L’école inclusive

, par Mickael Kloss

 1/ Éléments introductifs

L’Article L111-1 du Code de l’éducation dispose que l’école inclusive est une priorité nationale avec un principe fort : l’accessibilité pédagogique pour tous, qu’il s’agisse d’un élève à besoin particulier ou non. L’objectif est que tout élève apprenne à entrer dans une société plus inclusive, l’école apparaît comme le vecteur de cet apprentissage, en construction avec la participation des parents.

Il s’agit alors de se demander comment favoriser les apprentissages de tous, tout en préservant le bien être de chaque élève.

L’ ambition de l’éducation inclusive est liée à l’accessibilité du système éducatif, des savoirs et de l’apprentissage en général. La réglementation ou les aménagements permettent ainsi de s’adapter aux élèves aux besoins éducatifs particuliers.

 2/ Constat, témoignages et état des lieux

Depuis 2019, le nombre d’élèves en situation de handicap accueillis à l’école a nettement progressé, passant de 361 200 à près de 385 000 en 2020 (+ 7% d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire à la rentrée 2020).

Cette augmentation contribue à transformer l’organisation même de l’école.



Interview d’un professeur

Le lycée Erea Toulouse Lautrec de Vaucresson présente des caractéristiques et spécificités qui en font un établissement particulier au service de l’école inclusive. La structure s’est adaptée au public, que ce soit dans la configuration des bâtiments, leur taille, ou dans l’ergonomie de chaque poste de travail. Les classes sont limitées à une quinzaine d’élèves, l’établissement accueille des écoliers, collégiens, lycéens et étudiants en BTS.

Un bon esprit mêlant partage, écoute et bienveillance permet aux jeunes de dégager les marges d’autonomie suffisantes pour réussir dans le supérieur. Et c’est là la clé du succès de cet établissement. Les enjeux tournent autour de la scolarisation, l’insertion professionnelle et l’autonomie, mais aussi le développement de la visibilité du handicap.

Il s’agit de favoriser les apprentissages de tous en observant le jeune dans sa globalité : son parcours scolaire, son développement, sa motricité et psychomotricité. L’observation peut se faire en situation de co-construction, avec ou sans la présence d’ un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH). Cette présence n’est d’ailleurs pas systématique et peut être remplacée dans de nombreux cas par un travail en binôme et/ou une réorganisation de la classe (c’est d’ailleurs le choix privilégié de la professeure interviewée). Il s’agit dès lors de compenser le handicap, mais sans faire plus.

La véritable adaptation réside finalement dans le fait de partir du handicap pour construire une séquence au sein d’un environnement « capacitant ». L’objectif étant aussi de faire en sorte que le handicap ne soit plus un obstacle en capitalisant sur les capacités valorisables de chacun.

Prendre appui sur cette démarche tout en acceptant et en comprenant la différence, en évacuant le compassionnel, serait ainsi source de satisfaction quotidienne.

http://www.lyc-erea-toulouse-lautrec-vaucresson.ac-versailles.fr/



Interview Élève / Étudiant

Nicolas, 19 ans, étudiant de 2e année en BTS Commerce international (CI) a eu une scolarité normale, qu’il a réalisé comme il le dit pallier après pallier. Pourtant, cela n’a pas toujours été simple. En maternelle, les craintes par rapport à son handicap l’obligent à ne suivre l’école que le matin. Nicolas a une infirmité motrice cérébrale (IMC), les muscles de ses jambes sont très faibles et imposent un déambulateur puis un fauteuil roulant. Mais ce n’est pas ainsi qu’il se présente de prime abord. D’ailleurs nous n’évoquons son handicap qu’après de nombreux échanges sur le thème de l’école inclusive. Lui parle d’une barrière visible, de mon côté, étant au téléphone, je n’entends que la voix d’un étudiant mature, au regard vif et précis sur son parcours.

Ses apprentissages ont pu être facilités par l’usage de l’ordinateur, « même si certains professeurs étaient réfractaires », l’informatisation et la numérisation des cours apparaissant parfois comme une barrière à l’entrée assez forte (la digitalisation d’un cours pouvant parfois se résumer à la photocopie du cahier d’un camarade...), de même, l’instauration de la classe fixe au collège pour lui éviter la fatigue du déplacement entre chaque cours a pu se heurter à quelques habitudes établies.

