alimenté principalement par le budget général de l’Etat, les autorités de régulation sont des organisations publiques indépendantes, libérées de la tutelle des ministères. L’indépendance de leurs membres vis-à-vis des pouvoirs publics est garantie par le fait qu’ils sont nommés pour des mandats irrévocables et non renouvelables.
Leur rôle consiste, d’une part à assurer une concurrence effective face à un ancien monopole en position de facto dominante sur son marché et d’autre part veiller à ce que les missions de service public qui incombent encore à l’opérateur historique soit correctement remplies et financées. Au rôle d’organisateur de la concurrence entre opérateur historique et nouveaux entrants vient donc s’ajouter celui de garant des missions d’intérêt général. Pour asseoir leur autorité sur les différents acteurs du marché, ces organes disposent de larges pouvoirs de sanction face à des comportements jugés néfastes à la concurrence, à la baisse des prix pour les consommateur ou à la qualité du services public ; Ils ont également des compétences étendues pour enquêter, analyser le marché et proposer des évolutions dans la réglementation du secteur, qui reste toutefois du ressort du législateur.

Les principales autorités de régulation crées en France sont le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en 1989, l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) en 1997 (qui deviendra par la loi sur la régulation postale, adoptée en 2004, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en 2000.

La Commission de régulation de l’électricité (CRE) a vu ses compétences étendues au secteur gazier par la loi du 3 janvier 2003, devenant ainsi la Commission de régulation de l’énergie. Les deux principales missions qui incombent à la CRE dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie sont, d’une part, l’accès aux réseaux publics d’électricité et aux ouvrages de gaz naturel et, d’autre part, la régulation du marché. La première mission consiste à garantir à tout opérateur le droit d’accès aux réseaux, à veiller au bon fonctionnement et au développement de ces réseaux publics et à garantir l’indépendance du Gestionnaire du réseau de transport d’électricité. Pour ce faire, la CRE propose les tarifs d’utilisation des réseaux et est chargée du règlement des litiges éventuels qui découlent de leur utilisation. Dans ce cadre, la CRE dispose d’un pouvoir de sanction La mission de régulation du marché concerne notamment la fixation du montant des charges imputables aux missions de service public, qui est proposé au ministre chargé de l’énergie. Par ailleurs, la CRE formule un avis sur les tarifs de vente appliqués aux consommateurs non éligibles. La Commission de la CRE est composée de sept membres nommés pour six ans pour un mandat non renouvelable et irrévocable.

b) Définition et financement des missions de service public

La déréglementation des industries de réseau, qui assurent une mission de service public, engagé depuis le milieu des années 90, ne s’accompagne pas d’une absence de réglementations mais plutôt de la mise en place de nouvelles formes de régulation qui imposent une double obligation : une définition des missions de service public dans le cadre d’une négociation ouverte à un plus grand nombre de parties et un financement plus transparents de leurs coûts.

La définition des missions de service public

L’ouverture à la concurrence exige désormais une définition précise des missions de service public. Cette définition fait l’objet d’une discussion ouverte à l’ensemble des parties prenantes et non plus d’un tête-à-tête à l’abri des regards extérieurs entre le monopole et sa tutelle.

En France, l’ouverture à la concurrence dans les télécommunications illustre cette nouvelle donne. En 1996, le gouvernement et le parlement ont été amenés dans le cadre de la loi sur les télécommunications à redéfinirles missions de service public de ce secteur. La première concerne le service universel. Elle comprend la mise à disposition du service vocal, la fourniture d’un service de renseignements et d’un annuaire d’abonnés, la gratuité des appels d’urgence  ; La deuxième composante, celle des services obligatoires, recouvre des prestations moins courantes mais que l’opérateur doit fournir sur l’ensemble du territoire. La dernière correspond à des missions d’intérêt général en matière de défense et de sécurité, de recherche publique et d’enseignement supérieur. Un service rangé dans la première composante devra être offert à un prix très bas qui sera contrôlé par l’agence de régulation du secteur ; tandis que s’il appartient à la deuxième catégorie, l’opérateur sera libre de fixer le prix.

Le financement du service public

La réforme de la réglementation des industries de réseau met fin à l’usage généralisé des subventions croisées, comme moyen de financement des obligations de service public. En régime de concurrence, le recours aux subventions croisées est inopérant  : les nouveaux entrants vont s’emparer des segments les plus rentables et le monopole historique n’occupera plus qu’une position dominante sur les segments à pertes.

Désormais l’Etat ou les collectivités locales doivent subventionner directement les prestations non rentables des entreprises chargées de missions de service public.

C’est effectivement, une possibilité qui sera indéniablement de plus en plus développée.

Mais des formes alternatives, au seul financement par l’impôt, ont été mises en place.

