La gestion de la diversité au sein des organisations

, par Céline Attali

En France, comme dans de nombreux autres pays européens, la diversité est désormais une approche managériale qui fait partie du discours stratégique des dirigeants. Même si cette approche recouvre différentes logiques, elle nécessite la mobilisation de tous dans un objectif de justice sociale. L’encadrement juridique de la lutte contre les discriminations a été un déclencheur de pratiques managériales orientées vers la promotion de la diversité. Cette diversité, qui reflète notre société, constitue un enjeu économique et sociétal pour les entreprises. Dans les organisations modernes, dont les frontières sont de plus en plus élargies, manager la diversité est une évidence, un fait auquel elles sont confrontées. Comment font-elles pour réagir ?

 Introduction

L’article 1 de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations énonce « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise ; Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, à une nation ou à une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail... Et en raison de son état de santé ou de son handicap. »

Depuis 2001, l’évolution de la législation en matière d’égalité professionnelle s’impose aux organisations de manière de plus en plus ciblée. Que ce soit la loi de 2006 sur l’égalité de salaire homme/femme, puis la loi de 2005 relative à l’égalité des droits et des chances des travailleurs handicapés, ou encore la loi de 2010 sur les séniors, les organisations doivent faire face aux mutations de l’environnement et à sa complexité tout en réfléchissant aux enjeux d’un management pluriel, d’un management responsable et équitable.

La Responsabilité Sociétale de l’Entreprise est désormais un levier de performance pour l’entreprise et le lancement en 2004 par un mouvement patronal de la Charte de la Diversité représente une véritable prise de conscience des dirigeants de l’enjeu que représente le management de la diversité qui vient compléter les dispositifs déjà existants de lutte contre la discrimination et pour l’égalité au sein de l’entreprise. Le management de la diversité peut être défini comme le management des personnes dans la valorisation de leurs différences respectives et celle de la mise en commun de ces différences (BENDER 2006).

Le législateur tout comme les chercheurs en gestion se rejoignent alors sur les critères de diversité que sont l’âge, le sexe, l’origine ethnique, les convictions religieuses, l’appartenance syndicale, etc. Les organisations sont effectivement des regroupements d’individus tous différents et qui ont des attentes et des besoins variés, des compétences spécifiques. L’Ecole des relations humaines met en évidence ce mouvement « d’individuation » c’est-à-dire les revendications des acteurs pour une reconnaissance et un engagement de soi comme source de motivation.

Dans les organisations modernes, où les structures sont élargies, les entreprises fonctionnent en réseau, le management de la diversité est une préoccupation et un fait devant lequel l’organisation doit réagir. Pour THOMAS & ELY(1996), la diversité peut être définie comme «  les perspectives et les approches variées du travail que les membres de groupes aux identités différentes peuvent apporter ». Il faut entendre par identités différentes des caractéristiques spécifiques observables (par exemple l’âge, le sexe, l’origine ethnique), mais aussi des caractéristiques spécifiques non observables, par exemple l’orientation sexuelle ou bien les convictions religieuses). Cf. tableau. Toutes ces spécificités sont très souvent représentées au sein de l’entreprise et il incombe alors aux managers Ressources Humaines comme aux managers de proximité de gérer cette diversité.

Proposition de classification des caractéristiques de la diversité (J.M. PERETTI ) [1]

Caractéristiques physiques visibles Caractéristiques physiques fonctionnelles Caractéristiques individuelles liées à l’histoire de l’individu Caractéristiques sociales Caractéristiques organisationnelles
Age Handicap physique Ex-détenu ou dossier judiciaire Nom, prénom Métiers ou professions
Origine ethnique Handicap mental Degré de maitrise de certaines langues Langue maternelle Départements ou services
Couleur de peau Taille poids Expérience professionnelle Religion
Sexe Etat de santé (grossesse, maladie chronique …) Expérience de bi-culturalité Situation familiale
Orientation sexuelle Orientation sexuelle Origine et classe sociale
Taille Communauté culturelle ou linguistique
Poids Lieu de vie
Orientation politique
Nationalité
Parcours professionnel

Au regard de l’étendue des critères à prendre en compte, nous pouvons nous demander comment la diversité est gérée au sein des organisations.

