Selon Peter DRUCKER [1], « le progrès économique ne consiste pas mieux à satisfaire des besoins révolus, mais à offrir de nouvelles options, à accroitre l’espérance et étendre les aspirations. Cette tâche doit être en grande partie remplie par la commercialisation, dont le rôle est nécessaire pour assurer la rentabilité de la transformation technologique, c’est-à-dire aboutir à la satisfaction des besoins et des désirs des hommes ». Il faut que les nouvelles formes de production et de vente soient conformes aux nouveaux besoins d’une société en évolution. Ces méthodes doivent tenir compte des besoins individuels de chaque consommateur.
Distribuer, c’est mettre à disposition d’un consommateur intermédiaire (entreprise) ou final (consommateur) des biens, des services, des solutions selon l’échéance, le lieu, la quantité et la présentation adaptés. La distribution exerce trois fonctions complémentaires : les fonctions transactionnelles, relationnelles et expérientielles. Les fonctions transactionnelles correspondent aux opérations d’achat et d’approvisionnement, de stockage, de transport, de répartition, du passage du conditionnement de la production au conditionnement de la vente de consommation, et ceci au meilleur coût. Les fonctions relationnelles constituent l’ensemble des actions et fonctions dont le but est de créer un partenariat durable entre producteurs, distributeurs et consommateurs. Un certain nombre de points sont concernés comme la logistique, la valorisation de la marque et de l’enseigne, les assortiments et le merchandising, la promotion, etc. La notion de Consumer Relationship Management (CRM ou Gestion de la Relation Client) est ainsi évoquée. Il s’agit de développer la confiance du consommateur à l’égard de la marque et ainsi le fidéliser. Enfin, les fonctions expérientielles de la distribution renvoient aux actions permettant aux consommateurs de vivre des expériences ludiques, hédonistes, esthétiques ou spirituelles par la fréquentation d’un lieu de vente. Le principe est d’agir sur les états émotionnels dans un sens favorable à la vente en lui permettant de vivre des expériences uniques, ce que peut lui apporter la vente directe.
Selon Jean-Marc LEHU [2], la vente directe correspond à tout acte de vente réalisé de manière directe du producteur au consommateur final, sans remédier à un quelconque intermédiaire distributeur. Selon Kent GRAYSON et Richard PERCY [3], le poids des distributeurs est tel qu’il peut représenter une sérieuse menace pour les producteurs, même les plus installés. D’où l’intérêt pour un producteur de supprimer cette menace en distribuant directement son offre. Mais quelles sont les méthodes de vente directe, particulièrement dans le domaine alimentaire ? En quoi les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) favorisent-elles la vente directe ? Quelles sont les raisons qui poussent les producteurs à vendre directement au consommateur final ? Quels sont les avantages et inconvénients de cette méthode de vente ? Nous allons décrire, dans un premier temps, les méthodes de commercialisation. Puis, dans un second temps, mettre en exergue l’essor de la vente directe par le développement des sites marchands et des réseaux sociaux. Enfin, réaliser un diagnostic, avantages et inconvénients, que présente la suppression d’intermédiaires.
I. Méthodes de commercialisation directe :
Cela consiste à vendre et à fournir des produits à des particuliers que ce soit à leur domicile ou sur leur lieu de travail, par l’intermédiaire d’une force de vente, par un vendeur ou un délégué commercial, qu’il soit salarié ou indépendant, de personne à personne, au domicile du client, sur son lieu de travail ou lors de réunions d’information, de démonstration sans recourir à la vente par magasin ou par correspondance. C’est la plus ancienne méthode de vente.
A. Méthodes de commercialisation classiques :
Vente en porte à porte : un certain nombre de producteurs vendent directement à leurs clients par le biais d’un démarcheur à domicile. C’est l’une des méthodes de vente les plus anciennes, mais elle a évolué. C’est une méthode vente basée sur la séduction du client. Cette méthode pourrait souffrir d’une image de ringardise et d’escroquerie. Or, cette méthode de vente est encore utilisée dans certains secteurs comme le bâtiment. Elle a évolué en utilisant les outils du marketing comme les coupons-réponses, les prises de rendez-vous par téléphone, par l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, la présentation des produits par catalogue. Néanmoins, elle est très encadrée afin d’éviter les abus de faiblesses. Un délai de rétractation de 14 jours est accordé pour changer d’avis.
Vente en réunion : la méthode consiste à montrer le maximum de produits afin de susciter le désir d’achat. Les clientes font elles-mêmes offices de relais et organisent à leur tour moyennant un cadeau. Pour vendre, la seule méthode utilisée est la démonstration. Le point clé de cette vente n’est pas le volume de ventes généré mais plutôt le nombre de contacts, de nouveaux rendez-vous pris.
