En mars 2020, en pleine crise de la covid-19, le gouvernement invite l’ensemble de la population à se confiner avec une nécessité pour nous, enseignants de maintenir une continuité pédagogique avec nos élèves. Cet imprévu soulève de nombreuses questions quant à une prise de conscience pour faire évoluer nos pratiques. En effet, en quelques semaines, il a fallu adapter notre enseignement au distanciel, une modalité qui a bousculé certaines de nos habitudes ainsi que celles de nos élèves. En cela, nous avons repensé notre mode de fonctionnement, nos relations avec les élèves, les parents, voire l’École elle-même. Comment alors s’organiser pour démarrer ce défi que représente la continuité pédagogique ? L’enseignement à distance renvoie à un ensemble d’environnements éducatifs qui est « d’utiliser des technologies multimédias et l’Internet, pour améliorer la qualité de l’apprentissage en facilitant l’accès à des ressources et des services, ainsi que les échanges et la collaboration à distance » selon la Commission Européenne en 2000 [1].
Ainsi, dès les premières journées, nous avons été face à un constat ; ce fil numérique, un des principaux liens avec les élèves pour assurer cette continuité pédagogique semble fragilisé. Alors, en dehors des salles de classe ; comment permettre à nos élèves de continuer à suivre les enseignements ? Et au-delà de ces conditions matérielles, nous pouvons aussi réfléchir aux conditions sociales et pédagogiques. Car, pour beaucoup, le lycée est le seul lieu où se construit un lien social ; l’urgence n’est pas seulement de continuer à apprendre que de continuer à avoir une existence sociale. Comment, relever ce double défi, pour apprivoiser la distance et permettre les interactions sociales et supprimer cette absence à distance [2] ?
1. La présence à distance une des clés pour mobiliser l’élève désengagé
Comment maintenir la motivation de l’élève pour lui permettre de s’organiser et de gérer ses stratégies d’apprentissage ? De quelle façon compenser notre absence physique ?
1.1. …Dès lors, comment créer une présence à distance ?
Pour accompagner l’apprentissage de nos élèves, il convient de repenser les lieux et les temps d’apprentissage. En effet, au cours d’une séance à distance, l’élève et l’enseignant sont distants géographiquement, mais proche en même temps par le biais d’une communication médiatisée [3]. Au préalable, il convient donc de définir un cadre de travail pour planifier les activités à travers un emploi du temps, puis de recenser les outils utilisés et connus des élèves pour favoriser les échanges et l’entraide entre pairs. Aussi, en tant qu’enseignant, il est nécessaire de se dégager des moments pour communiquer régulièrement avec l’élève et répondre à ses interrogations. C’est ce fil de discussion qui nous permet de maintenir l’engagement de l’élève grâce à des messages et/ou des appels réguliers pour le rassurer, l’accompagner et répondre à ses inquiétudes. Par exemple, au travers la mise en place d’un espace numérisée pour introduire une part de coopération pour apprendre avec et par les autres et permettre la création d’une communauté d’apprenant.
1.2. La scénarisation de notre séance
Pour donner du sens aux apprentissages de l’élève, accroître sa motivation et son engagement dans l’activité, l’enseignant propose un scénario pédagogique qui s’articule autour de plusieurs temps.
Tout d’abord, il proposera des objectifs d’apprentissage en lien avec la compétence visée par le référentiel, puis déterminera ensuite les modalités de régulation et d’évaluation de l’élève. C’est cette scénarisation successive des activités qui permet de repenser les temps d’apprentissage, de détailler les différentes étapes et de redéfinir les temps prévus pour chaque tâche, tout en repensant les interactions au sein du groupe. Elle permet donc de structurer et d’organiser les activités d’apprentissage autour d’objectifs et de formaliser l’intervention de l’enseignant de façon plus précise [4].
1.3. Favoriser l’enseignement explicite
En effet, l’enseignant doit rendre visible ses intentions pédagogiques notamment via la vérification de la compréhension de l’activité par l’élève. Cet enseignement explicite est un levier efficace pour nos élèves de LP aussi bien pour les enseignements à distance qu’en présentiel. Il permet donc de favoriser le développement de compétences sans créer de surcharge cognitive chez l’élève. Ainsi, en transmettant des consignes ciblées et claires au travers d’audio et/ou des vidéos, l’enseignant tend à rendre explicite ce qui ne l’était peut-être pas. De ce fait, pour chaque étape, il va proposer à l’élève des éléments de cadrage avec des exemples autocorrectifs.
Enfin, l’élève envoie son travail à l’enseignant et en cas de validation il poursuit l’activité pour passer à l’étape suivante.
