Négociation internationale : une question de culture

, par Céline Mansencal

Il est banal de parler de mondialisation de l’économie, ce qui nous renvoie souvent au commerce international, à ses auteurs et théories.
Ce phénomène de mondialisation s’accompagne d’une recrudescence de situations de négociations internationales.
Quelques exemples :

  • Fusion Arcelor-Mittal ;
  • Rounds de l’OMC ;
  • Traité de Lisbonne ;
  • Cas du nucléaire Iranien ;
  • Négociations internationales sur le climat….

Des auteurs comme Adler, Dupont, Faure et Rubin, Tung, Glenn, Hall ont réfléchi et écrit sur les caractéristiques des négociations internationales que ce soit en terme de préparation, de réalisation ou de suivi de ces négociations.
Les objets de négociation sont multiples et font apparaître des spécificités telles que :

  • Différences culturelles ;
  • Différences linguistiques ;
  • Distances géographiques ;
  • Différences temporelles ;
  • Différences juridiques….

Ces spécificités font naître des risques, difficultés et coûts qu’il faut au mieux appréhender.
Même s’il s’agit de négociation ce qui nous renvoie à notre premier article, il paraît nécessaire d’aborder certains particularismes des négociations internationales.

Il apparaît donc nécessaire de :

  • S’adapter au contexte interculturel de la négociation.
  • Maîtriser les techniques et outils pour défendre et optimiser ses marges dans ce contexte.
  • Savoir gérer les négociations difficiles.

 I. L’importance de la culture

A.Généralités

D’un pays à l’autre, d’un continent à un autre, une négociation suppose un préalable de connaissances dans différents registres.

Par respect, pour instaurer un climat de confiance, pour connaître les attitudes à tenir lors des négociations, pour s’adapter aux différents styles de communication, pour minimiser les divergences de signification, de conception de termes comme planning, engagement, pour minimiser les risques d’erreurs, de pertes de temps, il s’avère crucial de découvrir, de connaître la culture de l’autre.

On entend par culture « un ensemble de significations, valeurs et croyances de nature collective et dotées d’une certaine durabilité qui caractérisent un groupe d’individus sur une base nationale, ethnique ou autre et orientent leurs conduites. » (Faure et Rubin 1993).
Comprendre la culture, c’est comprendre l’autre. La culture influe sur :

  • La façon dont les acteurs de la négociation chercheront à comprendre, intégrer la culture de l’autre ;
  • La manière de raisonner ;
  • L’analyse de la situation ;
  • La recherche de solutions.

On peut tenter de classifier les cultures suivant :

  • L’importance du contexte dans la collecte d’informations (fort/faible) (Hall 1976) ;
  • La distance hiérarchique qui conditionne les relations (Hofstede 1980) ;
  • Le rapport à l’incertitude qui détermine la capacité à surmonter le stress, à recourir à l’écrit (Hofstede 1980) ;
  • L’individualisme (Hofstede 1980) ;
  • La masculinité en tant qu’expression de l’ambition (Hofstede 1980).

Le style de négociation va être empreint de la culture (nationale, ethnique, familiale, religieuse, de l’organisation) tout comme de l’histoire ou encore du système politique.

B.Influence de la culture sur la négociation

La culture exprime son importance à travers 9 points :

Facteurs d’expression de la culture Portée de la culture sur
Les acteurs La nature de l’interaction : confrontation, coopération mutuelle, débat, rituel… ;

La perception de l’autre : stéréotypes, intentions perçues ;

Les valeurs et l’éthique introduites dont la signification et les implications seront perçues différemment par l’autre.
La structure (cadre juridique, de l’organisation…) Le nombre de participants à la négociation ;

La répartition du pouvoir suivant des critères comme l’âge, l’expérience, la position d’acheteur ou de vendeur, les ressources….
La stratégie Le type de stratégie (directe, indirecte) ;

La fixation des buts va dépendre de préoccupations culturelles comme l’équité, l’harmonie, l’honneur…

La manière de procéder (inductive, déductive, segmentée, holiste).
Le processus Les tactiques ;

Les échanges d’informations ;

La formulation d’options ;

La répartition des ressources ;

L’octroi de concessions ;

La communication (décodage, signification du non-verbal….) ;

Les rituels (remise de cartes, de cadeaux, repas…) ;

Le temps (Certains se projettent dans un avenir lointain favorable à l’émergence de solutions nouvelles, d’autres ont un horizon plus court, ont tendance à segmenter la négociation.)
Le résultat La définition des zones d’accords possibles ;

La forme du résultat (précis, vague) ;

Le sens accordé au contrat (devant être strictement suivi et respecté, réexaminé en fonction des circonstances) ;

Le sens de l’équité (en terme de gains, de concessions, des besoins satisfaits).
Les niveaux d’influence La façon de percevoir et de comprendre la négociation avec les risques de biais et d’obstacles posés par la culture ;

La façon de percevoir autrui ;

La définition de l’objet, des enjeux ;

La nature de la relation.
Les croyances Les valeurs à réaliser ;

L’orientation des conduites, des comportements qui sont par ailleurs affectés par la profession, les valeurs de l’organisation, la religion….
Les conduites Les tactiques à déployer (menace, silence, attendre) ;

Les arguments à employer ;

Le degré d’incertitude à faire ou laisser régner.
L’identité En tant que partie centrale de la culture, elle est un élément ultra fragile et sensible pouvant faire basculer la négociation vers le succès ou l’échec total.

