Classes flexibles : changer nos pratiques pour motiver les élèves

, par Cécile Sauvan, Pamela Favre

Qui n’a jamais rêvé d’une classe motivée, dans laquelle l’apprentissage semblerait plus accessible aux élèves et dans laquelle ils retrouveraient goût au travail ?
Face à des élèves qui ne savaient même plus pourquoi ils venaient en cours, c’était en tout cas notre rêve, et il nous paraissait inaccessible. Comment nous, simples professeures, allions-nous lutter contre la tendance de fond des élèves à perdre en motivation ? Ce « nous » est important. En effet, travailler en équipe a été déterminant dans le fait de remettre en question nos pratiques et réfléchir à d’autres pédagogies. Après tout, si l’on demande à nos élèves de travailler en groupe ou par projet, il est important de pouvoir l’appliquer à soi-même.


La question qui se posait ensuite était de savoir ce que l’on pouvait faire évoluer dans nos cours pour que les élèves regagnent en motivation et en confiance. Une formation « Classe flexible » organisée par Canopé nous a mis sur la voie : nos pédagogies devaient revêtir une dynamique plus participative, faisant de l’apprenant un acteur de ses apprentissages.


Après avoir tenté quelques changements dans nos pratiques, nous nous sommes interrogées sur notre environnement, ne pourrait-il pas, lui aussi, être vecteur de motivation ? Un changement en entraînant un autre, nous avons alors monté un projet CNR « Notre École Faisons-la Ensemble » afin d’obtenir les financements pour installer un mobilier qui soit davantage en adéquation avec nos nouvelles pratiques.


  • Les premiers pas

En septembre 2023, nous avons donc débuté l’année scolaire avec une nouvelle promotion d’étudiants et plein de projets pédagogiques en tête. L’été a été un temps précieux pour continuer notre veille sur la démarche de pédagogie active. D’ailleurs, ce n’est pas le seul nom que l’on peut donner à cette manière d’enseigner : pratiques coopératives, pratiques collaboratives, apprentissage par projet, pratiques innovantes, etc… autant de mots pour exprimer une envie d’enseigner différemment et surtout, de rendre l’élève acteur de ses apprentissages.


Les approches scientifiques sur le sujet ne sont pas récentes. Dès 1919, Dewey prône l’apprentissage par projet en incitant les élèves à se fixer des objectifs, à collaborer et à gérer leur temps de manière autonome. L’autonomie, justement, maître-mot de Freinet en 1920 quand il décide de mettre l’accent sur les pratiques coopératives et l’expression libre, encourageant la responsabilisation de l’élève à chaque instant. La fameuse méthode JIGSAW, ou classe-puzzle, est développée en 1971 par Elliot Aronson pour favoriser l’apprentissage coopératif. Elle encourage la collaboration et l’apprentissage mutuel en divisant les élèves en groupes d’experts et en les chargeant de partager ensuite leurs connaissances avec les membres d’autres groupes. Bref, toutes ces méthodes pédagogiques ont déjà été testées à de multiples reprises avec des résultats fort encourageants sur la motivation et le bien-être des élèves.


Pour faciliter la construction de nos séances, les auteurs scientifiques n’ont pas été les seuls à nous apporter leurs idées. Les réseaux sociaux sont aussi une grande source d’inspiration. De nombreux groupes de professeurs y sont créés, facilitant ainsi les échanges de pratiques de manière informelle. On pioche ici ou là quelques idées, conseils, que l’on adapte à nos besoins de classe : atelier légo, jeu des post-it, réunion à l’allemande, hexagone game, feuille de route, plan de travail, tableaux tournants, ateliers slam... Ces activités nous permettent de varier les plaisirs et la ludo-pédagogie a également une belle part dans notre pratique. On tente, on expérimente mais on ne s’écarte jamais des référentiels en ayant toujours en tête les notions et savoirs associés à transmettre en classe.