 I - La diversité, une préoccupation incontournable dans la gestion des Ressources Humaines

Le management de la diversité peut se définir comme « l’ensemble des politiques, dispositifs et acteurs qui relèvent, de façon implicite ou explicite, de la lutte contre les discriminations et de la recherche de l’égalité des chances pour tous, au sein des entreprises et des organisations, dans l’intention de promouvoir la reconnaissance des différences comme une richesse pour chacun et pour l’organisation. » (BARTH et FALCOZ).

Dans un premier temps, pour répondre à cet impératif, ce sont les institutions gouvernementales qui vont initier la promotion de la diversité.

C’est en 2001 que le concept de diversité fait son apparition en France, à grands renfort de lois, appuyé par l’initiative patronale de mise en place de la Charte de la Diversité (2004) dont l’objectif est de « promouvoir l’application du principe de non discrimination, et à chercher à refléter la diversité de la société française ».

Cependant, l’approche de la diversité tend à se confondre avec celui de l’égalité. En effet, à la fin des années 70, apparaissent aux Etats Unis, les politiques d’affirmative action de Roosevelt R. Thomas [2] (traduire discrimination positive) qui met en avant la dichotomie du contenu de la diversité. D’un côté la diversité est assimilée à l’égalité qui vise l’équilibre du partage, de l’autre côté, la diversité est une norme autonome qui représente le niveau supérieur de la discrimination ; ainsi, la gestion de la diversité reviendrait à lutter efficacement contre les discriminations. Et promouvoir la diversité reviendrait à augmenter le nombre d’individus issus de groupes sociaux différents. Dans ce contexte, l’expression « plafond de verre » fait son apparition à la fin des années 80, et en 1997, le Bureau International du Travail (BIT) définit le « plafond de verre » comme « l’ensemble des barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités ».

Le management de la diversité prolonge le discours de l’Affirmative Action et tend à se préoccuper, dans un premier temps, des mesures antidiscriminatoires afin de respecter la législation existante.

Dans un second temps, les entreprises se sont appropriées le concept de diversité en l’élargissant aux conséquences économiques de la gestion de la diversité en reconnaissant que les différences entre les individus, liées à leurs appartenances ou non à certains groupes protégés par la loi contribuent à la performance économique de l’organisation. Il s’agit de valoriser toutes les différences observables ou non, y compris les compétences et les cultures.

Politique d’égalité et gestion de la diversité, BENDER et PIGEYRE (2009)

Egalité des chances Gestion de la diversité
Se concentre sur la lutte contre les discriminations et vise l’égalité concrète à court terme. Vise à faire évoluer les représentations
Concerne surtout les femmes, les minorités et les handicapés. Inclut des publics divers (âge, orientation sexuelle)
Universalisme : absence de différences Accepte, voire valorise les différences
Légitimité : justice sociale/réparation des inégalités Légitimité : performance de l’entreprise, méritocratie
Repose sur des actions positives Peu d’actions positives mais des actions catégorielles
Limites : risques de stigmatisation Limites : risque de « coquille vide »

Désormais, si la diversité s’entremêle toujours quelque peu avec le principe d’égalité, elle n’en demeure pas moins une valeur fondamentale et un enjeu déterminant pour toutes organisations. Dans ce contexte, ces dernières ont pour objectif d’organiser la coordination des nombreux acteurs différents par divers aspects. Nous pouvons alors concevoir que l’intérêt de la diversité est l’enrichissement collectif plus qu’une redistribution égalitaire. Il s’agit donc pour l’entreprise d’accroitre la présence d’individus d’horizons divers et variés.

Pour de nombreuses entreprises françaises, la diversité est abordée sous l’angle du multiculturalisme. Gérer la diversité peut alors consister en un renouvellement et un enrichissement des ressources humaines présentes. La gestion de la diversité au sein des organisations rassemble les individus autour d’une culture commune, basée sur l’égalité, le respect d’autrui et de ses différences.

