Introduction
C’est parce que, en 1998, les directions de Daimler-Benz et de Chrysler n’ont pas su anticiper puis conduire les changements, notamment humains et culturels découlant nécessairement de leur fusion, que celle-ci s’est soldée par un relatif échec. C’est parce qu’elle n’a pas su prendre suffisamment tôt le virage de la photo numérique que Kodak a été confrontée, dans les années 90, à d’importantes difficultés l’obligeant, dès 2003, à fermer de nombreuses usines et laboratoires puis, la contraignant, en 2012, à déposer le bilan faute d’avoir su redresser sa situation. En 2011, la fusion entre Veolia Transport, filiale de Veolia Environnement et de Transdev, filiale de la Caisse des dépôts qui semblait pourtant se présenter sous les meilleurs auspices s’est traduite, deux ans plus tard, par un retour en arrière, confirmant l’échec de la stratégie mise en place. A partir de ces quelques exemples, il apparaît comme étant vital pour l’entreprise d’avoir la capacité à s’adapter aux changements de son environnement si elle veut assurer sa pérennité.
La théorie évolutionniste du changement économique (R. Nelson et S. Winter) met l’accent sur la faculté de l’entreprise à s’adapter aux évolutions de son environnement grâce à sa capacité d’apprentissage. L’environnement concurrentiel exacerbé, la mondialisation des pensées et des réseaux, la communication omniprésente, les stratégies de taille rendent plus urgents les objectifs d’adaptabilité, de flexibilité, de self-gouvernance que les entreprises mettent en place. La gestion du changement devient alors un élément fondamental de la stratégie globale de l’entreprise car, de son aptitude à s’adapter à son environnement à la fois complexe, instable et turbulent, dépend sa survie. La « gestion » du changement marque le caractère volontaire de l’action, dans une volonté d’optimisation des performances de l’organisation, dans une volonté d’amélioration de la rentabilité des facteurs de production. Selon P. Drucker, « La gestion est l’art de prendre des décisions rationnelles et informées ». Dès lors, « gérer » consiste à piloter l’entreprise en rendant précis les objectifs auxquels il faut parvenir et en sélectionnant puis en mettant en œuvre les moyens qui permettront de les atteindre. Le « changement » correspond à une modification qui s’opère au sein d’une organisation. Il désigne la démarche qui accompagne la vie de toute entreprise face à l’instabilité et au développement de son environnement.
Différentes typologies proposent une classification des différents changements qui peuvent s’opérer au sein d’une entreprise. Parmi celles-ci, on peut citer une classification qui étudie les domaines du changement : domaine économique, juridique, social, technologique, écologique, culturel, politique, organisationnel, stratégique... tandis qu’une autre étudie le changement selon ses caractéristiques : global ou partiel, lent ou rapide, marginal ou majeur. De même, selon que le changement est marginal ou majeur, il est possible de distinguer différents degrés de changements : le réglage, la réforme, la restructuration ou bien encore la refondation. Tandis que le réglage et la réforme sont gérés de manière classique par l’entreprise dans son fonctionnement quotidien, la restructuration et la refondation, quant à elles, constituent de véritables changements organisationnels. Ces deux types de changement conduisent à une véritable transformation des processus à l’œuvre dans l’entreprise ainsi qu’à une véritable « révolution culturelle ». Ces changements, par leur propension à générer des résistances, doivent faire l’objet d’une gestion toute particulière. Le changement peut également être étudié, selon le comportement adopté : conduit-dirigé, spontané ou bien encore planifié (typologie de H. Mintzberg). Mais il peut aussi être appréhendé selon sa nature : changement radical ou changement incrémental, changement émergent ou organisé. Le changement peut porter sur l’ensemble des niveaux de décisions au sein de l’entreprise qu’il s’agisse des décisions stratégiques, tactiques ou opérationnelles (typologie de I. Ansoff). On ne peut d’ailleurs envisager un changement stratégique sans qu’il s’accompagne d’un changement opérationnel.
La « gestion du changement » désigne l’ensemble de la démarche qui va de la perception d’un problème d’organisation à la définition d’un cadre d’actions qui permet l’élaboration, le choix et la mise en place d’une solution dans des conditions optimales de réussite (modèle IMC d’H. Simon).
Pour mettre en œuvre un changement, une entreprise doit développer et administrer une stratégie de changement efficace qui intègre à la fois les hommes et les processus. Ainsi, la conduite du changement va consister à affronter la résistance au changement que tous les individus concernés manifestent inéluctablement. Le processus de changement va donc consister à louvoyer entre les zones d’incertitude contrôlées par les acteurs (M. Crozier).
La question qui se pose alors est la suivante :
Pourquoi le changement s’impose-t-il à l’entreprise et comment peut-elle le gérer efficacement ?
I - Pourquoi le changement s’impose-t-il à l’entreprise ?
A/ Le changement : la résultante d’un diagnostic
1. Le diagnostic interne
Depuis le début du 20e siècle, des changements fondamentaux sont intervenus qui concernent, en partie, les modes de fonctionnement internes à l’entreprise. L’analyse du diagnostic interne doit permettre de répondre aux questions suivantes : Quels sont les résultats économiques, humains et sociétaux actuels ? Quels sont les résultats attendus ? Où sont les écarts ? Quelles en sont les causes ?...
La conduite du changement s’organise autour d’un processus qu’il s’agit de maîtriser et qui nécessite de connaître l’existant, de gérer la démarche, d’agir et d’en accepter les risques. Organiser le changement requiert, de la part des dirigeants, qu’ils se posent les questions suivantes : Comment mener au mieux le changement avec un coût aussi bas que possible tant financier qu’humain ? Comment le faire accepter ? Comment changer tout en gardant ce qui est efficace et en veillant à conserver une bonne image de l’entreprise ?
On peut citer, pour exemples, des changements liés à des fusions d’entreprises, à un changement d’activité voire de métier, à un déménagement dans de nouveaux locaux et/ou une nouvelle région, un changement de direction, la recherche de la qualité totale ou bien encore l’introduction de nouvelles technologies ou méthodes de travail… C’est pourquoi, avant d’entreprendre tout changement, l’entreprise doit commencer par identifier ses facteurs clés de succès, source d’avantages concurrentiels, et vérifier qu’ils sont en adéquation avec les différents aspects de l’organisation : sa structure, son système de gestion et d’information, sa technologie, sa culture et son style de management. Avant même d’envisager de modifier sa structure, l’entreprise devra porter sa réflexion sur les éléments contextuels qui feront nécessairement l’objet d’un questionnement : Dans quel délai le changement est-il nécessaire ? Quelle est l’ampleur du changement ? Quelles sont les ressources et compétences requises ? Les managers sont-ils aptes à conduire le changement et à mobiliser le personnel… ?
