Intelligence collective et gestion des ressources humaines

, par Céline Attali

Pour s’adapter aux évolutions des environnements macro et micro économiques, les organisations ont du, et doivent encore, modifier leur structure organisationnelle. Quelle que soit la structure choisie, la constitution d’équipes de travail diverses, de groupes projet, a mis en exergue La (avec un L majuscule) Ressource Humaine comme source de compétitivité et d’avantage concurrentiel pour l’entreprise. Le concept d’Intelligence collective qui permet aux individus de partager leurs connaissances, leurs compétences, leurs expériences dans un projet commun répond alors efficacement aux exigences de performance globale de l’entreprise.

 Introduction

En France, le football est le sport le plus populaire. Dans la presse spécialisée, ce sont les exploits individuels qui sont mis en avant (exemple du fameux but marqué par ZLATAN IBRAHIMOVIC). Cependant, sans ses 10 autres co-équipiers, Z. IBRAHIMOVIC n’aurait probablement pas réussi cet exploit. Le point de vue des entraîneurs confirme cette idée car nombreux sont ceux qui considèrent leur équipe comme une organisation complexe, et dont l’entraîneur doit définir une stratégie à partir des individualités certes, mais individualités qui s’ajoutent et se complètent.
Alors le football est-il un jeu collectif ou la somme d’exploits individuels ? La réussite sur le long terme des équipes de sport aurait tendance à démontrer qu’il est nécessaire de penser collectif et de développer une créativité de groupe.
C’est ainsi que se construit l’intelligence collective. Dans un premier temps, nous pouvons envisager de définir distinctement les deux termes selon le dictionnaire Larousse ; « l’intelligence est la qualité d’un individu qui se manifeste dans un domaine donné avec le souci de comprendre de réfléchir et de connaitre, et qui adapte facilement son comportement à ces finalités ».
L’adjectif collectif signifie « qui est le fait de plusieurs personnes. » « qui s’adresse à un groupe de personnes. »

Dans un domaine différent de celui du sport, le domaine musical, J. SHENCK (article paru dans Slate, magazine internet traitant de politique, d’économie et de technologies) abordait également la notion d’intelligence collective à travers la fusion d’esprits créatifs avec l’exemple de J. LENNON et P. MAC CARTNEY du groupe Les Beatles dans un article intitulé « Two is the magic number ».
A travers les interviews de « couples » célèbres, nous pouvons effectivement constater combien il est difficile de déterminer le fonctionnement des binômes et la nature de leur collaboration ; qui est le leader ? Quelle est la contribution de chacun ?
Les intéressés eux-mêmes avaient du mal à exprimer les caractéristiques et les composantes de leur collaboration.
En agrandissant un peu la notion de groupe (supérieur à 2 individus), des chercheurs du M.I.T. (Massassuchets Institute of Technology) se sont penchés sur le fonctionnement des petits groupes pour en déduire que dans la majorité des cas étudiés, l’intelligence collective était supérieure à la somme des intelligences individuelles. Pour rappel, la définition du concept de synergie est la suivante : « La synergie reflète communément un phénomène par lequel plusieurs acteurs, facteurs ou influences agissant ensemble créent un effet plus grand que la somme des effets attendus s’ils avaient opéré indépendamment, ou créent un effet que chacun d’entre eux n’aurait pas pu obtenir en agissant isolément.. ».
Le concept de synergie signifie donc que le résultat est plus efficace lorsqu’il est atteint par l’ensemble des éléments d’un groupe, d’une organisation que lorsqu’il est atteint par l’action indépendante de chacun des membres du groupe. Plus prosaïquement, il y a synergie positive quand le résultat d’une action ou d’un élément est supérieur à la somme des résultats des parties.
Les chercheurs du M.I.T. mettent en évidence les trois facteurs contribuant au bon fonctionnement de ces petits groupes, à savoir :

  1. un climat de travail favorable,
  2. l’équité du temps de parole,
  3. la diversité dans la composition du groupe.

D’où une intelligence émotionnelle ajoutée à l’intelligence basée sur les connaissances et même la motivation des participants.

