Les progiciels de gestion intégrée

, par Christine Lassiette

Le traitement de l’information dans l’entreprise est en pleine mutation. Aujourd’hui, toutes les entreprises, aussi bien nationales et internationales que les PME et les PMI sont confrontées aux besoins changeant du marché tels que : acquisitions, fusions, solutions collaboratives, monnaie unique européenne, extension européenne à 25 pays, ..... Ces enjeux sont tels qu’ils nécessitent une remise en question complète des systèmes existants. Lors de cette migration, bon nombre d’entreprises choisissent d’abandonner leurs solutions applicatives « sur mesure » pour se tourner vers le monde des ERP « prêts à implanter ».

Un éternel recommencement.......

Durant ces trente dernières années, l’informatique de gestion a subi des bouleversements considérables. Les avancées technologiques du traitement de l’information ont eu des conséquences capitales sur le rôle de l’outil informatique.

Si les premières applications ont permis d’automatiser les activités opérationnelles des organisations (gestion de production, gestion commerciale et financière, ressources humaines), aujourd’hui les systèmes d’information prennent en charge des niveaux de gestion de plus en plus stratégiques.

Les innovations technologiques ont fait évoluer les architectures informatiques...

  • les années 60-70 et le mainframe (informatique d’entreprise)  : il ne s’agit à cette époque que de gérer des volumes gigantesques de données ; les applications de gestion automatisent les processus opérationnels et répétitifs ; le marché des systèmes informatiques est dominé par quelques grands constructeurs ; les gros systèmes sont propriétaires et centralisent la puissance de traitement.
  • les années 80 et les mini systèmes (informatique de département) : le marché de l’informatique s’ouvre aux PME ; l’ère des minis permet également à un grand nombre d’utilisateurs d’accéder aux données aux travers d’applications couvrant des besoins plus spécifiques ; l’utilisateur dispose d’une interface texte pour l’interaction avec le système (terminaux passifs).
  • les années 90 et le client serveur (informatique individuelle)  : c’est le plein essor des ordinateurs personnels et de la bureautique, et l’explosion des réseaux et des télécommunications  ; le partage de l’information devient le défi majeur ; les applications bureautiques disponibles (traitement de texte et tableur) répondent à des besoins de traitement de l’information jusqu’à présent non pris en compte ; les terminaux passifs sont peu à peu remplacés par des micro-ordinateurs capables de les émuler  ; au-delà du réseau local, les applications client-serveur donnent l’occasion de répartir les traitements entre les machines les plus adaptées : les applications bureautiques sur les postes de travail et les applications critiques (ainsi que les bases de données) sur les serveurs ; la connexion entre le réseau local et le site central s’effectue par des liaisons téléinformatiques proposées par l’opérateur institutionnel ; le micro-ordinateur devient nomade grâce aux portables, capable ainsi de se connecter au réseau local ou à distance au système informatique de l’entreprise.
  • les années 2000 et le boum de l’Internet : aujourd’hui le poste de travail, nomade ou fixe, est connecté au réseau local de l’organisation mais il est aussi ouvert sur l’extérieur grâce à l’Internet ; la communication entre les ordinateurs s’effectue grâce à un ensemble de protocoles normalisés (TCP/IP) ; les technologies de l’Internet deviennent des normes pour la mise en place tant des systèmes informatiques d’entreprise (intranet) que des systèmes informatiques interconnectés avec les partenaires (extranet) ; les applications métier obéissent au standard du web (HTTP, HTML) ; le poste de travail, équipé seulement d’un navigateur, peut accéder par le réseau à l’ensemble des applications (client léger) ; le système d’information de l’entreprise est accessible depuis un poste de travail banalisé mais également depuis de nouveaux équipements comme le téléphone mobile.

Et maintenant, les ERP.........

Les ERP (Enterprise Resource Planning) ou PGI (Progiciels de Gestion Intégrés), ont connu leur essor en profitant de l’évolution nécessaire des systèmes d’information pour le passage de l’an 2000 puis pour la mise en place de l’euro. En effet, il était séduisant de remplacer tous les logiciels de gestion de l’entreprise par un intégré offrant « l’état de l’art » plutôt que d’engager des corrections des programmes existants plus ou moins anciens.

Les ERP sont des applications dont le but est de coordonner l’ensemble des activités d’une entreprise (activités dites verticales telles que la production, l’approvisionnement ou bien horizontales comme le marketing, les forces de vente, la gestion des ressources humaines, etc.) autour d’un même système d’information. Ils offrent à l’entreprise, une solution globale et transversale.

