Obama accède à la présidence des USA, en 2009, en utilisant massivement les réseaux sociaux (152 000 followers et près de 4 millions de fans sur Facebook). A l’instar des hommes politiques qui les utilisent de plus en plus, les managers les considèrent comme de véritables leviers professionnels. Il y a un an, le PDG de LinkedIn, Jeff Weiner, a ainsi affirmé qu’il « rêvait que les 3,3 milliards d’internautes » qui ont une activité professionnelle dans le monde deviennent membres de son site. Il a même abaissé l’âge d’accès à LinkedIn, de 18 à 13 ans, pour toucher la population des « digital natives » (15/25 ans). C’est Moreno qui a mis en exergue le rôle majeur des réseaux, dès 1933, en les analysant pour poser les bases de la sociométrie. Moreno a réussi à formaliser de façon objective les attitudes subjectives des personnes en relation. Il a ainsi ouvert la voie au développement des réseaux. Bien évidemment, les années 90 et la croissance de l’Internet ont accéléré ce phénomène.
Même si plusieurs définitions des réseaux existent, la plus courante présente le réseau comme « un ensemble de relations spécifiques dans un ensemble fini d’acteurs » (Lazega, 1998).
Paradoxalement, la recherche est restée assez peu développée dans ce domaine jusqu’aux années 2000, où l’on a commencé à s’intéresser aux réseaux sociaux numériques (RSN).
Même si la théorie des organisations a évolué de manière importante, passant d’un modèle bureaucratique fermé à un modèle fonctionnaliste, puis stratégique, aucune de ces approches ne permet de bien comprendre le phénomène social qui structure le management actuel.
C’est un problème pour l’enseignant qui manquerait d’éléments d’explication pour analyser une réalité connue des étudiants.
Un courant récent, le courant de l’encastrement (Granoveter, 2000) s’intéresse au rôle et au poids des réseaux dans le management. Les entreprises ne seraient guidées qu’en apparence par des logiques marchandes, le marché serait réellement encastré dans des phénomènes sociaux.
Les relations marchandes sont socialisées et les dirigeants n’obéissent plus seulement à une rationalité économique, mais plus à une combinaison de facteurs sociaux. Le rôle du capital social de l’individu semble de plus en plus important. Mais cette prise de conscience n’est pas générale et elle participe à la fracture sociale du marché du travail (insiders/outsiders).
Pour comprendre ces logiques, il faut étudier le rôle des réseaux sociaux dans la dynamique managériale et plus particulièrement des réseaux sociaux professionnels (RSP), LinkedIn et Viadeo, principalement.
Mais de quoi parle-t-on ? Le concept de réseau est très large et étendu. Il convient de le recentrer au niveau du manager pour mieux comprendre ce qu’il représente et ce qu’il peut véritablement lui apporter.
On dépasserait alors la dimension collaborative pour entrer dans une vraie dimension sociale (du collaboratif au social : l’avènement de la conversation). Ce n’est plus la logique hiérarchique ou fonctionnelle qui prévaut mais plus celle de la taille et du déploiement du réseau.
Une approche centrée sur l’utilisation massive des réseaux changerait les façons de travailler et impliquerait de nouvelles contraintes (d’où même l’avènement du community management).
Plusieurs problématiques traversent ce sujet : Qu’appelle t-on réseau ? Comment la théorie les présente ? Quel est leur véritable poids dans la dynamique professionnelle ? Pourquoi émergent-ils ?
Comment les RSP (réseaux sociaux professionnels) changent-ils la façon de gérer les ressources ? Quels sont leurs apports pour le manager ? Comment bien les utiliser (caractère discriminant) ?
La démarche (pour y répondre) sera d’en rechercher les dynamiques pour en expliquer l’émergence (1) puis d’en présenter les bénéfices pour le manager, à travers ses déterminants et leur fonctionnement (2).
1. Réseau et capital social : vers une dynamique des réseaux : approche globale (l’émergence et la théorie de l’encastrement, le rôle du capital social)
1.1. L’émergence des réseaux
On peut accorder la paternité des recherches sur les réseaux à Jacob Lévy Moreno (dans les années 30). Psychiatre et psychologue, Moreno a développé la sociométrie, en analysant les réseaux sociaux avec les outils de la psychologie sociale. Une définition générale des réseaux peut être adoptée, car elle est suffisamment précise, bien qu’ancienne : c’est celle de Barnes (1954). C’est une « structure sociale faite de noeuds qui sont généralement des individus et des organisations. Ils représentent des flux et des relations entre les gens, les groupes, les organisations... ». En allant plus loin, il estime que les réseaux sont : « un ensemble d’entités sociales telles que des individus ou des organisations sociales reliées entre elles par des liens créés lors des interactions sociales ». Ici, c’est la notion d’interactions qui nous intéresse et montre l’actualité de cette définition pourtant ancienne. C’est bien la principale caractéristique des réseaux actuels et qui constitue aussi son critère d’évaluation. Plus un réseau sera important et plus nombreuses seront les interactions, plus ce réseau se développera.
On admet que c’est AOL qui a initié les réseaux sociaux en lançant sa plateforme sociale, dès 1988. Elle associait les profils par intérêts. Mais le premier véritable réseau social s’appelait classmates.com. Il a été créé en 1995 par Randy Conrads pour remettre en contact des anciens camarades de classe. Il était centré sur les anciens élèves et préfigurait déjà le succès futur de Facebook. En France, c’est Copainsdavant qui a démarré sur ce créneau (il existe toujours).
En 1997, SixDegrees.com apparait et propose l’ensemble des fonctions actuelles des réseaux sociaux. Son nom évoque la fameuse théorie des six degrés de séparation qui postule que nous pouvons atteindre n’importe qui au monde, via les réseaux, en utilisant au maximum 5 relais (nous reviendrons plus tard sur cette théorie). La création du premier véritable réseau professionnel, LinkedIn, date de 2003. Mais son développement a été occulté par la formidable croissance de Facebook, dès son démarrage, en 2004. Limité aux étudiants de Harvard, au début, le site s’est ouvert dès 2006, pour devenir le premier réseau de la planète, revendiquant 1,23 milliards d’utilisateurs (Février 2014) ! C’est aussi en 2006 que Twitter, spécialiste du microblogage, émerge et commence son développement.
Comme notre article est plutôt centré sur les réseau professionnels, et plus particulièrement sur LinkedIn et Viadeo, il convient de revenir sur l’émergence de ce type de réseaux.
1.1.1 L’émergence des RSP (réseaux sociaux professionnels)
C’est en 2004, que Dan Serfaty et Thierry Lunati lancent la plateforme Viaduc pour rapprocher les acteurs du monde entrepreneurial, qui atteint le million de membres en 2007 en devenant Viadeo. Après un développement remarquable, marqué par l’acquisition d’autres réseaux et la signature de partenariats stratégiques (CCI, Pôle Emploi, Orange), Viadeo revendique aujourd’hui 60 millions de membres, dont 9 millions en France et a fait son entrée en bourse au mois de Juin. Viadeo adopte une stratégie de développement multi-locale, en s’adaptant aux particularités de ses marchés et de ses membres. Elle est leader en Chine, avec plus de 20 millions de membres (à travers sa filiale, Tianji). Certains secteurs sont largement représentés, affirmant le caractère professionnel de ce réseau. 83 % des utilisateurs ont plus de 25 ans, et on les retrouve, à plus de 40 %, en Ile-De-France et souvent dans des grandes organisations.
