L’exploitation de l’erreur ; un instrument pertinent au service de l’évaluation par compétence ?

, par Nadia CHEBBI

La notion de compétence est un fait marquant des discours éducatifs depuis ces vingt dernières années. Selon France compétence, « la compétence peut être définie comme la mobilisation de manière pertinente de ses ressources et de celles de son environnement dans des situations diverses pour exercer une activité en fonction d’objectifs à finalité professionnelle. » Par conséquent, c’est la combinaison de « savoirs » en action, mobilisés en vue de réaliser une activité professionnelle. Dès lors, de quelle façon l’enseignant peut-il mettre en œuvre l’évaluation par compétence au sein de sa classe ?

Dans ce contexte, l’évaluation de la compétence prend un nouveau sens, elle ne peut pas être limitée à une succession de problèmes à résoudre, mais s’inscrit dans un processus d’apprentissage dynamique qui doit être porteur de sens pour l’élève. Alors, comment penser la mise en œuvre de nos pratiques pédagogiques ? Selon, Gérard Scallon 2004, il n’y a que deux situations d’apprentissages propices à l’acquisition d’une compétence : l’apprentissage par problèmes ou l’apprentissage par projets.

 1/ Un exemple de projet : La Boutique Solidaire du Lycée des métiers L. Armand à Yerres

Au sein du lycée, les professeurs de la section commerce proposent depuis 2015 des enseignements par compétences à travers « L.A Boutique : Louis Armand Boutique ». C’est une Boutique solidaire, ouverte en partenariat avec le CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) de la mairie de Yerres qui permet aux élèves de participer à la vie locale de leur commune. Les enseignants, pensent que c’est en mettant l’élève en position de faire et parfois, de mal faire, et en s’auto-évaluant qu’il pourra prendre conscience de ses erreurs pour déconstruire et reconstruire les compétences.

Témoignage d’une enseignante en Economie Gestion option Commerce-Vente du lycée :

« L’utilisation de L.A Boutique, dans mes pratiques pédagogiques, peut être considérée comme un atout aussi bien pour l’élève que pour moi enseignante, qui rompt avec la monotonie. Elle favorise l’entraide et permet à l’élève de s’engager dans ses apprentissages. Mon objectif est de l’aider à s’approprier sa formation pour l’accompagner dans son choix d’orientation et son insertion professionnelle future. Au sein du lycée, nous pensons que les activités en projet peuvent être considérées comme une des clés pour mobiliser l’élève autour d’un projet commun interdisciplinaire et transversal. L’objectif est de transformer son sentiment d’échec en une expérience enrichissante, mais, aussi valorisante ».

En effet, la mise en œuvre de ce projet vise une réalisation à atteindre par l’élève dans le but de l’engager dans ses apprentissages. Dans ce cadre, ce qui nous intéresse, ce n’est plus tant les résultats de l’élève, mais, la démarche qu’il utilise pour résoudre le problème proposé. De ce fait, cette démarche se manifeste à travers un processus de négociation mené entre l’élève et son professeur.

Toutefois, pour proposer une évaluation au plus près de l’enseignement dispensé, il est nécessaire de vérifier que les tâches proposées à l’élève permettront l’atteinte de la compétence abordée. En effet, ce processus, permet au professeur d’anticiper les difficultés de ses élèves pour mesurer les progrès réalisés de ses élèves et leurs compétences acquises.

 2/ Un outil pour évaluer : la démarche spiralaire

C’est Jérôme Bruner qui introduit, en 1960, cette idée de pédagogie spiralaire, afin de permettre aux élèves de construire de façon régulière sur ce qu’ils ont déjà appris. Avec une nécessité de revenir plusieurs fois sur la même compétence ; logique de spirale, pour accroître progressivement la complexité de la tâche demandée et permettre à l’élève de monter en compétences et de progresser.

Barth, B. M. (1985). Jérôme Bruner et l’innovation pédagogique. Communication & Langages


Un exemple d’une situation professionnelle et d’une complexification progressive :

Exemple d’une situation professionnelle et d’une complexification progressive

 3/ Le ressenti de l’élève : témoignage de Chantal, élève de 1com

Comment travaillez-vous sur ce projet ?