Répondre à ces questions revient, dans un premier temps, à procéder à l’analyse de la chaîne de valeur de l’entreprise puis, dans un second temps, à réaliser le diagnostic de ses ressources et de ses compétences afin d’identifier ses forces et ses faiblesses.
a) L’analyse de la chaîne de valeur
L’analyse de la chaîne de valeur consiste, pour l’entreprise, à repérer les différentes étapes de ses processus (ou systèmes) de création de valeur, de la conception du produit ou du service à sa mise à disposition au client final. La chaîne de valeur, qui porte sur les processus internes à l’entreprise et sur les interactions entre ses différentes composantes, montre où et comment se crée la valeur ajoutée au sein de l’entreprise. Sa capacité à coordonner de manière optimale ses processus tout en minimisant les coûts mais, pour autant, en donnant la priorité à la satisfaction du client, doit lui procurer un avantage concurrentiel (M. Porter). Ainsi, l’analyse de la chaîne de valeur permet à l’entreprise d’estimer dans quelle mesure et dans quelle proportion un maillon concourt spécifiquement à la valeur créée et perçue par le client tout en tenant compte des coûts. Dès lors qu’une étape du processus ne crée pas de valeur ou en crée insuffisamment, un changement s’impose qui peut consister à supprimer purement et simplement cette étape ou bien à l’externaliser. Les processus, qu’il s’agisse des processus financiers et administratifs, de production, économiques et commerciaux, culturels et humains ou bien encore décisionnels, sont extrêmement présents dans l’exercice de l’activité de l’entreprise et le changement peut, soit concerner directement l’un d’entre eux, soit concerner les interrelations qui existent entre eux. Le changement d’un ou plusieurs de ces processus se fait sentir dès lors qu’il est un préalable au changement de structure, de culture ou de mode de management. Avant d’envisager tout changement, l’entreprise doit donc collecter des informations concernant sa chaîne de valeur de manière à mettre en évidence ses compétences distinctives mais aussi ses faiblesses l’orientant ainsi dans ses choix quant aux changements à mettre en œuvre pour améliorer ses performances.
b) Le diagnostic des ressources et des compétences
La collecte d’informations concernant les ressources de l’entreprise va permettre à celle-ci d’élaborer une stratégie du changement qui tient compte de ce dont elle peut disposer. Il s’agit, pour elle, d’évaluer la quantité de ressources disponibles, leur nature et leur unicité en matière de ressources physiques, humaines, financières, immatérielles et informationnelles. Le diagnostic financier va permettre à l’entreprise de s’assurer qu’elle possède bien les ressources financières nécessaires à la mise en place du changement, celui-ci représentant un coût induit par la mise en place d’une nouvelle organisation. Pour qu’elles constituent une force et non une faiblesse, les ressources financières doivent être supérieures aux besoins et elles doivent être stables. Le diagnostic marketing permet à l’entreprise de collecter des informations sur l’analyse de la cohérence du marketing mix (Produit/Prix/Distribution/Communication) afin, le cas échéant, d’opérer des changements en matière de grands choix stratégiques. Le modèle des cinq forces identifie les facteurs qui influent sur la performance d’une entreprise (M. Porter) : le pouvoir de négociation des clients, la menace d’entrants potentiels, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace des produits de substitution et l’intensité de la concurrence intra-sectorielle. L’entreprise va vérifier, pour chacun de ces facteurs, s’il constitue pour elle, une force ou une faiblesse et, ce faisant, elle sera à même d’identifier ses facteurs clés de succès, c’est-à-dire les éléments stratégiques qu’il convient de maîtriser pour obtenir un avantage concurrentiel.
Le diagnostic Recherche et Développement permet à l’entreprise, en fonction de l’évolution de son environnement, de changer ses priorités et par conséquent, de modifier ses choix en matière d’innovations, de développement de nouveaux produits et nouveaux procédés compte tenu de la durée de plus en plus réduite du cycle de vie des produits. Le diagnostic des ressources humaines permet à l’entreprise de collecter des informations sur les différents savoirs et savoir-faire disponibles, sur l’étude des qualifications et sur l’analyse du climat social. La théorie des ressources (G. Hamel et C.K. Prahalad) montre que ces informations, essentielles à tout changement préalable, vont permettre à l’entreprise de s’appuyer sur ses compétences fondamentales qui constituent pour elle un actif spécifique. Pour ces deux auteurs, le « cœur de compétences » ou « compétences clés » correspond à ce que l’entreprise fait mieux que ses concurrents.
Ainsi, toutes les activités de l’entreprise sont concernées y compris celles liées à la gestion des ressources humaines. Dès que l’entreprise aura cerné, au travers du comportement des différents acteurs, les proactifs, les passifs et les opposants au changement, elle adaptera une stratégie du changement beaucoup mieux ciblée et donc beaucoup plus efficace.
2. Le diagnostic externe
Les changements fondamentaux intervenus au sein des entreprises concernent également les relations qu’elle entretient avec son environnement. L’analyse du diagnostic externe doit permettre de répondre aux questions suivantes : Qu’y a-t-il de pertinent dans l’environnement ? Quels sont les scénarios qui peuvent être source de contraintes ou de menaces ? Quels sont les scénarios qui peuvent créer des opportunités ?
a) L’analyse du macro-environnement
Selon la théorie évolutionniste de la firme (R. Nelson, S. Winter), le comportement adopté par l’entreprise découle directement des signaux informationnels qu’elle perçoit dans son environnement. La firme est une organisation apprenante qui va, dans le cadre d’une approche dynamique, toujours chercher à améliorer ses compétences organisationnelles. Le diagnostic externe prend tout son sens au regard des contraintes, des menaces et des opportunités de l’environnement. L’entreprise est conduite à opérer des changements dans sa stratégie du fait même qu’elle est un système ouvert sur l’extérieur, c’est-à-dire qu’elle est en interaction avec son environnement. L’analyse du macro-environnement de l’entreprise peut être réalisée via l’identification des facteurs démographiques, politiques, juridiques, économiques, socioculturels et technologiques, au travers de leurs mutations et de leurs évolutions (analyse PESTEL). Il convient ensuite de déterminer quels sont ceux ayant un réel impact sur l’entreprise et dont les évolutions nécessitent qu’elle mette en place de véritables changements.
b) L’analyse du micro-environnement
Parmi les acteurs qui influencent l’organisation, on peut citer principalement les clients, les fournisseurs, les sous-traitants, les intermédiaires et les concurrents. L’entreprise collecte des informations sur l’offre et la demande de son secteur d’activité de manière à anticiper les évolutions possibles et probables. Le diagnostic de l’offre, le diagnostic de la structure des coûts du secteur, le degré de concentration ou d’atomisation des acteurs du secteur, l’intensité concurrentielle sont autant d’informations essentielles à l’entreprise qui, dans le cadre du management de l’intelligence économique, vont lui permettre de mettre en place une stratégie mieux adaptée. Ainsi, par exemple, une mauvaise maîtrise des canaux de distribution ou bien encore une gestion inefficace des approvisionnements constitueraient pour elle une faiblesse à laquelle il lui faudrait remédier via un changement de stratégie et ce, dans le but de transformer cette faiblesse en atout.