Selon J.M. PERETTI, cette reconnaissance des salariés dans les valeurs de leur entreprise est un enjeu économique pour la Direction des Ressources Humaines dans la mesure où elle augmente leur adhésion, leur implication et leur motivation, donc leur engagement.

Au-delà de l’enjeu économique, la gestion de la diversité répond à un enjeu social. Certes, les ressources humaines constituent un avantage concurrentiel pour toute organisation, mais désormais, l’organisation doit répondre aux besoins supérieurs et aux attentes sociales des salariés. Il faut ajouter à cela que la crise économique amène la société civile à exiger un comportement socialement plus responsable des entreprises. Le développement des politiques de RSE dans lesquelles s’inscrivent la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité s’imposent aux organisations.

Selon une étude réalisée dans plusieurs pays en 2012 par le cabinet HR BEAT auprès de managers et professionnels de la fonction Ressources Humaines, la France se distingue des autres pays puisque dans la majorité des cas, les attentes des salariés sont essentiellement orientées vers la formation, la promotion et autres avantages sociaux plus que vers les rémunérations. Nous voyons bien que la gestion de la main d’œuvre de façon équitable et responsable devient un impératif pour les organisations. D’autant plus que depuis la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques), les entreprises doivent présenter un bilan annuel qui rend compte de la façon dont elle exerce cette responsabilité sociétale vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes. Cependant, cette disposition demeure incomplète en matière de gestion de la diversité car les indicateurs ne sont pas suffisamment détaillés quant à l’âge ou l’origine ethnique.

C’est une des raisons pour lesquelles les dirigeants se sont organisés en clubs ou en associations pour redessiner les contours de la diversité au nom de l’engagement social de l’entreprise. L’entreprise responsable, citoyenne intègre désormais des valeurs non marchandes dans ses modes de gestion. La diversité peut alors être présentée comme un moyen d’améliorer l’image de l’entreprise et d’accroître son capital immatériel. A travers sa stratégie éthique, l’organisation gagne en notoriété face aux parties prenantes et accroit sa performance globale. Car si la diversité est une source de valeur ajoutée pour l’entreprise, elle correspond aussi à une stratégie de légitimation (LEROUX & AL) sur un marché mondial où le « capital réputation » est devenu un enjeu primordial. A cela s’ajoute le phénomène d’isomorphisme décrit, dans la théorie institutionnelle de POWELL et DIMAGGIO, comme un phénomène d’imitation car il s’agit de montrer une image positive comme bon nombre d’organisations (cf. les sites Internet des grandes multinationales), et ce face à l’ensemble des stakeholders (clients, fournisseurs, actionnaires, salariés, état). La modification des frontières de l’entreprise, l’apparition des entreprises réseaux rend nécessaire l’élargissement des pratiques responsables à l’ensemble des partenaires de l’organisation.

L’environnement économique et social des organisations évolue et se complexifie. La gestion de la diversité peut permettre aux dirigeants de s’adapter à ce « nouveau monde ». En effet, les contours démographiques (vieillissement de la population active) et la mondialisation de l’économie justifient la nécessité du recours à une diversité culturelle dans une stratégie de développement international et d’ouvertures de marchés. Ces impératifs économiques s’ajoutent aux exigences légales et l’organisation a pour objectif de se mettre en conformité avec la loi en rectifiant certaines pratiques et certains processus. Le management de la diversité implique un changement profond, la modification des process et des comportements. Il inclut de nouveaux modes d’apprentissage et de travail. Les managers piloteront efficacement le projet « promotion de la diversité » en respectant les étapes ci-dessous :

  • sensibiliser des acteurs aux enjeux de la diversité,
  • informer des changements en matière de gestion des ressources humaines,
  • communiquer sur les actions, et sur leur planification dans le temps,
  • se doter des moyens indispensables pour mettre en œuvre la politique de diversité.

