Vous avez dans vos classes des élèves, qui ont envie de réussir, et pour lesquels vous allez vous-même vous investir. Comment faire pour prendre un bon départ avec ses classes et maintenir cette dynamique tout au long de l’année ? Qu’est-ce qui motive les élèves et les amène à s’engager activement dans les activités que vous allez proposer ? A travers la présentation de quelques enseignements théoriques autour de la motivation et l’engagement scolaire, explorons quelques pistes concrètes à tester en classe.
Tout d’abord, Steve Masson aborde, dans la conférence « Comprendre le cerveau pour favoriser la motivation », le cercle vertueux entre motivation et réussite. Selon lui, la motivation ne précède pas la réussite. Bien souvent, le fait pour un élève de réussir une activité va accroître sa motivation, renforcer son engagement et encourager la persévérance.
La motivation, un 1er pas vers l’action d’apprendre
Rolland Viau, dans son ouvrage de référence « la motivation en contexte scolaire » définit la motivation comme « un concept dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un étudiant a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but ». En résumé, la motivation est l’élément déclencheur qui pousse un élève à fournir un effort, à un moment donné, pour lui permettre d’atteindre un résultat.
Vous l’avez sans doute constaté dans vos classes : certains élèves se montrent investis et intéressés par les apprentissages, d’autres font la chasse aux bonnes notes ou travaillent uniquement pour éviter le couperet d’une mauvaise note, tandis qu’un petit nombre semble tout simplement apathique.
Selon la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (2002), cette différence de comportement trouve son origine dans la source de la motivation des élèves :
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La motivation intrinsèque consiste à être le propre moteur de sa satisfaction. C’est le cas lorsqu’un élève s’engage de façon volontaire et spontanée dans une activité en raison de l’intérêt, l’envie de comprendre, ou du plaisir qu’il y trouve, ou simplement parce qu’il est curieux ou aime les nouveaux défis. Cette motivation se manifeste par un engagement plus soutenu dans les apprentissages.
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La motivation extrinsèque vise à éviter des sanctions ou à obtenir des récompenses. L’élève s’engage dans l’activité pour des raisons externes : peur de la punition, attrait de la récompense, pression sociale de réussite scolaire, obtention de l’approbation des parents, de l’enseignant, de ses pairs etc. Cependant, sur le long terme, l’anxiété suscitée par les punitions paralyse l’action et l’attrait des récompenses s’estompe.
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L’ amotivation désigne l’absence de motivation. L’expérience d’échecs à répétition engendre un manque d’estime de soi à l’origine de cet état.
Pour Deci et Ryan (1985), ces facteurs de motivation ne s’opposent pas mais forment un continuum qui va du manque de motivation à la motivation intrinsèque, en passant par la motivation extrinsèque. Ils fluctuent selon le degré d’autodétermination et le sentiment de compétence ressenti par l’individu.Extrait du MOOC La psychologie pour les enseignants, FunMooc
L’engagement, une participation active à l’action d’apprentissage
Motivation et engagement sont liés. L’engagement inscrit la dimension d’effort sur la durée, ce que décrit Séverine Parent (2018) : « alors que la motivation serait la force qui pousse l’étudiant.e à faire le premier pas vers l’action, l’engagement serait ce qui le ou la propulse, l’amène à faire le deuxième pas et les suivants ».
Fredricks, Blumenfeld et Paris (2004) présentent l’engagement scolaire sous trois grandes dimensions :
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La dimension affective ou émotionnelle s’exprime à travers le sentiment d’appartenance : l’élève se trouve bien dans son environnement, dans son lycée, au sein de sa classe. Il est intéressé par ce qui lui est proposé. Le climat scolaire et la qualité de la relation avec l’enseignant jouent un rôle moteur.
Audrey Murillo, dans son ouvrage « Prendre un bon départ avec ses élèves », tord le cou à l’idée reçue que « il ne faut pas sourire avant Noël (ou avant la Toussaint) ». En effet, les élèves cherchent à la fois à réussir scolairement et vivre un cours agréable en sociabilisant, ces deux objectifs se trouvant parfois en tension. C’est pourquoi rendre un cours agréable, afficher de l’enthousiasme, se déplacer dans les rangs, mettre le ton, travailler sa gestuelle, sourire, engage les élèves à participer.
Par ailleurs, il est souhaitable de favoriser l’intégration des nouveaux élèves (arrivée en 1re STMG ou dans le supérieur) en provenance d’autres établissements en proposant une journée d’intégration avec des activités ludo-éducatives (serious game, chasse au trésor…).
Les conditions matérielles des cours sont aussi des sujets de préoccupation qui peuvent influencer l’engagement. Par exemple, l’utilisation expérimentale de swiss balls à la place des traditionnelles chaises en bois permet aux élèves de garder leur corps en mouvement, ce qui a un effet positif sur leur capacité de concentration.
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La dimension comportementale ou socio-relationnelle se traduit par l’adhésion aux exigences scolaires : assiduité en classe, respect du règlement intérieur, participation en classe, intégration à la vie de classe, voire aux activités parascolaires proposées dans le cadre du lycée, qualité de la relation de l’élève avec ses pairs et avec l’équipe pédagogique.