Pourtant, de ses propres mots, « il ne retient que du positif de son handicap dans sa scolarité ». « J’ai dû donner beaucoup plus que certains pour renvoyer une image positive de moi, de mon handicap, mais je n’ai pas subi mon handicap. »

S’il faut être conscient de la nécessité de s’adapter à la personne, en communiquant, en proposant des supports adaptés, les méthodes nécessitent des aménagements et font intervenir quasi systématiquement le numérique qui « rend tout plus simple, plus accessible, et permet d’être plus serein ». Si certains travaux sont rendus complexes, ce seront finalement les circonstances ou la nature de la tâche elle-même à accomplir qui poseront le plus souvent problème.

Cela nous amène à nous interroger sur la place de la personne, l’individu dans cette situation. L’inclusion technique ou technologique est quelque peu facilitée aujourd’hui par le numérique et sa place grandissante dans les enseignements, mais c’est finalement l’inclusion de l’individu lui-même qu’il faut réussir. Un équilibre délicat entre différents acteurs, l’élève lui-même bien sûr, l’équipe enseignante, le reste de la classe, les parents, l’institution...

Peut-on dès lors envisager dans les pratiques professionnelles une co-construction des ressources ?


 3/ Enjeux et accompagnement, outils et méthodes

La circulaire de rentrée 2020 cible 4 priorités, dont le fait d’ « assurer la pleine inclusion de tous les enfants à besoins éducatifs particuliers »

En 2020 quelques 385 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire.

On peut constater que leur taux d’emploi est plus faible, ¾ des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau de qualification inférieur au bac.
https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dp__handicap-et-emploi-050618.pdf)

Il devient nécessaire de travailler sur les ressources pour qu’elles soient accessibles pour eux. Pour les enseignants, il existe un certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’école inclusive (CAPPEI).

https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Ecole_inclusive/43/9/Vademecum_CAPPEI_1248439.pdf

Le CAPPEI permet d’être affecté à titre définitif sur un poste qui relève de l’adaptation scolaire ou de la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Le site Eduscol publie également un Livret de formation à une école inclusive.
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Ecole_inclusive/06/7/Livret-formation-ecole-inclusive_1162067.pdf

L’étude du livret de formation à une école inclusive montre un nombre important de fiches présentant les formations à destination de différentes catégories de personnels (accompagnants, enseignants, personnels d’encadrement).

Enfin, pour définir la singularité ou les besoins éducatifs particuliers des élèves en situation de handicap, un guide d’entretien pourra être utilisé par l’enseignant pour l’accompagner lors de son premier entretien avec la famille et l’élève.

https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Ecole_inclusive/85/5/guide_entretien_enseignants_AESG_famille_1161855.pdf

Pour l’élève, lorsqu’un document numérique est créé, mis en ligne, on doit pouvoir s’interroger sur l’accessibilité de ce dernier. Au-delà des règles que l’on peut assimiler au bon sens, comme par exemple le fait de respecter des contrastes suffisants, ou avoir le script accessible d’une vidéo, chaque document doit être structuré en suivant un plan. Une image doit être systématiquement accompagnée d’une explication textuelle permettant une compréhension alternative. Les tableaux doivent pouvoir être simplifiés…


Un document numérique doit comporter des éléments forts :

  • être perceptible : trouver des éléments dans le document (exemple : décrire l’image qui est proposée).
  • être utilisable : un plan clair (le mode plan est intéressant), toutes les fonctionnalités doivent pouvoir se faire au clavier afin de naviguer. Le tactile est devenu plus important mais beaucoup n’y ont pas accès (exemple la souris).
  • être compréhensible : par exemple un formulaire doit pouvoir être facile à comprendre et à renseigner.
  • être robuste : la ressource numérique doit pourvoir fonctionner avec des personnes handicapées.

Il s’agit finalement de travailler l’adaptabilité des supports.