Son grand rival, LinkedIn, existe depuis fin 2002. L’expérience LinkedIn voit le jour après six mois de travail et n’est pas un succès immédiat, seulement quelques 20 inscriptions se font dans les premiers jours. Un mois après, 4 500 membres composaient la communauté. Un an après, c’est 100 000 membres qui formaient le réseau LinkedIn. Cette croissance est notamment due à l’ajout du carnet d’adresses comme on peut le voir sur ce visuel :
En 2005, LinkedIn compte plus de deux millions d’inscrits. Cette année signe également l’introduction de l’onglet « Jobs » pour trouver du travail en ligne. Un an plus tard, les profils publics sont créés, permettant aux utilisateurs de remplir de manière très détaillée leurs informations. C’est également à ce moment là qu’est ajoutée la fonction « Personnes que vous pourriez connaître ». Cette fonction va accélérer le processus de développement, en même temps que LinkedIn passe à l’international et ouvre un bureau à Londres. Le site devient désormais disponible en espagnol et en français. C’est le début de son expansion. La véritable accélération commence en 2010, à la fin de cette année, le réseau social compte 90 millions de membres et 10 bureaux dans le monde. Un an plus tard, les 100 millions de membres sont dépassés et LinkedIn entre en bourse. Aujourd’hui, le réseau revendique presque 300 millions de membres. Ses chiffres clés sont présentés sur le visuel suivant :
Même si les chiffres plaident en sa faveur, beaucoup d’utilisateurs, en France, sont inscrits à la fois sur Viadeo et LinkedIn. Leurs fonctions se ressemblent, ainsi que les caractéristiques de leurs membres.
Dans l’optique de notre article, nous nous focaliserons donc, principalement, sur ces deux sites, archétypes des réseaux sociaux professionnels.
Ceux-ci font l’objet d’analyses de la part des chercheurs de différentes disciplines (sciences de l’information, sciences de gestion, mathématiques...).
Deux grandes approches, très différentes, peuvent être mises en avant.
Dans le même esprit, Xing est un service en ligne qui permet de construire et d’agréger son réseau professionnel. C’est un réseau de connaissances qui facilite le dialogue entre professionnels. Pour ses membres, c’est aussi un outil de gestion de réputation en ligne et de personal branding. C’est un site allemand qui insiste beaucoup sur la sécurisation des données et se définit comme une plate-forme de networking professionnel. Le site est en anglais mais avec des modules traduits (en français) et insiste sur la fonction de recrutement. Une étude statistique de 2012 le classait 269e site mondial. Environ 6 % des visites du site sont dûes à son référencement sur les moteurs de recherche. Comparativement à la population globale d’Internet, le public de ce site a tendance à être des utilisateurs se connectant depuis leur lieu de travail. Le site séduit davantage des hommes, sans enfants, âgés de 25 à 55 ans, ayant fait des études supérieures et qui ont des revenus de plus de 30 000 dollars/an.
1.1.2 Les deux approches des réseaux (mathématique/anthropologique)
Deux grandes approches, aux démarches méthodologiques différentes, se dégagent. La première est celle de l’école de Harvard, connue sous le nom de « social network analysis » (SNA). Elle prend appui sur le formalisme mathématique et la modélisation et cherche à expliquer les réseaux. La seconde est celle de l’école de Manchester, plus orientée vers les sciences humaines, plus particulièrement l’anthropologie. Elle s’appuie sur des démarches qualitatives, dans une visée compréhensive. L’auteur de la première véritable définition des réseaux sociaux, Barnes, représente cette école en cherchant à rendre compte des comportements individuels dans des environnements sociaux complexes.
Si l’on cherche à comparer les deux approches, on retrouve plus une opposition de fonds. L’approche mathématique cherche à réaliser une transcription globale des données sociales sous forme de réseau alors que l’école de Manchester privilégie l’exploration des relations personnelles, en contradiction avec l’appartenance aux catégories professionnelles.
Le postulat de cette école est que les individus appartiennent simultanément à différents groupes sociaux, ce qui renforce l’intérêt de ces réseaux. L’école de Manchester propose alors d’explorer la configuration du réseau personnel d’un individu, c’est à dire une véritable « analyse de réseau » et non une description correcte des interactions, comme cherche à le faire l’école mathématique. Cette opposition reste majeure dans la recherche, même si la pratique des réseaux semble favoriser l’analyse de l’école de Manchester, tant dans ses fonctionnalités (contacts interpersonnels) que dans ses possibilités d’analyse (éléments de profil des membres du réseau).
1.2. Vers une dynamique des réseaux (réseaux encastrés pour une société réticulaire)
1.2.1 Un triple apport pour les sciences de gestion
L’analyse des réseaux constitue donc un véritable objet de recherche permettant un triple apport pour les sciences de gestion :
. Un nouvel élairage sur les pratiques coopératives :
La théorie des réseaux sociaux permet d’étudier simultanément une action et son contexte relationnel, c’est donc une théorie de l’action (Huault, 2008) qui explique le comportement des individus à travers les caractéristiques des réseaux (taille, densité, liens...). La théorie des « trous structuraux » (Burt, 1992) met en évidence l’intérêt d’un réseau riche en contacts non redondants (sans relation entre eux), ce qui permet l’accès à une quantité et une variété de ressources plus importantes.
. Une analyse des modes de coordination des activités individuelles :
L’analyse peut également être conduite en référence à la notion de capital social (Coleman, 1990). Celui-ci représenterait « certains aspects de la structure sociale qui facilitent les actions des individus dans la structure ». Le réseau social, vu de cette manière, favorise la circulation de l’information mais aussi la solidarité et la coopération. Le capital social peut être alors vu comme un bien collectif qui permet de réduire les coûts de coopération (Van Buren et Leana, 1999). Ce capital social facilite alors le partage de connaissances et la création de capital intellectuel.
. Une approche des modes de gouvernance :
Une analyse au niveau des entreprises (Huault, 2004) montre que le réseau social peut être envisagé comme un mode de gouvernance lorsque les entreprises se développent au sein de réseaux constitués. L’analyse des réseaux permettrait d’expliquer certains développements de secteurs (Granoveter, 1993).
Ce qui ressort de ces analyses, c’est le lien entre le développement du réseau personnel et l’importance du capital social pour les individus. La recherche s’est penchée depuis longtemps sur le phénomène.
1.2.2 Le poids du capital social (les RS discriminants)
Dans son ouvrage récent, « Sociologie des réseaux sociaux » (La Découverte, 2014), Pierre Merckelé s’interroge sur les fondements du capital social. Il part de la notion de sociabilité, « ensemble des relations qu’un individu entretient avec les autres, et les formes que prennent ces relations ». Il postule que la sociabilité suppose le réseau, structure idéale et trame d’une relation entre égaux. Comme d’autres chercheurs, il trouve dans les réseaux la possibilté, pour des individus occupant des positions différenciées, d’observer une relation égalitaire. La sociabilité constitue alors une forme de l’action réciproque (Simmel, 1917). La recherche moderne a précisé cette approche en étudiant les caractéristiques des interactions et leur intensité. Il existe donc un lien entre l’intensité des relations et la croissance du capital social.
La définition du capital social a évolué. Selon Bourdieu, c’est « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées, d’interconnaissances et d’interreconnaissance » (Bourdieu, 1980). Il s’agit d’une vision utilitariste des relations sociales ; Bourdieu considérant le temps investi comme une « forme de travail social » (Bourdieu, 1984). Cependant, Bourdieu minimise le rôle du capital social au profit du capital économique. Il précise que celui-ci n’aurait qu’un effet multiplicateur et serait proportionnel aux dotations en capital économique d’un individu. Cette thèse a été remise en question dans les années 90, en particulier par Nan Lin.
