La pédagogie institutionnelle : le Conseil, les « ceintures » et autres outils pédagogiques

, par Dana Moor

Avant d’aborder les théories relatives à la pédagogie institutionnelle, initiées par Célestin Freinet (instituteur et pédagogue 1896-1966) puis développées par Fernand Oury (1920 - 1998 fondateur de la pédagogie institutionnelle avec Aïda Vasquez, psychologue), il semble intéressant de brosser rapidement l’évolution du groupe-classe à travers le temps pour mieux comprendre les spécificités de ce groupe un peu particulier que représente une classe.

 1. L’Historique du groupe-classe et les théories de C. Freinet et F. Oury

1.1. L’historique du « groupe-classe »

Historiquement, dans les collèges de France, l’enseignement était individuel, chaque élève se rapprochant tour à tour du bureau du maître pour recevoir une leçon particulière. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que Jean Baptise de La Salle crée la confrérie des écoles chrétiennes qui institutionnalise dans les collèges, l’enseignement « simultané », à savoir celui où le maître s’adresse à l’ensemble de la classe. Il s’agit de mettre de l’ordre, du « classement ». On regroupe alors les élèves par groupes d’âge, voire par niveau. A chaque élève est assignée une place fixe et la discipline devient stricte pour permettre ainsi un bon déroulement du cours (non obligatoirement magistral). Le travail devient alors répétitif et simultané pour tous. Il est surveillé par un maître et éventuellement des adjoints. Ce nouveau système organisé nécessite alors la présence de nombreux personnels et des locaux adaptés. Cette révolution s’accompagne, de plus, de modèles pédagogiques dont certains aspects sont encore en vigueur aujourd’hui : « soumission au maître, prédominance de l’écrit dans les activités, motivation reposant sur les récompenses et les châtiments éventuellement corporels, nécessité d’une formation des maîtres, tant sur le plan de la foi que de la pédagogie » [1].
Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle que l’érosion progressive de la classe s’accélère (accentuée notamment par la réforme du collège unique). Cette érosion se traduit au collège par des « groupes de niveau-matière » impulsés par Louis Legrand (1983-1985) puis par des modules en classe de seconde et de première développés par Françoise Clerc (entre 1990 et 1995). Selon Richard Etienne, [2] la possible exclusion du système, qui s’accompagne non sans paradoxe du concept « no child left behind » (inspiré par la politique de G.W. Bush aux Etats Unis), impose à l’école une obligation de résultats. L’aide personnalisée et le travail en groupes restreints deviennent la résultante de cet objectif commun. Cependant, le travail en commun est plus souvent accompagné du qualificatif « simultané » que « collectif » car il est entendu que chaque élève reçoit le message du maître en solitude et que la parole de l’élève n’est licite que si elle s’adresse au maître en réponse à une question. Ainsi les échanges entre élèves ne sont pas considérés « dignes d’intérêt et sont donc interdits ». Les représentants de ce que l’on nomme « l’éducation nouvelle », avaient déjà réagi à ce constat en proposant notamment une pédagogie « différenciée » fondée sur le groupe allant à l’encontre de ce qu’Oury, fortement inspiré de la pédagogie coopérative de Célestin Freinet appellera « l’école caserne ».

1.2. La pédagogie coopérative de Célestin Freinet

Dans l’approche pédagogique de Célestin Freinet, il est à noter trois idées principales : tout d’abord la philosophie selon laquelle le travail de mobilisation des élèves se fait sur des activités dont « le résultat a un sens en dehors de l’école » . Deuxièmement, c’est à travers la réalisation concrète des tâches que les apprentissages se font. Enfin, les activités sont systématiquement effectuées de manière collective par échange entre les élèves [3]. Pour favoriser la créativité des enfants à travers le groupe, Freinet a notamment mis en place la création d’un journal fait par les enfants de la classe (avec une imprimerie intégrée) mais également une réunion des enfants chaque matin appelée « la causette » où « chacun pouvait s’exprimer sur ce qui posait problème dans le groupe, mais aussi sur d’éventuels projets » [4]. La philosophie qui anime Freinet dès 1923 et à laquelle il consacre un article scolaire dans son ouvrage, l’école émancipée, est de « faire évoluer la (les) classe(s) vers la démocratie, pour le développement social et humain de tous les enfants » [5] . En 1929, il prend, dans un article, la défense de ce que l’on appelle les « coopératives scolaires » mettant en avant deux principaux arguments : la coopérative a tout d’abord une fonction pédagogique, permettant de rendre les rapports entre maître et élèves plus souples et ainsi permettre à l’élève de percevoir l’apprentissage, non plus comme une forme de soumission à l’ordre hiérarchique mais de rendre l’élève actif dans son instruction et dans son éducation. Il est important de préciser que dans la vision de Freinet, le maître n’est pas écarté mais intégré dans une collaboration avec les élèves ôtant ainsi les notions qu’il qualifie de paralysantes entre « supérieurs » et « inférieurs ». Mais, dans le contexte politique de l’époque, Freinet inscrit la coopérative scolaire également dans un champ plus politique. Freinet, « camarade » prépare l’avènement du socialisme en transformant l’école en un lieu où les élèves possèdent et gèrent collectivement les outils de travail dans une société de coopération. Il écrira « si l’avenir appartient au socialisme, la voie pédagogique est nécessairement vers une socialisation toujours plus grande de l’école : socialisation au sein même de l’organisme scolaire. ». La contribution de Freinet à la notion de dynamique de groupe se fera également par la mise en place de ce qu’il appellera le conseil d’élèves. C’est en 1944, que pour la première fois dans son ouvrage « l’école moderne », il décrira le déroulement d’une séance de ce conseil d’élèves : « le samedi soir, les élèves se réunissent. Le président, dont on comprend qu’il a été élu par ses camarades, s’assied à la place du maître. L’instituteur se tient au fond, dans une posture discrète et rassurante. Le secrétaire, qui est sans doute lui aussi élu, lit le compte rendu des travaux précédents. On examine la situation financière de la coopérative. Puis on discute de différentes questions. Le rituel est précis et régulier. Le champ des questions abordées est très large. On parle des problèmes financiers, disciplinaires, du travail que chacun a accompli pendant la semaine » [6].
Freinet a ainsi développé les outils « capables de transformer les rêveries pédagogiques en réalités quotidiennes » dira Fernand Oury. Il est de plus le précurseur de l’approche du groupe-classe en tant qu’entité dynamique. Les approches de Freinet vont donc directement influencer les théories de la pédagogie institutionnelle qui seront par la suite développées par Fernand Oury. Il écrira : « Freinet a réussi à faire fonctionner un journal, des correspondances, les enquêtes dans le village et, bien sûr, l’organisation coopérative de la classe. Freinet prétend, et je suis entièrement de son avis, qu’à partir de ces techniques fondamentales, on apprend à lire, écrire, compter… pas aussi bien qu’ailleurs, mieux » [7].