« Avec nos professeurs, nous fonctionnons vraiment comme une véritable entreprise, des responsables, et des managers, chaque élève fait partie d’un service, et a des missions avec des objectifs à atteindre. Ce qui est intéressant, c’est que l’on a le droit de communiquer entre nous, de partager nos points de vue, on se sent moins seul face à la difficulté ».

Ce que vous apporte ce projet ?

« Nous n’avons pas l’impression d’être en classe. Nous travaillons comme dans une véritable entreprise à faire tourner, on a le droit de se tromper quand on ne sait pas, on est vraiment dans la réalité, avec de vrais clients, d’ailleurs une partie de cet argent nous sert à faire des économies pour pouvoir réaliser un voyage ».

Un extrait du « Guide de compétence élève », dans le cadre du bac professionnel Commerce.

Extrait du « Guide de compétence élève », dans le cadre du bac professionnel Commerce.

Par conséquent, évaluer par compétence, dans le cadre d’un projet, favorise l’implication active de l’élève. J. Piaget souligne que la construction d’un apprentissage est un processus qui est tout à la fois long et non linéaire. Et permet le développement des composantes métacognitives d’une compétence.

Pour autant, cette démarche n’est pas toujours facile à appliquer sur le terrain, elle incombe aux enseignants de repenser leurs pratiques pédagogiques et évaluatives. Alors, comment requestionner ces pratiques. Ces interrogations, reposent l’importance des adaptations pédagogiques que nous avons à repenser en tant qu’enseignant. Avec une nécessité de s’inscrire dans une démarche de planification et d’organisation de la tâche autour de la compétence abordée et à valider.

 4/ Les points de vigilance pour accompagner les pratiques enseignantes

Pour conclure, l’évaluation par compétence est pensée dans une logique de formation ; quel objet évaluer ? A quel moment l’évaluer ? Et à quelle fréquence évalue-t-on l’élève ? Sous quelles formes l’évaluer ; à l’écrit, à l’oral ou en acte.
Parfois, la simple observation de ce que fait un élève peut suffire. Ce mode d’évaluation reconnaît la place de l’erreur qui devient un passage nécessaire pour apprendre. L’erreur permet alors de réconcilier les élèves avec l’évaluation pour réussir et ne plus être en échec. Selon Gérard, F. M. (2010), « C’est un obstacle qu’il faut mettre au service de l’apprentissage ». La remédiation s’inscrit alors comme une étape nécessaire afin de permettre à l’élève de s’améliorer et pour acquérir les compétences visées du référentiel de formation. Toutefois, une question reste de fond : est-ce que la tâche, proposée par l’enseignant et réalisée par l’élève, évalue bien ce qu’elle est sensée évaluer ? En didactique, l’analyse a priori des tâches que l’on va proposer à l’élève permettra de dégager les procédures de résolution possible. Cette analyse à priori peut être mise en perspective d’une analyse à posteriori. Dans le cas d’évaluations, l’analyse à posteriori consiste principalement à étudier la production de l’élève au regard de ce qui est attendu et étudier globalement les résultats.


Brut. (2020, janvier). Comment Thierry Marx a fait de ses échecs un succès [Vidéo]. YouTube. https://youtu.be/HzTmxoriuWc

 Bibliographie

  • Scallon, G. (2004). L’évaluation des apprentissages dans une approche par compétences. Brussels : De Boeck Université.
  • De Vecchi, G. (2014). Évaluer sans dévaluer. Hachette éducation.
  • Roegiers, X. (2004). L’école et l’évaluation : des situations pour évaluer les compétences des élèves. De Boeck.
  • Perrenoud, P. (2004). Évaluer des compétences. L’éducateur, 8-11.
  • Gérard, F. M. (2010). Chapitre 15. L’évaluation des compétences à travers des situations complexes.
  • De Ketele, J. M., & Gerard, F. M. (2005). La validation des épreuves d’évaluation selon l’approche par les compétences. Mesure et évaluation en éducation, 28(3), 1-26.


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