Dans un ouvrage célèbre (« Social capital, a theory of social structure and action », Cambridge university, 2001), Nan Lin ébauche les fondements d’une théorie du capital social en analysant les ressources sociales des individus. Pour lui, le capital social est « l’ensemble des ressources insérées dans les réseaux sociaux disponibles et utilisées par les acteurs pour l’action ». Son entrée est double : individuelle (acteur pour l’action) et collective (ensemble des ressources dans les réseaux sociaux) à la fois. C’est une approche globale qui dépasse l’approche collective de Bourdieu.
Nan Lin précise que l’interaction existe entre deux individus dôtés de façon proche, ce qui représente une certaine « homophilie » des réseaux sociaux. Par des actions expressives, les individus développent des interactions homophiles (partage de discussions, de ressources) qui développent le réseau. La position dans le réseau sera différente suivant les individus et le succès d’une action sera relié au capital social.
Nan Lin en déduit alors, comme Granoveter qu’il existe une « force des liens faibles » (Granoveter, 1974), à travers l’existence de ponts (Bridges) entre les cercles pour accéder à de nouvelles ressources sociales.
Il postule également qu’il existe une « force des liens forts », car plus la position est élevée, plus le capital social est bénéfique dans le cadre d’une action expressive. La position dans le réseau est aussi très importante (notion de dépendance structurale), ce qui est flagrant pour des individus très connus dans leur domaine, qui entretiennent des liens forts avec des individus situés au même niveau qu’eux.
Le schéma suivant décrit l’influence de trois variables sur le stock de capital social : la position dans la structure, la position dans le réseau et le but de l’action. C’est à ces conditions que le capital social peut se développer et entrainer des gains en retour.
Dans une approche inspirée de la théorie des jeux, Nan Lin estime que les interactions sont configurées à partir d’un schéma rationnel où l’individu recherche un gain dans l’entrée en relation (accès à un carnet d’adresses, potentiel professionnel...). Il voit l’échange comme, à la fois, une transaction (au sens de Williamson, donc avec des coûts) de ressources et une relation. La récompense de ce développement de capital social se retrouve dans la réputation. L’analyse est très actuelle car on remarque de nombreux articles sur la « e-réputation » et un recours systématique des recruteurs aux recherches Internet sur un candidat.
L’accroissement du réseau social serait donc une finalité pour des individus qui le favoriseraient par rapport au développement du capital économique. Le mécanisme de rétribution est expliqué de manière assez précise dans cette figure :
Le lien avec le développement des réseaux sociaux professionnels est évident. L’accroissement du nombre de contacts va permettre à un individu d’être proposé à d’autres contacts potentiels et va lui ouvrir d’autres cercles de relations avec la possibilité d’accroître sa réputation (par l’écriture d’articles professionnels). Plus son réseau sera étendu, plus ses demandes de contacts, avec des individus mieux placés dans le réseau (au niveau vertical), auront des chances d’aboutir.
Une expérience très simple a été réalisée sur Viadeo, avec une demande de contact à un journaliste célèbre au moment où le réseau personnel était embryonnaire (moins de 100 contacts)... restée sans réponse. La même demande, l’année suivante, avec un réseau à 800 contacts a obtenu une réponse positive, illustrant parfaitement le schéma de Nan Lin.
1.2.3 Le capital social comme ressource spécifique
On peut également se demander, à l’instar de certains chercheurs (Merckelé, 2014) si le capital social est une « ressource spécifique ». Le capital social mobilisé a bien un effet propre (Forsé, 1997). Dans une enquête, déjà ancienne, de l’INSEE en 1994, on estimait que 35 % des personnes ayant trouvé un emploi le devaient à leur réseau personnel. Forsé montre que le capital social n’est pas réservé à une élite ou à une catégorie sociale. Son effet vient renforcer celui des autres facteurs (diplôme, origine sociale). Pour illustrer cette approche, une étude canadienne a montré que la sortie de l’aide sociale était principalement dûe au capital social (Lévesque, 2001).
La question de la mesure du capital social génère des débats, car elle ne se limite pas au volume de contacts ou au carnet d’adresses. C’est la capacité à le mobiliser qui reste le vecteur dominant (De Graaf, 1988). Pour ce dernier, le capital social est « le produit de la taille du réseau personnel, du volume des ressources de ce réseau et des chances d’accès à ces ressources ». Le capital social inclut donc les relations indirectes, ce qui est un des fondements des réseaux professionnels type Viadeo ou LinkedIn.
On retrouve alors la conception actuelle qui prédomine dans le développement de ces réseaux, basée sur les notions de liens faibles et de trous structuraux.
Granoveter (1973) définit le lien comme une « combinaison de la quantité de temps, de l’intensité émotionnelle, de l’intimité et des services réciproques ». Contrairement aux liens forts qui ne constituent pas de ponts entre les individus, les liens faibles procurent des informations aux individus qui ne sont pas disponibles dans des cercles restreints. C’est la fameuse théorie de la « force des liens faibles ».
Le schéma suivant illustre cette approche, en mettant en relief les liens entre les sous-groupes via des « ponts » :
Pour compléter cette approche, la théorie des trous structuraux présente l’intérêt du « tertius gaudens » (troisième larron) qui est en relation avec deux acteurs qui ne sont pas en relation entre eux (Caplow, 1968). Le trou structural désigne alors la séparation entre deux contacts non redondants (Burt, 1992) et permet l’accès à de nouvelles ressources. Les américians en ont fait un système de vente (vente à domicile) et c’est le point central qui permet le développement des réseaux professionnels, type Viadeo ou LinkedIn, car la recherche en mots clés donne la possibilité de se connecter « par profil » à un individu, en sachant s’il est déjà en relation avec des membres de notre réseau. Une stratégie d’extension par les trous structuraux peut alors co-exister en parallèle d’une stratégie de renforcement de liens autour d’un cercle plus restreint. Burt démontre ce phénomène dans l’exemple suivant présentant deux réseaux différents de cadres, avec le même nombre de contacts directs (5) mais pas la même efficacité en termes d’accès à l’information (le réseau de Jules permet un accès plus important du fait de trous structuraux).
La stratégie, selon Burt, consisterait à multiplier les relations et à minimiser les connexions entre-elles.
Cependant, l’approche de Burt a été critiquée. Les résultats seraient aussi liés aux caractéristiques spécifiques des populations présentes sur ces réseaux (Lemieux, 1999). Les relations seraient également caractérisées par l’asymétrie (notion de proximité). Pour compléter sa théorie, plus récemment, Burt propose d’intégrer la notion de confiance et de réputation (Burt, 2006). La confiance est nécessaire lors de l’engagement réciproque dans une relation et elle est proportionnelle à la réputation. Il est ici question de densité du réseau et d’intensité des relations. Freeman propose de s’intéresser à la centralité (position au sein du réseau) et il propose trois indicateurs de centralité (Freeman, 1979) :
- La centralité de degré (nombre de contacts) ;
- La centralité de proximité (longueur entre les contacts) ;
- La centralité d’intermédiarité (nombre de chemins passant par un individu).
En combinant l’approche de Granoveter (force de liens faibles), celle de Burt (trous structuraux) et celle de Freeman (centralité) on peut actualiser la notion de capital social en lui trouvant deux formes (Godechot et Marot, 2004), combinées à travers les réseaux ;
- Une forme individuelle, s’appuyant sur le réseau et la force de ses liens faibles ;
- Une forme collective qui intègre la centralité pour expliquer, par exemple, les formes de défense de groupes sociaux et de reproduction sociale. Viadeo et LinkedIn proposent ainsi des « hubs » permettant de rapprocher des individus aux caractéristiques similaires (pour échanger ou se mobiliser).
Au-delà du poids du capital social, l’organisation en réseaux caractérise donc une société réticulaire dans laquelle l’acteur réticulaire cherche à être performant.
