Retour sur une expérience Econofides en classe de première STMG

, par Stéphane Jacquet

Ce récit présente l’expérience menée en première STMG, par une professeure d’économie gestion, à partir d’Econofides, plateforme accessible via l’ENT élèves et professeurs (et maintenant Pearltrees).

https://econofides.ac-versailles.fr

A travers cette expérimentation, nous avons cherché le bénéfice de cette application, tant en termes de ressources offertes aux élèves, qu’au niveau des possibilités pédagogiques. En effet, il semble intéressant de placer les élèves au cœur de pédagogies actives, pour qu’ils s’emparent des concepts en devenant les véritables acteurs de leur formation. C’est ce que Charlotte Vermeulen, professeure d’économie-gestion au lycée Marcel Pagnol d’Athis-Mons, a cherché à mettre en place. Voici le récit de son expérience.

 Contexte

En tant que professeur d’économie et gestion en première STMG, j’ai souhaité explorer une nouvelle expérience d’apprentissage avec mes élèves. Le but est de les mettre dans un contexte au plus proche des épreuves du baccalauréat et notamment de les entrainer au grand oral. J’ai donc mis en place avec mes deux classes de première, l’expérience Econofides sur le programme d’économie, chapitre 16 : « La dynamique de la répartition des revenus ». Nous avons travaillé sur le principe de la classe inversée en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, j’ai jugé important de poser les bases avec des mots clés afin de structurer les connaissances. Ici les mots clés importants sont : la valeur ajoutée, les revenus primaires et secondaires des ménages, le travail, le salaire, les revenus du patrimoine (loyers), les impôts.

Dans un second temps, j’ai expliqué aux élèves l’expérience et j’ai formé 3 groupes au sein de la classe. J’ai préféré constituer les groupes moi-même afin de mélanger les aptitudes des élèves et de favoriser la coopération. Les élèves ont travaillé avec des camarades avec lesquels ils n’ont pas pour habitude d’échanger et ceci les a obligés à se parler, s’organiser et structurer leur présentation en distribuant les rôles à chacun.

 Le sujet et sa problématique

Pour commencer, chacun des groupes devaient expliquer la valeur ajoutée et sa répartition. Ensuite, chaque groupe travaillait sur une notion bien spécifique liée à la valeur ajoutée (les salaires, les bénéfices, les impôts). Il s’agissait donc de « justifier » pourquoi une fraction importante de la VA devait alimenter chaque élément. Chaque groupe devait alors réfléchir à une argumentation mais également à des contre-objections énoncées par les autres groupes.

L’oral devait se conclure par une réponse à la question suivante : Pourquoi d’après-vous doivent-ils (les salaires, les bénéfices ou les impôts) augmenter ?

La troisième étape s’est avérée très importante, avec la compréhension et la retranscription de ce qu’ils avaient compris au moyen d’une présentation orale.

Afin d’apporter du contenu et de préparer leur oral, les élèves devaient suivre le fil rouge proposé par le manuel numérique Econofides avec la lecture de documents et graphiques, et la résolution de questions et de QCM de contrôle. Cela leur a permis la découverte et la compréhension des éléments importants du sujet à traiter et ainsi de faire le lien lors de l’oral. Ils ont bénéficié de 3 séances de 2h afin de se répartir les rôles, de prendre connaissance des documents et de préparer leur présentation via un support comme Canvas ou PowerPoint. En tant qu’enseignante, j’ai adopté la posture de facilitatrice sur ces séances afin de répondre à leurs éventuelles questions, de les aider à comprendre la répartition de la valeur ajoutée, qui a été pour beaucoup un sujet de blocage. J’ai fourni un document complémentaire en appui pour pallier ceci.

La quatrième étape, le jour J, a été réservée à l’oral. La tenue professionnelle était fortement conseillée. Pour l’ensemble des groupes, chaque élève a joué le jeu. Pour l’occasion Monsieur Valéri, le proviseur et Monsieur Jacquet, professeur et collègue, ont gentiment accepté de faire partie du jury, pour donner un côté solennel et « académique » à cette présentation évaluée.

Ceci a constitué un retour d’expérience important pour moi en tant que jeune professeure contractuelle. Les élèves sont passés par groupe de 8 sur un oral de 5 à 10 min de présentation et 5 min de questions et échanges avec le jury. Ils ont été évalués par une grille de notation réalisée par mes soins qui reprenaient divers critères, comme l’originalité de la présentation, la pertinence des définitions et des exemples et la qualité de l’argumentation.