Les diagnostics interne et externe qui montrent les évolutions intervenant au sein de l’entreprise et dans son environnement expliquent que celle-ci mette en place une gestion efficace du changement. L’initialisation du changement naît, en effet, de la perception d’une inadéquation entre le fonctionnement d’une organisation et de ses finalités. Cinq facteurs sont habituellement avancés pour justifier la mise en place d’un processus de changement : la technologie, la stratégie, la culture, le pouvoir et la structure.
B/ Le changement : une réponse au besoin accru de flexibilité et de réactivité
1. Le management par projet
a) Une structure organique
Pour Serge Raynal, « Un projet répond aux souhaits des dirigeants de mobiliser les énergies dans le but de créer et développer, sous une forme autonome, des équipes pluridisciplinaires correspondant aux différents métiers par rapport à ce projet et répondre au mieux aux besoins du marché et des clients ». Le management par projet suppose que l’on se situe au niveau de la définition de la stratégie générale de l’entreprise. Celle-ci doit mettre en place les conditions pour qu’il s’intègre dans la culture d’entreprise. La notion de projet est liée à celle de changement car il s’agit de rompre avec les méthodes traditionnelles de gestion des organisations. La démarche s’appuie sur l’organisation que l’on souhaite optimiser en rationnalisant son fonctionnement qu’il s’agisse des processus ou des systèmes de gestion. Une fois le changement opéré, il faudra consolider le mouvement, s’assurer de la permanence des acquis et effectuer des évaluations pouvant donner lieu à d’éventuels ajustements. La gestion par projet implique une redéfinition des structures de l’entreprise. H. Mintzberg définit la structure d’une entreprise comme « La somme totale des moyens employés pour diviser le travail en tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces tâches ». L’auteur distingue plusieurs mécanismes de coordination : l’ajustement mutuel, la supervision directe, la standardisation des procédés, la standardisation des résultats et la standardisation des qualifications. Ces différents moyens de coordination ne s’excluent pas forcément les uns les autres. Cependant, suivant la nature de l’organisation, l’un de ces modes de coordination a tendance à dominer et à s’imposer comme principe structurant.
La gestion de projet correspond à une action temporaire, limitée dans le temps qui induit à la fois nouveauté et changement en ce sens qu’elle modifie profondément les conditions de travail des salariés impliqués dans des groupes interdisciplinaires disposant d’une plus grande autonomie puisque responsables à la fois de la conception et de l’exécution du projet. Ce mode de gestion permet d’apporter une réponse aux impératifs auxquels est confrontée l’entreprise en matière d’adaptation à l’environnement. Tandis que les travaux de T. Burns et G.M. Stalker mettent en évidence le lien qui existe entre le type de structure de l’organisation et la nature de l’environnement, la théorie de la contingence (P. Lawrence et J. Lorsch) identifient les multiples facteurs qui influent sur l’évolution de la structure de l’entreprise : la taille de l’entreprise, son âge, la technologie qu’elle utilise, sa stratégie, son secteur d’activité, sa culture d’entreprise, la personnalité de son dirigeant et son environnement. Ces auteurs montrent que plus l’environnement est complexe et instable, plus l’organisation a intérêt à mettre en œuvre une structure souple et décentralisée, faiblement formalisée, un modèle de type organique. Ils montrent également que plus l’environnement impose des aléas nécessitant une différenciation au niveau organisationnel, plus il faut développer des structures d’intégration interne.
L’émergence des structures par projet est liée au fait qu’il s’agit d’une structure flexible permettant la réalisation de projets complexes faisant appel à plusieurs spécialistes de l’entreprise. Elle combine une double ligne d’autorité, chaque salarié dépendant simultanément d’un responsable fonctionnel et d’un chef de projet. Cette structure est par nature évolutive car, lorsque le projet est achevé, l’équipe réunie en vue de la réalisation de ce projet est dissoute et répartie sur d’autres projets. Ce type de management implique, certes, à la fois des changements stratégiques et structurels mais il permet à l’entreprise d’accroître sa performance en la faisant bénéficier d’une plus grande souplesse et d’une plus grande réactivité.
b) La relation entre stratégie et structure
A. Chandler considère que le changement de stratégie et le changement organisationnel sont liés. Ainsi, selon cet auteur, « La structure d’une organisation découle et résulte des décisions stratégiques prises en fonction de l’environnement, lesquelles entraînent de nouveaux besoins d’organisation modifiant les structures. » A chaque étape de leur évolution, marquée par un changement important de stratégie, les entreprises mettent en place des modifications de leurs structures. C’est pourquoi, selon l’auteur, la stratégie détermine la structure mais, pour autant, ce lien n’a rien d’automatique car un changement de stratégie n’entraîne un changement de structure que si celle-ci se révèle inadaptée à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie. De même, la structure peut conduire à un changement de la stratégie car cette dernière repose sur une analyse de l’environnement. Or, la structure influence la perception de l’environnement car elle conditionne la façon dont les informations circulent dans l’entreprise.
Les transformations sociales, économiques, technologiques… mais surtout la vitesse à laquelle ces transformations surviennent exigent des entreprises qu’elles soient en réorganisation constante pour répondre à ce besoin de flexibilité et de réactivité qui leur permettra de « survivre » dans la compétition mondiale. Car, comme le souligne P. Drucker « Le plus grand danger, dans les moments de turbulence, ce n’est pas la turbulence, c’est d’agir avec la logique d’hier ».
2. L’organisation réseau, le système d’information et le management
a) L’organisation réseau et le système d’information
La création d’équipes-projets implique la mise en place d’une organisation réseau au sein de l’entreprise favorisant son adaptabilité, son dynamisme mais également sa capacité d’apprentissage permanent. Cette nouvelle organisation se caractérise par un décloisonnement, une déhiérarchisation et une décentralisation qui entraînent la création d’une structure transversale plus souple. Pour exemple, l’adoption chez Air Liquide de ce mode d’organisation a entraîné la suppression de plusieurs niveaux hiérarchiques intermédiaires apportant plus de souplesse et de réactivité à son fonctionnement et permettant ainsi aux équipes d’être capables de gérer des projets scientifiques et technologiques, complexes, à grande échelle et en environnement le plus souvent multiculturel. Un changement du système d’information de l’entreprise doit accompagner les équipes-projets dans la réalisation de leur mission. Le système d’information de l’entreprise doit lui permettre d’acquérir, de traiter, de stocker et de diffuser des informations, celles-ci servant d’abord et surtout à décider puis à agir (R. Reix).