Plus qu’un simple logiciel, un ERP est un véritable projet demandant une intégration totale d’un outil logiciel au sein d’une organisation et d’une structure spécifique, et donc des coûts importants d’ingénierie. D’autre part, sa mise en place dans l’entreprise entraîne des modifications importantes des habitudes de travail d’une grande partie des employés. Ainsi on considère que le coût de l’outil logiciel représente moins de 20% du coût total de mise en place d’un tel système.

Le principe fondateur d’un ERP est de construire des applications informatiques (paie, comptabilité, gestion de stocks...) de manière modulaire (modules applicatifs indépendants entre eux généralement signés par le même éditeur) tout en partageant une base de données unique et commune.

Adopter un ERP implique plus qu’un contrat : c’est un mariage avec l’éditeur  ; ce mariage comporte des obligations et il sera plus difficile d’en sortir que d’y entrer.

Dans la classification des logiciels, l’ERP est un package destiné, a priori, à tous les secteurs, à toutes les fonctions, les adaptations nécessaires se faisant par paramétrage.

Les ERP disposent de forts arguments commerciaux pour séduire les dirigeants (ils proposent de mettre un terme au désordre du système d’information, et aussi de régler des problèmes d’organisation sans effort politique). Cette offre séduisante par sa qualité et sa cohérence se révèle à l’usage plus risquée que l’on avait pu l’imaginer : elle ne peut être efficace que si l’on accepte les contraintes qu’elle impose. Sa mise en œuvre comporte des difficultés et des pièges.

Les ERP permettent l’intégration des données et des processus, condition nécessaire mais non suffisante pour aboutir à une organisation réactive.

Avantages de l’implantation d’un ERP.........

  • optimisation des processus de gestion
  • cohérence et homogénéité des informations
  • intégrité et unicité du Système d’information
  • mise à disposition d’un outil multilingue et multidevises (très adapté aux multi-nationales)
  • communication interne et externe facilitée par le partage du même système d’information
  • meilleure coordination des services et donc meilleur suivi des processus (meilleur suivi de commande ou meilleure maîtrise des stocks par exemple)
  • normalisation de la gestion des ressources humaines (pour les entreprises gérant de nombreuses entités parfois géographiquement dispersées)
  • minimisation des coûts (formation et maintenance)
  • maîtrise des coûts et des délais de mise en œuvre et de déploiement
  • mise à disposition, des cadres supérieurs, d’indicateurs nettement plus fiables que lorsqu’ils étaient extraits de plusieurs systèmes différents

Et les inconvénients .........

Les ERP ne sont pas exempts d’inconvénients. Ils sont difficiles et longs à mettre en œuvre car ils demandent la participation de nombreux acteurs ; ils sont relativement rigides et délicats à modifier.

  • coût élevé (cependant, il existe des ERP/PGI qui sont des logiciels libres, les seuls coûts étant alors la formation des utilisateurs et le service éventuellement assuré par le fournisseur du logiciel)
  • le progiciel est parfois sous-utilisé
  • lourdeur et rigidité de mise en œuvre
  • difficultés d’appropriation par le personnel de l’entreprise
  • nécessité d’une bonne connaissance des processus de l’entreprise
  • nécessité d’une maintenance continue
  • captivité vis à vis de l’éditeur

Choisir et mettre en œuvre un ERP.........

Une étude du Syntec informatique a démontré que 62,5 % des entreprises ou des établissements considèrent leurs projets de renouvellement ou d’acquisition d’ERP comme plutôt insatisfaisants. Les principales raisons de cette importante insatisfaction sont les suivantes (elles peuvent se cumuler) :

  • des besoins, des attentes ou des objectifs mal définis (18%)
  • le déficit d’implication du management adéquat (11%)
  • des projets mal préparés ou mal conduits (8%)
  • des fonctionnalités inadaptées, sur ou sous dimensionnées (16%)
  • des utilisateurs insuffisamment associés au projet (9%)
  • des engagements mal définis, partiellement ou pas du tout respectés par les fournisseurs (fonctionnalités absentes,...) (13%)
  • des ressources humaines et/ou budgétaires qualitativement et/ou quantitativement insuffisantes (12%)
  • des technologies manquant de fiabilité ou difficiles à maîtriser (10%)
  • la dimension stratégique du projet insuffisamment qualifiée et perçue (4%)
  • ...