 Témoignage des élèves

À la suite de cette expérience le témoignage des élèves fut très intéressant :

Voici quelques « verbatims », à la question : « Comment avez-vous ressenti cette expérience et qu’est-ce que cela vous a apporté ? »

  • La volonté de recommencer car cette expérience apporte la confiance en soi et en notre travail. (Laura 1re STMG 3)
  • Ceci nous permet de nous préparer aux divers oraux que nous aurons dans un an. (Laura 1re STMG 3)
  • Bien que l’exercice soit stressant, nous avons apprécié les remarques faites par le jury, que nous prenons en compte pour les prochains oraux. (Ketsia 1re STMG3).

Et à la question : « Combien de temps avez-vous mis pour préparer cet oral et comment vous êtes-vous organisé avec le reste du groupe pour travailler ? »

  • Entre 3 jours et 1 semaine pour préparer l’oral avec quelques difficultés pour se retrouver entre nous. Et les moyens pour se connecter sont parfois compliqués. (Ketsia 1re STMG3).
  • Les documents fournis sont intéressants mais très lourds à décoder. Il y en a beaucoup.

 Témoignage du Proviseur

Bascule des élèves en mode projet : de l’art de répondre à un don par un contre-don :

Il est assez rare dans le système éducatif que les élèves aient pour mission de « donner » quelque chose à un public. C’est bien ce dont il s’agit dans ce cas précis puisque les élèves ont eu à fabriquer un cours pour le mettre à disposition d’un public. En cela, votre initiative s’écarte de la forme scolaire ordinaire. Les élèves ont intériorisé que leur image dépend de leur prestation, sans même parler d’évaluation académique. Du coup, ils ont naturellement mis la barre assez haut. En réalité, la prestation proposée est une réponse (un contre-don) à vos propres prestations initiales. Vous avez su les mettre en confiance grâce à votre attention bienveillante teintée d’exigence intellectuelle et sociale. En d’autres termes, nous avons vu leur réponse à votre accompagnement, au sens le plus large. Dans cet accompagnement, il y a probablement votre capacité à les projeter dans un futur en toute confiance, c’est-à-dire à assurer une continuité générationnelle tacite.

Évidemment, la difficulté de l’exercice témoigne de votre confiance dans leurs capacités, qu’ils sont capables d’activer pour ne pas vous décevoir, ce qui est là encore, une marque de confiance en retour. Parallèlement, cela consolide les jeunes dans l’exercice de leur métier d’élève, sans que cela soit douloureux, ce qui est parfois difficile pour des élèves de 1re STMG : ils se conforment à une attitude commandée par des règles. En cela, les élèves accèdent à ce que les sociologues appellent le « curriculum caché » de l’éducation scolaire, qui est évident pour certains dont le cadre familial est proche de l’école, mais difficilement accessible pour les autres. Pour arriver à leur fin, les élèves ont dû développer une vraie coopération, ce qui est un exercice extrêmement difficile qui génère en général beaucoup de frustrations par manque de maîtrise globale. Cependant il est puissant car il génère une dynamique interactionniste entre l’apprentissage individuel et l’appui sur le collectif. Pour finir, le rendu permet de partager les réussites et la construction, de partager les difficultés. En cela, c’est un exercice de socialisation puissant qui prépare à ce qui structure la société. Il demande en général que l’enseignant régule les investissements, entre le leader qui accapare les décisions et celui qui esquive l’engagement. Votre décision d’imposer la composition des groupes a sans doute permis de vous affranchir en partie de cette difficulté. Le reste renvoie à la confiance réciproque évoquée ci-dessus.

 Témoignage de Charlotte Vermeulen en tant que professeure de 1re STMG

Je suis fière de les avoir confrontés à une expérience qui demande autant de rigueur et de concentration. L’ensemble des documents à analyser est complexe mais riche. L’idée de QCM pour les faire avancer sur le sujet est ludique. Je suis fière du travail qu’ils ont pu produire et de leur motivation à jouer le jeu. Heureuse de les entendre me dire « Nous sommes beaux en tenues professionnelles, finalement nous avons adoré l’exercice ». En tant qu’ancienne chef d’entreprise, mon but est de les accompagner vers le monde de demain avec davantage de confiance en eux et plus de connaissances sur l’expression du monde.

 Analyse de Stéphane Jacquet, professeur-superviseur de l’expérience Econofides

Econofides est un ensemble de ressources économiques numériques, initié par un mouvement collaboratif de grands économistes (le projet CORE ECON) qui souhaitent bâtir une méthode d’apprentissage de l’économie autour de questions précises et d’un ebook interactif. Yann Algan (économiste, membre du CAE, ex-doyen de l’EAP à Sciences Po et doyen associé à HEC) en a été le principal promoteur en France en pilotant le travail préalable sur les ebooks interactifs (travail présenté lors des Jéco 2019 https://youtu.be/AB9HlC9C7w8).