Activité “tableaux tournants”

Activité “Hexagone Game”

  • La Classe Lab

La classe, justement parlons-en. Nous souhaitions dynamiser notre enseignement mais cela passe aussi par l’environnement, la salle de classe. C’était notre deuxième axe de travail : repenser la traditionnelle classe autobus. Le projet CNR nous a permis d’obtenir un budget pour acheter du matériel adapté à nos pratiques. Nous avons donc transformé notre classe classique en une “Classe Lab”. Fini le bureau du professeur sur l’estrade avec les élèves alignés de manière frontale. L’enseignant devient animateur de séances avec une salle de classe composée de tables hautes, tabourets oscillants, chaises mobiles, murs pédagogiques, canapé. Ce matériel rend notre salle de classe flexible, c’est-à-dire modulable en fonction des activités prévues. Elle se transforme au gré des envies en espace coworking, espace de restitution, zone d’enquête ou encore espace de tutorat. C’est cette flexibilité qui donne de la liberté aux élèves.


Classe Lab du lycée Jean-Baptiste Corot à Savigny-sur-Orge (91)

  • Retours d’expériences

Mais n’est-ce pas plutôt une illusion de liberté ? Lors d’une enquête menée auprès de nos élèves, 90% d’entre eux affirment avoir plus de choix et de liberté dans la Classe Lab. Cette réponse nous a semblée assez paradoxale car de notre point de vue d’enseignantes, nos nouvelles pratiques demandent beaucoup plus d’encadrement qu’un cours classique.


Il est par ailleurs ressorti de l’enquête que les élèves avaient le sentiment d’avoir plus de contrôle sur leurs apprentissages. Ils se sentent plus impliqués pour 70% d’entre eux. Mais surtout, ce qui a été pour nous un signe de victoire, est que 87% des élèves interrogés pensent que ces méthodes de travail donnent du sens à leurs apprentissages et 77% se sentent plus motivés pour venir en classe. Notre pari semble donc gagné du côté des élèves.

Vidéo Témoignages des élèves :
https://tube-sciences-technologies....

Et du côté des enseignants ? Suite à une Formation à Initiative Locale sur les pratiques innovantes menée au sein du Lycée, d’autres enseignants se sont emparés de la salle et ont pu tester des pédagogies actives avec leurs élèves. Leurs retours sont globalement positifs : cette salle permet de “casser les standards”, de favoriser un bon climat de travail et de (re)motiver les élèves. Cependant, le changement de posture de l’enseignant nécessite un investissement important. En effet, les enseignants interrogés mettent tous en avant le temps important qu’il faut consacrer à la préparation de ces séances spécifiques. L’évaluation est également chronophage. Avec des rendus différents en fonction des élèves ou des groupes, il est parfois difficile d’établir un corrigé-type. Le temps que nécessite l’évaluation est donc souvent plus important que sur une évaluation classique. Mais cet investissement en vaut la peine : 75% des enseignants interrogés soulignent le développement de l’autonomie de l’élève et 100% constatent une plus grande motivation des élèves.


Difficile de conclure sur un sujet aussi vaste que l’enseignement et l’environnement de classe. Notre expérience nous a permis de repenser notre posture et celle de l’élève. Nous ne reviendrons pas en arrière car ce changement est bénéfique pour tous. Cependant, sa mise en place est conditionnée par certains critères : petits groupes de travail, explications précises des consignes, ritualisation de certaines activités et un lâcher-prise de la part de l’enseignant.
Malgré les avantages indéniables de ces méthodes, il nous semble que la pédagogie la plus efficace est dans la diversité : les méthodes traditionnelles ne doivent pas être abandonnées. Les élèves ont aussi besoin d’une transmission des savoirs plus classique pour être rassurés dans le contrôle de leurs apprentissages. C’est pourquoi nous continuons de chercher un équilibre entre l’utilisation des pratiques pédagogiques actives et des pratiques plus traditionnelles.
Une chose est sûre : en recherchant la motivation des élèves, nous avons retrouvé la nôtre et le goût d’enseigner.


Références :
• Dewey, J. (1916). Démocratie et Éducation.
• Freinet, C. (1920). L’école moderne française.
• Aronson, E. (1971). https://www.jigsaw.org/#history
• Deci, E. L. & Ryan, R. M. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being.
• Perrenoud, P. (2004). Développer la compétence à agir.
• Meirieu,P. (2019). Pédagogie coopérative.
https://www.meirieu.com/DICTIONNAIR...

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