Urbaniser l’entreprise

, par Bernadette Roy

Fiche de lecture sur le livre d’Henri Chelli, publié en juin 2003 aux éditions Vuibert

URBANISER L’ENTREPRISE ET SON SYSTEME D’INFORMATION

 

Auteur  : Henri CHELLI
Éditeur : VUIBERT
Collection : Entreprendre informatique
Date de parution : juin 2003


L’AUTEUR

Henri CHELLI est diplômé de l’INSA de Lyon (promotion 68).
Il a démarré sa carrière dans une Société de Service Informatique. Il s’y est spécialisé dans le développement et la commercialisation de systèmes d’exploitation, de systèmes de gestion de bases de données et de progiciels de gestion d’entreprise.
Il a ensuite dirigé l’activité commerciale de plusieurs sociétés de service et de cabinets de conseil, avant de consacrer tout son temps au consulting.

Ses premières missions ont été tout naturellement tournées vers les Directions Informatiques et fondées sur des Schémas Directeurs Informatique et Télécommunications. Peu à peu, elles se sont plus orientées vers le développement de véritables systèmes d’information (SI) incluant la création de la fonction d’architecte du SI et la mise en place de Maîtrises d’Ouvrage. C’est ainsi qu’il a pu assister des banques, des compagnies d’assurances, des hôpitaux, des opérateurs de télécommunication et des sociétés de services.
Depuis une dizaine d’années, ses missions se sont plus tournées vers le conseil en organisation et en gestion du changement auprès des directions générales et opérationnelles de grandes entreprises.
Il a été Directeur Associé dans un grand cabinet de conseil en stratégie et management des entreprises.
Actuellement, il est Partner chez INNATE Business Company où il est en charge du développement d’offres centrées sur l’urbanisation des entreprises et des grandes administrations : sensibilisation, formation, mise en place de la fonction d’urbaniste d’entreprise, mise en place de solutions globales sur des espaces fonctionnels prioritaires.

SYNTHÈSE (4e de couverture de l’ouvrage)

L’agilité est aujourd’hui une qualité dont toute entreprise doit disposer pour faire face aux exigences de ses clients, aux attaques de la concurrence et à l’évolution rapide des technologies qu’elle exploite.
Or, si les organisations finissent par réagir aux évolutions de leur environnement, il n’en va pas de même de l’informatique et des services qu’elle propose. Elle est en effet ressentie comme contraignante, inadaptée, peu flexible et « budgétivore ». Comment expliquer la quasi universalité de ce constat alors que, simultanément, les technologies de l’information progressent chaque jour et offrent des services de plus en plus indispensables ?
Depuis des décennies, des langages, des outils et des modes d’organisation sont proposés pour pallier cette lacune, mais force est de constater que, s’ils ont amélioré l’efficacité des informaticiens, ils n’ont pu apporter une réponse satisfaisante au manque d’agilité de l’entreprise.
Dépassant les clivages et les arguments technologiques traditionnels, cet ouvrage apporte une série de réponses basées sur le constat de l’absence d’un langage de représentation et d’action utilisable aussi bien par les hommes de métier que par les informaticiens.
L’originalité de cet ouvrage tient donc à son approche globale de l’entreprise. Lorsqu’il s’agit de structurer l’entreprise pour en faire un lieu efficace mais humain, il ne saurait être question d’étudier séparément chacune de ses grandes fonctions.
L’urbanisation doit être celle de l’entreprise dans son intégralité, à laquelle doivent contribuer en synergie les responsables des métiers et les informaticiens.

FICHE DE LECTURE

<INTRODUCTION

L’informatique a toujours été largement critiquée dans l’entreprise  : on la soupçonne d’être tentaculaire, compliquée, peu flexible coûteuse....
Cependant, elle ne cesse de progresser dans la puissance, le débit, la facilité d’usage, convivialité. Il existe dans l’entreprise une opposition entres les utilisateurs de l’informatique (homme métiers) et les concepteurs (techniciens de l’informatique). Ils ne parlent pas le même langage, ils n’ont pas les mêmes préoccupations et n’ont pas les mêmes cycles de développement.
L’approche organisationnelle de l’entreprise (le monde des hommes) et l’approche informationnelle (le monde de l’informatique) sont en fait deux visions différentes de la même réalité opérationnelle : l’entreprise. Chaque fois q’une entreprise a voulu s’attaquer à un seul des 2 aspects, la tentative s’est soldé par un échec. Le Business Process Reengineering (BPR) en a été un exemple chaque fois que l’on n’a pas associé étroitement le SI. Cette réorganisation des méthodes de travail constitue souvent la première phase d’un projet d’informatisation : on commence par rationaliser une activité de l’entreprise (la prise en compte d’une commande d’un client) afin de bien cerner tous les cas de figure et de pouvoir déclencher des actions adéquates de manière automatique et sans ambiguïté.
Il apparaît donc indispensable de construire le SI en synergie avec le monde des hommes pour aboutir à une véritable cité de l’information qui seule autorisera l’urbanisation de l’entreprise, structure efficace et performante où les individus s’épanouissent.