Il a pour but d’enseigner l’économie autrement, en s’appuyant sur les leviers de la classe inversée et sur les possibilités permises par le micro-apprentissage. Un ensemble d’ebooks interactifs ont donc été développés par 2 équipes de professeurs, en SES et STMG, à partir de 2019 ; pour proposer des ressources gratuites sur l’ENT :

Ces Ebooks interactifs sont à la disposition de tous (élèves, professeurs, parents, partenaires éducatifs), dans les applis de l’ENT :

Depuis deux ans, un prix Econofides a vu le jour ( https://www.ac-versailles.fr/prix-econofides-un-jeu-concours-pour-apprendre-l-economie-autrement-124573) pour récompenser un travail d’argumentation économique initié par des élèves de SES ou de STMG, en s’appuyant sur les ressources de l’application.

En cela, Econofides représente un bloc riche de ressources économiques à disposition, sur l’ENT. Cependant, il suppose un travail de prise en main, par le professeur, en amont, pour lui donner du sens et l’utiliser à bon escient. L’expérience Econofides se réalise essentiellement en classe inversée, pour favoriser l’autonomie de l’élève, elle apporte un gain indéniable à l’enseignement de l’économie, assortie de conditions de réussite.

L’expérience Econofides, un atout indéniable pour favoriser la formation en économie…

Econofides facilite la classe inversée

La classe inversée sort les enseignants de leur « zone de confort » mais facilite les interactions en rendant l’élève acteur de son processus d’apprentissage. Très souvent, les professeurs y renoncent, car elle suppose de préparer très en amont les ressources et les situations d’évaluation. Avec Econofides, les ressources sont disponibles et accessibles directement ! C’est également une situation qui favorise le travail collaboratif et prépare nos élèves aux réalités du travail dans les organisations. Elle permet également une autre organisation du temps et donc de la planification des travaux par le professeur. La ressource est à disposition « n’importe quand et à n’importe quelle heure », ce qui permet à l’élève de travailler à son propre rythme.

Econofidès facilite le débat économique

Les ressources numériques sont organisées autour de la conception un manuel numérique structurés en chapitres qui correspondent aux points du programme d’économie. La problématisation des notions est favorisée, en utilisant toutes les ressources permises par le numérique (schémas, vidéos…). Depuis cette rentrée, le manuel numérique a été « granularisé » au moyen de l’application Pearltrees qui est désormais le nouveau partenaire de la Région dans le cadre du projet Econofides.

Extrait du manuel numérique de première STMG

Econofides peut contribuer à préparer le Grand oral

Le Grand oral est une épreuve emblématique du nouveau Baccalauréat mis en place en 2021. Elle remet l’oralité au centre des apprentissages, comme priorité dans la poursuite d’études et à plus long terme dans l’insertion professionnelle. Nos élèves recherchent des sujets, dès la première, autour de problématiques liées à leurs spécialités et en privilégiant la démarche de projet. Cette épreuve ambitieuse doit permettre aux élèves de prendre la parole en public, de développer une argumentation et de faire le lien avec leur projet professionnel. La préparation s’appuie donc sur une étude documentaire approfondie que peut favoriser Econofides, à travers son offre de ressources. Même si l’épreuve s’articule autour de l’analyse d’une organisation et de sa problématique de gestion ; les ressources économiques d’Econofides peuvent fournir des éléments supplémentaires d’analyse du contexte, favorisant le décryptage de l’environnement et le diagnostic du problème (en particulier le chapitre 2 du manuel numérique de première STMG, sur les décisions du consommateur et du producteur, mais aussi le chapitre 4 sur la combinaison des facteurs de production…). La question du financement est évoquée à travers 2 chapitres et peut appuyer un travail autour de la question de gestion. De nombreuses transversalités sont possibles entre les programmes de MSDGN, droit économie et enseignements spécifiques. Par exemple, le thème très actuel des conditions de travail appelle un travail d’analyse autour de la gestion des ressources humaines, du droit et de l’économie.

Econofides rend les élèves citoyens

De nombreuses études pointent, en France, un niveau de culture économique insuffisant. Plus de la moitié des Français estiment posséder un niveau faible en économie. Près de 50 % des Français se déclarent peu intéressés par l’économie ! Cette faiblesse entraine un suivi de l’actualité et de la politique économique difficile. Elle rend les statistiques et études chiffrées difficiles à décoder et facilite les interprétations peu rigoureuses, devant le manque d’esprit critique. Ce qui se joue dès la première, c’est une véritable marche vers la citoyenneté, à travers la connaissance des concepts et mécanismes économiques de base. Econofides facilite de processus, car il s’appuie sur des anecdotes et histoires réelles, rendant l’apprentissage actif, autour de cas concrets, mais sans délaisser la rigueur scientifique des concepts.