Cette adaptabilité est une démarche qui peut être accompagnée par un organisme adaptateur comme par exemple le dispositif Platon de la Bibliothèque nationale de France (BnF) qui oblige les éditeurs de manuels scolaires à déposer les documents créés pour les manuels scolaires afin que ces derniers soient adaptés aux besoins des élèves.

Il existe également des associations qui peuvent réaliser des adaptations gratuites et/ou accompagner certains élèves, notamment en adaptant l’environnement informatique. On peut citer par exemple l’association FUSO FRANCE et ses initiatives en la matière et dont le mot d’ordre est éloquent : « un ordinateur non adapté est aussi efficace qu’un vélo trop petit ».

https://www.fusofrance.fr/page/42731-accueil

Pour rendre le plus accessible possible un document (au sens du handicap, notamment pour les Dys), celui-ci doit s’attacher à respecter le plus possible les règles suivantes :

  • ferrer le texte à gauche en respectant un interlignage de 1,5 et en utilisant une police sans empattement (exemple Arial)
  • veiller à donner des alternatives aux textes et couleurs employées
  • structurer le document de manière linéaire, explicite
  • accentuer les capitales et développer les acronymes
  • être mis à disposition en format numérique pour être intégré dans l’environnement de chacun.

Le respect de ces quelques principes facilite le travail de lecture, notamment par des logiciels et outils de reconnaissance des caractères.

Il existe dans Windows 10 des adaptations pour répondre à des problématiques de vision (loupe, filtre lumière bleu, filtre pour le daltonisme, lecteur d’écran pour les non-voyants, ...), par ailleurs de nouveaux usages ont vu le jour avec des solutions comme la dictée vocale permettant de rédiger plus rapidement des documents ou encore le sous-titrage automatique dans PowerPoint qui offre la possibilité d’effectuer des présentations plus inclusives.

Les versions récentes du logiciel de traitement de texte Word proposent des espacements du texte et des lecture à voix haute. On peut citer également le logiciel NatBraille (logiciel libre de transcription et détranscription du braille)

http://natbraille.free.fr

Certaines applications gratuites sur téléphone mobile comme Office Mobile (dictée vocale, scanner, loupe) ou encore l’application Seeing AI permettent à un utilisateur non-voyant de découvrir le monde au travers de la caméra de son téléphone (lecture de texte, reconnaissance de personnes, de scènes,...). Une application qui redonne de l’autonomie et des capacités de travail à ses utilisateurs.

De nombreuses ressources numériques sont désormais orientées vers l’école inclusive.

Arte a ainsi mis en place Fovea afin de promouvoir l’éducation à l’image par l’image. Un ensemble de parcours pédagogiques numériques accessibles pour tous les élèves de cycles 3 et 4 est proposé. « L’enseignant peut paramétrer le lecteur vidéo de Fovéa en différentes versions linguistiques : sous-titres pour sourds et malentendants, audiodescription, langue des signes, langage parlé complété ; il dispose d’outils permettant de faciliter la compréhension de la vidéo (variateur de vitesse, paramétrage des sous-titres, bandeau interactif d’imagettes). L’ensemble des activités est ainsi réalisable par tous les élèves, y compris malvoyants, grâce à une compatibilité avancée avec les logiciels spécialisés de lecture d’écran. » https://www.edutheque.fr/actualite/article/fovea-arte-une-nouvelle-offre-pour-lecole-inclusive.html


 4/ Conclusion

L’accessibilité numérique est aujourd’hui orientée vers l’emploi et l’inclusion.

Du 16 au 20 novembre 2020, la 24e édition de la SEEPH (Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées) a pu mettre en lumière les enjeux de l’accessibilité numérique. Organisée par l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées LADAPT et le secrétariat d’Etat auprès des personnes handicapées, cette édition a permis d’aborder différents thèmes liés notamment à l’emploi des personnes en situation de handicap. Microsoft France était partenaire de l’événement et intervenait en tant que spécialiste de l’accessibilité numérique.

https://www.semaine-emploi-handicap.com/

Aujourd’hui il devient nécessaire de mettre la technologie au service de l’inclusion et de l’accessibilité afin de favoriser un parcours éducatif garantissant l’employabilité de tous.





Bibliographie  :

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