Les études et enquêtes réalisées auprès de grandes entreprises européennes confirment les axes autour desquels est orientée la problématique de la diversité. En effet, environ 50 % des grandes entreprises valorisent l’accès à l’emploi et à l’augmentation des chances de promotion des minorités (de race, de langue, de religion, d’ethnie, etc.), c’est-à-dire des individus exclus du pouvoir ou privés de droits accessibles à autrui. 80 % des entreprises interrogées ont un discours sur la diversité qui traduit une problématique liée à la gestion des ressources humaines et le plus souvent sur les thématiques de la carrière, des rémunérations et de la frontière vie privée/vie publique. Ces mêmes entreprises reconnaissent que les principaux arguments pour la mise en place d’une politique diversité sont le gain en termes d’image et de notoriété, de satisfaction des parties prenantes et enfin d’amélioration de la performance.

La première légitimité de l’entreprise est effectivement la recherche de performance vis-à-vis des parties prenantes et plus particulièrement la performance économique. Il faut donc que les entrepreneurs engagés dans une démarche diversité en démontrent l’intérêt économique. Les managers doivent aller au-delà des règles légales existantes et inclure la diversité dans la stratégie de l’entreprise dans une optique de performance globale. Le fait de dépasser le contexte législatif a permis aux managers d’élargir les catégories visées et de ne plus se restreindre aux différences ethniques, mais d’y inclure l’égalité homme/femme et l’employabilité des travailleurs handicapés. La logique managériale applicable à la diversité est la capacité à recruter des individus sur la base de leurs compétences et de l’adéquation de leur profil à celui du poste à pourvoir, et non plus sur leurs éventuelles différences. Pour le département Ressources Humaines, il s’agit de réagir face aux dysfonctionnements liés à une diversité de la main d’œuvre, aux nouvelles exigences (aménagement du temps de travail, congés parentaux par exemple). Il faut aussi anticiper les besoins de main d’œuvre et encourager la créativité et l’innovation des salariés (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences). La gestion de la diversité consiste donc essentiellement en un renforcement du capital humain et organisationnel. Les avantages peuvent être de court terme (réduire certains coûts liés au turn-over ou la pénurie conjoncturelle de main d’œuvre) ou bien de moyen et long terme dans les grandes entreprises (fidéliser les acteurs internes et externes, améliorer la notoriété de l’entreprise). Nous pouvons distinguer trois catégories d’avantages concurrentiels : en termes de gestion des ressources humaines, en termes commerciaux et enfin en termes financiers.

Dans le domaine de la GRH, la diversité permet de résoudre le problème du manque de main d’œuvre structurel ou conjoncturel. Plusieurs études européennes montrent que les entreprises commencent à faire face à un déficit de main d’œuvre appropriée dans leur domaine d’activité. Il leur faut donc attirer des talents et de compétences venus d’horizons divers pour accroitre la qualité de la main d’œuvre. De plus, la promotion de la diversité est source de performance dans la mesure où elle permet de renforcer les valeurs culturelles au sein de l’organisation, d’assurer sa notoriété, de retenir les collaborateurs performants, de motiver et de favoriser la créativité des salariés, de faciliter la collaboration et le travail d’équipe. D’un point de vue commercial, une main d’œuvre diversifiée permet à l’entreprise de mieux refléter la diversité de la société et donc de mieux comprendre les besoins sa clientèle.