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION INTUITIVE A L’URBANISATION DE L’ENTREPRISE

Le paradigme d’ambivalence

L’entreprise est un ensemble complexe difficile à appréhender dans sa globalité. Pour pouvoir y travailler ou la conseiller, il est nécessaire d’en faire une représentation. Chaque individu en a une perception propre. 2 points de vue principaux se détachent : la vision organisationnelle, celle des individus qui fabriquent et vendent les produits et services et la vision informationnelle, celle de le circulation et du traitement des informations nécessaires à la réalisation des objectifs de l’entreprise.
Il est indispensable d’appréhender l’entreprise dans sa globalité, d’accepter que ces 2 visions soient en fait fusionnelles pour constituer la même réalité opérationnelle de l’entreprise.
D’autres aspects (financier, social...) permettent également à l’entreprise de maintenir une bonne visibilité. Ils seront ignorés dans cette étude.

Ces 2 points de vue ont été toujours été séparés et appréhendés séparément :

  • séparation des cycles : le cycle de développement d’un produit est beaucoup plus court que le cycle de développement d’une application ou d’un programme. Le cycle d’innovation opérationnel ne cesse de raccourcir, alors que le cycle de développement d’un programme reste encore relativement long. Il y a donc un décalage très grand entre le lancement d’un nouveau service commercial par exemple et la mise en œuvre des moyens informatiques nécessaires. Les récents développements du e-commerce nous montrent de nombreux exemples.
  • Séparation des langages : les informaticiens ont mis en place un langage d’analyse commun souvent orienté vers les bases de données (comme MERISE) qui a donné de bons résultats, mais la communication reste très difficile avec les opérationnels par manque de concepts communs. Les informaticiens recherchent la précision (pour définir les travaux à effectuer) alors que les opérationnels décrivent plutôt des besoins.
  • Séparation des structures : les structures informatiques sont généralement fonctionnelles pour pouvoir préserver le niveau de service rendu aux utilisateurs, ce qui leur fait perdre beaucoup de souplesse, tandis que les structures organisationnelles sont plus souvent souples et orientées projets pour favoriser la rapidité d’adaptation aux évolutions de la demande.

Partant de ce constat, l’auteur préconise une vision globale de l’entreprise (paradigme d’ambivalence), née de la fusion des 2 approches et la mise en place d’une représentation commune (cité de l’information). C’est uniquement lorsque la fusion de ces 2 approches sera effective que l’entreprise pourra optimiser l’utilisation de son système d’information. Cette urbanisation de l’entreprise lui permettra de devenir un lieu performant, efficace et épanouissant. Elle deviendra alors agile, c’est-à-dire capable de réagir aux contraintes externes et internes.

CHAPITRE 2 : REPRESENTATION DE LA VISION ORGANISATIONNELLE

L’objectif essentiel des hommes métiers est la recherche de la réactivité organisationnelle. L’innovation est essentielle à la survie de l’entreprise : elle doit accompagner le produit vers le client et pour cela, elle repose de plus en plus sur le SI. La réactivité organisationnelle est la capacité de l’entreprise à faire face aux pressions subies par l’entreprise.
La représentation organisationnelle de l’entreprise repose sur une approche par les processus. Un processus est un enchaînement de contributions qui permettent à l’entreprise de produire et vendre.
Chaque processus est caractérisé par un évènement déclencheur, un enchaînement de phases (ensemble de contributions confiés à un unique acteur disposant des compétences nécessaires) et un évènement interrupteur. Les évènements externes délimitent les frontières de l’entreprise avec son environnement. Les évènements internes à un processus risquent d’entraîner une rupture dans le processus et par conséquent représente un danger pour l’efficacité de l’organisation.

On peut définir une cartographie organisationnelle de l’entreprise, représentation macroscopique ou globale fondée sur les concepts de processus et de métiers.