La mise en réseau du système d’information de l’entreprise doit permettre aux acteurs qui y ont accès d’entreprendre et de mener à bien des projets communs. L’objectif du réseau informatique est de faciliter un travail collaboratif entre utilisateurs, de partager des ressources matérielles, logicielles et également informationnelles. Ainsi, le changement porte, avant tout, sur la substitution d’un travail coopératif à un travail individuel ainsi que sur le partage des ressources mais aussi des connaissances. Le dirigeant de l’entreprise, en tant qu’animateur du réseau, doit intégrer la gestion de la connaissance dans sa stratégie globale. Cette dernière constitue un véritable changement en ce sens que l’objectif de capitalisation des savoirs nécessite le passage d’une mémoire individuelle à une mémoire collective.
Wright souligne la nécessité d’un apprentissage organisationnel, d’une organisation apprenante et la justifie par le fait que le savoir est devenu un élément stratégique à maîtriser. Les entreprises en ont conscience et elles n’hésitent pas à se lancer dans de vastes programmes coûteux de knowledge management comme, par exemple, Valéo qui, assisté par Nemesia, cabinet de conseil expert de la gestion des connaissances, a mis en place, dès 1999, un projet baptisé « K » pour knowledge. La gestion du savoir est devenue un élément à part entière de la gestion des entreprises et, à l’instar de Valéo, des projets de gestion de la connaissance ont vu le jour et ont réussi chez Air Liquide, Lafarge ou bien encore Saint-Gobain. Le changement va donc porter d’une part, sur une diffusion plus large de l’information qui devient accessible à l’ensemble des salariés et, d’autre part, sur la capture des connaissances tacites afin de les transformer en connaissances explicites sous la forme de routines, de procédures et de normes. I. Nonaka et H. Takeuchi distinguent deux types de connaissances : les connaissances explicites qui peuvent être facilement exprimées dans des documents et par conséquent, accessibles à tous les collaborateurs et les connaissances tacites, celles acquises par l’expérience et difficilement exprimables. La transformation des connaissances tacites en connaissances explicites va accroître la performance de l’entreprise dès lors que tous les salariés vont pouvoir disposer de l’information contenue dans les bases de données et ce, au bon moment et sous la bonne forme, de façon à leur faciliter la prise de décision. Cette capacité à créer et à valoriser de nouvelles connaissances va procurer un avantage concurrentiel à l’entreprise constituant une source fondamentale de son succès.
b) L’approche systémique de l’entreprise et le management participatif
Selon D. Bériot, le passage d’une vision analytique à une vision systémique de l’entreprise apparaît inévitable dès lors qu’il s’agit d’accéder à un système dont la gestion est de plus en plus complexe. L’approche systémique est une approche plus dynamique qui recherche les modalités d’accompagnement du changement et décide des actions à mettre en œuvre pour le conduire. Pour autant, la vision analytique qui consiste à décrire, comprendre, expliquer ou prévoir des phénomènes socio-organisationnels ne doit pas être écartée et les dirigeants doivent combiner ces deux orientations dans la mesure où la connaissance et l’action sont indissociables : toute décision dépend de la connaissance que les acteurs ont du système et la connaissance de la dynamique du système ne progresse que par l’observation des effets de leurs actions sur celui-ci.
Caractéristiques de la logique analytique | Caractéristiques de la logique systémique |
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Part du présent pour se tourner vers le passé | Part du présent pour se diriger vers l’avenir |
S’intéresse au « Pourquoi » | S’intéresse au « Vers quoi » |
Postule que la prise de conscience des causes est nécessaire à la résolution d’un problème | Postule que la recherche des causes est rarement nécessaire pour résoudre un problème |
Analyse une situation problématique pour en comprendre la complexité | Recherche les éléments invariants du système concerné pour appréhender la complexité et non pour la comprendre |
Utilise le problème comme matériau d’analyse et considère sa suppression comme objectif | Clarifie et précise d’abord l’objectif qui serait atteint si le problème était résolu |
Commence par un état des lieux du système apparent Identifie les acteurs qui composeront le seul système à considérer | Identifie les acteurs qui composeront le seul système à considérer |
Etablit un lien de cohérence entre un processus et une norme | Etablit un lien de cohérence entre un processus et un objectif |
Recherche les acteurs responsables d’un problème | Recherche les acteurs influents (freins et ressources) sur l’atteinte de l’objectif |
Explique les raisons des comportements | S’intéresse aux interactions entre les personnes |
Tente de changer les personnes | Tente d’agir sur les relations entre les acteurs |
Cherche à prévoir les comportements des acteurs | Régule au fur et à mesure les comportements en fonction d’un objectif |
Ainsi, dans le cadre d’une approche systémique de l’entreprise, la gestion par projet engendre un changement organisationnel qui se traduit par l’adoption d’une organisation par processus apprenante, organisation qui nécessite la mise en place d’équipes de processus. Le travail de processus en équipe sous-entend la nécessité de communiquer, de collaborer et de se coordonner par ajustement mutuel. Ainsi, pour L. Thévenot, « Les individus ne peuvent agir qu’à condition de faire œuvre de coordination qu’il s’agisse de la coordination entre individus, entre l’individu et son environnement mais également du rapport de l’individu avec lui-même dans un environnement où il doit coordonner sa propre conduite ». C’est pourquoi, outre la nécessité d’utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication, cette nouvelle approche organisationnelle requiert également un changement radical dans la manière de gérer les ressources humaines. Le management participatif (R. Likert) facilite la gestion du changement puisqu’il cherche à développer des relations de confiance autour d’un projet d’entreprise et ce, en favorisant la communication dans les deux sens, en étant peu directif et en encourageant l’initiative. Il permet à l’entreprise d’être plus réactive en ce sens que les décisions sont prises aux échelons inférieurs, au plus près du terrain. La participation des salariés à un double sens, celui d’implication dans le fonctionnement de l’organisation et celui d’intéressement à ses résultats. Le dirigeant opte pour un leadership démocratique (K. Lewin) facilitant la mobilisation et l’adhésion du personnel à la culture du changement.
