Digitalisation des métiers commerciaux

, par Catherine Guillien

 Introduction : Des pratiques commerciales … aux pistes pour la classe

L’apparition d’internet puis du smartphone, ainsi que les progrès en matière de collecte, stockage et traitement des données ont peu à peu, mais considérablement, modifié la relation commerciale. Plusieurs phénomènes se produisent en parallèle à l’initiative des entreprises mais aussi des clients. Pris dans une même spirale, entreprises et consommateurs développent de nouvelles pratiques conduisant vers une relation commerciale omniprésente, 7/7 et omnicanale. L’objectif de cet article est d’exposer les principales évolutions du commerce et l’impact sur les métiers commerciaux afin de donner du sens aux nouvelles compétences à développer chez nos élèves ou étudiants. En complément, des fiches Recto–Verso présenteront pour ces nouvelles compétences digitales l’essentiel de la notion accompagné de quelques pistes d’activité pour la classe ainsi que des ressources recensées pour approfondir les techniques mises en œuvre.

Le développement inexorable des ventes en ligne a conduit les entreprises du commerce vers le multicanal et offert aux industriels de nouvelles opportunités de vente, leur donnant un accès direct aux consommateurs. Dans un deuxième temps, la coexistence de boutiques virtuelles et physiques a poussé les enseignes à développer des synergies entre ces canaux, offrant grâce au cross canal, des services supplémentaires comme le click and collect ou la réservation en ligne et développant ainsi leur chiffre d’affaires. Les progrès technologiques et en particulier la généralisation du smartphone ont conduit consommateurs et entreprises vers l’omnicanal, le consommateur profitant en boutique d’un accès internet pour s’informer et comparer, à la fois présent en boutique et en ligne, l’entreprise intégrant peu à peu les deux activités jusqu’à la mise en place de boutiques phygitales, augmentées grâce au digital d’un espace virtuel et d’outils facilitant le parcours d’achat. Ainsi, vente en ligne et vente en face à face se mêlent pour une relation commerciale optimisée.

Parallèlement, la communication de l’entreprise vers ses clients est bouleversée tant par les possibilités technologiques nouvelles que par la place prise par les recherches internet, les échanges sur les réseaux sociaux et l’expression des consommateurs en matière de marque ou de produits. Le référencement devient essentiel, la technologie permet une automatisation du ciblage et des achats d’espaces, mais surtout l’importance des conversations sur les réseaux sociaux nécessite une veille constante et une capacité à animer les communautés et détecter les influenceurs. L’évaluation d’un achat par le consommateur et le partage de cet avis sur le web deviennent pratiques constantes de même que la consultation des pairs au travers des communautés. Désormais La communication commerciale prend de multiples visages, payée à des prestataires, menée sur son propre site ou blog, gagnée grâce aux réseaux sociaux.

La Data, fruit de la digitalisation de la relation commerciale et des multiples traces laissées par les clients, offre des possibilités de ciblage et de personnalisation des offres de plus en plus poussées, non seulement sur les sites en ligne, mais aussi en boutiques physiques grâce aux outils de fidélisation et aux applications smartphone. La connaissance client s’enrichit mais l’expertise de ce dernier se développant, le métier de vendeur devient plus complexe, tant sur le plan technique que relationnel. Ces évolutions conduisent par étapes à une réorganisation des fonctions au sein des entreprises. De nouveaux métiers apparaissent essentiellement au niveau des structures centrales, mais parfois en local pour plus de proximité et les métiers traditionnels évoluent tant au niveau central que local, nécessitant de nouvelles compétences pour développer une activité de façon pérenne. L’ensemble des métiers marketing, communication et relation client sont impactés. Face aux consommateurs - acteurs, mais également en B to B, vendeurs, commerciaux et manageurs commerciaux doivent élargir leurs compétences et renforcer leur expertise en s’appuyant sur les outils digitaux et en intégrant les différents canaux de distribution et de communication dans leurs pratiques.

 1. Le e-commerce, l’omnicanal et la boutique phygitale : nouveaux standards du commerce

Selon le bilan 2018 du e-commerce en France, publié par la Fevad [1], les ventes sur internet ont augmenté de 13,4 % en 2018 après une hausse de 14 % en 2017 pour un total de plus de 90 milliards d’euros. Si le montant du panier moyen diminue (autour de 60 euros en 2018) reflétant une évolution vers plus d’achats du quotidien, la fréquence d’achat ne cesse d’augmenter (+ 20% en un an). En 2017, 85 % des internautes soit 37,5 millions de français ont acheté en ligne. Si le e-commerce ne représente encore que 8,5 % du commerce de détail, il pèse jusqu’à 45 % des ventes de produits culturels, autour de 20% en ce qui concerne la maison (électroménager et High tech), 13 % pour le meuble et l’habillement, autour de 7 % pour les produits grande consommation. Les ventes en ligne en B to B restent en forte croissance en 2018 avec une progression de près de 18 %.