Pour cela, il ne suffit pas que les missions de service public soient précisément définies dans leur contenu, il est également nécessaire de déterminer leurs coûts. Dans ce cas, le financement des missions de service public peut s’effectuer grâce à deux mécanismes bien distincts :

Celui d’un fonds spécial qui est alimenté par l’ensemble des opérateurs et celui qui prévoit un complémentdecharges d’accès que versent les exploitant des de réseau pour le péage d’infrastructure.

La première solution a été adoptée dans le transport aérien en France. Un fonds de péréquation financé par une taxe doit permettre d’équilibrer l’exploitation d’une quarantaine de lignes intérieures dont le maintien a été jugé nécessaire par les pouvoirs publics pour l’aménagement du territoire. L’exploitation de ces lignes est mises aux enchères et attribuée à la compagnie qui demande la subvention la plus faible.

Le second instrument de financement laisse plutôt un avantage à l’ancien monopole. L’opérateur historique reçoit de l’argent au lieu d’en verser. C’est la solution retenue par la loi de réglementation des télécommunications. France Télécom est l’unique opérateur du service universel. Ses concurrents lui versent un complément à la charge d’interconnexion pour avoir accès à la boucle locale.

Mais pour savoir comment s’organisera la régulation, il faut étudier chaque déréglementation au cas par cas. Les intérêts en jeu et les objectifs politiques sont différents pour le courrier postal, les télécommunications ou la distribution d’électricité.

c) Des modèles de régulation européens à l’épreuve des faits

Le « modèle anglais » de régulation, différent du modèle américain, est fondé sur « des régulateurs indépendants » et sur le plafonnement du prix plutôt que des taux de profit (de façon à encourager les gains de productivité). En ce qui concerne la régulation des prix que pratiquent entre eux les opérateurs d’un même secteur, le modèle a bien fonctionné. Par exemple , le régulateur des télécommunications a fixé les prix que doivent payer les concurrents du monopole historique pour avoir accès aux réseaux de celui-ci à des niveaux qui ont favorisé une saine concurrence ; En revanche, la régulation des prix que font payer à la grande masse des consommateurs les entreprises privatisées qui sont en position de monopole a connu des problèmes sérieux.


En Angleterre, dans le secteur de l’électricité, chaque « Regional electricity Company » ou REC a, sur le territoire qu’elle couvre, le monopole de la distribution de l’électricité. Dans ces conditions le régulateur a pour mission de fixer des plafonds que les prix pratiqués par les REC ne peuvent dépasser. Ils sont fixés en principe pour 5 ans ; il sont calculés au moyen de la formule RPI-X, où RPI est l’indice du coût de la vie et X le facteur de réduction fixé par le régulateur. Cette méthode a le grand avantage de garantir à l’entreprise régulée qu’elle conservera tout le bénéfice des gains de productivité qu’elle pourra réaliser pendant cinq ans.

«  Mais en plafonnant les prix on limite indirectement le profit des entreprises visées. La loi sur l’électricité fait d’ailleurs l’obligation au régulateur de remplir sa mission en tenant compte à la fois des consommateurs et des actionnaires. Il doit arbitrer entre les intérêts des consommateurs et les intérêts des actionnaires des REC. Mais comme il ne parvient qu’imparfaitement à connaître la situation des entreprises et leur capacité à dégager du profit, et qu’il est tenu de ne pas les mettre en difficulté, il a une certaine tendance à fixer les plafonds de prix à partir d’une appréciation plutôt pessimiste de leur situation.

Craignant de léser les actionnaires il a plutôt arbitrer en faveur de ces derniers au point que la bourse a salué sa décision par une hausse de 10 % dans les 24 heures et de 100 % dans les six mois. Les plafonds fixés en juillet 1994 devenaient dans ces conditions politiquement intenables, et le régulateur a été obligé de les réviser dès avril 1995...  »

Cette histoire, mettant en évidence l’asymétrie d’information entre les REC et le régulateur (« J’ai sous-estimé les économies d’investissements que les entreprises pouvaient faire, les réductions de leurs coûts d’exploitation, leur capacité d’emprunt,... », révèle les difficultés du modèle de régulation mis en œuvre au Royaume uni. Cette situation est d’autant plus difficile à surmonter que les entreprises privées régulées ont tendance à voir dans le régulateur un adversaire auquel il faut éviter de transmettre des informations sensibles.

Pour faire accepter leur rôle d’ordonnateurs de transferts financiers, les régulateurs ont été amenés à intervenir de plus en plus lourdement dans la gestion des entreprises régulées.

