Les biens communs

, par Jean-Pierre Goueythieu

 L’actualité de la notion

Dans un contexte marqué par l’urgence écologique, la préservation des biens communs est devenue un sujet prioritaire dans les débats.

Par ailleurs, de très nombreuses initiatives locales témoignent de la vitalité de nouvelles forces sociales, pour vivre, produire et gouverner ensemble du commun dans les domaines tels que la préservation des ressources, l’économie collaborative, la santé, l’éducation, la connaissance, la transition énergétique, le domaine foncier, la production de valeurs éthiques dans les organisations, ...

 L’essentiel de la notion

Les communs ou biens communs sont des ressources matérielles ou immatérielles, publiques ou privées, dont nous décidons collectivement qu’elles doivent être accessibles et/ou gérées « en commun, au service du bien commun ». Cécile Renouard 2012.

Les biens communs portent 2 dimensions : la première dans une vision « chosifiée » est un type de bien économique potentiellement menacé de disparaître sans gouvernance adaptée. La seconde, plus large, est un principe d’action collective de création du Commun dans lequel les organisations ont potentiellement toute leur place.

1- Les biens communs en tant que biens économiques

Les biens communs en tant que biens économiques sont, selon la typologie de Samuelson, un type de biens non exclusifs et rivaux :

  • Non exclusifs : Il est difficile, pour des raisons techniques ou politiques, d’en exclure un agent. Ils sont en accès libre (non appropriés) ;
  • Rivaux : La consommation du bien ou de la ressource par un agent la rend indisponible pour un autre. Les agents sont rivaux dans la consommation de la ressource.

Ainsi la ressource laissée en accès libre serait menacée de surexploitation jusqu’à sa disparition. La consommation d’un poisson le rend indisponible pour un autre agent, la sur occupation d’une plage en dégrade la qualité, … Chacun aurait intérêt à se comporter en passager clandestin : profiter du bien sans contribuer à sa production et le voir ainsi à terme perdu pour tous. C’est la tragédie des biens communs décrite par G. Hardin.

Classification des biens selon Samuelson 1954

ExclusionNon exclusion
Rivalité Les biens privés : Une maison individuelle, une part sociale d’entreprise, sa voiture, … Les biens communs : Les forêts, les pâturages, un étang, une vallée, la ressource halieutique, l’air, le climat, …
Non Rivalité Les biens de club ou à péage : Autoroute à péage, réseau téléphonique, … Les biens publics : la paix, la stabilité du système financier, la santé, ..

Les 3 voies pour gouverner les biens communs

  • L’appropriation privée, accorde des droits de propriété absolus sur la ressource. Cette voie fondatrice du paradigme libéral n’en garantit pas la préservation dans la mesure ou la ressource négociable sur les marchés peut être également surexploitée jusqu’à sa disparition (ex : les forêts primaires pour l’exploitation d’essences rares par des sociétés de capitaux privés) ;
  • La gestion par la puissance publique, permet d’extraire la ressource du champ de la marchandisation privée et de la sanctuariser durablement dans l’intérêt des populations (ex : les parc nationaux comme le parc naturel des Écrins, la réserve de Port-Cros,…) ;
  • Une troisième voie médiane théorisée par les travaux d’E. Ostrom, démontre comment des communautés parviennent à échapper à la tragédie des biens communs. Cette approche permet à travers des droits de propriétés élargis d’associer l’ensemble des parties prenantes à la définition des règles, aux décisions, à la gestion, à l’accès et à l’usage de la ressource (ex : le projet solidaire de “Montclar les 2 Vallées”, première station de ski autogérée , …) ; Par prolongement, un bien commun géré collectivement devient un Commun

2- Un Commun représente également le résultat d’une production collective au service du bien commun.

Cette seconde dimension, élargit la notion de « Commun » à la possibilité de produire du bien commun. Parmi les approches concernées, il est possible de mentionner :

  • La Responsabilité Sociétale des Entreprises, réellement assumée, c’est-à-dire éthique, parvient à produire de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes associées tout au long de la chaîne de création de valeur, à l’intérieur des territoires d’action, avec à la clef des gains de performances supérieurs sur la durée ;
  • Le champ de L’E.S.S. (Économie Sociale et Solidaire, loi du 31 juillet 2014), regroupe des entreprises très diverses qui partagent les caractéristiques d’un projet économique à forte utilité sociale porté collectivement par des acteurs en situation de coopération et d’interdépendance sur un territoire local, assorti d’une éthique en matière de redistribution des bénéfices et d’une gouvernance démocratique : une personne / une voix. L’ensemble des acteurs y produisent donc du commun dans une perspective de long terme au service du bien commun (bien vivre) ;
  • L’économie de la connaissance rassemblent des biens communs modernes immatériels ou biens communs de la connaissance, Cette idée est clairement illustrée par l’observation de pratiques d’acteurs dans le domaine des logiciels libres. Les auteurs des logiciels libres sont des précurseurs d’une nouvelle manière d’organiser la propriété, ici le droit d’auteur, substitue le principe d’inclusion à celui d’exclusion. En développant un contre-usage du Copyright, ils ont inventé une nouvelle manière de se saisir du droit de propriété afin de bannir l’exclusion : le copyleft. Leur ingéniosité aura été de s’adosser au copyright pour ouvrir la propriété et créer du libre (les licence libres, Wikipédia, Linux, Firefox, ...) ;
  • Les acteurs « autonomes » de la société civile organisés en associations ou en mouvements sociaux, produisent en commun des perspectives d’avenir en se réappropriant le réel (universités populaires, jardins partagés, forums de débats en ligne, sur les places, …). Ces pratiques collectives constituent un levier de transformation radicale de la société au service de la construction d’un commun désiré et accessible.

C’est vision élargie permet de rattacher fermement la notion de bien communs au champ de l’économie et gestion.

 Pour aller plus loin

  • La gouvernance des « Biens communs » au service du « Bien commun » article publié sur le site du CREG
  • Un tableau de synthèse des ressources exploitables en classe présentant la place des biens communs dans :
    • L’enseignement optionnel de management et gestion de seconde ;
    • Les programmes de la classe de 1re ;
    • Les programmes de la classe de terminale 2020 (Les programmes officiels sont en cours d’élaboration au moment de la rédaction de ces contenus) ;
    • L’enseignement de CEJM en STS.

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)