Dans les théories du management, nous passons du paradigme de leadership dans les années 80 (LIKERT/BLAKE ET MOUTON/ HENSEY ET BLANCHARD…) à celui de l’intelligence collective (P. LEVY/ O. ZARA/DEVILLARD) dans les années 2000.
La performance atteinte par un collectif qui sait travailler en intelligence collective dépasse largement celle d’un collectif sous l’emprise du leadership d’un individu.
Selon P. LEVY, « le projet de l’intelligence collective consiste précisément à valoriser toute la diversité des connaissances, des compétences et des idées qui se trouvent dans une collectivité, et à organiser cette diversité en un dialogue créatif et productif  ». La culture de l’intelligence collective travaille à établir de manière douce et pacifique un « multilogue » ouvert, qui est préférable aussi bien au cloisonnement et à l’isolement des intelligences, qu’à l’uniformité bien pensante.
L’intelligence collective c’est la capacité des individus à co-construire des expériences, des méthodes de travail, c’est la capacité d’un collectif, d’une organisation à se poser des questions et à chercher des réponses ensemble.
Nous pouvons ici faire le rapprochement avec le knowledge management (KM) qui est l’action de capitaliser et de partager des connaissances. Tout comme l’intelligence collective, l’enjeu du knowledge management est de faire en sorte que la performance collective soit supérieure à la somme des performances individuelles.

Mais pour comprendre le concept d’intelligence collective, il n’est pas inintéressant de se pencher quelques instants sur l’aspect biologique qui définit notre intelligence comme l’interconnexion des synapses avec les neurones. C’est la richesse des interconnexions qui forge l’intelligence de l’être humain sur le fondement de ce qu’il sait.
Le parallèle avec une organisation démontre la nécessité d’accroître les « synapses », les interconnexions entre les membres pour développer sa capacité à capitaliser et formaliser son intelligence collective.
L’apparition des technologies de l’information et de la communication appuie cette vision « physique » de l’intelligence collective puisque désormais, grâce à internet et aux multiples réseaux, l’intelligence collective est basée sur l’échange d’une foultitude d’informations entre une multitude de « réseauteurs ». Ce sont les TICE qui permettent la plus ou moins riche interconnexion des « synapses ». R. Mac Dermott, président de Dermott consulting, résume cette analyse en énonçant que « l’intelligence humaine dépend des connexions neuronales, l’intelligence organisationnelle dépend des connexions interpersonnelles ».

L’intelligence collective est une opportunité pour toute organisation qui souhaite préserver son avantage concurrentiel car La Ressource Humaine est aussi stratégique que la ressource financière. Pour une entreprise, les moyens de se différencier sont de plus en plus difficiles à trouver car les barrières à l’entrée se sont déplacées des coûts vers les technologies puis vers l’humain et le niveau de performance devient de plus en plus homogène. La performance des entreprises dans une société de l’information est de savoir mobiliser l’intelligence collective et les connaissances de ses parties prenantes. L’Intelligence collective devient alors un facteur de différenciation de l’organisation ; on parlera d’entreprise intelligente et d’entreprise agile.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’utilisation de nouvelles technologies au sein de l’organisation entrainent inévitablement des changements organisationnels. Or, tous les utilisateurs ne sont pas forcément aptes au changement et l’organisation peut rencontrer des résistances au changement dont les raisons peuvent être d’ordre culturel, managérial et bien sur technique.
L’arrivée massive des technologies réseaux et des connexions très hauts débit amplifient les pratiques d’actions collectives et donc les processus d’apprentissages collectifs. La mise en relation croissante des individus par le biais des technologies permet de nombreuses récursivités et réflexivités, quasiment en temps réel et en s’affranchissant donc des contraintes de temps, de distance, de hiérarchie et même de culture. Nous sommes désormais passés des technologies de l’information et de la communication aux technologies de l’information et de la collaboration qui augmentent la performance des interactions humaines et donnent à l’information une valeur opérationnelle.
Mais comment passer d’une logique individuelle à une logique collective ? Comment manager le collectif ? Comment partager de façon efficace les connaissances et les compétences ? Quels sont les moyens mis à la disposition des managers pour atteindre une performance collective ?

Autant de questions se posent lorsque l’on aborde le sujet de l’Intelligence Collective. Pour essayer d’y répondre, il faut dans un premier temps étudier l’émergence de l’intelligence collective au sein d’une organisation et comment s’effectue le passage de l’individuel au collectif.
Les stratégies managériales devront alors s’adapter à cet objectif de performance collective. Il s’agit de définir le nouvel environnement managérial induit par la gestion de l’intelligence collective.

 Comment l’intelligence collective émerge au sein des organisations ?