1.3. La pédagogie institutionnelle de Fernand Oury

C’est en 1949 que Fernand Oury, instituteur de banlieue, se déclarant inadapté à « l’école-caserne », qu’il perçoit comme une mise en œuvre « des dressages indispensables pour conditionner l’élève aux apprentissages conçus comme acquisition d’automatismes [8] » , rejoint le mouvement Freinet. C’est suite à des expériences de terrain, menées notamment dans une colonie de vacances d’adolescents en 1952 et en colonie maternelle, qu’il « invente » le conseil et les ceintures de comportement inspirées elles, du judo. Ces outils seront indispensables à la « classe institutionnelle » qu’Oury décide de mettre en place. L’idée principale de la pensée d’Oury est qu’il faut prendre l’avis de toutes et tous pour progresser au quotidien dans la vie du groupe dans le cadre des institutions. De plus, c’est en discutant des comportements, en les repérant et en les accompagnant, que « l’insécurité devant l’agressivité se banalise et s’éduque » [9]. Oury écrira dans le livre rouge : « La classe institutionnelle où le fantasme devient parole… tout comme l’agitation devient activité… est un lieu où toute parole peut être entendue (sinon reçue), justement parce que ce lieu n’est pas n’importe quoi : des lois précises y sont observées qui permettent transferts, projections, identifications, etc. et un certain contrôle de ce qui se passe » [10]. L’approche du groupe à travers la classe institutionnelle a fait des émules, ainsi l’héritage d’Oury existe encore aujourd’hui dans plusieurs établissements « exploratoires ». A titre d’exemple, celui d’Anne-Laure Fourmont, en classe de sixième dont le mode de fonctionnement a été repris dans Les cahiers pédagogiques (2010) [11] . S’inspirant du modèle d’Oury, elle y a intégré notamment les institutions, les ceintures de comportement et le conseil durant une heure dédiée par semaine. Les institutions visent à faire vivre le groupe, permettre la circulation de la parole et à faire le point sur la vie du groupe ; les institutions sont ce que l’on pourrait appeler « règles de vie communes », qu’il faut expliciter pour comprendre ce qui est en œuvre dans la classe. Les ceintures de comportement matérialisent la position provisoire de chacun par rapport aux exigences de la vie au sein du groupe. Quant au conseil, clé de voûte de l’approche institutionnelle, il est le lieu de parole et de décision. Il est décrit par Anne-Laure Fourmont comme suit : « la classe s’installe au fond de la salle en cercle, le rappel des lois précédé de la minute de silence ouvre le conseil : le conseil est limité dans le temps, on ne prend la parole qu’après inscription et invitation par le distributeur de la parole, on ne se moque pas, le gêneur est sanctionné, ce qui est dit au conseil n’est pas répété ailleurs. C’est un temps et un lieu où les élèves doivent tenter de mettre en mot les conflits, les problèmes rencontrés (…). Ils réfléchissent et prennent des décisions concrètes concernant la vie des institutions de la classe ». L’approche d’Anne-Laure Fourmont comprend également les métiers, qui sont un partage des tâches utiles à la vie de la classe et la boîte à tout, boîte dans laquelle les élèves peuvent déposer une critique, une plainte ou une proposition pour la classe. Le jour du conseil, le dépouillement de la boîte à tout alimente l’ordre du jour. Une des vertus complémentaire de la boîte est de permettre de différer les moments d’échanges sur les conflits et de les traiter avec plus de recul et moins d’émotions. Catherine Yelnik dans un autre article publié dans Les Cahiers pédagogiques (2010) [12] tire un bilan positif des expériences de la pédagogie institutionnelle, citant Gilles Ferry et Christine Blouet-Chapiro (1970), elle conclut qu’inviter les élèves à exprimer leur point de vue sur la classe et la vie en classe permet d’en tirer des effets positifs et principalement de réduire les tensions. Tout d’abord entre les élèves et le professeur, à travers le dépassement des inhibitions et la recherche de conditions de dialogue mais également entre élèves car une régulation s’opère réduisant les inégalités et l’intégration de tous les élèves dans la vie du groupe-classe. Elle souligne également que cet échange n’entame en rien l’autorité du professeur qui n’est pas obligé d’abonder obligatoirement dans le sens des élèves ou de satisfaire toutes leurs demandes. Elle conclut que pour que l’approche soit efficace, elle doit être directive. Dans son livre, Discipline en classe et autorité de l’enseignant, éléments de réflexion et d’action, Bernard Rey abonde dans ce sens, soulignant que cette régulation du groupe-classe engendre la construction chez les jeunes d’un premier rapport à la loi permettant de réguler les rapports entre les individus mais également le rapport de chacun à ses propres émotions [13]. Selon Jacques Pain, enfin, la pédagogie institutionnelle, développée par Oury et Vasquez, continue à inspirer un grand nombre de structures en difficultés en France, en Europe et en Amérique Latine. Oury ayant ouvert le champ humain d’une pédagogie du savoir en situation sensible, l’adoption de la pédagogie institutionnelle ne fait selon Jacques Pain, que commencer.