Pour l’entreprise, la valeur et les défis associés aux ERP résident dans l’obligation d’intégrer son information et ses processus.

La sélection et l’évaluation de solutions ERP est un processus complexe à cause, entre autres,
de :

  • la difficulté à définir les besoins précis de l’entreprise et à les traduire en termes de fonctionnalités et de performances.
  • la difficulté à évaluer l’adéquation d’un ERP et des services associés avec les attentes réelles de l’entreprise  ; cela requiert l’analyse approfondie de centaines ou même de milliers de critères fonctionnels et techniques.
  • la difficulté à comparer les avantages des différentes solutions PGI envisageables.
  • la difficulté à appréhender les risques pris en cas de compromis (car finalement aucune des solutions n’est réellement idéale).

Ce processus de choix d’un ERP induit dans tous les cas la nécessité  :

  • de définir clairement les objectifs stratégiques et opérationnels du projet
  • d’exprimer précisément et objectivement les vrais besoins fonctionnels
  • d’évaluer méthodiquement toutes les solutions possibles
  • de se doter des moyens adéquats de conduite de la démarche
  • de s’assurer du soutien fort des niveaux appropriés de management
  • de rester indépendant et objectif quelle que soit l’étape du processus
  • d’appréhender les enjeux politiques et de gérer les conflits d’intérêts.

Une grande entreprise peut compter jusqu’à 5 ans pour effectuer tous les changements organisationnels et techniques qu’exige un ERP.
Le "coût total de possession" comprend les coûts liés à la mise en application (le matériel, les logiciels, les outils de base de données, les frais de consultation, les coûts relatifs au personnel et à la formation) et les coûts d’exploitation (maintenance, supports).
Ces solutions entraînent non seulement des changements techniques profonds, mais aussi des modifications fondamentales dans le mode de fonctionnement de l’entreprise.
Les employés devront adopter de nouvelles tâches et responsabilités. Ils devront apprendre à maîtriser un nouvel ensemble de processus et comprendre comment l’information qu’ils entrent dans le système peut impacter directement d’autres secteurs de l’entreprise.
L’apprentissage et la formation sont étroitement liés à la réussite d’un ERP.

Estimation (difficile) du coût d’après une étude menée par le cabinet Aberdeen :
L’achat de licence représente 10 à 30 % du coût global.
Sachant qu’il faut compter 2300 € par poste pour une centaine d’utilisateurs et jusqu’à 1500 € pour des projets portant sur un millier de postes, il en coûtera environ 6000 € par poste pour une entreprise cherchant à doter 250 postes d’une solution de gestion intégrée.

A lire : "PGI, demandé l’addition" dans 01 Informatique n°1884 du 05/02/07 ou sur le site www.01net.com

Solutions alternatives, l’EAI.........

Certaines entreprises ne peuvent abandonner en une seule étape leurs systèmes informatiques pour se convertir aux solutions intégrées de type ERP (risque trop élevé pour la continuité des opérations quotidiennes).
Il existe alors une solution intermédiaire : les EAI ou Enterprise Application Integration.
Ces logiciels intermédiaires (middleware) créent une interface ou un pont entre des applications différentes via des échanges de données restructurées selon un format de type XML.

Les principaux éditeurs d’ERP.........

Le marché de l’ERP représente une vraie manne pour les prestataires de services informatiques. Il est devenu aujourd’hui, le marché le plus porteur de l’informatique.

On distingue deux sortes d’ERP : les ERP propriétaires et les ERP OpenSource.

Les ERP propriétaires

Aujourd’hui, il existe de nombreux ERP propriétaires mais seuls quelques éditeurs internationaux restent vraiment dans la course.
Les trois premiers sont :

  • SAP (40% du marché)
  • PeopleSoft (22% du marché)
  • SAGE

Ce sont également les trois premiers sur le marché français.

Fondée en 1972, SAP est le premier éditeur mondial de progiciels ERP. SAP emploie plus de 34.000 personnes dans plus de 50 pays.

Le progiciel SAP a remporté rapidement un succès important auprès des grandes entreprises en proposant un progiciel multilingue et multidevises. SAP s’intéresse aussi au marché des PME, en pleine croissance en proposant sa suite BusinessOne, pour les entreprises de 2 à 250 salariés.

SAP est une application client-serveur. Ses modules couvrent l’ensemble des fonctions de gestion de l’entreprise et chaque module couvre des besoins complets de gestion. Certaines entreprises implémentent tous les modules fonctionnels de SAP, ou seulement quelques-uns. SAP R/3 est entièrement paramétrable. Par ailleurs, grâce à son environnement de développement, SAP R/3 peut être adapté à des besoins spécifiques (développements en ABAP/4).