Les changements organisationnels imposés à l’entreprise par un monde en pleine accélération lui permettent de faire face aux évolutions constantes de son environnement. Cependant, la réussite de la gestion du changement dans l’entreprise nécessite la mise en place d’un système de pilotage efficace qui mobilise toutes les composantes de l’organisation.
II – Comment l’entreprise peut-elle gérer efficacement le changement ?
A/ Le pilotage du changement
1. L’évolution de la gestion des ressources humaines
a) Une gestion autoritaire des ressources humaines
Au début du 20e siècle, la firme néo-classique répond aux caractéristiques suivantes : une organisation du travail plutôt rigide appuyée sur la stabilité et la durée et, d’une manière générale, un monde globalement peu concurrentiel. Ainsi, dans le cadre d’une vision mécaniste de l’entreprise, celle-ci, dotée d’une structure pyramidale, d’une très grande rigidité et d’un pouvoir centralisé, n’est qu’un lieu de production (une boîte noire), c’est-à-dire, un lieu de combinaison des facteurs de production. La firme n’a qu’un seul et unique objectif : celui de maximiser son profit. Son activité va donc consister à transformer des matières premières (inputs) en produits finis (outputs). La firme est assimilée à un individu unique : son propriétaire, celui qui prend et assume tous les risques. Les différents acteurs qui composent l’entreprise ne sont pas pris en compte qu’il s’agisse aussi bien des salariés, des actionnaires ou bien encore des dirigeants. L’organisation se caractérise par une forte division du travail, une grande coordination hiérarchique et un haut degré de formalisation. Les principes d’organisation destinés à rationaliser la fonction de production afin d’accroître la productivité du facteur travail ont été énoncés par F. Taylor (Organisation Scientifique du Travail) puis appliqués par H. Ford. H. Fayol a cherché à rationaliser la fonction administrative tandis que M. Weber s’est intéressé à la rationalité structurelle considérant la bureaucratie comme la forme d’organisation la plus efficace puisque basée sur la compétence, la spécialisation du travail et l’obéissance des individus à des réglementations rationnellement établies par la hiérarchie.
b) Une gestion assouplie des ressources humaines
Le changement dans la gestion des ressources humaines intervient avec l’avènement de la vision organique de l’entreprise. Dès les années 1930, des changements dans les organisations se sont opérés. A l’origine, la remise en cause des principes de F. Taylor et du « one best way » qui n’ont pas entraîné les gains de productivité escomptés. L’Ecole de la décision (H. Simon, J. March, R. Cyert) récuse la vision mécaniste de F. Taylor et de H. Fayol. L’Ecole des relations humaines (G.E. Mayo, K. Lewin) tient compte des acteurs présents dans l’organisation, de leurs réactions, de leurs comportements parfois en contradiction avec la logique rationnelle de l’entreprise et qu’il faut savoir gérer. L’entreprise est toujours un lieu de production mais l’acteur de l’organisation a une dimension humaine, ce qui implique que les conditions de travail matérielles mais également psychologiques soient prises en compte (théorie de F. Herzberg sur la motivation au travail et l’enrichissement des tâches et pyramide des besoins de A. Maslow). L’autorité hiérarchique laisse une place importante aux mécanismes de coordination plus souples et cette flexibilité va se traduire par la réduction des niveaux hiérarchiques et la mise en place d’une organisation transversale. D. Mc Gregor oppose deux styles de direction qui tiennent compte des attitudes implicites des dirigeants fondant leur comportement : la théorie X mise en place par le dirigeant qui pense que l’homme n’aime pas le travail et refuse les responsabilités. Le travailleur doit être contrôlé et dirigé, le style de direction est par conséquent autoritaire (vision de l’approche taylorienne). Mais lorsque le dirigeant pense que l’homme peut être motivé par le travail, qu’il accepte, voire qu’il recherche les responsabilités, il change son style de direction, l’assouplit et applique la théorie Y, théorie jugée préférable par D. Mc Gregor. P. Drucker préconise le management par objectif puis cette notion est approfondie, par O. Gélinier qui recommande la direction participative par objectif qui consiste à faire participer les salariés à la définition des objectifs. Celui-ci prône également la mise en place de groupes de travail autonomes, la valorisation des tâches d’exécution ainsi qu’un intéressement collectif aux résultats de l’entreprise. Toutes ces mesures sont censées accroître la motivation des salariés et permettre une meilleure adhésion et implication de ces derniers au projet d’entreprise.
2. La mise en œuvre du changement
a) La résistance au changement
Une entreprise est composée de trois strates qu’il est plus ou moins facile de faire évoluer. La strate 1 concerne les techniques et les technologies. Il s’agit de l’ensemble des procédures formalisées de l’entreprise et cette strate est relativement aisée à faire évoluer. La strate 2 concerne les fonctions de régulations et elle est plus difficile à changer. La strate 3 concerne la culture d’entreprise et son éthique. Elle touche au système de valeurs des individus et, par conséquent, elle est la plus difficile à faire évoluer. L’importance de la culture d’entreprise, insuffisamment prise en compte, est souvent la cause de nombreux échecs de processus de changement car la culture ne se décrète pas, elle évolue lentement et ce, plus sous l’effet d’actions quotidiennes que sous celui d’actions de formation ou de décisions des dirigeants. Ainsi, selon M. Thévenet, « La culture d’entreprise s’est imposée comme le ciment entre tous les systèmes de l’organisation, elle devrait conduire chaque salarié à avoir le sentiment que son succès personnel passe par celui de son établissement ». Or, un changement n’est jamais neutre pour le personnel et il se décompose en trois phases : la phase de mobilisation, la phase de transformation et la phase de consolidation. Chaque phase peut faire l’objet de résistances dont les causes sont multiples : les causes individuelles s’expliquent par le fait que le changement est anxiogène pour les individus dans la mesure où il est synonyme de rupture, de remise en cause, de perte de points de repères et de nombreux questionnements sur son devenir. Les causes collectives s’expliquent par le fait que les normes, les rites, les croyances partagés par l’ensemble des salariés et qui contribuent à créer un sentiment d’appartenance au groupe sont menacés de disparaître. Les causes structurelles et conjoncturelles, quant à elles, sont liées aux conditions de travail, au fonctionnement organisationnel de l’entreprise ou bien encore au climat de l’entreprise. Les changements sont toujours sources de conflits car ils entraînent une déstabilisation des acteurs sociaux, une remise en cause des situations de pouvoirs et du rôle des cadres dans l’entreprise (M. Crozier et E. Friedberg). Ces conflits sont inévitables et ils doivent être gérés dans la transparence par de multiples négociations.