Nous pouvons citer l’exemple de l’ethnomarketing ou marketing de la diversité qui consiste à segmenter le marché local ou international en s’appuyant sur la diversité des groupes de consommateurs (exemple des produits capillaires du groupe l’Oréal pour les populations moires et métisses). L’impact de la diversité sur les performances économiques des organisations se traduit par l’expression « business case » de la diversité. Les collectifs de travail diversifiés en termes de genre, d’âges ou d’origines ethniques sont plus productifs et améliorent la performance globale de l’entreprise. Les conditions de réussite des groupes de travail diversifiés sont la mise en commun de compétences, de connaissances et de qualifications différentes et complémentaires, ainsi qu’une collaboration et une communication efficace entre les membres. Ces idées sont corroborées par la théorie de « l’efficience X » de LIEBIENSTEIN qui énonce que les discriminations ont des effets négatifs sur l’efficience X, c’est-à-dire sur l’efficacité organisationnelle, dans la mesure où elles provoquent des problèmes organisationnels liés aux efforts déployés pour discriminer. En résumé, la discrimination entraine une inefficience organisationnelle globale, tandis que les politiques de gestion de la diversité entrainent une augmentation de leur productivité. La gestion de la diversité produit donc des effets bénéfiques sur les performances individuelles et collectives car les nouvelles pratiques organisationnelles modifient les comportements des individus qui se retrouvent dans des équipes de travail mixtes et diversifiées. Nous pouvons citer par exemple l’impact des femmes sur le raccourcissement des délais de réaction ou bien l’impact des collaborateurs plus âgés sur l’efficacité de la communication.

Le business case de la diversité nous démontre que la diversité n’est pas seulement un enjeu de progrès vers une meilleure égalité des chances et de lutte contre les discriminations, mais aussi une question d’efficacité économique, de meilleure cohésion sociale et donc de performance globale. Les managers Ressources Humaines sont d’autant plus impliqués dans ce projet qu’ils y voient une confirmation de leur rôle dans la gestion des savoirs et des compétences comme réel avantage concurrentiel.

 II - Comment gérer au mieux la diversité ? Mise en œuvre dans les entreprises et les organisations

Pour promouvoir et bien manager la diversité, les principales actions à mener sont d’ordre éthique, organisationnel et humain. L’impact des actions de promotion de la diversité sur la performance de l’entreprise sera plus important si ces actions sont menées sur le long terme et en impliquant le plus grand nombre. Si la Direction des Ressources Humaines est au cœur de ces politiques, les managers opérationnels et de proximité sont au plus près du terrain et du vécu des collaborateurs. Les mesures prises en faveur de la diversité seront alors diffusées largement au sein de l’entreprise afin que tous les acteurs internes soient concernés. « Accompagner la mise en place de la gestion de la diversité d’une campagne de communication pourrait être un mode de légitimation, tant auprès des salariés ; que de leurs responsables hiérarchiques ou que des candidats potentiellement intéressés » (BENDER & PIGEYRE).

Comme nous l’avons vu précédemment, les revendications des salariés ne sont plus uniquement salariales, mais elles portent également sur les conditions de travail et le bien être dans l’entreprise. Ce sont donc tous les aspects de la fonction R.H. qui sont impliqués, depuis les responsables paies, en passant par les responsables du recrutement, et ceux de la communication, une attention particulière doit être portée au développement social et humain. Si les entreprises sont de plus en plus convaincues de l’importance de gérer la diversité, les méthodes employées ne sont pas toujours évidentes à mettre en œuvre. Les entreprises mettent également en évidence la difficulté à évaluer les résultats de cette gestion. Car avant toute chose, les responsables Ressources Humaines doivent faire correspondre les besoins de main d’œuvre avec les besoins de l’entreprise, c’est-à-dire trouver des candidats « divers » tout en répondant aux exigences de l’organisation et de ses parties prenantes. Les partenaires sociaux sont associés à cette démarche dans le cadre d’accords sur l’égalité professionnelle et la cohésion sociale.

Certains acteurs économiques ont souhaité dépasser le cadre institutionnel et légal en matière de diversité. Ce sont les « entrepreneurs de la diversité » dont Claude BEBEAR est à la tête, qui ont mis au point la Charte de la Diversité, puis le Label Diversité (2008). Dirigeants de grands groupes, experts et consultants en Ressources Humaines se réunissent autour du thème de la diversité. L’Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines (ANDRH) constitue une commission « diversité ».