Dans un ouvrage important, Pesqueux et Ferrary, analysent l’organisation en réseaux (« L’organisation en réseaux, mythes et réalités », PUF,2004) et s’interrogent sur le rôle du capital social dans la performance de l’individu ainsi que les pratiques de management visant à accumuler du capital social.
Une société réticulaire modifie la distribution du pouvoir et prends le contre-pied d’une société centralisée et pyramidale traditionnelle ; les liens se tissent et l’individu accumule le « plus » et le « mieux » du capital social, et va ainsi obtenir une position incontournable dans la société. La figure suivante le schématise :
Cette approche théorique montre bien sur quels principes fondateurs se sont développés les principaux réseaux professionnels. Il convient d’en définir les spécificités pour mieux chercher leurs déterminants, afin d’en comprendre les finalités.
2. LES RSP, quels apports pour quelles pratiques en management ?
2.1. Vers une définition des réseaux professionnels et de leurs déterminants (les réseaux et leurs déterminants)
2.1.1 Réseaux sociaux et réseaux sociaux professionnels
Les définitions théoriques vues plus haut ne suffisent pas à distinguer les réseaux sociaux professionnels des réseaux sociaux. Leur développement rapide rend difficile la cartographie de ces réseaux, qui évolue, par définition, de manière très rapide.
En 2008, Dominique Cardon, sociologue au laboratoire Sense d’Orange Labs, propose une typologie des plateformes relationnelles du web 2.0 qui s’organise autour des différentes dimensions de l’identité numérique et du type de visibilité que chaque plateforme confère au profil de ses membres. Il cherche à savoir ce que l’on veut montrer de soi aux autres et quels sont les liens qui sont tissés par leurs membres.
Les réseaux diffèrent suivant leurs objectifs et leurs modalités d’action.
En plaçant les principaux réseaux sociaux existants sur deux axes (projection/réalité et être/faire), Dominique Cardon trouve cinq « familles » de réseaux :
- Les paravents : ne sont visibles aux autres qu’à travers un moteur de recherche fonctionnant sur des critères objectifs. C’est le cas du fameux site « Meetic », qui permet des rencontres par « affinités » (les critères).
- Les clair-obscurs : Les participants rendent visibles leur intimité, leur quotidien et leur vie sociale, mais ils s’adressent principalement à un réseau social de proches et sont difficilement accessibles pour les autres. On peut surtout citer des blogs qui regroupent des cercles restreints aux liens forts.
- Les post-it : Les participants rendent visibles leur disponibilité et leur présence en multipliant les indices contextuels, avec une très forte importance du temps et de l’espace. C’est le cas de Tweeter.
- Les lanterna magica : les participants se cachent derrière des avatars, dans un monde virtuel. Le réseau « Second Life », souvent utilisé pour des recrutements, l’incarne parfaitement.
- Les phares : Les participants rendent visibles de nombreux traits de leur identité, leurs goûts et leurs productions et sont facilement accessibles à tous. Ils partagent des contenus, les personnes créent de grands réseaux relationnels qui favorisent des contacts beaucoup plus nombreux et recherchent l’accroissement de leur e-réputation, tout en développant leur réseau à partir de liens faibles. C’est ce dernier type de réseaux qui regroupent les réseaux sociaux professionnels qui nous intéressent, dans cet article (Viadeo, LinkedIn, Xing). On se trouve au croisement du « faire » et du « réel », avec une vocation utilitariste de ces réseaux.
Dans une carte suivante, Cardon présente la forme des réseaux et on voit bien que les réseaux professionnels correspondent aux modèles théoriques de Granoveter et Burt (voir 1) :
On peut alors parler d’une véritable dynamique de réseau, opportuniste (le réseau propose aux membres des contacts qu’il ne connaît pas) et calculatrice.
En 2006, Girard et Fallery ont cherché à catégoriser les réseaux sociaux à travers leurs objectifs, en établissant le tableau suivant :
Ce qui est intéressant, c’est d’avoir « isolé » Viadeo, LinkedIn et Xing en les caractérisant de RS de « réseautage ». Cette fonction est primordiale et constitue la raison d’être de ces sites. Un peu plus tôt, Thelwall (2009) avait catégorisé les RSN selon leurs trois objectifs qu’il nomme respectivement : socialisation, réseautage et navigation (sociale). Ils postulent que de nouveaux enjeux apparaissent dans le cadre de l’entreprise ; en particulier :
- La collaboration des parties prenantes,
- Le partage des connaissances,
- De nouvelles formes d’expression.
Dans cette logique, les réseaux sociaux professionnels (RSP) occupent donc une position un peu particulière au sein de la « galaxie » des réseaux.
Dans la dernière version du panorama des réseaux sociaux, les trois acteurs majeurs (Google, Twitter et Facebook) sont au centre de tout et deviennent « généralistes » en prenant de l’ampleur. Cependant, les réseaux professionnels continuent d’occuper une place particulière, autour de leur finalité (réseautage) :
Leur finalité principale consiste à rejoindre d’autres membres afin de développer, autour de soi, son propre réseau. C’est donc la stratégie des membres qui est liée au type de réseau que l’on fréquente. On peut le voir sur l’infographie suivante qui insiste sur les objectifs spécifiques de chaque type de réseau :
2.1.2 Viadeo et LinkedIn, deux modèles concurrents
Ces deux réseaux sont les principaux RSP (réseaux sociaux professionnels) de réseautage, en France. Très souvent, les membres ont la double inscription. Certains points les rapprochent.
Ils offrent des fonctionnalités similaires, autour du même objectif : développer son réseau professionnel. Le profil du membre contient les mêmes informations, articulées autour de la même logique (une sorte de CV développé). Les membres rédigent un texte de présentation, sorte de « pitch » permettant la poursuite de la lecture. Ensuite, ils peuvent choisir de développer les expériences (pour les confirmés) et/ou les formations (pour les débutants). La console donne accès aux informations sur le réseau du membre et à certaines activités sur le réseau, comme le partage d’articles ou des références d’ouvrages « de chevet » de la personne.
Les deux sites exploitent une système ancien remis au goût du jour : les recommandations. Elles rappellent les « références » des années 60 qui permettaient de pousser une candidature. Les membres demandent à certains de leurs contacts de les recommander, pour illustrer une compétence ou accompagner une expérience.
Les groupes de discussion sont également présents sur les deux réseaux et permettent aux membres de montrer leurs centres d’intérêt et de se positionner en tant qu’expert sur certains sujets (en rédigeant des billets ou en réagissant à des discussions). Les deux réseaux proposent des pages entreprises pour renforcer la présence et l’image des entreprises en question, sur les réseaux.
Enfin, et c’est une fonction importante, ils proposent tous les deux des offres d’emplois, ajustées aux profils des membres.
Chaque réseau propose un accès gratuit, avec les fonctionnalités de base mais aussi des accès payants, permettant des actions plus ciblées et un accès plus approfondi aux profils des autres membres.
En termes de spécificités, chacun cherche à se démarquer de l’autre de manière significative, en revendiquant un public différent. Une étude récente de Cyril Baldier présente les différences de base :
Il en conclut que Viadeo reste calé sur le marché français, avec une présence importante de jeunes diplômés débutants et de cadres opérationnels. Le site est orienté « recrutement ».
Pour LinkedIn, le positionnement international modifie le profil des membres, avec plus de « PCS ++ » et de nombreux décideurs. C’est aussi un site orienté recrutement mais sur lequel on se doit de soigner sa « e-réputation » professionnelle, par le jeu des recommandations.
Pour affiner la comparaison, nous avons extrait le profil d’un membre qui a entré les mêmes informations sur les deux sites. Il s’agit d’un étudiant diplômé du BTS MUC en 2014 et qui suit une licence professionnelle en apprentissage en 2014/2015. Il peut déjà se prévaloir d’une certaine expérience professionnelle, car il est passé par un Baccalauréat professionnel et a travaillé le week-end pendant sa scolarité de BTS.