Si l’on veut observer un modèle de régulation plus souple et efficace, il faut se tourner vers la Suède

La Suède a réinventé un mode de régulation inventé aux Etats-Unis à la fin du XIX° siècle : « la sunshine régulation ». Charles Francis Adams, créateur de celle-ci et régulateur des chemin du Massachusetts n’avait en réalité aucun pouvoir, si ce n’est le pouvoir de faire des rapports. « Mais ses rapports étaient assez forts pour commander le respect et même l’acquiescement »(A.T. Hadley 1885)

«  Le régulateur suédois », qui est aussi indépendant que « son homologue britannique » des pouvoirs politiques et administratifs et des entreprises régulées, fonde sa force sur un étonnant pouvoir d’enquête et d’expression publique, et sur des relations d’honnête collaboration avec les entreprises dominantes de leurs secteurs respectifs, lesquelles sont restées des entreprises publiques.

Sa méthode repose sur sa force de persuasion et de négociation qui lui permet de conduire avec plus ou moins d’insistance les parties en présence vers un accord. Ainsi par la qualité de ses analyses et l’objectivité de ses prises de position le « régulateur suédois » exerce un fort impact sur l’opinion publique. Par conséquent, les entreprises régulées, soucieuse de leur image de service public auprès de la population dans son ensemble, autant que de leurs résultats commerciaux et financiers prennent au sérieux toutes les menaces de rendre public les désaccords avec le régulateur, et les raisons de ceux-ci.

L’action du régulateur est d’autant plus efficace qu’elle n’est pas systématiquement perçue comme hostile. Les terrains d’affrontement sont plus limités qu’entre les régulateurs britanniques et les entreprises privées qu’ils régulent, et les points de convergence sont plus naturellement recherchés. Une entreprise publique n’est pas, comme une entreprise privée, étroitement contrainte par la priorité que celle-ci doit aux intérêts de ses actionnaires. Le statut public est un avantage dans la mesure où il permet à l’entreprise publique de mettre en œuvre une vision positive de missions de services public, qui ne sont ressenties par l’entreprise privée que comme autant de contraintes à minimiser autant que possible.

Au moment où l’ensemble des pays européen sont amenés à faire des choix en matière de régulation des services publics, l’ « Europe » a bien été avisée de ne pas imposer un modèle de régulation particulier et de laisser une liberté de choix dans les statuts des entreprises investies des missions de service public

 

Il est indéniable qu’une Europe purement et farouchement libérale, construite sur un modèle anglo-saxon radical, ne pourrait apporter de réponses satisfaisantes à la question des services publics. Par ailleurs, avancer le principe de subsidiarité, pour prétexter d’une liberté de choix, dans des secteurs ouverts à la concurrence et au marché unique pourrait ne pas suffire. Peut-être faudra-t-il que l’Europe mette en place une « réglementation ad hoc » à l’échelle européenne (permise par la « constitution européenne »), légitimée par le débat démocratique européen afin de promouvoir la construction d’un modèle social européen dont les services d’intérêt général seraient le fer de lance.
Rappelons tout de même que la concurrence n’est pas le laissez-faire. Des autorités de régulation indépendantes ont été mises en place pour empêcher cette dérive et pour veiller aux missions de services d’ intérêt économique et général. L’Europe, se détachant du « modèle français des services publics », ne nous enferme pas dans une voie unique qui pourrait être coûteuse et inefficace pour la collectivité. Elle nous ouvre à un éventail très large de solutions possibles, qui peuvent évoluer et qui permettent d’offrir des services publics fiables sans gaspillage de ressources.
L’histoire des « services publics européens » n’est pas finie.

Bibliographie  :

  • «  Le service public » Pierre Bauby. Dominos Flammarion. Octobre 1997
  • «  Le service public » Jacques Chevalier Que sais-je ? PUF. Juin 2003
  • «  Service public, secteur public » Rapports d’Elie Cohen et Claude Henry du CAE La documentation française. 1999
  • « Services publics, économie de marché » François Rachline Presses de Sciences po, Mars 1996.
  • «  Services publics. Questions d’avenir » Christian Stoffaës. Rapport de la commission du plan Odile Jacob. La documentation française. 1995.
  • «  Dix-huit leçons sur la politique économique : à la recherche de la régulation » J-C Prager et F. Villeroy de Galhau Seuil 2003
  • «  Economie de la réglementation » François Lévêque La découverte. 1998.
  • «  Dans la mêlée européenne ». Philippe Herzog. L’économie politique n°24 Oct 2004.
  • «  Le service public « à la française » face à l’Europe ». par Emmanuel Brillet.L’économie politique n°24 Oct 2004.
  • «  La question hautement sensible des services publics » A. Beuve-Merry Le Monde 19 avril 2005.
  • «  La Constitution entre les lignes » L’expansion décembre 2004.
  • «  La régulation des services publics » Benoît Ferrandon - La politique économique et ses instruments. Les notices de La documentation française. 2004.
  • «  Nouvelle organisation et débat sur les missions » A ; Perrot. Espérance et menaces de l’élection présidentielle. Le cercle des économistes. Descartes et Cie 2002.
  • Traité établissant une Constitution pour l’Europe.
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