En résumé : la pédagogie coopérative développée par C. Freinet et la pédagogie institutionnelle développée par F. Oury placent toutes les deux le groupe-classe au cœur de l’enseignement. En effet, pour ces deux pédagogues, la classe devient, au-delà de sa fonction pédagogique, un lieu de vie, d’éducation, de sociabilisation. Ainsi, il ne peut y avoir d’apprentissage sans prise en compte du groupe-classe et de ses dynamiques « où le fantasme doit devenir parole et l’agitation activité ». La vie du groupe étant alors au cœur de la pédagogie non seulement pour ses vertus pédagogiques mais également parce que l’inconscient du groupe s’exprime toujours. Ainsi, Fernand Oury soulignera : « reconnu ou nié, l’inconscient est dans la classe qui parle (…), mieux vaut l’entendre que le subir. [14]

Sachant que le conseil est la clé de voûte de cette pédagogie issue du cycle primaire, est-ce un concept transposable dans le secondaire ?

 2. La pédagogie institutionnelle : un concept transposable au lycée ?

Des entretiens semi-directifs menés auprès de professeurs d’un lycée général et technologique et de son proviseur ont permis de confirmer la pertinence de la mise en place de conseils et ceintures de comportements dans le secondaire, en soulignant tout d’abord les avantages qu’ils peuvent offrir mais également les risques et freins à lever pour que leur mise en œuvre soit un succès.

2.1. Les avantages de la pédagogie institutionnelle au lycée [15]

Les avantages perçus peuvent être regroupés en cinq points.

  1. Une responsabilisation des élèves : selon tous les professeurs, l’un des aspects très positif de cette pédagogie, est la responsabilisation des élèves notamment grâce au fait que cette approche leur laisse plus de latitude et qu’ils sentent qu’ils ont un « rôle » à jouer. Cette responsabilisation leur permet également de prendre conscience, par exemple, de la gêne occasionnée par les bruits ou par les comportements inappropriés.
    De plus, quand on permet aux élèves d’être plus responsables, ils sont souvent « partants » et motivés et cela se passe plutôt bien.
  2. Une relation d’échange : l’institution favorise la communication, l’élève est libre de dire ce qu’il ressent dans un contexte qui n’est plus celui de la classe traditionnelle mais prévu pour.
  3. L’instauration de nouvelles règles : dans le cadre des échanges, l’instauration de nouvelles règles acceptées dans le cadre du conseil permettrait de résoudre un grand nombre de problèmes et ainsi, réguler la classe. De plus, le concept des ceintures permet de lister les comportements et compétences attendus des élèves et de mesurer les progrès de ces derniers. C’est un outil stimulant de progrès pour les élèves.
  4. Une relation d’égalité : On considère par cette approche l’élève comme un individu à part entière.
  5. Une démocratie et une cohésion du groupe : Dans le cadre du conseil, le vote étant ouvert à tous, il est démocratique et permet ainsi une forte cohésion de groupe autour d’une décision commune. Le contrôle par les pairs est de plus, un premier pas vers l’apprentissage de la citoyenneté et de la démocratie.

Pour que la mise en place de la pédagogie institutionnelle ait toutes les chances d’être couronnée de succès, il faut cependant veiller à prendre en compte et à lever les freins suivants.