Voici la comparaison, à partir d’un cas réel, en trois temps :
Le « haut » de profil :
Les deux présentations s’inspirent du CV mais celle de Viadeo est plus centrée sur la personne, qui occupe la totalité de la largeur de la page, contrairement à LinkedIn qui intègre une colonne avec les profils similaires et les autres pages consultées. La présentation de Viadeo semble plus fluide mais moins precise ; l’accroche de LinkedIn permettant des fonctions variées (envoyer un message, obtenir les coordonnées). La possibilité d’insérer le CV en miniature sur LinkedIn montre bien l’orientation « recrutement » prise par le site alors que Viadeo intègre un onglet « ma bibliothèque » dans la colonne de droite pour renseigner un peu plus sur les centres d’intérêt de la personne. On peut également remarquer la précision, a priori, plus importante de la console LinkedIn avec des éléments statistiques visibles en haut à droite (nombre de messages, vues) mais ils sont visibles sur Viadeo également. C’est au niveau de l’accroche que les deux sites ont fait un choix différent, Viadeo privilégiant la phrase mise en valeur (citation, proposition) lorsque LinkedIn se contente d’une accroche plus longue et plus classique, décrivant le poste actuel ou recherché (toujours dans une optique de recrutement).
Les compétences / parcours :
VIADEO | |
---|---|
C’est sur ce point que l’approche diffère le plus. LinkedIn, qui revendique une utilisation plus tournée vers le recrutement, insiste sur les compétences, intégrées à l’expérience, qui n’est pas sans rappeler une approche utilisée par les conseillers en bilan de compétences ou des formateurs en techniques de recherche d’emplois. Les compétences peuvent également être « certifiées » par des membres du réseau, comme une forme de référence (ils s’engagent). Cette partie débouche naturellement sur le bloc « formation », comme dans un bon CV de professionnel.
Viadeo préfère dérouler le parcours de manière chronologique, ce qui permet au recruteur de comprendre l’évolution du candidat mais qui nuit un peu à l’émergence de compétences (sauf si le candidat le mentionne à chaque étape du parcours). Les compétences sont rejetées dans une cartouche finale (par mots-clés) et doivent être “validées” par des membres.
Le « bas » de profil :
VIADEO | |
---|---|
LinkedIn termine de manière logique par les recommandations et les relations, ainsi que les abonnements (à des pages entreprise). C’est visuel et assez précis et cela peut permettre d’évaluer le réseau du membre pour constituer un argument de plus pour le “rejoinder” (ou pas). Viadeo a choisi un système plus universel à base de pictogrammes (des étoiles qui viennent illustrer le niveau de compétences). Il est basé sur du déclaratif (c’est le candidat qui « évalue » son niveau), ce qui pourrait être reproché au réseau (sur quels critères ? avec quelle définition, relative, des degrés de maîtrise des competences ?). C’est donc plus synthétique mais aussi moins précis. La vraie valeur ajoutée du réseau est d’avoir pensé aux centres d’intérêt, sous forme de boutons actifs et également à des mots-clés qui facilitent la recherche et la mise en contact. LinkedIn termine par les profils similaires, un peu comme sur un site de vente (« ceux qui ont acheté le produit ont également acheté... »).
Pour résumer, les orientations des deux sites sont assez marquées (LinkedIn pour le recrutement et Viadeo pour le réseautage) même s’ils sont tous les deux assez généralistes et souvent utilisés par une base commune de membres (qu’il est impossible d’évaluer). De nombreux cadres s’inscrivent systématiquement aux deux (avec le même profil).
A travers ces deux exemples nous avons pu déterminer, de manière pratique, à quoi pouvait servir ces réseaux (essentiellement valoriser son identité professionnelle). La recherche s’est également penchée sur la question en recherchant les apports des réseaux
2.2. LES APPORTS DES RSP
2.2.1 Les fonctionnalités de base
En cherchant à éclaircir la définition des réseaux sociaux numériques, Girad et Fallery ont mis en perspective les fonctionnalités des réseaux (2008). Trois objectifs sont distingués :
- La socialisation, qui est la raison d’être de ces réseaux et le moteur des réseaux les plus célèbres (Facebook).
- Le réseautage, qui est une fonctionnalité plutôt professionnelle, permettant les relations d’affaires et le recrutement.
- La navigation, qui permet aux membres de trouver des informations ciblées, en naviguant sur le site.
Pour Girard et Fallery, les réseaux sociaux professionnels ont une vocation plus précise qui découle de la raison d’être générale des réseaux. Si l’on s’en tient à LinkedIn et Viadeo, il s’agit avant tout du réseautage puis de la navigation ciblée.
De nombreux ouvrages « pratiques » existent pour expliquer à quoi peuvent servir les réseaux sociaux professionnels et comment bien s’en servir pour en optimiser les effets. Leurs titres sont évocateurs : « Réussir grâce aux réseaux sociaux » (Larousse) ou « Réussir avec les réseaux sociaux » (L’Express), mais également « Réseaux sociaux en entreprise, les bonnes pratiques » (Pearson). On pourrait continuer longtemps cette liste qui vante les apports, à certaines conditions, des réseaux sociaux professionnels. Pour certains chercheurs, il s’agit avant tout d’en comprendre les déterminants pour savoir comment évoluent les réseaux des managers influents (Ventolini, 2010). Une étude menée sur 196 managers montre une différence entre les types de réseaux, suivant leur structuration. La distinction entre les apports respectifs des réseaux ouverts et des réseaux fermés devient pertinente (Ventolini, 2010).
Les réseaux ouverts, constitués de plus de membres, utilisent les approches (voir infra) liées aux trous structuraux et à la diffusion globale du réseau. Ces réseaux permettent la recherche d’opportunités et la prise d’informations. L’analyse de l’hétérogénéité des contacts montre que plus le manager aura une position hiérarchique élevée, plus il pourra obtenir des ressources auxquelles il n’aurait pas accès (expertises diverses par exemple). Un réseau hétérogène apporte également une meilleure connaissance des évolutions professionnelles possibles (Higgings, 2000). Plus l’information constitue une ressource importante, vectrice d’opportunités, plus le réseau a intérêt à être ouvert. Certains managers, l’ouvrent volontairement, dans une logique de coopétition (leurs concurrents et les clients de leurs concurrents sont dans le réseau).
Les réseaux fermés comportent aussi leurs avantages. Ils génèrent des relations de solidarité, entre pairs et proches, autour de certaines valeurs partagées (même entreprise, même formation...). Le bénéfice peut être réel en termes d’apprentissage organisationnel, pour un jeune diplômé (Higgins, 2001), en particulier dans les métiers du conseil ou les professions juridiques. L’intégration des normes et valeurs du groupe constitue un facteur d’évolution professionnelle (Baron, 1997).
En fait, les managers, très présents sur les réseaux, développent les deux formes de réseaux, pour combiner leurs avantages et répondre à deux grandes stratégies de carrier :
- Développer le réseau fermé permet la mobilisation d’un groupe dans une concurrence contre les autres groupes, il favorise la défense des intérêts et une forme de reproduction sociale (Godechot et Mariot, 2004).
- Développer le réseau ouvert donne un avantage concurrentiel à l’intérieur du groupe (le membre a de nombreux contacts et il peut facilement être accepté lors de ses demandes de contacts).