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La dimension cognitive reflète les stratégies d’apprentissage utilisées par les élèves : gestion du temps pendant l’exercice et chez soi pour réviser ses cours, maîtrise des techniques de mémorisation, degré de pratique, persévérance…
Susciter un engagement affectif est le meilleur moyen d’amener l’élève à développer un engagement comportemental et cognitif. Maël Virat, montre, dans son livre « quand les profs aiment les élèves » que, contrairement aux idées reçues, l’implication affective des enseignants ne nuit pas aux apprentissages des élèves. Bien au contraire, les élèves sont davantage motivés et ont de meilleurs résultats.
La persévérance scolaire renvoie au phénomène de décrochage scolaire, dont l’enrayement est une priorité nationale et un enjeu dans le cadre de la "Stratégie Europe 2020. L’engagement scolaire alimente la persévérance.
Comme le résume Angela Lee Duckworth dans son ouvrage « Grit : The Power of Passion and Perseverance », traduit en français par « L’art de la niaque », la ténacité et la passion sont la clé de la réussite, y compris scolaire, indépendamment de toute supposée prédisposition.
Comment favoriser la motivation et l’engagement des élèves ?
Quand l’enseignant propose une activité, chaque élève va automatiquement se poser une série de questions pour apprécier si l’effort en vaut la peine, avant de s’engager dans la tâche :
- Est-ce que l’activité est intéressante en elle-même ?
Audrey Murillo, dans son ouvrage « Prendre un bon départ avec ses élèves », observe que la capacité à rendre les apprentissages agréables est une caractéristique, selon les élèves, des bons enseignants. « Les élèves s’engagent plus facilement dans des cours variés, des activités coopératives, participatives, ainsi qu’avec des professeurs qui montrent leur enthousiasme, font preuve d’humour et de créativité ».
Pour susciter l’intérêt, la présentation de l’activité sous forme ludique, l’utilisation des quiz numériques (avec des outils comme Quiziniere, Kahoot, Plickers…), la théâtralisation du sujet donnera aux élèves l’envie d’en savoir davantage.
L’ancrage dans un contexte familier doit être aussi favorisé afin de mobiliser leurs connaissances antérieures.
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Quel niveau d’effort me demande-t-elle ?
L’élève évalue cet effort (temps de réalisation et intensité d’attention) en fonction des ressources cognitives dont il dispose.Tout d’abord, il faut qu’il ait un niveau suffisant pour réaliser l’activité proposée et comprendre son objectif. Selon Vygotski, l’acquisition visée par l’apprentissage doit se situer dans sa zone proximale de développement (ZPD).
Extrait du MOOC La psychologie pour les enseignants, Fun MOOC
L’explication du sens de l’activité, la clarté des consignes sont primordiales pour lui montrer qu’il a à sa disposition tous les éléments pour réussir.
- Ai-je une chance de réussir si je m’applique ?
Les tâches proposées doivent être une source de confiance en soi en étant ni trop simples, ni trop complexes. Steve Masson parle de viser 85% de réussite dans une activité pour que l’élève la juge accessible et puise de la motivation à la réussir.
- Travailler sur les étapes intermédiaires d’une activité, laisser ainsi à chacun la possibilité d’engranger des petits succès à chaque étape de la formation.
Le recours au numérique (quiz, flashcards…) permet d’instaurer une routine de feed-back pour ancrer les apprentissages en repassant plusieurs fois sur les notions vues en classe.
- Est-ce que l’activité revêt une importance pour moi ?
L’importance de l’activité, à la différence de l’intérêt, consiste à se demander si l’activité va lui permettre d’atteindre ses objectifs à court, moyen ou long terme. L’élève s’engagera dans un apprentissage si celui-ci est perçu comme cohérent avec ses propres objectifs.
- Contribuer à instaurer un climat de classe positif, dans lequel les élèves ont envie d’apprendre : afficher de l’enthousiasme, sourire, théâtraliser son cours
- Proposer des activités concourant à la bonne intégration des nouveaux élèves en provenance d’autres lycées à l’arrivée en STMG ou en BTS
- Veiller à ce que les conditions matérielles d’accueil des élèves soient bonnes et proposer des améliorations de la ‘QVT’
- Exposer le sens des activités proposées afin de favoriser l’envie de les réaliser
- Décomposer les activités en tronçons avec des sous-objectifs permettant d’obtenir un feed-back positif régulier
- Cibler un taux de réussite de 85% pour des activités ni trop simples, ni trop complexes
- Proposer du feed-back positif en reconnaissant les efforts et les accomplissements
- Attiser la curiosité en ancrant les contextes pédagogiques dans le quotidien des élèves
- Proposer des défis au sein des activités pédagogiques
- Renforcer la confiance en soi des étudiants en proposant des évaluations formatives régulières permettant à chacun de mesurer ses progrès
- Encourager le tutorat ou l’entre-aide entre élèves, car le sentiment de se sentir utile pour les autres renforce l’estime de soi et donne du sens à son action
- Ménager une marge d’autonomie dans les activités proposées afin que les élèves deviennent acteurs (par exemple : laisser choisir le quoi en proposant des options, le quand en termes de planning, le comment et le avec qui pour les travaux de groupe