2.2. Les freins à lever pour la mise en place de la pédagogie institutionnelle au lycée

  1. Des leaders « écrasants » : Dans certaines classes, certains leaders écrasants peuvent « brouiller » les choses et notamment ne pas accepter les votes.
    Pour lever ce risque, il est important que la mise en place du conseil soit faite dès la rentrée scolaire afin d’éviter que le rôle de chacun soit trop marqué dans le classe ou qu’une mauvaise dynamique ne se mette en place. De plus, il a été suggéré de désigner, dans le cadre du conseil, des « médiateurs » pour faire respecter les « règles du jeu » et ainsi éviter des risques d’intimidation.
  2. « Une non réponse » aux attentes des élèves : Il est important que les adultes répondent aux attentes de la « boîte à tout » et que les décisions, le cas échéant ne viennent pas trop tard sinon, les élèves risquent d’être déçus et de se détacher de l’approche.
    Pour lever ce risque, il est important de préciser aux élèves que le professeur ne va pas obligatoirement abonder dans leur sens ou satisfaire toutes leurs demandes mais qu’ils seront entendus. Ce dernier point questionne également l’importance de gérer cette approche en équipe.
  3. Un projet d’équipe : Plusieurs professeurs se rejoignent sur ce point. Le projet doit être géré par une équipe de deux ou trois enseignants de la classe afin d’éviter que cette approche relativement différente dans sa relation « élève-professeur » classique aille à « contre-courant » d’une approche traditionnelle que tous les enseignants appliqueraient, sauf un.
    Pour lever ce risque, il faut donc mener ce projet en équipe ce qui augmentera ses chances de convaincre et d’être appliqué efficacement.
  4. Une perte de temps ? : Les fréquences des conseils doivent être déterminées en fonction des besoins et ainsi éviter une potentielle perte de temps. De plus, le projet doit être testé pour évaluer son efficacité.
    Pour lever ce risque, il faut ajuster la fréquence des conseils aux besoins exprimés notamment dans la « boîte à tout ».
  5. Les difficultés de sa mise en œuvre dans toutes les sections et la prise de recul : Il a été relevé que cette approche ne pourrait peut-être pas fonctionner dans certaines classes et notamment dans les sections scientifiques où les élèves sont dans un « moule » et peuvent être amenés à dire uniquement ce que l’on attend d’eux. Un autre aspect important est la maturité que les élèves doivent avoir pour prendre du recul par rapport à leur comportement et à eux-mêmes. Mais dans ce cas, cette approche n’est-elle pas une opportunité pour acquérir cette maturité ?
    Pour lever ce risque, il faut prioriser la mise en place du conseil en commençant par les classes les plus difficiles comme les sections STMG et en sensibilisant encore une fois les élèves sur leur responsabilisation, sur leur rôle dans la classe et dans la dynamique du groupe.
En résumé : le conseil et les ceintures de comportement semblent être un outil efficace pour la gestion de conflits au sein d’une classe mais également pour l’acquisition de notions telles que la démocratie, la responsabilité, la citoyenneté et les attendus (critères) pour une meilleure vie au sein du groupe-classe et ce, malgré des risques potentiels qu’il faut gérer en amont. Au-delà des freins et des risques à prendre en compte, la pédagogie institutionnelle a séduit l’ensemble des enseignants mais également le proviseur interrogé qui a conclu l’entretien en projetant : « Le conseil pourrait se tenir le samedi matin dans le cadre d’un atelier d’accompagnement personnalisé par exemple… ».

La pédagogie institutionnelle (conseils et ceintures) est utilisée depuis de nombreuses années à l’Ecole nouvelle d’Antony. Il semblait donc intéressant de s’y rendre pour voir comment elle est appliquée au quotidien.

 3. Exemple de la mise en œuvre de la pédagogie institutionnelle à l’École nouvelle d’Antony

L’École Nouvelle d’Antony, est une association créée en 1961 par Nina Rist, dite Nina (1912-1996, pédagogue). C’est une école privée laïque, sous contrat d’association avec l’Etat. Les enseignants sont rémunérés par l’Éducation Nationale. Elle s’inscrit dans le courant pédagogique de « École nouvelle » influencée par les travaux de différents pédagogues comme notamment John Dewey (1859-1952, psychologue et philosophe), Maria Montessori (1870-1952, médecin et pédagogue), Roger Cousinet (1881-1973, pédagogue), Célestin Freinet [16] et Fernand Oury.
Qu’entend-on par École nouvelle ?
Selon Philippe Mérieux, la notion d’« école active », ou « école nouvelle » reste très ambiguë car pour certains comme Jean Piaget (1896-1980, biologiste et psychologue), c’est une manière de se centrer sur les opérations mentales des élèves, dans le but de démocratiser l’accès aux connaissances ; pour d’autres, comme Célestin Freinet, c’est un moyen de mettre en place une « école du peuple », égalitaire et coopérative. D’autres, enfin comme Ferrière, promeuvent l’activité collective des enfants pour favoriser l’émulation interindividuelle et l’émergence rapide des futurs chefs. Cela dit, les promoteurs de l’Éducation nouvelle sont unanimes quand ils soulignent qu’elle met tout en œuvre pour que l’élève apprenne et grandisse par lui-même, « inventer sans cesse des institutions, des environnements éducatifs, des situations d’apprentissage, des médiations culturelles qui permettent aux élèves de s’élever, de s’engager eux-mêmes dans l’aventure des savoirs, d’y découvrir le plaisir d’apprendre et la joie de comprendre ensemble » [17].

3.1. La mise en œuvre de la pédagogie institutionnelle : le conseil et les ceintures de comportement

Cette partie s’appuie sur les observations que j’ai pu faire durant ma journée passée à l’Ecole Nouvelle en Novembre 2017 où j’ai pu assister à plusieurs heures de classe de niveau CM1-CM2 et CP-CE2. Cette observation a été complétée par divers échanges avec les enseignants et les élèves.

3.1.1. Le conseil

Le conseil se tient une fois par semaine en classe de CM1-CM2 et dure entre trente minutes et une heure en fonction du nombre de sujets à aborder.

À quoi sert un conseil ? À régler les problèmes, à féliciter des personnes pour un comportement exemplaire ou en progrès par exemple…Ces félicitations peuvent également concerner des personnes d’autres classes. Ainsi les élèves sont invités à renseigner librement sur le « cahier de conseil de classe » mis à disposition, leurs propositions et tous les thèmes qu’ils souhaitent voir aborder lors du prochain conseil [18]. Les propositions sont lues par le secrétaire. Dans le cas de certaines thématiques le conseil procède à des votes.