La progression en B to C est poussée par trois facteurs combinés : les nouveaux écrans (tablette et mobile), l’augmentation des sites marchands et l’élargissement des offres. Inexistantes en 2010, les ventes réalisées sur mobile pèsent actuellement 35 % du CA des sites e-commerce. Plus de la moitié des moins de 35 ans achètent online depuis leur smartphone (56 %). En 2018, Il existe en France près de 200 000 sites marchands actifs soit une augmentation de 12 % sur un an et une multiplication par plus de 13 depuis 2005. Enfin, les places de marché (offres de produits de vendeurs tiers) prennent une place de plus en plus importante au sein du e-commerce, représentant 30 % du volume d’affaires des sites qui les hébergent.

Par ailleurs, la complémentarité internet magasin se développe.

Côté client elle est de plus en plus présente à toutes les étapes de l’achat, renforcée par l’usage croissant du mobile. Le smartphone permet l’émergence d’usages qui facilitent l’achat que ce soit en magasin physique ou online : la possibilité de faire des recherches avant un achat (57 %), de suivre ses achats sur Internet (56 %), de rechercher et localiser des magasins (52 %) sont des fonctions nouvelles qui sont utilisées par plus de la moitié des e-acheteurs équipés de smartphone en 2017. 70 % des internautes possédant un téléphone mobile, l’ont déjà utilisé en magasin soit pour comparer les prix, soit pour prendre une photo d’un produit et la partager, soit également pour regarder les avis clients. Il faut noter également l’usage croissant des réseaux sociaux pour consulter les avis clients (70 % des e-acheteurs le font souvent ou très souvent) ou partager l’expérience d’achat (18 %).

Côté entreprise, la combinaison du site internet et du réseau physique permet d’offrir aux consommateurs une plus grande souplesse dans son parcours d’achat et de nouvelles possibilités (réservation en ligne, click and collect). Les points forts des deux types de commerce peuvent être combinés jusqu’à l’avènement de la boutique phygitale, exemple le plus abouti de l’omnicanal. Cette dernière intègre dans un lieu physique les technologies du web. Les écrans interactifs installés ou plus simplement les QR codes proposant une réalité augmentée, offrent un accès à une information enrichie, fiches produits, comparateurs, démonstration, immersion. Certaines boutiques facilitent même le partage sur les réseaux sociaux depuis la cabine d’essayage connectée. A l’instar du web, la reconnaissance du client et sa géolocalisation est possible grâce aux technologies combinées de géofencing (délimitation d’une zone de contact) aux e-beacons (Balise utilisant le Bluetooth 4.0, basse consommation, pour interagir avec le smartphone d’un utilisateur passant à proximité) et applications smartphones permettant un envoi ciblé des offres sur son mobile. Les technologies permettent également la géolocalisation des produits en magasin, facilitant ainsi la recherche du client. L’accès à une offre étendue par la commande en ligne sur écran interactif ou via la tablette du vendeur repousse les murs de la boutique. Par ailleurs la fourniture de tablettes, ipod ou équivalent aux vendeurs, fait d’eux des vendeurs connectés ou augmentés capables de personnaliser leur approche du client.

Portées par un véritable changement de comportement des consommateurs mais également par des résultats positifs pour les entreprises, ces évolutions sont amenées à s’étendre encore. Selon l’enquête menée par Oxatis auprès des TPE-PME, 83 % des e-commerçants sont rentables ou à l’équilibre en 2018. Le e-commerce offre donc un fort potentiel pour les PME. Dans le cadre du e-commerce B to B, 87 % des sites des PME sont rentables. 80 % des commerçants traditionnels, qui disposent également d’un site de vente en ligne, constatent un impact positif du web sur les visites et les ventes en magasin. 79 % des commerçants observent une augmentation de la fréquentation en magasins après consultation du site et 60 % des PME interrogées constatent une progression de plus de 10 % du chiffre d’affaires en point de vente physique à la suite du lancement de leur site. Il apparaît donc que les PME ont intérêt à utiliser le commerce en ligne en tant que canal de vente supplémentaire mais également comme support de communication et d’attractivité pour développer leur relation client. L’enquête montre par ailleurs que le site internet permet un élargissement de la zone de chalandise y compris à l’international. Selon l’étude, les profils les plus recherchés pour la mise en place et le développement de l’activité multicanale sont des experts du commerce et du marketing.