Les chercheurs ont également tenté de mettre en exergue les déterminants du réseau professionnel. Le comportement de l’individu constitue un déterminant dynamique. Le « networking » serait une compétence à part entière (DeFillippi et Arthur, 2004). Certains membres sont passés maîtres dans l’art de faire évoluer, chaque jour, leur réseau par différents moyens (nouveaux contacts, réactions à des discussions, brèves postées, amélioration de leur profil). Chaque nouvel élément génère une information à l’ensemble du réseau et « entretient » le profil. A l’inverse, certains profils sont « dormants » (pas de photo, peu de contact, pas de participation à la vie du réseau). Le manager peut choisir l’orientation à donner à sa participation, à condition d’être proactif. Il doit répondre vite aux sollicitations, mettre en place une certaines « symétrie » dans les relations (visiter un profil qui l’a visité ou recommander quelqu’un qui l’a recommandé). L’adaptabilité sociale constitue un élément majeur permettant le développement du réseau (Kilduff, 1994).
Le design du poste, c’est à dire la qualité du profil professionnel, en référence à sa position dans l’organisation et à ses responsabilités, constitue un autre déterminant du réseau (Podolny, 1997). Trois éléments sont corrélés aux mesures des relations structurales dans le réseau : l’autonomie, la variété des compétences et l’importance de la fonction (Brass, 1981).
On peut donc penser que le réseau social professionnel semble plutôt construit par l’action de l’individu et n’est pas hérité de sa position sociale. On peut voir que certains profils très complets, au réseau fourni, correspondent à des postes a priori « subalternes », mais l’action de l’individu a permis la démultiplication des contacts et la présence active au sein du réseau.
On peut donc se demander quels bénéfices respectifs peut-on tirer d’une présence active sur les réseaux sociaux professionnels, tant pour les managers que pour les entreprises. Trois grands bénéfices partagés par les entreprises et les managers peuvent-être identifiés : le recrutement (objectif initial de certains RSP), les opportunités d’affaires, et le travail collaboratif.
. Le recrutement :
« Si vous n’avez pas votre profil sur LinkedIn, vous n’existez pas. » C’est l’avertissement que lance le magazine américain Fortune aux chercheurs d’emploi. C’est donc la fonction initiale des RSP. LinkedIn s’avère être un véritable outil de recrutement pour les entreprises et plus particulièrement pour les professionnels du recrutement. Des fonctionnalités récentes ont été développées dans cette direction : « talent direct » qui permet de contacter les candidats potentiels par l’envoi de messages qui apparaissent sur leurs pages d’accueil ou « apply with LinkedIn », plugin qui permet au candidat de postuler directement depuis son profil, en sachant qui, dans son réseau, est dans l’entreprise. Quant aux « groupes », ils demeurent un moyen intéressant pour « réseauter », surtout pour les diplômés de grandes écoles. Le groupe « HEC Paris » sur LinkedIn réunit ainsi près de 7 000 profils !
Les entreprises sont encouragées à utiliser les solutions de recrutement proposées par LinkedIn, à travers une page de cas d’entreprises.
LinkedIn permet également à chaque membre de postuler pour un poste précis, à l’aide d’un moteur de recherche interne. Le candidat prend alors connaissance de l’annonce mais aussi du nombre de réponses à celle-ci, ainsi que des annonces similaires. L’application « premium » permet de voir dans le détail les profils de ses concurrents.
Quant à Viadeo, il permet de toucher, aussi bien les candidats passifs que les candidats déjà sollicités en insistant sur la communication de l’employeur. La notion de « recrutement passif » est typique des RSP car l’employeur ne produit pas d’effort formel (Yakubovich, 2006) et ce type de recrutement vient s’appuyer sur le « marché interne étendu » de l’entreprise (salariés et anciens salariés). D’après Google, le trafic mensuel de ce site est supérieur à celui de Monster, Cadremploi, Keljob et Apec réunis ! Le nombre important de profils de cadres confirmés attire les recruteurs, surtout dans certains secteurs (informatique). L’intérêt de ce réseau c’est le travail réalisé autour de la marque employeur, dans une logique de pré-sourcing. Certaines pages (les banques, les cabinets de conseil) sont très travaillées pour donner envie aux candidats de postuler. 60 % des cabinets de recrutement et 85 % des entreprises l’utilisent dans leurs procédures de recrutement.
C’est la réduction des coûts de recrutement qui motive essentiellement les employeurs potentiels (Moore, 2000). D’autre part, les recruteurs estiment que les RSP fournissent des viviers de candidats qualitativement plus « employables », car déjà soucieux de leur identité numérique et professionnelle (Fondeur et Lhermitte, IRES, 2006). Enfin, l’information sur les candidats serait socialement évaluée et filtrée (Autor, 2001), ce qui permettrait une relative prédictivité au recrutement. Viadeo a donc développé une solution intégrée, « Viadeo Recruiter », proposée aux entreprises.
Un tutoriel très précis permet de montrer les bénéfices de cette application, l’entreprise confiant une partie du sourcing des candidats à Viadeo. Si l’entreprise à un poste précis en tête, elle peut « créer un projet », qui équivaut à une offre d’emploi qui sera relayée sur le site et proposée aux profils adéquats.
Pour aller plus loin Viadeo propose la création d’un vivier de candidats potentiels, dans lequel l’entreprise pourrait puiser.
Au delà des possibilités techniques qu’offrent ces réseaux, les entreprises vont bénéficier des analyses statistiques et recoupements concernant l’identité numérique du candidat. Après avoir utilisé Google, ils vont systématiquement rechercher les profils des candidats sur les RSP. On recherche alors une « vision à 360 ° » des candidats (Balagué et Fayon), issue des recommandations données par l’ensemble des contacts des candidats.
Pour les candidats, on retrouve également un intérêt à fréquenter les RSP. Les DRH fréquentent les RSP et la moitié des contacts à leur initiative mène à une embauche. Il est donc facile de percevoir ce bénéfice dans le cadre d’une recherche d’emploi, mais moins évident de le comprendre au niveau de l’évolution interne. En effet, un manager, très actif au sein des RSP, va attirer l’attention de sa hiérarchie et même se faire remarquer par d’autres managers dans le réseau. Il étendra ainsi son influence professionnelle. Dans ses travaux sur la communication par les réseaux sociaux, Olivier Moch, précise le mode opératoire permettant de développer son influence professionnelle via les RSP. Il conseille de poster plusieurs nouvelles à caractère professionnel, par jour, sur un ton neutre. Il conseille également de participer à plusieurs groupes de discussion, ce qui constituera une forme d’identité professionnelle numérique. Il invite également les participants à envoyer des messages privés à des contacts, pour approfondir les échanges et favoriser les opportunités professionnelles. Il conseille également d’identifier les personnes-relais au sein des contacts, pour faire passer certaines informations ou joindre plus facilement certains profils.
Dans une étude récente (Janvier 2014), Chollet et Ventolini se demandent dans quelle mesure les RSP contribuent-ils à la carrière du cadre (« Le réseau personnel : quelles contributions à la carrière du cadre ? », étude de Grenoble école de management pour l’APEC). Pour eux, le réseau apporte cinq ressources :
- Un soutien « politique », en termes de pouvoir et dans l’optique d’une évolution professionnelle.
- Un conseil de carrière, une instance de discussion et de réflexion pour un individu, sur sa carrière.
- Une possibilité de mise en relation, afin de développer son réseau et de trouver des opportunités de carrière.
- Un soutien social, pour échanger sur des expériences.
- Une source d’inspiration, par la veille sur les RSP, en particulier autour de profils proches du candidat.
Les auteurs proposent également une intéressante typologie de réseautage des cadres, autour de trois profils :
- Les « politiques », qui recherchent un maximum de relations et de soutiens et se focalisent sur le réseau comme vecteur de carrière essentiel ;
- Les « développeurs », qui recherchent un maximum de mise en relation, dans une optique de performance et comme élément constitutif d’une compétence ;
- Les « scrupuleux » qui ne recherchent que quelques liens affinitaires, limités à leur environnement de travail.