Il y a plus de deux siècles, Adam SMITH soulignait le rôle du travail collaboratif à travers l’exemple de la « fabrique d’épingles » ; dix ouvriers travaillant chacun de leur côté ne parviennent pas à produire plus de 20 épingles par jour et par ouvrier. S’ils se spécialisent chacun dans une étape de la fabrication, les cadences montent à 4 800 épingles par jour et par ouvrier. De ce principe de division du travail découle la nécessité d’organiser les interactions entre les salariés, de les faire coopérer et collaborer.
Cette nouvelle organisation est étroitement liée à l’apparition d’un nouveau groupe fonctionnel, les « managers salariés » (A. CHANDLER, la main invisible des managers) dont la fonction principale est la coordination efficace des activités. En effet, l’entreprise a changé depuis A. SMITH car ce ne sont plus des flux d’épingles dont il est question, mais de flux d’informations. Les échanges sont désormais dématérialisés et c’est dans ce contexte que les managers opérationnels doivent améliorer la collaboration au sein de leurs équipes.
Cette observation met également en évidence la nécessité de transformer et d’adapter la structure de l’organisation aux exigences de performance.
Il apparaît alors comme nécessaire de remettre en cause la structure de l’entreprise ainsi que ses frontières.

C’est dans la définition même de l’IC que nous retrouvons la volonté des entreprises de constituer des groupes projets et de modifier la structure de l’entreprise.
L’IC est la capacité d’une organisation, ou d’un collectif à se poser des questions et à chercher des réponses ensemble.
L’émergence des groupes projets répond à cet objectif de partage de connaissances et d’expériences. Le projet peut être défini comme « une réalisation unique, limitée dans le temps et comportant un ensemble de tâches cohérentes, utilisant des ressources humaines, matérielles et financières en vue d’atteindre les objectifs prévus, tout en respectant des contraintes particulières » (grand dictionnaire de terminologie du Québec).
Loin du taylorisme et du fordisme, la réalisation des objectifs de l’entreprise passe par la motivation et l’engagement des salariés. Les approches théoriques sont celles de MAYO, de MASLOW et d’HERZBERG qui mettent en évidence une hiérarchie des besoins et des attentes du salarié dans laquelle l’affectif prend le dessus.
Ainsi, l’organisation doit tenir compte de cette donnée d’où l’aboutissement à la réflexion de CHANDLER qui énonce que ce n’est plus la structure qui détermine la stratégie mais la stratégie qui impose le choix d’une structure. Il s’agit d’une vision volontariste de l’organisation qui anticipe et accompagne les évolutions de l’environnement.
Les idéaux types de structures de MINTZBERG (adhocratie et structure formelle) ne sont plus suffisants et les organisations doivent inclure une structure plus souple encore afin de permettre la prise d’initiatives de la part des collaborateurs.
De plus, la stratégie indispensable d’innovation nécessite une part importante d’incertitude et de complexité, ce que ne permet pas la structure hiérarchique. L’intérêt de la « forme projet » est qu’elle ne réduit pas l’incertitude mais qu’elle la transforme.
Ainsi, le groupe projet est un sous-ensemble auto-organisé d’une structure plus formalisée car il répond à un besoin spécifique de l’organisation. L’intelligence collective contribue à l’émergence du processus décisionnel mais n’impacte pas la prise de décision.
Tous les problèmes de l’organisation ne sont pas résolus par le groupe projet et la structure hiérarchique globale doit persister.
Ainsi, la constitution de groupes projets permet à l’entreprise de rester compétitive et de s’adapter à l’environnement complexe et incertain. Comme énoncé précédemment, il est un moyen d’atteindre un objectif grâce au partage d’expériences des membres, et grâce au choix de solutions pertinentes définies à partir du partage des compétences et des connaissances : exemple la TWINGO puis la CLIO 2 chez RENAULT.
Les groupes projet sont composés de manière à intégrer dans le projet des individus qui détiennent les connaissances et l’expertise nécessaires à l’efficience du groupe. Ils se forment bien souvent par le biais de réseaux sociaux internes.
Le projet peut constituer un test grandeur nature dont les résultats seront réinjectés dans l’ensemble de l’organisation s’il est concluant (apprentissage en double boucle d’ARGYRIS et SCHON).
Cependant, « l’effet réseau » peut également être source de conflit et de « désapprentissage » si l’animation du groupe n’est pas efficace c’est à dire adaptée à la complexité du groupe et de ses objectifs. Le manager doit veiller à ce que les individus soient réunis autour d’un projet commun, d’une tâche collective ; ils doivent adhérer aux normes, valeurs et règles du groupe et ce pour une durée déterminée.