C’est la méthode couramment utilisée par la marque Tupperware. Mais, de plus en plus de sociétés choisissent de faire distribuer leurs produits directement par leurs clients, rémunérés grâce à des commissions sur leurs ventes. Une large gamme de produits est distribuée : vêtements et lingerie, cosmétiques, bijoux, produits bio, équipements ménagers, concepts de décoration, produits culturels…
Vente par délégués commerciaux : le commercial joue un rôle essentiel car il est le lien entre la société et le client, quel qu’il soit, producteur ou consommateur. Cela concerne autant le Business to Business que le Business to Consumer. Il prend contact avec sa clientèle par différents canaux possibles et consacre une bonne partie de son temps à prospecter auprès d’entreprises et de consommateurs, afin de les fidéliser et de trouver de nouveaux clients.
B. Spécificités dans le domaine alimentaire :
Les cibles sont aussi bien des populations rurales que citadines. C’est dans les circuits courts que la proportion de modes de production bio est la plus importante : 10 % d’offre bio contre 2 % pour les autres modes de distribution.
Selon la dernière étude d’Agreste de 2012 [4], sur la commercialisation de produits agricoles, 21 % des exploitants commercialisent leurs produits en circuits directs. L’objectif est de favoriser la proximité avec le consommateur final. La vente à la ferme est de loin le canal direct le plus imposant devant le marché de plein air. A eux deux, ils représentent 50 % des circuits courts.
83 % des français privilégient la consommation de produits alimentaires de produits locaux, ceci pour quatre principales raisons : la réduction des risques sanitaires, la redécouverte des saveurs, la volonté de consommer de manière responsable et la recherche de lien social. Le développement de consommation locale dépend de la vitalité des circuits courts voire directs.
Un certain nombre de méthodes de vente directe permettent de répondre à ses motivations : les AMAP, les ventes sur marché, à la ferme et les PVC.
AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) : il s’agit de partenariat entre un groupe de consommateurs et un ou plusieurs agriculteurs autour d’engagements mutuels. Le principe est le suivant, les clients passent leurs commandes à l’avance d’un panier de fruits et légumes, entre une semaine et un an, ceci dépend de la formule adoptée. En retour, les agriculteurs en distribuent un certain nombre selon les produits de saison et leur maturation. Ce système a le double avantage, pour le consommateur de déguster des produits locaux et pour les producteurs, de leur assurer un revenu stable.
Elles ont été créées en France en 2001, suite au concept japonais « teikei », créé dans les années 70 puis exporté en Amérique du Nord dans les années 80 avec les Community Supported Agriculture (CSA). Ils représentent 270 000 consommateurs en 2012, avec un chiffre d’affaires estimé à 48 millions d’euros et un taux de croissance allant jusqu’à 50 % tous les ans .
Il existe une charte des AMAP, mettant en exergue un certain nombre de principes comme la solidarité entre les acteurs de l’échange ainsi qu’une participation active des consommateurs, des exploitations à taille humaine et des conditions d’exploitation respectant l’environnement, ainsi qu’une transparence des pratiques d’achat et de production, et également lors de la fixation de prix. Ces initiatives modifient les règles de la relation marchande classique par l’engagement sur la durée, la négociation possible des conditions de production et l’absence de choix lors des différentes transactions.
Les AMAP se projettent à long terme en respectant les trois piliers du développement durable : au niveau économique, le prix fixé doit permettre au producteur de vivre dans des conditions décentes en restant raisonnable pour le consommateur ; au niveau social, cela permet de maintenir l’existence des fermes et d’assurer l’emploi local ; sur le plan écologique, il y a moins d’emballages, moins de kilomètres parcourus et des méthodes d’exploitation respectant la charte de l’agriculture paysanne protégeant d’autant plus l’environnement.
Vente sur marché : la vente directe consiste à ce que ce soit les exploitants qui vendent directement leur production sur le marché dans un espace dédié par les pouvoirs publics, le plus souvent les mairies. C’est un mode commercialisation qui a toujours existé.
Vente à la ferme : la vente s’effectue directement sur le lieu de production. Le fermier vend directement sur son lieu de travail sa production aux consommateurs qui doivent se déplacer. Parfois, les consommateurs qui le désirent ont la possibilité de cueillir leurs propres fruits et légumes dans les champs.
Points de vente collectifs : on estime entre 150 et 200 le nombre de PVC en France. Ils sont apparus dans la région Rhône Alpes dans les années 2000. Cela induit un éloignement géographique du lieu de production, une structure extérieure afin de se rapprocher du consommateur. C’est un magasin où un certain nombre de producteurs vendent par leurs propres moyens les produits issus de leur production. Ces magasins regroupent plusieurs exploitants qui gèrent de manière commune le point de vente. Contrairement aux magasins de producteurs, les producteurs sont présents régulièrement lors de l’acte de vente. Ils s’inscrivent donc dans le cadre de la remise directe de produits auprès des consommateurs.