Il est doté de plusieurs sortes de modules : des modules orientés logistique (MM, PP, SD, QM, PM), Finance (FI, CO, TR, IM) et ressources humaines (RH).

Les ERP OpenSource

Ils sont relayés par des partenaires (SSII, cabinets de Conseil) pour le support.

L’implémentation d’un progiciel Open Source revient moins cher, puisqu’il n’y a pas de coût de licence.

En revanche il faut inclure, dans le calcul du coût d’acquisition total, les frais de maintenance et de l’assistance technique.

Voici la liste des principaux progiciels Open Source :

  • Aria
  • Compiere
  • ERP5
  • Fisterra
  • OFBiz (Open for Business)
  • PGI Suite
  • Value Enterprise
  • Tiny ERP

Les ERP d’aujourd’hui tirent parti du Web. Les utilisateurs peuvent accéder à ces systèmes au moyen d’un navigateur. Ces progiciels sont de plus en plus orientés vers l’extérieur et sont capables de communiquer avec les clients, les fournisseurs et d’autres organisations.

Quelques expériences.........

  • Lenôtre, premier traiteur gastronomique de France : une baisse de 15% des stocks en 3 ans.
  • Optic 2000 : une diminution nette des ruptures de stocks, un taux de service livraison supérieur, un meilleur contrôle qualité des produits achetés.
  • Kiabi  : production d’un compte de résultat instantané (pouvait prendre plus d’une semaine auparavant)
  • PSA  : le nouveau site intégré a enregistré un taux de fréquentation supérieur de 40% au précédent.
  • Nestlé SA : a installé un ERP pour normaliser et coordonner ses processus d’affaires dans 500 installations de 80 pays ce qui a permis à l’entreprise d’obtenir des effets de levier afin d’aboutir à de meilleurs prix pour les matières premières.

A lire : le témoignage de l’entreprise de distribution Direct SA dans le numéro 708 (26 février 2007) de la revue Décision Informatique

Quelques statistiques.....

Les PME, locomotives du marché des ERP/PGI :

  • Les PME françaises, leader d’un marché toujours en croissance : investissement cumulé de 227 M€ en 2006 pour un marché global de 393,6M€ (uniquement pour les ventes de licences)
  • Le marché des ERP/PGI atteint 3,8Md€ (vente de licences + maintenance + services associés)
  • Accroissement prévu de 6,4 à 6,9% par an jusqu’en 2009 (source : cabinet GARTNER)
  • Accroissement de 14% pour le conseil et l’intégration
  • Les ERP représentent 18% des investissements des PME
  • Au moins une PME-PMI sur deux n’a pas, doit, ou va investir dans un ERP

ERP, enjeux d’une nouvelle révolution informatique.........

En conclusion, les ERP offrent de nouvelles opportunités à l’entreprise mais peuvent susciter aussi des problèmes. Il convient donc d’étudier minutieusement les conditions de réussite de la mise en œuvre d’un projet ERP.
Choisir un ERP est un choix stratégique pour l’entreprise : sa mise en œuvre constitue une remise à plat des procédures de gestion au sein de l’entreprise mais entraîne aussi de gros coûts.

Pour guider les entreprises dans cette démarche, de nouveaux salons voient le jour comme en septembre dernier au CNIT de Paris La Défense, "Le salon des Progiciels de Gestion Intégrés pour les grandes entreprises et les PME PMI".

Peu de publications scientifiques fournissent des réponses potentielles aux questions relatives à l’ERP et le manque de consultants inquiète les éditeurs de PGI qui renforcent leurs partenariats avec les SSII, les centres de formation et l’Education Nationale.
Un master a été créé spécialement pour les ERP et il existe même un site spécialisé pour les offres d’emploi ERP.

Liens utiles .........

Bibliographie.........

  • "Tout sur les systèmes d’information" de Jean-François Pillou, éditions DUNOD
  • "ERP et PGI, comment réussir le changement" de Jean-Louis Tomas, éditions DUNOD
  • "Management des systèmes d’information" de Kenneth et Jane Laudon, éditions Pearson Education
  • "Le guide de la gestion 2007" (de la comptabilité au progiciel de gestion intégré) de la revue Décision informatique

Pout télécharger cet article au format pdf, cliquer sur le lien ci dessous :

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