Il faut aussi intégrer le fait que d’un pays à l’autre les mêmes individus n’auront pas la même crédibilité ce qui nécessitera des aménagements et que d’un pays à l’autre les négociations seront plus ou moins directes. Cela impliquera donc un nombre d’intermédiaires plus ou moins importants, des phases préalables et intermédiaires, plus ou moins en rapport avec l’objet de la négociation, aux durées variées avant de rentrer dans le cœur de la négociation.

 II.Maîtriser les techniques et outils pour défendre et optimiser ses marges dans ce contexte.

A. Procéder à un diagnostic

Des auteurs comme Raïffa, Watkins expliquent la nécessité de ce diagnostic. Un diagnostic permettra de mieux comprendre les comportements, le contexte spatio-temporel, la structure de la négociation. Il portera donc sur :

  • L’histoire des négociateurs et/ou des organisations qu’ils représentent ;
  • Les acteurs (qui ? existe t-il des coalitions ? ceux d’aujourd’hui, ceux de demain, proches, éloignés...)
  • Les règles (Watkins 2002) (lois, conventions, codes, us….) ;
  • Les questions à négocier (seules, globalement, nature des questions…) ;
  • Les intérêts (compétitivité, marge, survie, image, acquisition de compétences…) qu’ils soient partagés, personnels ;
  • Les options en cas de non accord ou solutions alternatives (en terme de nature et de nombre) ;
  • Les accords possibles ;
  • Les liens de cette négociation avec d’autres (passées, actuelles ; à venir)

B. Choix de stratégies

On oppose traditionnellement les stratégies de négociation distributives des stratégies intégratives. Ainsi, certaines cultures font une nette distinction entre le groupe et l’extérieur du groupe, la richesse est considérée comme limitée (Foster 1965) ce qui rend impossible une stratégie intégrative et conduit à une stratégie distributive. Dans les autres cas, la confiance est bien moindre et plus difficile à obtenir que dans le cadre d’une négociation nationale.

Négocier suppose de prévoir notamment les concessions qui pourront être faites et dans quelles conditions. D’une culture à l’autre les concessions ne sont pas accordées de la même manière - progressives, selon un schéma de réciprocité régulier ou bien par effet de surprise de dernière minute.

Il faut donc faire preuve de prudence et opter pour une stratégie intégrative qui passera par une collecte et un échange d’informations.

C. Place et rôle des informations

Le sujet des informations est là aussi délicat. La culture influence aussi la manière dont seront traitées ces informations ce qui déterminera les distances, rapports et façon dont la négociation sera menée.
Quelque soit la culture, disposer d’informations est source d’avantages dans la négociation mais là où la culture exerce sa marque distinctive est dans la manière d’obtenir, de partager ces informations stratégiques.
Suivant les cultures certains (occidentaux) poseront des questions sur les préférences, les priorités en posant le postulat que l’autre est sincère, transparent et encourageront la divulgation d’informations par un envoi au compte goutte d’informations. D’autres (asiatiques) opteront pour la formulation de propositions qui permettront de déduire des préférences, priorités à partir des réactions suscitées qui seront ensuite extrapolées.
L’obtention d’informations pourra donc être directe ou indirecte sous l’influence de la culture.

D. En cas de problème

De la culture dépend :

  • La nature de la confrontation (directe/indirecte) ;
  • La place des intérêts personnels (prioritaire/secondaire) ;
  • Les mots employés ;
  • Le non-verbal ;
  • Le type d’argumentation –rationnel (faits, raisons, promesses, menaces) / émotionnel (expression de sentiments pour la relation, émotions consécutives aux implications potentielles à la négociation) ;
  • Place et le rôle du statut dans la négociation en tant que déterminant de celui qui « emporte la négociation et qui assume ses responsabilités envers ses partenaires de négociation » ;
  • Du nombre de propositions faites pour répondre à un enjeu ;

 Bibliographie :

Effets de la culture sur le style ne négociation – Jeanne Brett et Michèle Gelfand Perspective d’analyse en négociation – Stephen Weiss, Christian Marjollet et Cyril Bouquet

Approcher la dimension interculturelle en négociation internationale – Guy-Olivier Faure La négociation internationale – Jean Claude Usunier - Encyclopédie Vente et Distribution - Economica

Pour télécharger cet article au format pdf, cliquer sur l’icône ci-dessous :

Négociation internationale : une question de culture

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)