Dans chaque cas, les dispositifs de management de la diversité préconisés sont :

  • l’élaboration d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs,
  • l’analyse des obstacles à la promotion de la diversité,
  • le chiffrage des objectifs,
  • l’élaboration de plans d’actions,
  • la mise au point d’un budget,
  • la rédaction de procédures,
  • la rédaction d’audits et de rapports spécifiques.

Les dirigeants et managers en charge du projet devront alors veiller à ce que l’ensemble de ces dispositifs soit coordonné et mené de façon équilibrée. Les indicateurs peuvent être des plaintes de salariés ou des tableaux de bord reprenant la répartition des effectifs par type de diversité (âge, sexe, etc.). L’existence de multiples indicateurs rend indispensable leur évaluation et leur mesure.

Les cinq étapes de la mesure de la diversité, CAPPELLETTI (2012)

L’AFNOR énonce (domaine 5 : évaluation et axes d’amélioration de la politique diversité) pour l’obtention du Label Diversité : « l’organisation doit définir et mettre en œuvre des outils adaptés pour mesurer la diversité quand cela est possible ; pour analyser ses pratiques, pour identifier les plaintes internes ou externes provenant de remontées directes et/ou via les partenaires sociaux, des entretiens d’évaluation, des collaborateurs quittant l’entreprise. Ces outils doivent garantir la confidentialité et/ou l’anonymat. L’organisme doit évaluer la satisfaction de son personnel en matière de diversité ».

Les méthodes et outils utilisés par les entreprises sont divers et variés. Observatoire de la parité et de la diversité, création de commission éthique, « Monsieur Diversité » chez PSA Peugeot, « Monsieur Responsabilité Sociale » chez Adecco, actions de formation des salariés à la diversité, à la lutte contre la discrimination, formations linguistiques, … autant de pratiques que les organisations entreprennent en faveur de la promotion de la diversité.

Pour promouvoir la diversité, les entreprises ont donc mis au point des outils tels que la formation des cadres à la gestion de la diversité, des audits réguliers, des procédures de reporting etc. Ainsi, l’Association Française de Managers de la Diversité (AFMD) et le groupe de pensée EquityLab, se sont associés à onze grandes entreprises dont l’Oréal, BNP PARIBAS, La Poste, Areva, pour mettre au point 85 indicateurs. Recrutement, intégration dans l’entreprise, accès à la formation, évolution professionnelle, rémunération, sanctions, départs de l’entreprise ou encore communication sur la politique de la diversité, etc. Ces informations permettent d’évaluer pour chaque dimension de la vie en entreprise plusieurs indicateurs, certains « prioritaires », d’autres « optionnels » selon l’activité de l’entreprise. De cette façon, des outils de mesure sont opposables aux parties prenantes et influent sur la stratégie de l’entreprise grâce à la rédaction d’un rapport standardisé et accessible au public.

En France, ce qui ressort de ces études c’est la préoccupation des managers Ressources Humaines autour de quatre grands axes de la diversité qui sont :

  • le recrutement des jeunes diplômés,
  • le recrutement et le maintien dans l’emploi des salariés les plus âgés ou handicapés,
  • la parité homme/femme,
  • l’embauche de collaborateurs d’origines sociales et ethniques différentes.

Dans ce contexte, les axes d’action définis pour la signature de la Charte de la Diversité sont les suivants :

  • formaliser son engagement pour la promotion de la diversité,
  • sensibiliser les acteurs au projet,
  • former les salariés concernés,
  • améliorer les pratiques R.H.,
  • communiquer à l’externe,
  • instaurer un dialogue social,
  • faire son bilan diversité pour l’obtention, entre autres, de la norme AFNOR, le Label Diversité. Le label Diversité est le témoignage de l’engagement des organismes en matière de prévention des discriminations, d’égalité des chances et de promotion de la diversité dans le cadre de la gestion des ressources humaines. Le label consiste à répondre précisément aux items d’un cahier des charges spécifique et à se soumettre à l’avis d’une commission externe multipartite composée d’experts et de parties prenantes. Il est délivré aux organismes pouvant attester de leur exemplarité en matière de diversité.