Cette représentation va permettre l’intégration des changements en modifiant seulement les éléments des processus concernés sans remettre en cause le reste de l’organisation. Il sera en effet possible de faire évoluer l’enchaînement des contributions ou la nature des compétences. Il sera par ailleurs possible de faire évoluer les services offerts par les outils organisationnels et informationnels. C’est à cette condition que l’entreprise sera réactive.
On complètera cette représentation globale par une représentation microscopique ou détaillée, analyse plus détaillée mettant en évidence :

  • Les procédures : natures des activités réalisées par chaque acteur,
  • Les tâches : décomposition des phases qui met en évidence la méthode de travail
  • Les règles de gestion : précisions concernant les modalités de réalisation des contributions
  • Le poste de travail : endroit où sont mis à la disposition de l’acteur l’ensemble des outils nécessaires
  • Les données utilisées

CHAPITRE 3 : REPRÉSENTATION DE LA VISION INFORMATIONNELLE

La réactivité organisationnelle est destructrice d’agilité opérationnelle. L’objectif essentiel de l’informatique est d’assurer la disponibilité et la sécurité des outils et la conformité des services rendus aux besoins des opérationnels.
L’automatisation rend l’entreprise dépendante de son SI qui traduit trop souvent l’agilité en multiplication de moyens. Le fonctionnement du SI est par ailleurs souvent déconnecté des évènements déclencheurs de l’environnement organisationnel. De plus, le cycle de développement d’un outil informatique est plus long que celui du développement d’un produit ou d’un service ce qui entraîne des décalages entre l’expression des besoins et la mise en œuvre des moyens.
Il est impératif de doter le SI d’une capacité de flexibilité. Cette flexibilité peut se décliner sur différents niveaux  :

  • Flexibilité technologique : elle existe déjà grâce aux nombreux langages et outils informatiques présents sur le marché qui permettent une adaptation rapide de l’outil informatique.
  • Flexibilité structurelle qui doit permettre l’émergence de normes et de standards facilement adaptables. Des programmes standard tels que les progiciels de gestion intégré ou PGI (ensemble de logiciels intégrant les principales fonctions nécessaires à la gestion des flux et des procédures de l’entreprise) favorisent cette flexibilité même s’ils se limitent trop souvent aux aspects techniques.
  • Flexibilité potentielle : grâce à la concertation avec la réalité opérationnelle, il s’agit de proposer « a priori » des fonctionnalités complémentaires qui pourront être activées au besoin.
  • Flexibilité topographique : elle doit permettre de prévoir l’impact des évolutions organisationnelles sur le SI.

Cette recherche de flexibilité conduit à la mise en place d’îlots de SI, partie du SI qui regroupe l’ensemble des traitements d’automatisation des contributions d’un métier aux processus de l’entreprise et les informations associées. Chaque îlot de SI correspond à un métier de la vision organisationnelle et regroupe les traitements et l’ensemble des informations associées. L’îlot de SI prend en charge toutes les contraintes liées au métier de l’acteur, focalise les efforts de recherche de flexibilité et est responsable exclusif de ses informations originales. Chaque information doit être affectée à un îlot et à un seul, mais les informations peuvent être mises à disposition d’autres îlots au besoin.

On peut ainsi définir une formalisation de l’entreprise en tant que cité de l’information qui fait correspondre à chaque structure de la vision informationnelle un îlot de SI.
Cette vision de l’entreprise doit permettre la mise en place d’une véritable synergie entre les 2 approches. L’évolution de l’une devra favoriser l’évolution de l’autre, en tendant vers une véritable fusion.

Cette approche globale sera complètée par une approche microscopique qui détaillera les programmes nécessaires à l’îlot, les données et les transactions (enchaînement des traitements réalisés par un acteur pour la réalisation des tâches qui lui sont confiées).