A quoi ressemble un « cahier de conseil de classe » ? Il comporte le prénom de l’élève demandeur, la date de la demande et cinq colonnes : « proposition » (exemple : une sortie…), « félicitations » (exemple : pour le comportement d’un camarade…), « problème » (exemple : rencontré avec un camarade…), « question » et « l’étape du comportement » qu’il souhaite mettre à l’ordre du jour. En fonction de la thématique qu’il souhaite aborder, l’élève rempli l’une ou l’autre des colonnes, en notant par exemple le prénom du ou des élèves avec lesquels il a eu un problème dans la colonne « problème ». Le cahier de conseil comporte également, à part, une thématique « les idées pour l’année », où un élève a inscrit « une journée pizza ».

Lors du conseil, est présent l’ensemble des élèves de la classe. Six élèves y tiennent un rôle particulier : le gardien du temps va s’assurer que les débats de chaque sujet n’excèdent pas cinq minutes, le messager va éventuellement chercher des élèves d’autres classes concernés par les thèmes abordés lors du conseil, le président du conseil et le vice-président vont interroger les différents élèves en conflits ainsi que les témoins, le secrétaire note les échanges et décisions prises lors du conseil et enfin, le gardien des gêneurs. Le cahier de conseil mentionne d’ailleurs les prénoms de ces six élèves ainsi que leur rôle sur une période de temps déterminée.
Afin d’illustrer au mieux le concept de Conseil, voici quelques exemples de sujets mentionnés dans le cahier de conseil et qui ont été abordés au cours du conseil auquel j’ai assisté.

Exemple 1 : Claire [19] propose un concours de dessins de dragons pour le mardi 12 décembre. Rémi demande si on peut dessiner un dragon comme on se le représente (même abstrait), un autre élève demande si on peut s’inspirer d’un dessin de livre. Claire les rassure tous « c’est un concours libre ». Les remarques sont consignées et le concours est finalement fixé au jeudi 30 novembre, comme cela les résultats seront connus le vendredi 1er décembre.
Exemple 2 : Une élève souhaite « féliciter » trois camarades (dont elle cite les prénoms) qui ont été très gentils avec elle cette semaine. Les camarades ont entendu les félicitations. Ces dernières sont consignées par le secrétaire.{{}} Exemple 3 : Il y a eu un problème entre deux élèves et l’un d’eux a souhaité l’aborder au Conseil. Les deux élèves se lèvent. Paul : « Thomas m’a dit des gros mots quand il a perdu », Thomas : « non, c’est parce que vous m’aviez poussé ». Le médiateur intervient « on écoute celui qui s’exprime sans lui couper la parole ». Paul lève la main pour demander la parole, le médiateur la lui donne. Paul : « Je t’ai poussé parce que tu te moquais de moi ».
Le médiateur reprend : « Paul, demandes-tu une réparation ? » Paul : « je demande un pardon ». Ce qui signifie que Paul attend que Thomas s’excuse. Thomas le fait, l’excuse est consignée par le secrétaire.
L’institutrice intervient alors et rappelle les règles de vie à l’école : « on ne dit pas de gros mots, on ne pousse pas, si tu as un souci, tu vas voir un adulte ou tu l’inscris sur le cahier du conseil de classe ».
Contrairement à l’approche de Freinet et Oury, l’institutrice garde son statut bien qu’étant en retrait lors des débats. A titre d’information, la réparation fait partie du rituel du conseil, elle peut être une excuse, comme évoqué ci-dessus mais également, une lettre, un dessin ou tout autre chose.
Exemple 4 : Il concerne un problème avec un élève d’une autre classe, le messager va dans la classe d’à côté chercher l’élève. L’élève n’étant pas présent ce jour-là, le sujet est reporté au prochain conseil.
Exemple 5 : Le secrétaire prend la parole « Marie tu as signalé un problème ? ». Marie répond : « oui mais c’est passé ». Le problème étant résolu, on passe au sujet suivant. En effet, ce qui est réglé avant le conseil, est considéré comme réglé.

Pour les différents enseignants interrogés, le Conseil est le garant du bien-être du groupe où tout peut être dit, en toute confidentialité. Ainsi, quand les élèves ont à voter, le vote peut être organisé à bulletin secret.

À l’École nouvelle, les élèves n’ont pas de « ceintures » de comportement pour mesurer leurs progrès mais un « parcours de comportement » qui mesure le niveau d’atteinte des comportements attendus dans le cadre d’un groupe-classe ainsi que des « brevets » qui mesurent leurs compétences scolaires.

3.1.2. Les « parcours de comportement »

Il existe plusieurs étapes de comportement, une fois que l’élève maîtrise les attentes de chaque étape, cela lui ouvre la possibilité d’avoir un nouveau « droit », une nouvelle responsabilité. Voici à titre d’exemples, les étapes de comportements adoptés à l’Ecole nouvelle.
Il est à noter que j’ai souhaité mentionner l’intégralité des étapes et attendus pour inspirer au mieux les collègues qui souhaiteront tenter l’expérience dans les classes de secondaire. En effet, ce modèle me paraît, à travers peut être quelques autres critères, transposable aux lycéens.

Attendus de l’étape 1 : Je respecte quelques interdictions, je connais les règles de la classe, j’essaye de rendre service, j’apprends à parler au voisin à voix basse, j’apprends à travailler seul sans gêner les autres. La validation de ces attendus donne le droit aux responsabilités suivantes : je peux avoir un métier (ex. allumer / éteindre les lumières, distribuer des copies, …), je peux aider un adulte à préparer une activité, je peux être délégué de ma classe au conseil d’école.