Les technologies de l’information et de la communication, de plus en plus innovantes, de plus en plus créatives, permettent de travailler en équipe, performent les interactions entre individus (CALLON & LATOUR), entre collaborateurs. Les utilisateurs de ces technologies sont alors très souvent confrontés à de nouvelles méthodes de travail et les apprentissages peuvent être formels ou informels (C. ARGYRYS).
Tous les utilisateurs ne sont pas forcément aptes au changement et l’organisation peut rencontrer des résistances au changement dont les raisons peuvent être d’ordre culturel, managérial et bien sur technique. Mais il n’en reste pas moins que les technologies créent de nouvelles opportunités d’enrichir qualitativement et quantitativement les interactions entre les différents groupes qui composent l’organisation, et les différents membres qui composent le groupe. On parle alors d’organisation apprenante (ARGYRIS) et de communautés d’apprentissage (LE MOIGNE). Pour C. ARGYRIS et D. SCHON, il y a deux niveaux d’apprentissage :

  • l’apprentissage en simple boucle (single loop) : les acteurs repèrent les erreurs afin de simplement les corriger ;
  • l’apprentissage en double boucle (double loop) : les acteurs repèrent les erreurs, les corrigent mais en profitent aussi pour modifier les procédures.

Une organisation peut être qualifiée d’apprenante lorsqu’elle est en mesure de modifier et d’adapter les normes et valeurs qui orientent la stratégie. La communication réflexive commune est alors un élément incontournable de la production, il s’agit de réfléchir pour agir, les acteurs sont aussi des chercheurs, mais surtout des « trouveurs » impliqués dans l’action. L’organisation apprenante permettra d’apprendre à apprendre grâce à la mise en commun des connaissances et des expériences et la mise en évidence de l’intelligence collective des acteurs.

Cependant, certains managers n’adhèrent pas au processus de l’intelligence collective par peur de perdre le pouvoir. Ils sont encore nombreux à penser qu’« information » est synonyme de « pouvoir ». Aucun manager n’est privé de pouvoir, mais la méthode d’exercice du pouvoir est différente. L’intelligence collective fait naitre un nouveau mode de gouvernance des organisations : le management de l’intelligence collective dont l’objectif est la performance collective.

 Le nécessaire management de l’Intelligence Collective

L’objectif du management de l’intelligence collective est d’obtenir une décision intelligente par le biais d’outils, de méthodes, de processus et de technologies.
L’intelligence collective est donc un état de maturité d’un collectif où le niveau de performance collective est très élevé. Il faut entendre ici performance globale c’est-à-dire efficacité et efficience, où le facteur humain est pris en compte (modèles psychosociologiques des organisations).
La performance collective assemble deux facteurs : productivité et positivité (M. MORAL, 2010). La notion de productivité recouvre des notions familières telles que la qualité des ressources et du leadership et du processus de décision. La notion de positivité intègre des valeurs telles que respect, confiance, communication, interactions positives. Selon M. Moral, il existe divers outils de mesure de la combinaison de ces deux facteurs :

Productivité faible Productivité élevée
Positivité élevée Danger de « laisser aller » Performance collective
Positivité faible Situation de marasme Situation de stress