Pour Cyril Bladier (in « La boîte à outils des réseaux sociaux », chez Dunod), il faut détailler son profil en travaillant ses mots-clés. Il s’agit également d’être pertinent en utilisant des verbes d’action et des chiffres pour montrer les résultats professionnels. Il rappelle la nécessité de contribuer aux discussions et d’être actif, car les recruteurs potentiels s’intéressent également à l’activité du candidat.
Une tentative de vision globale des différents sites avec les flux issus du candidat et ceux de l’entreprise a été réalisée par le site metiers-du-web.com :
Dans ce schéma, on peut voir que le recrutement 2.0 peut se substituer facilement au e-recrutement, car ce dernier supposait le passage par quelques plates-formes clés de recrutement. Avec le recrutement 2.0, les réseaux sont directement pourvoyeurs des informations et les enrichissent (recommandations, état du réseau, articles…). De plus, ce recrutement s’avère plus précis à travers des flux d’informations jusque là peu utilisés dans l’ancien système (flèches bleues), comme la marque employeur ou l’identité numérique du candidat. « L’appariement » entre candidat et recruteur est plus ajusté, avec moins de risque de turn-over pendant la période d’essai.
Dans cette « relation d’échange », il est intéressant de citer les travaux de Mauss sur la théorie du don/contre-don pour expliquer que les RSP pourraient présenter un caractère de réciprocité, en termes d’intérêts professionnels. Une forme d’investissement social serait réalisée afin d’y trouver une contrepartie (on donne pour recevoir).
. Les opportunités d’affaires :
C’est également un des moteurs des RSP. Ils représentent une nouvelle opportunité commerciale pour les entreprises et constituent un nouveau canal de distribution. Les RSP ne sont pas des sites de e-commerce mais ils permettent de générer des opportunités d’affaires. Les experts en communication insistent sur la fonction conversationnelle des RSP (Poinsot, 2010). Les articles, réactions et présentation permettent aux entreprises d’informer sur leurs produits et évènements et de générer des échanges autour de ces thèmes. L’analyse des réactions des internautes pourra conduire à des évolutions ou améliorations. Un autre fonction-clé a été décelée par les travaux des experts en communication : la fonction relationnelle. On dépasse alors l’approche traditionnelle de la relation-client pour une conception « 2.0 » du produit grâce à une nouvelle forme de relation-client (Poinsot, 2010). Si le marketing viral est plutôt l’apanage de réseaux comme Facebook ou Twitter, les RSP permettent plutôt de travailler sur sa e-réputation. L’entreprise pourra s’appuyer sur des relais d’opinion, souvent ses propres salariés, ou des bloggeurs réputés. Des « articles » publiés sur LinkedIn ou Viadeo, par l’intermédiaire de liens, vont générer du trafic autour d’un lancement de produit, d’un événement commercial. LinkedIn affiche du contenu « sponsorisé » en adéquation avec les profils, pour générer des discussions. Voici un exemple avec un message lié au lancement de la tablette Surface Pro 3 de Microsoft :
Viadeo utilise également les « messages sponsorisés », placés dans une cartouche, à droite de la page d’accueil :
Sur cet exemple, on retrouve deux publicités directes, Opel et Hiscox, ainsi que des liens permettant les mises en relations professionnelles avec des partenaires.
Des travaux de chercheurs américains (Pointer, Li, Cooke), dans les années 2007/2008, ont conclu à la nécessité d’une présence des marques sur les RSP, à condition d’accepter les risques liés aux échanges et discussions autour d’un produit.
Certains chercheurs se sont focalisés sur les opportunités d’affaires (Chabeud et Ngijol, 2010 dans la revue française de gestion). Dans un article de 2010, six cas d’entreprises sont exploités pour comprendre comment les entrepreneurs utilisent les RSP pour valider l’existence d’une opportunité d’affaires. L’entrepreneur a le choix de s’appuyer sur des liens forts (au sens de Granoveter, voir plus haut), ou sur des liens faibles (par la différenciation du réseau de base). Il ressort de cette étude que les RSP ont permis l’acquisition d’informations pour les entrepreneurs, sur le bien-fondé de leur projet et de leur modèle économique. Les RSP permettent ensuite d’acquérir des ressources, plus particulièrement des financements ou des ressources matérielles. Même si les sites de crowdfunding (financement participatif), comme Mymajorcompany, sont mieux placés pour collecter des participations d’internautes, les RSP peuvent mettre en relation un entrepreneur en phase de lancement avec un investisseur potentiel. Le RSP est également utilisé pour convaincre un distributeur de référencer un produit, le plus souvent novateur ; les distributeurs pouvant être convaincus par l’analyse du RSP de l’entrepreneur.
Dans une étude réalisée par Hubspot auprès de sa base de contacts, il s’avère que le trafic provenant de LinkedIn génère le taux de transformation le plus important face aux trafics issus de Twitter et Facebook (2,74 % pour LinkedIn contre 0,77 % pour Facebook et 0,69 % pour Twitter).
. Le travail collaboratif :
Le développement des RSP s’appuie également sur le travail collaboratif, surtout impulsé par la « génération Y », habituée à échanger et co-produire. Certaines entreprises préconisent d’utiliser les RSP comme substitution aux mails, pour travailler sur des projets communs. La synchronisation des comptes et la responsabilisation des salariés sont des préalables à l’efficacité du travail collaboratif. Les salariés jouent leur rôle d’ambassadeurs mais aussi de co-producteurs. Les organisations tournées vers les clients vont pouvoir favoriser la co-conception, en renforçant le pouvoir des clients, par l’utilisation de leurs commentaires (sur catalogue, en magasin…). L’Oréal développe des applications permettant aux clientes de lire en magasin les recommandations de leurs amies et les avis des autres clientes. Dell a su utiliser les RSP pour améliorer son image de service client (en particulier par la création d’un site). De nombreux experts prévoient le développement de lUGC (« user generated content », contenu généré par les consommateurs) et son utilisation par les entreprises au détriment de la communication classique « corporate ».
Pour permettre également de récupérer l’énergie des salariés sur les RSP, les entreprises mettent de plus en plus en place des applications internes. Orange a agrégé, par sa plate-forme Timeline, l’ensemble des comptes Twitter des salariés qui le souhaitaient. Microsoft France a développé une communauté interne, dès 2009. Beaucoup d’autres entreprises ont mis en place des outils divers (wikis, …) pour cadrer un peu les usages des RSP par leurs salariés. Globalement, quelques limites apparaissent nécessairement, vu l’ampleur du développement des RSP.
2.3. Des bonnes pratiques et des limites
La première est liée à l’Internet. Si, comme le prétendent certains journalistes : « l’important n’est pas ce que vous dites mais ce que Google dit de vous », on peut se demander comment éviter les erreurs lors de ses multiples communications sur les RSP. Un salarié qui s’intéresse à une annonce d’un concurrent peut-il être mis en cause par son employeur ? Qu’en est-il du respect de la confidentialité, le plus souvent lié à des clauses dans les contrats de travail ou des obligations liées au statut (pour le fonctionnaire, par exemple) ?
Les RSP posent le problème de la contradiction entre la liberté d’expression et les propos portant atteinte à la réputation d’une entreprise ou d’un de ses dirigeants.