b) L’acceptation progressive du changement
La capacité pour l’entreprise à lutter contre les résistances, à désamorcer les conflits et à faire accepter le changement repose en partie sur le leadership de ses dirigeants. Pour qu’un leadership soit efficace le dirigeant doit être visionnaire, il doit savoir communiquer, il doit savoir déléguer et il doit bien se connaître lui-même, c’est-à-dire, connaître ses forces et ses faiblesses. Le leadership repose sur des compétences intellectuelles, techniques et relationnelles (Ecole socio-technique E. Trist et F. Emery). La construction d’une vision partagée, la modification des comportements, l’acceptation de l’incertitude, la suppression des freins et des résistances au changement reposent également sur la confiance que le dirigeant inspire aux salariés. Le dirigeant peut choisir entre deux méthodes permettant de mener le processus de changement. Le processus par rupture consiste à changer les structures et les responsabilités formelles puis à changer les relations et processus interpersonnels et enfin, à changer les attitudes et les mentalités individuelles. Le processus par émergence consiste à changer en premier les attitudes et mentalités individuelles puis à changer les relations et processus interpersonnels et enfin à changer les structures et responsabilités formelles. Le pilotage du changement, quelle que soit la méthode retenue, doit permettre de guider efficacement l’entreprise tout au long du processus de changement. Il s’agit de réfléchir à la flexibilité nécessaire aux utilisateurs pour leur permettre d’enrichir leur implication. La planification, à la fois stratégique et opérationnelle du changement, doit prendre en compte l’aspect temporel, élément essentiel de la démarche. Le pilotage dure jusqu’à ce que les nouvelles habitudes soient parfaitement intégrées et acceptées par tous. La surveillance du bon déroulement du processus de changement au quotidien est essentiellement assurée par l’équipe de facilitation. Celle-ci a pour mission de déjouer les résistances, de dénouer les nœuds éventuels qui pourraient bloquer le processus et de faciliter le dialogue et les échanges à tous les niveaux hiérarchiques. Il lui appartient, en effet, d’accompagner le changement, d’en faciliter l’appropriation par tous les acteurs, la presque totalité des ressources de l’entreprise devant être mobilisée dans ce sens.
B/ Les outils de gestion, la communication et l’évaluation des performances
1. Les outils de gestion et les techniques de communication
a) Les outils de gestion
La veille informationnelle constitue un outil qui permet, avant d’opérer tout changement, de collecter, dans le cadre d’un diagnostic interne et externe, l’information indispensable à la prise de décision. L’information est une aide à la décision en ce sens qu’elle permet au décideur de prendre les décisions les plus satisfaisantes possibles (concept de la rationalité limitée d’H. Simon). Le diagnostic, outil servant à évaluer et à appréhender le niveau d’adaptabilité au changement de l’entreprise, repose sur l’utilisation de critères principaux tels que : la structure socio démographique (âge, ancienneté, niveau d’études, répartition par CSP…), la structure hiérarchique (nombre de niveaux, rôles des structures formelles et informelles), le style de management (autoritaire directif, consultatif, participatif), les habitudes au changement (types de changement passés, fréquences, succès/échecs). La grille d’analyse des risques permet d’identifier l’origine des causes de résistances au changement mais également l’identification des facteurs facilitants tels que le coaching, la formation, la communication et la valorisation des acteurs.
Dans le cadre de l’entreprise apprenante, C. Argyris et D. Schön préconisent la mise en place d’un apprentissage en double boucle qui consiste à reconsidérer, non seulement des stratégies d’actions et des principes, mais aussi des valeurs et des normes qui définissent la performance. Il s’agit « d’apprendre à apprendre » ce qui implique également « d’apprendre à désapprendre », c’est-à-dire, être capable de remettre en cause les routines existantes ce qui peut être déstabilisant et sources de perturbations. Le coaching intervient dès lors que « apprendre à apprendre collectivement » nécessite la mise en place de formations, d’informations et de simulations appropriées à chaque cas. Il permet l’accompagnement individuel d’un manager ou d’un dirigeant pour l’aider à faire face à des situations nouvelles. Ainsi, dans le cadre d’une gestion des ressources humaines renouvelée, le changement qui concernerait l’utilisation de plus en plus importante des nouvelles technologies de l’information et de la communication (e-learning, e-recrutement, knowledge management) nécessiterait la mise en place d’une formation destinée, d’une part, à apprendre aux salariés à utiliser le système d’information des ressources humaines et d’autre part, à leur donner confiance dans les tices. Pour exemple, à la suite d’un changement d’activité en 2004, le groupe Bourbon, entreprise réunionnaise, leader des services maritimes mais qui souhaite se recentrer sur une offre de services destinés à l’offshore pétrolier, a confié à Christa Roqueblave, vice-présidente chargée de la communication, la mission de partager l’information et de préparer les équipes à être polyvalentes. Pour l’aider efficacement dans cette mission, celle-ci a bénéficié d’une formation mais elle a également été suivie par un coach pendant deux ans dont le rôle était de l’aider à concevoir un nouveau service communication en intégrant progressivement des collaborateurs polyvalents et extrêmement adaptables dans un groupe confronté à de grandes évolutions. A mesure que l’entreprise grossit, Christa Roqueblave, qui a fait le choix de la transparence, partage l’information en organisant des réunions de service à l’issue de chaque comité de direction et, concernant le travail des équipes, en faisant le point chaque semaine sur les dossiers en cours. Elle réunit également ses collaborateurs très régulièrement pour évoquer les objectifs de fond.
L’échange de données informatisées (EDI) est à privilégier dans le cadre de la gestion du changement dans le domaine de la communication interne (intranet) ou bien externe (extranet, internet). De même, la mise en place d’un progiciel de gestion intégré (PGI) destiné à réduire les coûts de l’entreprise, est un outil propice au changement car, avec ce système informatique, l’entreprise s’appuie sur une structure informatique globale qui ne tient plus compte du cloisonnement entre les services. Il s’agit, en effet, d’un outil intégrant toutes les activités de l’entreprise et qui couvre l’ensemble des opérations de planification, de gestion et de suivi : gestion comptable, contrôle de gestion, gestion de la production, achats et stocks, management de la qualité, maintenance, administration des ventes, gestion du personnel et gestion de projets.