 2. Les réseaux sociaux omniprésents dans le paysage commercial

L’usage des réseaux sociaux s’est très largement répandu au cours des dernières années en France. D’après le site Statista, 36 millions de personnes utilisent les réseaux sociaux en France en 2018 et parmi elles 30 millions utilisent Facebook. L’activité sur les réseaux sociaux est très diversifiée, tant du point de vue du contenu partagé - information personnelle, point de vue sur les marques, les produits, vidéo humoristique, livre blanc - que des objectifs poursuivis ; les utilisateurs se servant de plusieurs applications pour faire des choses différentes. Si les Français sont encore plutôt réticents à effectuer des achats sur les réseaux sociaux, (60 % y sont même radicalement opposés), en revanche, une proportion importante d’utilisateurs considère que les réseaux sociaux ont un intérêt dans le processus d’achat en ligne, notamment le fait de pouvoir lire des avis clients avant de passer à l’achat. Une étude menée récemment par l’IDC a révélé que 75 % des acheteurs B to B utilisent les réseaux sociaux pour prendre leurs décisions d’achat.

Taux de pénétration des réseaux sociaux parmi les internautes et l’ensemble de la population française de 2009 à 2018 (source Statista)

Classement des réseaux sociaux et messageries instantanées ayant le plus fort taux de pénétration en France au 4e trimestre 2017 (source Statista)

Les réseaux sociaux permettent différents usages professionnels commerciaux. Compte tenu du nombre de personnes présentes sur les réseaux sociaux et du volume d’échange quotidien sur ces médias, il semble indispensable de suivre les conversations s’y déroulant (social media monitoring). Il s’agit d’un formidable outil de veille. D’autre part, la présence des entreprises ou des membres de l’entreprise à titre professionnel sur les réseaux sociaux permet également de développer l’image de l’entreprise et de commercialiser ses produits. Grâce à leurs comptes, les entreprises peuvent publier des contenus sur leur actualité ou démontrant leur expertise, faire de la publicité ou entrer en contact avec des clients ou des influenceurs. La performance d’une entreprise dans sa gestion des réseaux sociaux se mesure en termes de fans ou de vues mais surtout à l’engagement provoqué c’est-à-dire aux actions déclenchées par la lecture d’un post.

En 2018, Facebook est le réseau social phare, la quasi-totalité des entreprises du commerce B to C interrogées déclarent l’utiliser dans un cadre professionnel, suivi de Twitter à plus de 80 %. Linkedin vient, quant à lui, en tête des réseaux sociaux les plus utilisés par les entreprises B2B (94 %). Selon l’étude, les entreprises détiendraient plusieurs comptes sur le médias sociaux (1 à 3 comptes pour 40 % d’entre elles, entre 4 et 10 comptes pour 40 % également). Pour les employés et cadres d’entreprises, utiliser les réseaux sociaux constitue un moyen d’entretenir et d’agrandir son réseau professionnel. En 2017, environ un internaute français sur dix participait à des réseaux sociaux professionnels et 35 % des entreprises françaises sont présentes sur les réseaux sociaux. Chaque réseau a ses spécificités.

 3. Mise en œuvre du digital, nouveaux métiers et nouvelles compétences

L’ensemble de ces évolutions impacte fortement les métiers du commerce, qu’il s’agisse de fonctions marketing, communication relation client ou du métier de vendeur en magasin ou à distance. En B to B, on observe des tendances similaires malgré certaines spécificités.

Une enquête menée en 2017 pour le compte de L’observatoire prospectif du commerce du Forco (OPCA du commerce et de la distribution) sur la mise en place du digital dans les entreprises du commerce montre l’importance de celui-ci mais également les freins rencontrés. Les principaux outils mis en place concernent la présence sur internet (réseaux sociaux et site e-vitrine 38 %) et les ventes en ligne (e-commerce, marketplace et click & collect 26 %). 19 % seulement des entreprises se jugent matures sur le sujet et 44 % des entreprises ont adopté quelques solutions digitales.