Que ce soit la signature de la Charte ou bien l’obtention du Label, les organisations ont la volonté de mettre en avant une attitude de transparence en ciblant les actions.

Pratiquement, les entreprises adaptent les postes de travail pour les travailleurs handicapés, les rythmes de travail et les temps de travail pour les femmes afin qu’elles puissent concilier vie privée et vie professionnelle, et pour certains salariés qui ont des observances religieuses spécifiques. Dans ce cadre ci, le télétravail peut constituer un outil de promotion de la diversité puisqu’il offre la possibilité aux salariés de gérer de façon plus ou moins autonome leur temps de travail.

A travers les conciergeries, services à la personne allant de la crèche au coiffeur, en passant par la banque, d’autres entreprises choisissent de faciliter le quotidien de leurs collaborateurs en leur proposant ces services en interne. En ce qui concerne la formation, les sessions proposées en interne comme en externe, comprennent entre autres, un rappel des lois en matière de diversité, et une sensibilisation aux différentes approches de la diversité (origines ethniques, origines sociales, niveau de formation …) source de richesse pour la culture de l’entreprise. Dans ce contexte, le handicap, qui a fait l’objet en 2005 d’une loi s’appliquant aux entreprises de plus de 20 salariés, est une préoccupation majeure dans les grands groupes qui ont alors mis en place une mission handicap. En cas de non respect de la loi, une pénalité de 1 500 fois le SMIC horaire s’applique aux contrevenants. Les retombées sont positives puisque désormais, 7 entreprises sur 10 emploient au moins une personne handicapée et la proportion atteint 95 % dans les grandes entreprises. Concernant les seniors, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 veut favoriser leur maintien dans l’emploi et leur recrutement. Une entreprise sur deux connaît « assez » ou « très » mal les dispositions de cette loi et près d’une sur quatre n’a pas encore essayé d’identifier les seniors dans son effectif. Pourtant, des sanctions sont prévues pour les mauvais élèves. Ainsi, depuis le 1er janvier, toute société de 50 salariés et plus n’étant pas couverte par un accord d’entreprise, de branche ou un plan d’action doit payer une pénalité, représentant 1 % de la masse salariale, qui est versée à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (Cnav). Selon les firmes, on ne devient pas « senior » au même âge. « L’âge pivot est de 50 ans, mais il est souvent inférieur dans les grands groupes », déclare le directeur de clientèle d’Ipsos. Quant à la gestion des seniors, elle est encore trop souvent mal définie.

Dans les petites et moyennes entreprises qui mènent des actions de promotion de la diversité, la transmission des savoirs et des compétences ainsi que le développement du tutorat sont privilégiés. C’est véritablement au travers des actions menées par les entreprises de taille importante que nous vérifions que la politique « diversité » est un véritable levier de performance Ressources Humaines. Nous illustrerons notre propos par quelques exemples concrets tels que Bouygues Télécom, Groupe TF1 ou le Groupe bancaire LCL.

Le premier, Bouygues Télécom, s’est vu attribuer en juillet dernier le Label Diversité (AFNOR) grâce aux actions ci-dessous :

  • Création du réseau féminin « Bouygt’elles » et la mise en place du mentoring dans le cadre du programme « femmes et management » qui vise à favoriser la progression des collaboratrices à tous les niveaux de management,
  • Lancement du tour de France de la Diversité dans le but de sensibiliser les collaborateurs et de faire connaitre les actions de la direction « égalité des chances et diversité »,
  • Signature de la Charte de la Parentalité en Entreprise pour garantir l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale des collaborateurs.

Le deuxième exemple est celui du groupe TF1 dont l’objectif est de refléter la diversité de la société française à travers l’ensemble des programmes des différentes chaines du groupe. Le groupe s’est engagé au-delà de ses programmes dans une stratégie de responsabilité sociétale en encourageant les projets éducatifs et l’insertion professionnelle des jeunes. En 2012, TF1 s’associe à l’équipe « Team Jolokia », le premier équipage mixte et diversifié (sexe, origine ethnique, handicap, âge …) qui prend le départ de courses à la voile prestigieuses. L’objectif est de démontrer que la diversité est source de créativité et de performance (sur un bateau comme au sein d’une entreprise). En interne, TF1 travaille aussi sur la promotion de la diversité en encourageant l’aspect relationnel et interactionnel entre les salariés de tous horizons.