Attendus de l’étape 2 : Je rentre en classe calmement, je circule dans la classe sans gêner, je rends service, j’apprends à lever la main pour demander la parole, je travaille sans bruit, je joue seul sans gêner les autres, j’écoute les autres au « quoi de neuf ? », j’écoute les autres au conseil. La validation de ces attendus donne le droit aux responsabilités suivantes : je peux circuler librement dans la classe pendant les temps de travail de groupe, de travail individuel, de projets, je préside une partie du conseil, j’anime le « quoi de neuf ? », je tiens un rôle dans le conseil (secrétaire, gardien du temps, ...).

Attendus de l’étape 3 : Je parle à voix basse, je respecte les règles de la classe, je respecte les règles de l’école, je lève la main pour demander la parole, j’essaye de régler mes problèmes par la parole, sans recourir à la violence, je m’occupe calmement quand j’ai fini mon travail, je respecte le matériel, je travaille seul sans gêner les autres, j’apprends à travailler en équipe sans gêner les autres, La validation de ces attendus donne le droit aux responsabilités suivantes : je peux être tuteur d’un enfant de la classe, je préside un conseil.

Attendus de l’étape 4 : Je suis capable d’aider un autre, je travaille en équipe sans gêner les autres, je règle mes problèmes par la parole ; sans recourir à la violence, j’ai empêché des enfants de se battre. La validation de ces attendus donne le droit à la responsabilité suivante : je peux aider les enfants de cycle 1.

3.1.3. Les brevets

Au-delà des comportements, les élèves sont également évalués sur les progrès accomplis sur leurs acquis en ce qui concerne le langage oral, la lecture, la motricité fine et le graphisme, les mathématiques et le calcul, … Une fois que la compétence est acquise, une croix est portée par l’élève sur sa fiche personnelle. De plus, les élèves remplissent également une fiche « mes progrès » sur cette compétence. Dans « mes progrès en mathématiques », ils notent la date et l’action illustrant le progrès, par exemple le 16/10/2017, « j’ai fait une fraction ». Il existe de plus une fiche « mes progrès divers » où les élèves notent les progrès non liés à une matière spécifique, comme par exemple le 20/11/2017, « j’ai fait un exposé sur le système solaire ». Voici à titre d’exemples pour les CP, les attendus en brevet 1 et 5 du langage oral.

Exemple brevet 1 de langage oral : « j’utilise le je », « je fais des phrases construites simples », « je me fais comprendre », « je comprends une consigne simple », « j’essaye de prendre la parole », « je cherche la communication », « je participe aux chants collectifs ».

Exemple brevet 5 de langage oral : « je sais exposer mon point de vue dans un dialogue et un échange », « je dis un poème ou je chante une chanson seul, appris pendant l’année », « je participe aux chants collectifs », « j’essaye d’expliquer les difficultés rencontrées dans une activité ».

En résumé : on peut constater que les attentes concernant les comportements des élèves sont progressives « j’apprends à » avant d’atteindre le « je respecte… » et ceci, toujours dans le respect des élèves et l’apprentissage d’un mieux vivre ensemble dans le cadre d’un groupe. Il est à rappeler que c’est le Conseil qui décide en vote collectif, le passage d’un élève d’une étape de comportement à l’autre. Ainsi,toute nouvelle atteinte des attendus donne droit à un nouveau niveau de responsabilité au sein du groupe. Cette gratification avant d’être une « récompense » est une nouvelle étape franchie dans la maturité, l’autonomie, la sociabilisation et la citoyenneté. L’utilisation des brevets permet à chaque élève de connaître les attendus par matière dans son niveau de classe ainsi que son niveau actuel. C’est à lui, suite à ses progrès, de notifier ses acquis dans un tableau.

Il existe à l’École nouvelle d’autres pédagogies mises en œuvre afin de rendre l’élève plus actif et autonome dans son instruction, en voici les principales.

3.2. D’autres pédagogies mises en œuvre à l’École nouvelle (au-delà des conseils et des « ceintures »)

Les règles de vie en classe (pour vivre ensemble) sont élaborées par les élèves
Dans la classe de CM1-CM2, les règles de vie de la classe sont affichées au mur. Elles ont été élaborées avec les élèves en début d’année et ce sont les élèves qui les ont imaginées et inscrites. En effet, le premier jour de classe, l’institutrice demande à chaque élève ce qui est important pour lui/elle pour vivre ensemble. La synthèse des réponses est collective et les principales règles sont inscrites et affichées pour tous.
Exemples de règles pour l’année 2017/2018 : « ne pas parler trop fort », « ne pas se moquer des autres », « demander la parole en levant la main », « respecter le matériel des autres et de la classe », « écouter les autres », « aider les autres », « se respecter les uns, les autres », « demander pour sortir/entrer », « ne pas déranger les autres », « ne pas être violent », « se déplacer calmement », « ranger ses affaires ». D’autres règles sont également affichées comme « règles des ateliers réguliers ou décloisonnés », ou comment se comporter dans « l’atelier peinture ».

Les parents sont partie prenante de la vie de l’école
À l’École nouvelle, les parents sont mis à contribution, notamment pour animer des ateliers. Ils doivent pour cela s’inscrire pour une matinée en précisant le thème de l’atelier, par exemple : cuisines des pays du monde, fabrication de crackers de Noël (papillote de friandises de Grande Bretagne) … ainsi que le matériel spécifique dont ils auront besoin (four, plaques chauffantes, papiers cadeaux ciseaux…). Les ateliers peuvent être animés à deux parents et peuvent s’inscrire sur plusieurs séances de demi-journée.