Econofides dote les élèves d’un outil pratique et de ressources de qualité, consultables à tous moments et selon les besoins, ce qui peut renforcer encore l’engagement des élèves citoyens.

…qui suppose la réunion de certaines conditions (en termes de postures des professeurs)

Le professeur-facilitateur

Travailler de manière inversée suppose d’adopter une autre posture pour le professeur, en renonçant à celle, classique, du transmetteur de connaissances. On passe alors d’un modèle de la formation comme transmission à celui de développement de compétences dans lequel le formateur doit opter pour la posture de facilitateur, en créant les conditions d’apprentissage et les conditions de construction de l’expérience, sollicitant la réflexivité́. C’est le cas avec la démarche retenue dans le cadre de cette double expérience. En effet, les élèves font à la fois l’expérience de l’autonomie (individuellement avec les éléments d’Econofides via l’ENT) et cette du travail collaboratif, où les éléments de connaissances se structurent à l’aide d’une démarche socio-constructiviste.

Selon Maella Paul (2003) [1] , l’articulation théorie-pratique n’est pas simplement renversée : c’est le statut de la théorie qui est remis en question, une théorie primant sur la réalité avec la tentation de l’application sans discernement d’un modèle théorique étranger aux réalités des personnes et des groupes sociaux. En cela, le professeur facilite ce passage « inversé » de la pratique à la théorie, pour mieux stabiliser les éléments théoriques fondamentaux.

Le professeur- animateur

Le professeur renonce à sa fonction prescriptrice pour présenter une situation d’animation qui plante le cadre de l’expérience. Il justifie alors l’intérêt de la situation et va devoir en animer les différentes phases. Il doit alors tenir compte des différentes temporalités et du caractère hybride de la situation. Une partie est réalisée en présentiel et de manière synchrone (les élèves découvrent les notions, le cadre de l’expérience), une autre partie est réalisée en distanciel et en mode asynchrone (les élèves travaillent sur l’application Econofides, chez eux, au moment choisi). La partie finale est assurée en présentiel (la présentation à la classe et au jury) et en mode synchrone.

L’accompagnement du professeur participe donc du temps des savoirs d’action avec tout ce qu’il comporte : la question des liens entre l’action et sa conceptualisation, la reconnaissance d’une pluralité d’entrées cognitives, la primauté accordée à la construction du sens des actions par les acteurs eux-mêmes. Le construit des notions semble alors plus « solide ».

Le professeur-remédiateur

Là où la formation, dans le prolongement de l’enseignement traditionnel et de sa pédagogie, accordait la primauté aux savoirs à transmettre dans le cadre d’une relation verticale maître-élève, il s’agit désormais, et sur la base d’une relation plus symétrique, d’aider un adulte en devenir à se construire, à travers sa formation. Le professeur adopte alors une posture de remédiation, pour utiliser la difficulté comme levier de progression (« on ne pensait pas arriver à produire cette présentation » dira une élève de première STMG…).

 Conclusion

Econofides constitue une sorte de « révolution » à la fois en termes de ressource numérique mais aussi et surtout de manière de travailler. Présenter la ressource de manière dynamique et interactive constitue une condition nécessaire…mais pas suffisante pour l’exploiter avec profit dans les apprentissages. Il s’agit donc de se l’approprier, dans un premier temps ; puis d’acquérir les bases méthodologiques pour l’utiliser en classe. A ce titre, les méthodes « agiles » de facilitation gagneraient à être présentées lors de formations rapides, pour mettre le plus souvent en place le format de classe inversée. Dans un contexte économique compliqué, n’oublions pas la chance que nous avons en STMG, dont l’enseignement de l’économie constitue une base très intéressante…et Econofides demeure une piste de développement à découvrir et à adopter ( https://econofides.ac-versailles.fr).

Pour faciliter cette découverte et prendre en main les ressources, une formation est proposée en Avril 2023. Elle sera animée par Charlotte Vermeulen et Stéphane Jacquet et mettra l’accent sur :

  • La découverte d’Econofides
  • L’intérêt de la classe inversée en économie, les pistes de travail spécifiques avec Econofides autour de propositions pédagogiques
  • Le micro-learning et l’apport d’Econofides
  • La facilitation et la régulation des séances de travail avec Econofides (en lien avec les programmes)

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