Le OMAR management (Objectifs – Maîtrise – Appréciation – Reconnaissance) tient compte à la fois des exigences d’adaptation continue au changement et du jeu des acteurs. Lorsque le processus de changement est engagé, ce sont les deux derniers objectifs qui ont la priorité. La valeur ajoutée que chacun peut apporter doit être reconnue et appréciée comme elle le mérite et ce, notamment à travers le changement du système de rémunération qui doit s’orienter vers l’individualisation des salaires avec une partie variable (primes, bonus, stock-options) en relation avec les résultats obtenus et ce, en tenant compte des performances de chaque salarié. C’est un moyen efficace pour inciter les hommes à participer activement au changement dès lors qu’il valorise et récompense les efforts de chacun. Le benchmarking peut conduire au changement dans la mesure où il permet à l’entreprise, dans le cadre d’une évaluation comparative, d’évaluer ses pratiques en les comparant à celles reconnues comme étant des références, et ce, dans un souci d’amélioration continue. Cette technique peut s’effectuer en interne, en comparant les pratiques des différents services ou unités de l’organisation ou en externe en observant les méthodes et processus des organisations appartenant ou non à son secteur d’activité. Cette technique contribue à améliorer l’efficacité et la qualité des processus d’une entreprise (gain de temps, meilleure diffusion des connaissances, meilleure efficacité des processus…).
Entreprises | Type de Benchmarking | Objet du Benchmarking | Partenaires |
---|---|---|---|
Microsoft | Interne | Comparer les différentes filiales par domaines d’activité | Microsoft |
Microsoft | Générique | Réduire les coûts de process spécifiques | Général Electric, Motorola |
GAN | Générique | Améliorer la satisfaction des clients | UAP, IBM, Société Générale |
Renault | Générique | Réduire le nombre de niveaux hiérarchiques | Nestlé, Air Liquide |
Crédit du Nord | Générique, concurrentiel | Améliorer le taux de fidélisation des clients | Club Méditerranée, Mc Donald, DELL, IBM… |
Parce que la non-qualité représente un coût pour l’entreprise, le changement peut porter sur la recherche de l’amélioration de la qualité. Des cercles de qualités sont alors constitués pour proposer des solutions concrètes à un problème identifié. Le cercle recherche des solutions avec l’aide éventuelle d’un « facilitateur » ou de spécialistes sur un point particulier. Toutes les entreprises et parmi elles, on peut citer de façon non exhaustive, Dassault Aviation, Renault, France-Télécom, Citroën, Rank Xerox, IBM France… ont mis en place une démarche qualité qui génère des changements destinés à atteindre la Qualité Totale et à obtenir la certification ISO 9001.
b) Les techniques de communication
Le changement organisationnel nécessite la redéfinition du rôle des cadres. Ces derniers, du fait de l’augmentation de la communication transversale via les réseaux, se voient déposséder de leur pouvoir qui était celui de transmettre des informations émanant de la hiérarchie et destinées au personnel d’exécution. Le changement du rôle des cadres se traduit, d’une part, par le fait, qu’aujourd’hui, ils doivent se consacrer à la veille informationnelle et au management de l’intelligence économique et, d’autre part, par le fait qu’ils doivent également animer des équipes et les motiver autour d’un projet fédérateur. La communication entre collaborateurs occupe donc une place essentielle dans la conduite du changement et implique la mise en place d’une structure de communication au sein de l’administration ainsi que la nomination d’un responsable chargé de la promotion du changement. La communication doit remplir au moins six objectifs par rapport au changement : faire connaître la vision à tous les acteurs concernés, informer sur le déroulement du processus, rassurer sur le bien-fondé du changement et sur la cohérence de la démarche adoptée, valoriser les efforts faits par les acteurs pour concrétiser le changement, aider à anticiper ou à résoudre les difficultés et diffuser les nouvelles règles, les nouveaux comportements à adopter qui soutiennent le changement. Le plan de communication indique la marche à suivre pour produire et diffuser les messages nécessaires à la conduite du changement. Les réponses et réactions aux messages diffusés sont prises en considération et conduisent à une adaptation du plan de communication. Pour exemple, si NRG France SA, résultat de la fusion réussie entre Gestetner et Nashuatec, deux anciens acteurs du monde de la bureautique, est devenue, en mai 2000, une nouvelle entité capable de se hisser à la troisième place sur le marché en France et en Europe, c’est parce que Clem Garvey, PDG de NRG France SA depuis 2001 et responsable de cette fusion, a respecté certaines règles qui constituent les clés de la réussite d’une telle opération : en amont de la fusion, il a pris soin d’adresser un courrier à chaque collaborateur de Gestetner et de Nashuatec annonçant l’intention de fusionner et le bien-fondé de cette décision puis, tout au long du processus de changement, il a veillé à afficher une neutralité absolue envers l’une ou l’autre des deux structures, à créer du lien entre les équipes des deux partenaires, à organiser des séminaires pour que les collaborateurs fassent connaissance et découvrent leurs façons de travailler respectives, et il a également favorisé la communication en organisant régulièrement et fréquemment des entretiens en tête-à-tête entre les patrons des différents services et leurs collaborateurs, entretiens consacrés aux seules difficultés nées de la fusion. Pour autant, et bien que l’on parle ici d’une fusion réussie, Clem Garvey, lui-même, a reconnu « Ne pas avoir été assez sensible aux difficultés culturelles qui persistaient des mois et des mois après la réalisation de la fusion légale et avoir sous-estimé l’importance critique de l’engagement du middle management dans un contexte pareil ».
Un changement de direction peut également être source de craintes sur le devenir de l’entreprise. C’est pourquoi, chez Alter Eco, lors du départ en 2011 de Tristan Lecomte, fondateur charismatique de la marque de commerce équitable, les salariés d’Alter Eco ont ressenti le besoin d’être rassurés. Grégoire Bleu, le directeur commercial s’est chargé de redonner confiance à son équipe de 22 personnes. Pour cela, il a pris l’initiative d’écrire noir sur blanc le projet d’Alter Eco, sa mission, ses valeurs. Ce plan, à 5 ans, prévoyait aussi la participation des salariés aux résultats ainsi que la tenue de deux entretiens de carrière formalisés par an. Dans le cadre d’une gestion par projet, le reporting, outil collaboratif de management, favorise la communication ascendante puisqu’il permet à un groupe de travail plus ou moins autonome de rendre compte des opérations effectuées à un groupe de pilotage du projet.
2.L’évaluation des performances
a) Les outils et techniques de contrôle
L’analyse de la performance est une étape très importante du processus d’évaluation d’une organisation d’autant qu’il s’agit d’évaluer à la fois la performance individuelle (les résultats de l’individu), la performance de l’équipe (les résultats du groupe projet) et la performance organisationnelle (les résultats globaux de l’organisation). L’efficacité, l’efficience, la pertinence et la viabilité financière sont des indicateurs sur lesquels repose cette évaluation. La mission du coach, dans le cadre de la mise en place d’une structure d’accompagnement d’un dirigeant, est d’observer durant plusieurs mois ce dernier faisant face à ces nouvelles missions afin de déterminer son degré d’efficacité. Les résultats sont évalués sur la base d’une comparaison entre prévisions et réalisations qui tiennent compte du vécu, de l’expérience et de la personnalité du dirigeant. Un plan de pérennisation est élaboré qui définit un ensemble d’actions à mettre en place pour accélérer, préserver et conserver les bénéfices des progrès réalisés. Ces actions portent sur l’implication, les résultats, l’origine, la mise en œuvre et le suivi. Un comité de suivi de ces actions, composé de membres de la Direction Générale, du responsable du projet, des facilitateurs du projet et des salariés, peut se réunir régulièrement pour évaluer la performance de l’organisation.