CHAPITRE 4 : ORGANISATION DES STRUCTURES OPERATIONNELLES CHARGEES DE L’URBANISATION DE L’ENTREPRISE

Il faut donc faire tendre l’entreprise vers cette adéquation entre la cartographie organisationnelle et la topographie informationnelle et en particulier lisser les difficultés existant entre les opérationnels et les informaticiens. L’urbanisation de l’entreprise implique donc de profonds changements structurels auxquels les entreprises se trouvent confrontées. La plupart des responsables ne se sentent pas concernés par les évolutions du SI et ont des difficultés à s’impliquer dans les aspects informationnels. Il s’est créé un fossé culturel entre les informaticiens et les opérationnels.
Des tentatives d’intégration ont déjà été tentées :

  • Une première étape a consisté à mettre en place dans chaque grande direction organisationnelle de l’entreprise des structures chargées de la gestion du sous-système d’information. Mais le coût de ce type de structure étant fort élevé et les conséquences lourdes sur la cohérence de la structure de l’ensemble, elle a été progressivement abandonnée.
  • La seconde étape a consistéàcréer des maîtres d’ouvrage, véritablesinterfaces entreles responsables métiers et les techniciens de l’information. Ils se caractérisent par une double compétence dans le métier et dans les techniques de l’information. Ils sont à l’heure actuelle l’un des maillons essentiels de la mise en place d’une structure réactive.
  • La troisième étape doit permettre aux responsables métiers et des futurs utilisateurs une plus grande implication dans le SI, en particulier au niveau de la détermination des besoins et de la mise au point des programmes. Cela devrait entraîner une plus grande fiabilité des services.

Toutes ces tentatives tendent à mettre en place une réelle bipolarité des structures opérationnelles. Mais un important problème de langage et de compréhension subsiste, les responsables métiers restant peu sensibles à leur contribution à l’agilité globale de l’entreprise. Il en résulte que l’urbanisation du SI se limite trop souvent à la recherche de la flexibilité technologique et structurelle. D’autre part, l’agilité doit être une véritable stratégie pour l’entreprise et nécessite à ce titre un véritable pilotage.
Il faut créer une véritable synergie entre les 2 visions de l’entreprise, de façon à ce que toute modification apportée à l’une entraînent une évolution favorable de l‘autre.

Pour urbaniser la partie opérationnelle de l’entreprise, il est indispensable de redéfinir sa structure. 3 concepts doivent permettre de favoriser cette logique :

  • Séparer clairement les niveaux d’analyse macroscopique (entreprise) et microscopique (individuel).
  • Responsabiliser chaque métier (SI et hors SI) à la conception et à la construction des composants microscopiques qui lui sont propres. Chaque participant doit s’impliquer totalement et à tous les niveaux.
  • Responsabiliser chaque métier (SI et hors SI) à la conception, la construction et le respect de l’intégrité de la partie des représentations macroscopiques qui lui revient. Chaque participant doit participer à l’élaboration de la cartographie organisationnelle qui le concerne, mais doit également vérifier la cohérence de la topographie informationnelle de l’îlot de SI qui lui est confié.
  • Le pilotage de l’agilité de l’entreprise doit être confié à une structure transversale de management qui pourrait être appelée le Département de l’urbanisation et de l’agilité DAU, placée au plus près de la Direction Générale

Méthodologie d’évolution vers la cité de l’information

Dans une telle démarche, c’est la recherche de l’agilité qui devient l’objectif essentiel et non plus la recherche d’un niveau absolu impossible à quantifier. Dans l’organisationnel, elle a conduit à la cartographie des processus et des métiers qui assure la réactivité de l’ensemble sans en mettre en péril l’équilibre. Dans l’informationnel, la mise en place de la topographie du SI favorise la flexibilité de l’entreprise.
Les progrès se mesureront par le différentiel d’agilité procuré. Il faudra abandonner le pilotage statique avec ses objectifs absolus au profit de référents dynamiques qui évolueront avec l’entreprise :

  • Les nécessités opérationnelles : capacité que l’entreprise souhaite acquérir pour faire face aux contraintes du marché. Elles doivent intégrer les composantes organisationnelles et informationnelles et présenter une certaine évolutivité. Elles se mesurent en terme d’agilité opérationnelle obtenue.
  • Les foyers de non-agilité : il s’agit des obstacles à l’agilité qui nuisent à la réactivité au niveau organisationnel et à la flexibilité au niveau informationnel.
  • La démarche méthodologique : pour que l’urbanisation puisse se dérouler, elle doit suivre une démarche rigoureuse que l’on peut structurer en 4 étapes :

CONCLUSION

Dans un contexte économique délicat, peu d’entreprises se soucient de leur agilité opérationnelle. Cependant c’est sur ses réserves d’agilité que l’entreprise doit pouvoir s’appuyer pour tirer le meilleur profit d’une conjoncture favorable ou pour mobiliser les énergies en cas de difficultés.
Une entreprise urbanisée dispose d’une capacité de réaction exceptionnelle et de structures rapidement mobilisables.

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