M. MORAL, docteur en psychologie - « intelligence collective : pas si facile… psychologues et psychologies – 2012

Une équipe performante sera donc une équipe dans laquelle les interactions entre les membres sont co-construites et ont une signification fonctionnelle et émotionnelle.
Lorsque les échanges sont convaincants et jugés comme tels par les participants, leur impact sera grandement significatif dans l’avancement des apprentissages. Cet échange encourageant est alors répété, renouvelé dans un projet suivant et nécessitant une progression des compétences nécessaires, une différenciation grandissante, une régulation des tensions et conflits inhérents au fonctionnement du groupe. Tâche qui incombe donc au manager de proximité ou chef de projet.
Selon A. RIBOUD, PDG de DANONE, « les entreprises performantes sont celles qui pensent solidairement le changement technologique, le contenu du travail et le changement des rapports sociaux internes à l’entreprise ». Le niveau de l’apprentissage individuel est alors dépassé pour atteindre un niveau d’apprentissage collectif, divers et variés, entre équipes, entre sites de production, reliés par les réseaux. Ainsi, la communauté, l’équipe, l‘organisation est assimilée à un système vivant, ouvert en interaction avec son environnement. Pour VARELA (2000), les machines, les technologies ne sont pas capables, au contraire des systèmes vivants (les êtres humains) de se complexifier spontanément (Phénomène de néguentropie, E. MORIN).
Ce système vivant compose une équipe qui fusionne pour devenir un seul élément avec plusieurs mains, plusieurs pieds, plusieurs sensations, plusieurs intelligences (ARISTOTE dans « La politique », livre III) sont évolutives et il est nécessaire d’encourager cette évolution pour performer le groupe en question et son apprentissage. Le management en place se doit d’instaurer et de veiller au bon fonctionnement du groupe grâce à une trilogie d’actions orientée vers :

  • Une coopération efficace,
  • La motivation et l’engagement des participants,
  • La différenciation des tâches claire et acceptée par tous.

Lorsque l’on ajoute l’évolution des technologies, de nouvelles compétences des acteurs dans les organisations apparaissent, et émerge un nouveau mode de management ; les salariés doivent être plus responsables, plus créatifs plus innovants et les managers de proximité ont un rôle d’accompagnateur, de formateur.
Le management de l’intelligence collective doit donc stimuler les intelligences individuelles, collectives, organisationnelles, relationnelles des individus.

Indéniablement, l’intelligence collective et la gestion des Ressources Humaines passent par un processus d’acquisition et de formation. Le processus d’acquisition des connaissances comporte trois étapes : la création de la connaissance, la capitalisation (capitaliser = c’est formaliser une information hors de la tête de celui qui la détient pour pouvoir la partager entre les membres de l’organisation et la mettre à disposition) et enfin la diffusion de la connaissance.
P. DRUCKER confirme l’importance de la connaissance : « la création de richesses repose sur un facteur spécifiquement humain : la connaissance. Lorsque nous appliquons la connaissance à des tâches que nous savons déjà faire, nous appelons cela productivité. Lorsque nous appliquons la connaissance à des tâches nouvelles ou différentes, nous appelons cela innovation ».
La connaissance peut être définie comme ce grâce à quoi nous élaborons des solutions à des problèmes nouveaux. On distingue connaissances tacites (routines transmises par imitation et répétition EMERY et TRIST) et connaissances explicites (méthodes simples à mémoriser et à transmettre).
Dans la théorie classique (AGYRIS & SCHON, apprentissage simple ou double boucle), l’apprentissage est la hiérarchisation des problèmes à résoudre et l’application de méthodes définies et imposées par la hiérarchie, la direction.
Ainsi, le knowledge management ou management des connaissances consiste en la formation des collaborateurs à l’utilisation de l’intelligence collective.
Le K.M. induit également le concept de « Management par la qualité » qui est la mise en œuvre d’une démarche de progrès permanente par le management des connaissances et des compétences. L’objectif de ce management est de mettre en place une stratégie par laquelle l’organisation vise la satisfaction globale (économique, organisationnelle, humaine et environnementale) des parties prenantes.
Les moyens pour atteindre cet objectif sont les processus mais aussi l’implication et l’engagement des salariés et des dirigeants.
Les outils de la gestion des connaissances sont : (essentiellement pour les connaissances explicites)

  • La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC),
  • La formation des collaborateurs,
  • La Gestion Electronique des Informations et des Documents (GEIDE),
  • Les retours d’expérience.