Murielle Cahen, l’a très bien rappelé dans son article tiré d’Economie et Management (N° 141, 10/2011). Il existe une frontière floue entre publication privée et publique sur Internet. Le salarié est soumis à une obligation de loyauté envers l’employeur et ce dernier va pouvoir définir sa propre politique d’usage des RSP. Même une conversation entre membres, à propos d’une entreprise, pourrait être reprochée à son auteur si les propos sont ironiques ou calomnieux envers son entreprise. Les pages publiées sur les RSP ne font donc pas partie de la sphère purement privée et le dénigrement serait systématiquement passible d’un licenciement pour faute grave. Il s’agit donc pour les entreprise de prévenir de telles dérives en mettant en place des « bonnes pratiques ». L’ouvrage de Balagué et Fayon les développe particulièrement (« réseaux sociaux et entreprise : les bonnes pratiques », Balagué et Fayon, Pearson éditeur). Chaque chapitre se termine par des « recommandations », à l’usage des internautes mais aussi des entreprises. Axa parle à ses collaborateurs de « bon sens numérique » depuis 2010. Les auteurs rappellent le cas du responsable du pôle innovation de TF1 qui s’est fait licencier après une prise de position contre la loi HADOPI.
Fadhila Brahimi, spécialiste en stratégie de présence sur les RSP, précise que les profils sur LinkedIn ou Viadeo sont publics et qu’il existe une promiscuité de fait qui déclenche une perception au bénéfice ou non du membre. Ainsi chaque profil a une « quadruple dimension » :
- La perception de l’emploi et de l’employeur,
- Le potentiel d’employabilité,
- Le potentiel relationnel,
- Le capital passé, à travers l’historique du member.
Elle démontre que la vie privée a disparu et que les vies personnelles et professionnelles sont assimilées, aux yeux des visiteurs du profil. Chaque salarié a la responsabilité des « traces numériques » qu’il laisse.
Globalement, les RSP génèrent quelques effets négatifs, parfois étudiés par les chercheurs. Un article intéressant de la revue française de gestion (« Management et réseaux sociaux, jeux d’ombres et de lumières sur les organisations » Baret, Huault et Picq, RFG N°163/2006) en présente les principaux.
Les RSP sont sources d’exclusion vis-à-vis des personnes extérieures aux RSP, ce qui prive le réseau de membres potentiellement intéressants et le rend « exclusif ». Ensuite, l’insertion dans le RSP peut nuire à ses membres, à cause, paradoxalement, d’une densité trop forte. Celle-ci gênerait l’adaptation au changement (Benassi, 2000). Les RSP génèrent des comportements de conformité et entretiennent une forme de contrôle social, à l’instar des différentes affaires de licenciement suite à des déclarations sur les RSP. Enfin, c’est surtout sur les effets pervers induits que les auteurs de l’article insistent. Les RSP peuvent entrainer des externalités négatives (Portes,1998), à travers l’émergence de collusions et de clientélisme. Les comportements des membres seraient contraints et entraineraient une forme d’instrumentation des individus. D’après Bourdieu, on retrouve l’atomicité de la pensée utilitariste (Bourdieu, 2000), ce qui réduit le lien social à de simples jeux d’intérêts.
Au delà de ces critiques, nous devons constater que les RSP font partie intégrante de la vie professionnelle, plus particulièrement des cadres dans notre pays. Cependant, leur développement rapide et récent pose la question de la collecte des données sur les membres et du droit à l’oubli, difficile à faire respecter sur Internet. Quid d’un membre qui voudrait quitter les RSP ? Ses interactions et les éléments de son profil pourraient quand même être utilisés a posteriori. Et que se passe t-il lorsque le pouvoir change dans une enterprise ? On pourrait reprocher à un membre sa proximité avec des dirigeants de l’ancien système.
Les RSP constituent un formidable levier professionnel, surtout en termes de carrière et d’opportunités d’affaires, mais ils sont à l’image de notre société et s’inscrivent dans l’immédiateté et la pro activité ; ce qui suppose qu’il est difficile de structurer son RSP « sur le long terme » et ce qui oblige le membre à une présence quotidienne chronophage. Cependant, il est facile d’imaginer que dans un futur proche, les entreprises se détourneront des CV classiques pour préférer les e-portfolios dans lesquels le profil social est mis en avant. On pourrait même penser qu’une forme de scoring pourrait constituer une sorte « d’indicateur social », plus favorable à un membre actif, aux contacts nombreux. On ne se présenterait plus de manière « classique » (Je m’appelle « x », je suis « HEC » et j’ai 54 ans), mais en référence à sa présence sur les RSP (je suis « Y », j’ai 1 500 contacts, dont 1 000 profils ++ sur LinkedIn et 2 000 contacts sur Viadeo, dont 1 000 dans la haute finance). L’impact personnel sur les réseaux, par l’utilisation des RSP, favoriserait la dimension utilitariste de la démarche. On pourrait cependant s’interroger sur l’utilisation des données collectées sur un profil de membres et le droit à l’oubli d’un member qui souhaiterait quitter le réseau.
Bibliographie de base
Ouvrages :
- « Réseaux sociaux et entreprise : les bonnes pratiques », Balagué et Fayon, Pearson 2011
- « La boîte à outils des réseaux sociaux », Bladier, Dunod, 2012
- « Réussir avec les réseaux sociaux », Ruiz, L’entreprise 2011
- « Guide pratique des réseaux sociaux », Fanelli-Isla, Dunod, 2012
- « Réussir grâce aux réseaux sociaux », Jean-Baptiste et Lassalas, Larousse, 2011
- « Le community management », Chauvin, Lextenso éditions, 2011
- « L’organisation en réseau, mythes et réalités », Ferrary et Pesqueux, PUF, 2004
Articles :
- Chollet et Ventolini, « Le réseau personnel, quelles contributions à la carrière du cadre ? », APEC, 01/2014
- Séguin Bruno Louis et Roumieux Olivier, « Les organisations découvrent le (réseau) social », Documentaliste-Sciences de l’Information, 2010/3 Vol. 47, p. 24-25.
- Poinsot Thomas et al., « Du collaboratif au social : l’avènement de la conversation », Documentaliste-Sciences de l’Information, 2010/3 Vol. 47, p. 26-37
- Séguin Bruno Louis, « Sources et ressources », Documentaliste-Sciences de l’Information, 2010/3 Vol. 47, p. 68-68
- Ventolini Séverine, « Le réseau de développement professionnel des managers » Quels déterminants ?, Revue française de gestion, 2010/3 n° 202, p. 111-126.
- Chabaud Didier et Ngijol Joseph, « Quels réseaux sociaux dans la formation de l’opportunité d’affaires ? », Revue française de gestion, 2010/7 n° 206, p. 129-147.
- Fondeur Yannick et Lhermitte France, « Réseaux sociaux numériques et marché du travail », La Revue de l’Ires, 2006/3 n° 52, p. 101-131.
- Granovetter Mark, « L’influence de la structure sociale sur les activités économiques »,
- Sociologies pratiques, 2006/2 n° 13, p. 9-36
- Chauvet Vincent et Chollet Barthélémy, « Management et réseaux sociaux » Bilan et perspectives de recherche, Revue française de gestion, 2010/3 n° 202, p. 79-96.
- « ressources web », Sociologies pratiques, 2006/2, p 177/179
- Mousli, « les réseaux sociaux « professionnels » sur Internet, un outil puissant de recrutement », Alternatives Économiques, 01/2013
- Baret, Huault et Picq, « Management et réseaux sociaux, jeux d’ombres et de lumières sur les organisations », RFG n°163, 2006
- Fallery B., Girard A., (2009), « Réseaux sociaux numériques : revue de littérature et perspectives de recherche », AIM (AIM), juin, Marrakech, Maroc
Revues :
- Economie et Management, n°141, 10/2011 : « réseaux sociaux et identités numériques »
- Assitante plus, n°10, 05/2012 : « tirer parti de ses réseaux »
- Windows et Internet pratique, n°14, 2014 : « créez votre réseau professionnel »
Pour télécharger cet article au format pdf, cliquer sur le lien ci-dessous :