Pour pouvoir mesurer la performance dans le cadre d’une gestion de projets, il faut que les objectifs fixés soient mesurables c’est-à-dire qu’ils soient spécifiques, quantifiables, atteignables, réalistes et délimités dans le temps. Les tableaux de bord, instruments privilégiés d’informations et d’analyse à court terme, constituent un véritable outil de pilotage du changement au sein de l’entreprise. Les indicateurs de bord doivent permettre d’apprécier les résultats réalisés par l’entreprise en termes de coûts, de délai et de qualité tout en mettant en évidence l’amélioration des performances de l’entreprise induite par les changements opérés. L’audit de contrôle mis en place par l’entreprise va permettre la prise en compte des résultats afin d’élaborer, à un instant donné, un constat de conformité du référentiel utilisé par celle-ci. La mise en évidence des écarts entre les résultats attendus et ceux obtenus est suivie d’actions correctives ou préventives allant dans le sens des changements souhaités.
Le contrôle de gestion, basé le plus souvent sur la technique budgétaire, permet de maîtriser la gestion d’une entreprise en facilitant la prise de décision. Il permet de vérifier la viabilité économique du projet en s’appuyant sur une étude financière qui permet de comparer les besoins et les ressources financières de l’entreprise. Il peut s’appuyer sur les budgets, la comptabilité générale ou la comptabilité analytique de l’entreprise.
b) L’impact du changement sur l’organisation
Le changement représente, à court terme, un coût pour l’entreprise dès lors qu’elle supporte des dépenses de formation du personnel, de restructuration, d’acquisitions en équipements et matériels. Mais l’entreprise doit le considérer, non comme une charge mais comme un investissement puisqu’il est destiné, à moyen terme, à accroître ses performances. Ainsi, le retour sur investissement est le ratio financier qui va déterminer le rendement du capital investi. Il devient ensuite un outil de suivi des résultats et doit conforter l’entreprise dans le bien fondé du changement opéré. L’élaboration d’un questionnaire destiné à collecter des informations sur le ressenti des collaborateurs face au changement permet à la direction d’identifier au quotidien les sources de satisfaction ou, au contraire, les sources d’insatisfaction, de dysfonctionnement ou de non qualité. Dès lors que le changement sera perçu comme bénéfique par les collaborateurs, l’adhésion et l’implication de ces derniers aura des répercussions positives sur les performances économiques et sociales de l’organisation. On peut citer l’exemple d’IBM, présent dans le secteur de l’informatique depuis plusieurs années et qui a réussi un changement organisationnel majeur, celui de l’introduction des tices dans l’entreprise à partir des années 90. Pour ce faire, L. Gerstner, dirigeant charismatique et visionnaire appelé pour redresser l’entreprise en difficulté, a adopté la démarche suivante destinée à faire d’IBM une e-entreprise en cohérence avec la stratégie générale d’effectuer du e-business : imbrication et complémentarité des technologies et de la stratégie et suppression d’un certain nombre d’éléments présents dans l’organisation précédente (réduction du personnel, restructuration, modification des processus….) qui ainsi n’ont pas constitué des obstacles à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie. En matière de gestion des ressources humaines, les réfractaires à l’utilisation des tices ont mis en avant le fait que l’utilisation systématique des outils pour toute communication (mail ou visioconférence) entraînait pour eux le sentiment d’être plus des « robots » que des collaborateurs. Ils déploraient un manque de relation « vraie » au profit d’une relation « virtuelle » et ressentaient un sentiment d’envahissement dû au fait que la possibilité technique de travailler à tout endroit et à tout moment modifiait la frontière vie privée/vie professionnelle. La direction d’IBM a résolu ces problèmes en adoptant une politique de gestion du changement efficace : diffuser l’information et communiquer afin de faire évoluer les mentalités, diffuser la vision du dirigeant en expliquant le bien-fondé de cette nouvelle stratégie, faire relayer les informations par les adhérents au changement avec l’objectif de convaincre les réfractaires au changement… Pour ce faire, IBM a privilégié l’intranet mais a également dispensé des formations et fourni des explications sur l’évolution des métiers. Progressivement, la nouvelle stratégie s’est imposée à tous et a remporté l’adhésion de tous. Aujourd’hui, IBM continue son ascension dans le domaine de l’informatique et, bien qu’évoluant dans un environnement concurrentiel, elle se situe parmi les premières entreprises dans son secteur d’activité occupant même la première place dans l’offre de certains services tels que des services de gestion d’applications ou bien encore des services d’externalisation de processus métiers.
Conclusion
En conclusion et en réponse à la problématique posée en introduction : « Pourquoi le changement s’impose-t-il à l’entreprise et comment peut-elle le gérer efficacement ? », on peut dire que la restructuration d’une entreprise entraîne des changements organisationnels qu’il lui appartient de gérer au mieux car, de leur réussite, dépend son devenir. La mise en place de la gestion du changement au sein de l’entreprise a pour but d’accroître sa flexibilité, sa souplesse et sa réactivité afin de faire face le mieux possible aux fluctuations de son environnement. Pour mener à bien le changement, le responsable du pilotage du changement doit maîtriser des principes de base tels que la maîtrise de la démarche de conduite du changement qui implique la perception de ce qu’est une organisation et des raisons qui l’obligent à évoluer, la connaissance des principaux facteurs qui peuvent susciter un changement, la typologie des causes de résistances au changement, les différents degrés et leviers de changement, les facteurs facilitants la réussite du changement ainsi que les outils et indicateurs d’évaluation à utiliser. Et si, pour M. Thévenet, le changement doit faire partie intégrante de la culture d’entreprise, pour autant, selon la théorie de l’engagement de R.V. Joule et J.L. Beauvois, il n’apparaît pas nécessaire de rechercher une adhésion préalable au changement par une stratégie de communication puisque « C’est en amenant les salariés à réaliser des actes engageants que l’on parviendra à mettre en œuvre le changement souhaité » ! Quant à J. Fellows, industriel américain, Président d’IBM de 1985 à 1993, il s’exprimait de la façon suivante : « Ne réorganisez jamais sauf pour une bonne raison. Mais si cela fait un moment que vous ne l’avez pas fait, c’est une bonne raison » !
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