Quant au groupe bancaire LCL, son partenariat avec l’association « Nos quartiers ont du talent » met en avant la volonté des dirigeants d’insérer les jeunes des quartiers difficiles dans un parcours professionnel. Il s’agit d’offrir une possibilité d’emploi aux jeunes de moins de 30 ans, d’un niveau BAC plus 4 et issus de quartiers sensibles. Cette association met en relation les entreprises partenaires et les jeunes concernés via une CVthèque ; les jeunes dont il est question sont souvent pénalisés à l’embauche en raison de leur lieu de résidence et de leur manque de réseau relationnel. Certains managers du groupe sont même volontaires pour parrainer l’un de ces jeunes et ainsi faciliter leur insertion professionnelle et leur faciliter l’accès à leur réseau.

De nombreuses autres grandes structures se sont lancées dans des actions concrètes de promotion de la diversité car elles sont bien conscientes, ainsi que les managers concernés, de la nécessité de gérer la diversité. Cependant, il leur apparait moins facile de définir clairement le terme « diversité », et cela constitue un obstacle à la détermination des contours réels du management de la diversité.

 Conclusion

A travers toutes les approches et toutes les actions menées par les entreprises, nous voyons bien ici toute la difficulté de gérer la diversité. Car si la majorité des grands groupes sont conscients des avantages liés à un personnel diversifié, et si ces mêmes grands groupes communiquent sur la diversité (signatures de chartes, sites Internet), seule la moitié définit véritablement le terme « diversité ». Les approches traditionnelles de la diversité recouvrent essentiellement l’égalité homme/femme et les minorités ethniques. Grâce à l’intervention des associations et des groupes de pensée, le concept de diversité s’élargit de plus en plus pour considérer les différences de style de vie et de religion. Ceci permet aux organisations de refléter la société civile dans laquelle elles agissent et de mieux répondre à ses attentes. Même si le management de la diversité n’inclut pas encore tous les aspects de la diversité, il veille à créer un climat de travail favorable et constitue un avantage compétitif durable.

S’il incombe aux managers Ressources Humaines d’encadrer les projets « diversité » c’est qu’ils doivent justifier leurs actions vis-à-vis des différentes parties prenantes et démontrer que la gestion de la diversité est bien un impératif de long terme qui doit désormais être incluse dans la stratégie de l’entreprise. Cette tâche se révèle parfois difficile pour les managers car encore très peu d’entreprises européennes évoquent la nécessité de former les collaborateurs sur la diversité.

 Bibliographie

  • CAC 40-SBF120 : les meilleures pratiques RH, F. Bournois, S. Point, J. Rojot, J.L. Scaringella, éditions d’organisation, 2007.
  • Vers une certification de la diversité dans les entreprises en France ?, Revue Management & Avenir, N° 14.
  • Le management de la diversité, enjeux fondements et pratiques, I. Barth & C. Falcoz, collection Recherches en Gestion, édition L’Harmattan.
  • Faire de la diversité une richesse pour l’entreprise, L. Bereni, Presses de Sciences Po, 2009
  • GRH et gestion de la diversité, A. Cornet & P. Warland, collection Les Topos, Dunod, 2008
  • La coordination du travail dans les organisations, Pichault & Nizet, collection Les Topos, DUNOD, 2012
  • Nouvelles perspectives en management de la diversité, I. Barth & C. Falcoz, éditions EMS , 2010

 Sitographie

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Notes

[1Jean-Marie Peretti professeur à l’ESSEC et chercheur français en ressources humaines. Chaire du changement.

[2CEO of R. Thomas Consulting & Training, Inc., et directeur de l’institut américain du management de la diversité.

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