Le planning de la journée est inscrit au tableau
Quand les élèves rentrent en classe, le programme de la journée est inscrit au tableau, les élèves connaissent ainsi à l’avance les matières et activités prévues ainsi que les attendus.
Exemple d’une journée de novembre 2017 : Quoi de neuf ? - atelier lecture - français : affiche à concevoir pour la marie d’Antony sur le thème Noël en poésie - maths : les durées – bibliothèque - projet de Suzanne - conseil (de coopération).

Le « quoi de neuf ? »
À l’École nouvelle, tous les matins, les élèves ont la liberté de venir parler devant la classe de ce qui les peine, de ce qui les préoccupe ou tout simplement de ce qu’ils souhaitent partager avec les autres. C’est un temps de présentation, un moment où l’on raconte quelque chose. Il y a un président de séance qui interroge les personnes levant la main.
Exemple de sujets évoqués : un élève a raconté l’anniversaire d’un copain en décrivant les différents jeux de groupe qui étaient proposés. Un autre élève a raconté la matinée qu’il avait passé seul chez lui avec ses craintes ressenties, un autre enfin a présenté un dessin qu’il avait réalisé. A la fin des présentations, le président déclare le « quoi de neuf ? » terminé.
Cet atelier permet de travailler l’expression orale mais également de partager avec les autres et ainsi mieux se connaitre, voire s’entraider.

L’atelier lecture
Durant l’année, chaque élève présente au moins une fois un roman qu’il a lu. Après avoir précisé la catégorie (fantastique, aventure…), il lit à la classe la quatrième de couverture ainsi qu’un passage qu’il a particulièrement apprécié. Les autres élèves lui posent alors des questions. A la fin de l’atelier, l’institutrice demande aux élèves leurs avis. S’il le souhaite, l’élève peut prêter son livre à ses camarades. Cet exercice permet au-delà du partage, de donner l’envie de lire. De plus, il permet de travailler l’argumentation : pourquoi j’ai aimé, pourquoi j’ai choisi ce roman, les problèmes que j’ai rencontrés…

Les exposés
Chaque élève choisit également un thème pour un exposé qu’il viendra présenter à la classe. Il peut pour cela, s’appuyer sur des supports visuels.
Exemples de sujets d’exposés : l’Argentine, la planète terre, l’énergie solaire, la grande muraille de Chine… Les exposés stimulent le travail de recherche des élèves et leur apprennent à acquérir de l’aisance à l’oral. Suite à la présentation, l’élève répond aux questions de ses camarades et doit parfois justifier ses choix ou défendre son point de vue. Ce travail d’aisance orale a une place importante dans la pédagogie de l’école.

L’individualisation des apprentissages grâce au plan de travail
Qu’est-ce qu’un plan de travail ?
Un plan de travail est le travail (et activités associées) qui devra être réalisé sur une période de deux semaines. En classe de CE1/CE2, on y retrouve par exemple pour quinze jours, sur les dix différentes lignes d’un tableau affiché au mur, les neuf thèmes suivants : « orthographe texte libre (4 phrases) », « perfectionner ma lecture », « coin lecture », « fiches grammaire », « fiches conjugaison », « énigmes », « géométrie », « je m’entraine », « nombres croisés ». En colonnes, sont mentionnés les noms des élèves. A chaque fois qu’un élève a réalisé de manière satisfaisante l’ensemble des activités d’un thème (appelées fiches de travail), il vient colorier ou mettre une croix dans la case correspondant au thème et à son nom.
Comment évaluer le travail réalisé par les élèves ?
L’institutrice met les élèves au travail et se place sur une table, à part, où les élèves qui ont fini une fiche de travail viennent un par un faire valider leurs exercices. On remarque que les élèves qui viennent faire valider leur fiche n’ont aucune peur de se tromper, l’institutrice leur reconnait un véritable droit à l’erreur ; ce moment d’échange est très personnalisé et les conseils très ciblés sur les problèmes rencontrés par l’élève. Un vérificateur (élève ayant atteint le niveau quatre des comportements) peut également vérifier et aider les autres élèves dans leur travail.
Il est à noter, qu’un élève qui a répondu de manière satisfaisante aux différentes fiches prévues pour la journée, peut travailler sur autre chose, un projet spécifique, comme par exemple « saisir sur ordinateur un livre de recettes de cuisine ». Des ordinateurs et des livres sont d’ailleurs mis à disposition des élèves.

Exemple de la « fiche énigmes » n° 4 de cette quinzaine CE1/CE2 : sur un dessin de balles est inscrit le texte suivant : « Dans une boîte il y a 15 balles, des rouges et des bleues. Il y a 2 fois plus de balles rouges (le double) que de bleues. Colorie les balles ». Il est à noter que les fiches sont plastifiées, les élèves y inscrivent au feutre. La même fiche va donc servir à plusieurs élèves.

En résumé : L’École nouvelle a développé de nombreux outils pédagogiques permettant à l’élève de progresser au sein du groupe. Cette progression passe par la maîtrise de la communication (prise de parole, argumentation…) mais également par l’individualisation des apprentissages : le plan de travail et les fiches de travail pour les « plus petits », permettent à chacun d’acquérir à son rythme les connaissances attendues. Ceci est également valable dans la classe des « plus grands » où par exemple, les consignes et les étapes des différentes activités (comme celle de la création d’une affiche pour la ville d’Antony) sont inscrites au tableau : je fais cela, puis cela, etc. Les élèves peuvent donc s’y référer tout en travaillant de manière autonome ; ainsi l’élève est plus actif dans son instruction (approche de C. Freinet).
De plus, les parcours de comportements leur ayant donné des droits, certains élèves se lèvent et circulent librement dans la salle de classe et entre les salles. Enfin, à l’École nouvelle il n’y a pas de sonnerie... Les pauses se font plus ou moins aux rythmes des enseignements et de la classe.