Pour les connaissances tacites, les structures par projet permettent l’adhésion des collaborateurs au management de l’intelligence collective.
Le rôle de l’encadrement est ici évident puisqu’ il s’agit de fédérer le personnel par la gestion des connaissances c’est-à-dire en développant les modes de coopération et de motivation des salariés, de capitalisation des connaissances.
C’est la raison pour laquelle dans grand nombre d’entreprises, l’intelligence collective se matérialise par des coopérations intellectuelles c’est-à-dire une réflexion collective. Cette réflexion collective peut être plus ou moins efficace en raison des différences culturelles, des habitudes managériales ou des résistances au changement.
Réflexion collective et coopération intellectuelle permettent de créer l’information, de lui donner du sens et d’interagir sur l’information existante pour la transformer en une nouvelle information. Il s’agit là encore de co-construire l’information et de lui donner du sens.
Un manager, dans une entreprise intelligente, doit savoir distinguer communication collective et réflexion collective. En effet, dans le premier cas, il s’agit principalement d’un échange d’informations au sein du groupe, dans le second cas, ce sont les coopérations intellectuelles qui créent l’information, lui donnent du sens. La réflexion collective permet aussi la transformation d’une information existante en une information nouvelle.
La stratégie managériale consiste alors à mobiliser les ressources humaines afin qu’elles co-construisent une ou des informations. Et l’importance du facteur humain se traduit par le fait que l’organisation possède sa propre culture, ses valeurs, ses comportements auxquels l’individu doit adhérer. L’adhésion à ces valeurs et à ces comportements est indispensable pour que l’intelligence collective soit possible.
P. LEVY appuie cette idée en écrivant : « … c’est pourquoi le projet de l’intelligence collective consiste précisément à valoriser toute la diversité des connaissances, des compétences et des idées qui se trouvent dans une collectivité et à organiser cette diversité en un dialogue créatif et productif… ». Ainsi, le partage de l’information, la confiance, l’autonomie forment « la culture cohésive » de l’organisation (R. BARETT) qui permet d’accéder à l’intelligence collective.

Les entreprises qui souhaitent conserver leur avantage concurrentiel dans le domaine des ressources humaines devront avoir la capacité de gérer le capital intellectuel et de faire croitre les coopérations intellectuelles à travers l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Ainsi, l’organisation intelligente est transversale et les relations humaines sont interconnectées. L’environnement de l’organisation évolue et il est indispensable que cette dernière s’y adapte (phénomène d’isomorphisme de W. POWELL et P. DIMAGGIO).
La culture managériale est désormais une culture du savoir. L’encadrement doit prendre conscience que ce savoir est détenu par toutes les tranches d’âges, toutes les catégories professionnelles représentées dans l’entreprise.
Les responsables ressources humaines doivent intégrer que la création de valeur dépend des idées et de la créativité des individus qui la composent. Dans le contexte d’une entreprise collective, le rôle des RH est la mobilisation de l’intelligence collective et des connaissances. La principale difficulté est la prise en compte conjointe des besoins individuels et collectifs et de les faire correspondre durablement.

La difficulté est d’autant plus grande que les entreprises évoluent aujourd’hui dans un environnement complexe et mouvant. Les frontières de l’entreprise se sont élargies, voire « floutées ». Ce sont les raisons pour lesquelles les technologies collaboratives ont pris une telle ampleur au sein des organisations. L’intelligence collective apparait comme une nécessité pour l’organisation qui souhaite s’adapter à son environnement et répondre aux objectifs de performance multi-dimensionnelle : économique, sociale et environnementale.
Le pouvoir de l’intelligence collective réside dans la capacité du collectif à s’interroger, à remettre en cause l’existant, à anticiper.
La création collective de valeur n’est possible que si l’individu est impliqué dans le projet d’entreprise et il appartient à l’organisation de créer un environnement propice à cette orientation. Il incombe désormais aux Directions des Ressources Humaines de prendre en compte l’existence de « systèmes d’intelligences », véritables variables stratégiques de l’organisation. En effet, la qualité de l’information, ciment de la prise décision, contribue au bon fonctionnement de ces « systèmes d’intelligences » et il appartient aux managers d’entretenir les comportements collectifs inhérents à ces réseaux « intelligents ».

 Bibliographie/Sitographie

 Bibliographie :

  • Pierre Levy, l’intelligence collective : pour une anthropologie du cyberespace, la Découverte, Poche 1997
  • Olivier ZARA, le management de l’intelligence collective, vers une nouvelle gouvernance, M21 éditions, 2008
  • Jean-François NOUBEL, intelligence collective, la révolution invisible, 2004
  • Jeanne Mallet, intelligence collective, équipe apprenante et TICE : les problèmes culturels sous-jacents, 2007
  • Pierre Morin, Eric Delavallée, la manager à l’écoute du sociologue, éditions d’organisation, 2000
  • Robert REIX, Bernard Fallery, Michel Kalika, Frantz Rowe, systèmes d’information et management des organisations, 6e édition, Vuibert, 2011
  • Damien Caillard, l’intelligence collective, séminaire internet Sciences Po, 2001/2001

 Sitographie :

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