1.4. Une nécessité pour l’enseignant de donner des signes de présence à distance
Pour compenser l’absence totale ou partielle du présentiel, les travaux de Garrison, Anderson et Archer 2000, soulignent l’importance de la présence sociale de l’enseignant pour engager l’élève à distance. Il définit la présence sociale comme la capacité de l’élève à se projeter dans un groupe à s’investir et à s’identifier au groupe. En cela, pour enrôler ses élèves, l’enseignant peut proposer des exercices de révision pour consolider leurs apprentissages. Mais aussi, proposer des autocorrections : avec des exercices suivis de leur réponse. Pour cadrer chaque, activité il est nécessaire de préciser les temps de réalisation afin que l’élève puisse s’organiser : temps de lecture et temps de réponse à la consigne. Cette dimension pédagogique permet de soutenir le groupe et de valoriser l’action de chacun.
Au cours d’une activité synchrone, le niveau de présence de l’enseignant permet de dynamiser cette présence sociale en donnant des conseils pour collaborer, tout en veillant à ne pas imposer des règles trop formelles [5]. Cette présence est donc un levier de la motivation et du maintien des efforts de chacun. L’enseignant a un rôle d’animation et de coordination puisqu’il favorise la mise en relation de l’élève et des ressources pédagogiques.
2. L’exemple de la classe inversée pour un enseignement à distance
La classe inversée est l’inversion d’activités d’un enseignement traditionnel : au lieu d’écouter l’enseignant en classe et de faire ses devoirs à la maison, l’élève réalise des apprentissages de manière autonome à l’aide de matériels numériques à la maison. Les élèves reçoivent donc des cours sous forme de ressources en ligne ; en général des vidéos, documents numérisées, accessibles depuis chez eux. Ainsi, ce qui était auparavant fait en classe est désormais fait à la maison, d’où l’idée de classe inversée.
Classe inversée et activités possibles :
3. Les points de vigilance
Pour l’élève, s’engager dans une activité à distance, c’est accepter de coopérer, d’échanger et de mutualiser au sein d’un groupe. Néanmoins, certains élèves peuvent manifester de la résistance. De ce fait, comment pouvons-nous favoriser l’adhésion de l’élève ? Lorsque l’on sait, qu’en présentiel le langage non verbal est prégnant, les élèves interagissent de façon inconsciente et l’enseignant doit intervenir pour réguler l’ensemble. Il intervient ainsi pour réduire la profusion d’informations à laquelle les élèves sont soumis sur le poste informatique il fournit des liens vers des vidéos, une feuille de route pour trier, classer, catégoriser les informations, il accompagne ainsi l’élève à maîtriser les compétences du XXIe siècles indispensables pour s’insérer dans la société.
3.1. Quelques témoignages : élève et professeur
3.2. Repenser la posture d’enseignants
4. Pour conclure
L’enseignement à distance en lycée professionnel peut être un instrument éducatif et scolaire. Néanmoins, il reste encore soumis aux limites matérielles : équipements, infrastructures, formation, et pas assez aux questions pédagogiques. Le grand changement, qui nous attend, est de repenser notre pédagogie et notre posture pour planifier les activités d’apprentissage, de régulation, d’évaluation et développer une pensée réflexive à l’égard de notre propre pratique.
5. Pour aller plus loin
Retour d’expérience de Gilles Lonchampt, proviseur au lycée polyvalent Lumière à Luxeuil-Les-Bains (académie de de Besançon) sur la mise en place de la continuité pédagogique dans son établissement.
Bibliographie
Ferone, G., & Lavenka, A. (2015). La classe virtuelle, quels effets sur la pratique de l’enseignant ? Distances et médiations des savoirs. Distance and Médiation of Knowledge, 3(10).
http://www.dane.ac-versailles.fr/s-inspirer-temoigner/mettre-en-oeuvre-la-pedagogie-inversee-sur-elea
Jézégou, A. (2019). La distance, la proximité et la présence en e-Formation. Jézégou, A. (2019). (Dir). Traité de la e-Formation des adultes. Bruxelles : De Boeck Supérieur, 143-163.
Lebrun, M. (2011). Impacts des TIC sur la qualité des apprentissages des étudiants et le développement professionnel des enseignants : vers une approche systémique, Rubrique de la Revue STICEF, Volume 18, http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2011/03r-lebruntice/sticef_2011_lebrun_03r.htm
Tricot, A., Plégat-Soutjis, F. (2003). Pour une approche ergonomique de la conception d’un dispositif de formation à distance utilisant les TIC. Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation et la Formation, ATIEF, 2003, 10, 27 http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2003/tricot-07s/sticef_2003_tricot_07s.pdf