Lutte contre les pratiques sexistes et discriminatoires : action pédagogique en seconde bac pro famille de métiers de la relation client

, par ARIANE CARRERE, Le groupe d’inspection

Le sexisme ne recule pas en France. Au contraire, certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent, et les jeunes générations sont les plus touchées. Tel est le constat inquiétant du 5e rapport annuel sur l’état du sexisme en France que, depuis la loi relative à l’égalité et la citoyenneté du 27 janvier 2017, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a la mission d’élaborer et de remettre à la Première ministre et à la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité, et de l’Égalité des chances.


Dans la filière économie-gestion, des enseignants travaillent autour de cette thématique pour sensibiliser les élèves sur des questions relatives à l’égalité des sexes et à la lutte contre les pratiques sexistes et discriminatoires.

Une interview a été menée avec une enseignante du lycée Louis Armand à ce sujet.

 1) Quel est le contexte de cette action pédagogique ?

Bonjour, je suis Mme ARIANE CARRERE, professeur de Lettres-Histoire et référente Egalités du lycée Louis Armand à Eaubonne. Je suis accompagnée de Mme FLOIRAC Antoinette, enseignante d’économie-gestion option vente commerce.

A la rentrée 2021, M. Mouyen, le proviseur, nous informe que nous allons accueillir Giulia Foïs, chroniqueuse sur France Inter et autrice de l’ouvrage « Je suis une sur deux » pour une assemblée plénière où des élèves du lycée lui poseraient des questions.

Nous suggérons, avec mes collègues, de la faire venir le 25 novembre, jour de la lutte contre les violences faites aux femmes. Sous l’impulsion de M. Mouyen, nous envisageons de faire vivre aux élèves cette journée sous trois axes :

  • Le témoignage de Giulia Foïs, qui relate son parcours de victime, depuis le viol qu’elle a subi jusqu’à l’acquittement de son agresseur,
  • L’aspect judiciaire avec l’avocate Michèle Dayan (cofondatrice de L4W : lawyers for women), spécialiste des droits des femmes,
  • L’aspect policier, plus concret, avec Maryline Doll, commissaire de police d’Ermont.

 2) Quel est l’objectif de cette journée ?

Le but de cette journée étant de sensibiliser le plus grand nombre d’élèves possible aux violences sexuelles, je décide d’y faire participer une classe de seconde bac pro FMRC dans laquelle nous intervenons, Antoinette Floirac (professeure d’économie gestion) et moi-même (professeure LHG). En plus de la sensibilisation, ce projet nous permet de leur faire travailler la prise de parole, la prise de notes, les techniques d’interview et les types de questions, thèmes communs au français et à l’éco-gestion. Le travail en amont débute 2 à 3 semaines avant les vacances de la Toussaint, toujours en groupe.

 3) Quelles sont les étapes du projet ?

La première étape (voir doc « faire une itw », étape 1) consiste à faire une biographie des invitées et une recherche sur leur place dans la lutte contre les violences faites aux femmes. A ce moment-là du travail, les élèves saisissent le thème sur lequel ils vont devoir travailler et des questions émergent déjà au sujet du titre du livre de Giulia Foïs.

La seconde étape (voir doc « faire une itw », étape 2) commence par le visionnage des vidéos. En effet, en raison du contenu délicat du livre et du jeune âge de mes élèves, j’avais décidé de ne pas étudier d’extraits afin de ne pas les choquer, ou même de ne pas déstabiliser ceux ou celles qui auraient malheureusement déjà subi des violences sexuelles. J’ai été submergée par les questions des élèves et l’émergence des stéréotypes inhérents au viol (Combien de fausses plaintes pour viol ? Qu’est-ce qu’un « bon viol » (terme que Giulia Foïs utilise dans l’interview) ? Peut-on prendre du plaisir durant un viol ? Seules les femmes peuvent être violées ? Il y en a qui cherchent quand même…). J’ai donc été amenée à interrompre le travail pour faire une heure « d’éducation à la sexualité » en rappelant :

  • La définition juridique du viol et ce que ça regroupe comme réalité : pénétration sexuelle non consentie, buccale, génitale et même digitale, commise avec violence, contrainte ou surprise.
  • La notion de consentement : le fait qu’une femme peut dire non à n’importe quel moment et que son partenaire doit cesser immédiatement.
  • Une personne homme ou femme peut être violé.e.
  • Un viol (mot qui vient du mot violence) est un rapport sexuel non consenti et donc, par essence, douloureux. Donc une personne victime de viol ne ressent pas de plaisir.

 4) Comment avez vous travaillé avec votre collègue enseignante en économie-gestion ?

Des recherches internet ont été menées pour que les élèves puissent répondre à leurs questions avec des données chiffrées : chiffres et statistiques sur le nombre de viols déclarés et supposés ainsi que le nombre de fausses plaintes pour viol (sujet qui leur tenait vraiment à cœur). Les élèves ont été supris.es de constater que le nombre de fausses plaintes n’excèdent pas 7%. Ils ont pris des notes sur les chiffres trouvés afin de préparer l’étape suivante : la rédaction des questions.

J’ai attribué à chaque groupe une invitée et la rédaction de 6 questions primaires (ouvertes) et quelques questions secondaires pour approfondir les réponses. Par la suite, leurs questions ont été recoupées avec celles des autres classes participant au projet, et chaque classe s’est vue attribuer un nombre de questions à poser. J’ai laissé aux élèves de ma classe le choix entre « poser une question » ou « prendre des notes » (voir doc QUESTIONS TABLE RONDE).

Ils ont donc posé leurs questions (ou noté) devant une assemblée de 70 personnes (dont professeur.es et élèves du lycée général). Ils se sont montrés très attentif.ves aux réponses des invitées. L’intervention de Mme Foïs en particulier les a beaucoup marqué.es. Un élève lui a même demandé s’il n’était pas possible d’envoyer son livre dans les prisons afin que les violeurs prennent connaissance du mal qu’ils font aux victimes. Même si la question était naïve, elle témoigne du chemin parcouru par certain.es élèves de la classe sur la question des violences sexuelles faites aux femmes. En parallèle, un groupe de cinq élèves volontaires ont travaillé sur l’interview webradio : ils avaient en charge le volet policier et l’interview de Mme la Commissaire Doll (voir Questions Web Radio Mme Doll). L’un d’entre eux a été formé à l’aspect technique de l’interview et s’est retrouvé, seul, en charge de la prise de son. Les quatre autres se sont réparti.es les questions et ont appris à placer et projeter leur voix pour parler dans un micro.

En somme, tous.tes se sont montré.es extrêmement sérieux.ses et professionnel.les. Ce projet a fédéré la classe, les a amené.es à réfléchir sur leurs représentations des femmes et des violences sexuelles. Par le biais de cette expérience, ils se sont familiarisé.es avec la recherche d’informations et de données, la prise de notes et surtout la prise de parole en public, utile pour des épreuves du domaine professionnel comme pour le chef d’oeuvre.

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