Fin 2018, le Forco a commandité une étude sur les métiers du web et du numérique dans les entreprises du commerce afin d’identifier les métiers émergents ainsi que l’évolution et l’adaptation nécessaire des salariés en poste. L’étude propose une nouvelle cartographie des métiers et présente l’évolution de la demande de compétences (émergente, en croissance ou en baisse).

Ces nouveaux métiers s’inscrivent dans une nouvelle organisation de l’entreprise, résultant des évolutions technologiques et de la mise en place de l’omnicanal. Dans un premier temps l’organisation traditionnelle en silo par canal de vente est complétée par la création d’une direction data et d’une direction digitale en charge des transformations. Elle évolue ensuite vers une mutualisation des activités liées à la marque (Brand content) et à la relation client (CRM, e-CRM) accompagnée d’une simple coordination de l’expérience client sur les différents canaux, pour aboutir enfin à une organisation intégrée omnicanale proposant une expérience client unique quelle que soit l’interaction du client avec la marque.

Forco rapport global_21-06-2018_VF.pdf

L’étude menée fait apparaître que le digital accélère le passage d’une logique métier à une logique compétence pour plusieurs raisons : il s’agit souvent de la transformation de l’activité et non du métier dans son intégralité, les frontières entre les métiers s’estompent et enfin les recrutements se font sur la base des compétences ; les filières de formations aux nouveaux métiers étant souvent inexistantes. Le Forco a cependant rédigé 29 fiches métiers mettant en évidences les compétences nécessaires à chacun afin de faciliter une certaine harmonisation des appellations.

Trois points sont essentiels : émergence d’une compétence stratégique : la data ; développement des métiers du consumer expérience afin de proposer un parcours différenciant ; nécessité d’adapter en permanence les hard skills compte tenu des évolutions technologiques incessantes et de développer des soft skills afin de mener des projets multi acteurs et multi réseaux.

Une quarantaine de compétences sont réparties dans 4 domaines (Brand content, Data, Digitalisation du contenu, Expérience client) et 3 activités (Communication-Marketing et relation client, Production et gestion de contenu, Conception et création numérique).

Source : Forco

Selon la taille de l’entreprise et la part prise par le web dans son activité, les postes seront plus ou moins généralistes. Dans la sphère marketing-communication - relation client, on peut cependant distinguer le responsable trafic en charge des aspects référencement, le social media manageur en charge de l’animation de communauté mais aussi de la veille sur les réseaux sociaux, le brand content manager chargé de la production de contenu afin de développer la notoriété et l’attachement à la marque, le web analyst, mais aussi les métiers les métiers plus centrés sur l’analyse des données et les équivalents chef de projet, chef de produit et marchandisage sur le web.

Pour assurer la cohérence des messages, le marketing opérationnel est localisé au minimum ; beaucoup de décisions étant prises au siège de l’enseigne mais certaines structures choisissent de décentraliser des métiers comme le community management afin d’assurer la cohérence omnicanale (ex : Fnac).

 EN COMPLEMENT : FICHES L’ESSENTIEL DE LA NOTION ET PISTES D‘ACTIVITE POUR LA CLASSE

 RESSOURCES

Réseau Viaeduc : https://www.viaeduc.fr/login

Groupe BTS NEGOCIATION ET DIGITALISATION DE LA RELATION CLIENT https://www.viaeduc.fr/group/16812
Tutoriels et TD proposés
Groupe BTS MANAGEMENT COMMERCIAL OPERATIONNEL
https://www.viaeduc.fr/group/19742
Liste des applications numériques utilisables en MCO

Formation magistère : https://magistere.education.fr/ac-versailles/

En libre accès utilisation du numérique : https://magistere.education.fr/local/magistere_offers/index.php

Wordpress 3.6, Prestashop

https://openclassrooms.com OpenClassrooms est une école en ligne offrant des parcours diplômants et professionnalisants ainsi que de nombreux modules gratuits en marketing digital (initiation au marketing digital, marketing de contenu, social media analytics, stratégie social media, référencement naturel…) ou en développement (création d’un site avec Wordpress).

« Le vendeur connecté » Benoit Mahé Maxima 2018
« Le social selling » Sophie ATTIA Dunod 2017

https://www.fevad.com/bilan-e-commerce-ventes-internet/
Site du Forco et observatoire prospectif du commerce
Synthes etude Forco se lancer dans le digital
Etude Kyu cross canal synthèse 2015

Multicanal, cross-canal, omnicanal : enjeux et implications pour les distributeurs
https://creg.ac-versailles.fr/multicanal-cross-canal-omnicanal

Notes

[1Communiqué de presse Fevad du 05 février 2019

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