Conclusion  : La pédagogie institutionnelle permet de recenser plusieurs pistes pédagogiques très intéressantes et qui semblent assez facilement transposables dans le secondaire. Tout d’abord, le Conseil permet de faire des « propositions » de projets, de « féliciter » des comportements, de soulever un « problème », de « questionner » et de valider une « étape du comportement » d’un élève dans le cadre de la vie de la classe ; ceci ne peut être que favorable à une meilleure dynamique de classe, à l’émergence de nouveaux projets et à un meilleur vivre-ensemble. De plus, les « parcours de comportements » validés par les pairs permettent d’accéder à des « droits » pour ceux qui ont acquis les comportements attendus. Ces droit peuvent être de nature à séduire des adolescents (par exemple : circuler librement dans les couloirs, « tutorer » un élève de seconde…). De même, le « plan de travail » et les « fiches associées » permettent de personnaliser l’enseignement aux besoins de l’élève, en le rendant également plus autonome et acteur de ses apprentissages. Cet outil constitue une nouvelle approche [20] de l’enseignement qui pourrait être mise en œuvre au lycée, peut-être sur des horaires dédoublés ou des classes à faible effectif. Enfin, les différents outils pédagogiques utilisés à l’École nouvelle comme « l’atelier lecture », les « exposés », ou les « quoi de neuf ? » permettent de travailler la prise de parole et l’argumentation et rentrent d’ailleurs à ce titre parfaitement dans la logique de la réforme du baccalauréat et de son grand oral.
La seule limite à la mise en œuvre de ces outils est qu’ils nécessitent pour la plupart beaucoup de temps. L’enseignant devra donc faire des choix, en fonction de son appétence pour ces derniers et du profil de sa classe pour ainsi « faire évoluer la (les) classe(s) vers la démocratie, pour le développement social et humain de tous les enfants » (C. Freinet).

Remerciements : Je tiens à remercier l’École nouvelle d’Antony, son directeur et son équipe pédagogique pour leur accueil, nos échanges et pour m’avoir ouvert les portes de leur établissement. Je remercie tout particulièrement Marie-Geneviève Hugues, institutrice en classe de CM1-CM2 ainsi que ses élèves pour m’avoir accueillie une journée dans leur classe et fait découvrir leurs outils pédagogiques du quotidien. Je remercie également Valérie institutrice en CP-CE2 pour m’avoir montré et expliqué le « plan de travail » et Magalie JEAN (enseignante dans l’académie de Versailles et veilleuse au CREG) à l’initiative de la visite de l’École nouvelle. Je remercie enfin, les professeurs et proviseur du lycée J.M. du Val d’Oise pour leurs échanges d’expérience qui ont permis d’élaborer des pistes de réflexion concernant la transposition du concept de Conseil au lycée.

Dana MOOR, veilleuse au CREG
Illustration : Clara Quiles


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Bibliographie  :

Ouvrages :

  • Meirieu, Philippe, Fernand Oury, Y-a-il une autre loi possible dans la classe ? Paris, PEMF, 2001
  • Oury Fernand, Vasquez Aïda. De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle, Paris, Matrice éditions, 1971
  • Rey, Bernard, Discipline en classe et autorité de l’enseignant, éléments de réflexion et d’action, Bruxelles, Groupe De Broeck, 2009
  • Robert, Philippe, Le groupe en psychologie clinique, Armand Colin, 2014

Revues :

  • Etienne, Richard, La classe pour apprendre à vivre ensemble, Paris, Les Cahiers pédagogiques 481, avril-mai 2010

Sitographie :

Notes

[1Rey, Bernard, Discipline en classe et autorité de l’enseignant, éléments de réflexion et d’action, Bruxelles, Groupe De Broeck, 2009, p. 51.

[2Etienne, Richard, La classe pour apprendre à vivre ensemble, Paris, Les Cahiers pédagogiques 481, Mai 2010, p. 51

[3Rey, Bernard, Discipline en classe et autorité de l’enseignant, éléments de réflexion et d’action, p. 52.

[4Robert, Philippe, Le groupe en psychologie clinique,. p. 12.

[5Jacomino, Baptiste, Freinet et la coopération, Paris, Les Cahiers pédagogiques, 2013. N° 505.

[6Ibid.

[7Meirieu, Philippe, Fernand Oury, y-a-il une autre loi possible dans la classe ? Paris, PEMF, 2001, p. 4.

[8Jeanne Yves, « Fernand Oury et la pédagogie institutionnelle. », p. 113-117.

[9Pain, Jacques, Fernand Oury et la pédagogie institutionnelle, (site de Philippe Meirieu).

[10Oury Fernand, Vasquez Aïda. De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle, Paris, Matrice éditions, 1971.

[11Les Cahiers pédagogiques n°481, avril- mai 2010, p. 38.

[12Ibid., p. 13.

[13Rey, Bernard, Discipline en classe et autorité de l’enseignant, éléments de réflexion et d’action, p. 53.

[14Jeanne, Yves, « Fernand Oury et la pédagogie institutionnelle », p. 113-117.

[15Voir article publié en 2017 : la dynamique du groupe-classe (partie reprise).

[18Dans la classe de Laure Fourmont (voir précédemment), les propositions sont renseignées dans une « boite à tout » ce qui peut garantir la confidentialité des demandes.

[19Les prénoms des élèves ont volontairement été modifiés.

[20Proche cependant de celle des collèges de France jusqu’au XVIIe siècle.

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