Les PVC se structurent selon quatre principes fondateurs : la gestion collective du point de vente par les agriculteurs eux-mêmes, la présence à la vente de ces agriculteurs, la vente de produits issus pour la plupart des exploitations associées, le principe de non-concurrence entre les produits du magasin. Leur surface de vente est comprise entre 50 et 400 m2 et regroupent en moyenne 10 à 12 producteurs par PVC.
II. L’intervention de la technologie favorise la vente directe :
Grâce au Web, une entreprise peut commercialiser son offre en supprimant les marges des distributeurs. Internet est un moyen de vendre directement au client final à moindres frais car ce canal nécessite le plus faible investissement.
Les sites Internet permettent d’effectuer de la cybermercatique, c’est-à-dire l’ensemble des méthodes et des pratiques marketing sur Internet tant en matière d’études comme la recherche documentaire et la cyberveille, qu’en matière de prévision, que dans les domaines de la stratégie comme le ciblage et le marketing individualisé, que dans des politiques et actions commerciales (cyberpublicité, cybercommerce, cybervente). Les caractéristiques principales de la cybermercatique sont l’instantanéité, l’interactivité, l’ubiquité, l’universalité, la sélectivité ainsi que la personnalisation. Pour notre analyse, nous allons axer notre réflexion sur le commerce électronique incluant le cyber commerce et cybervente.
A. Le commerce électronique
D’après l’Association Française du Commerce Electronique (AFCEE), « le commerce électronique désigne l’ensemble des échanges commerciaux dans lesquels l’achat s’effectue sur un réseau de télécommunications. Le commerce électronique recouvre aussi bien la simple prise de commande, que l’achat avec paiement, et concerne autant les achats de biens que les achats de services, qu’ils soient eux-mêmes en ligne (services d’informations, jeux…) ou non. »
Le commerce électronique s’est principalement développé aux relations entre professionnels (Business to Business). Cela sous-entend une organisation logistique hors pair. On évoque la notion de cyberlogistique qui consiste à mettre en place une structure logistique intégrant les fonctions de transport, de conditionnement, de réparation et de maintenance, ainsi qu’un service client fiable. Parcourir le dernier kilomètre représente un investissement et un savoir-faire important
En Business to Consumer, le cybercommerce est particulièrement adapté aux produits non physiques, c’est-à-dire, ceux où le produit est « immatériel » ou « universel ». Les secteurs du voyage et de l’informatique sont particulièrement vendus de manière directe sur le Web. Nous pouvons citer des sites précurseurs comme « voyages-sncf.com », portail qui s’est diversifié en ne proposant pas seulement leur production mais également des billets d’avion, des hôtels, des voitures à la location.
L’e-business peut se révéler une stratégie commerciale gagnante dans le sens où un site marchand peut permettre d’améliorer le service vis-à-vis de son client comme une navigation guidée par un conseiller pour l’aider à remplir, en temps réel un bon de commande. Ce qui conduit à une bonne gestion de la relation client.
Certaines marques font le choix de définir leur proposition de valeur dans la simplicité. Par exemple, Archiduchesse.com a pour objet de « vendre en ligne un modèle unique de chaussettes sportswear de fabrication 100 % française, décliné dans des couleurs vraiment sympas et passablement introuvables ailleurs ». Le but c’est de pouvoir enfin pouvoir assortir ses baskets (Converse, Sneakers & Co) avec ses chaussettes et mettre à la poubelle ses vieilles Wilson noires ou blanches » (extrait du blog Archiduchesse.com). C’est une offre claire et particulièrement minimaliste à travers une gamme étroite et une politique de prix simplifiée. C’est une offre spécialiste. Selon IYENGAR et LEPPER [5] (2000), en cas d’offre trop large, cela place le consommateur dans une situation d’hyper choix qui peut conduire à différer la décision. Une gamme étroite et profonde permet au consommateur de ne pas se perdre dans la lecture de l’offre et de ce fait d’aborder le processus de décision avec d’autant plus de facilités.
Le site Internet permet une relation client participative et transparente. Selon PIGNEUR [6] (2001), une politique de gestion de la relation client est définie comme étant le processus engagé par une entreprise pour gérer son dialogue avec les prospects et clients, sa façon de les sentir, de les servir, de les toucher et de les conserver. Les outils de CRM (Consumer Relationship Management) sont très sophistiqués et permettent le tracking (traçage) et le profilage. La constitution des bases de données affinées sur les clients permettent d’observer le comportement des acheteurs, d’introduire de l’interactivité.
Prenons l’exemple de DELL. L’entreprise n’a pas d’infrastructures physiques de distribution. Cette entreprise gère la relation finale avec le client soit par téléphone, soit par le Net. La spécificité de ce modèle est de faire de la fonction d’intermédiation une fonction productive. Cela implique des bouleversements importants : du côté de la demande, cela sous-entend un contact direct ave le marché final ; du côté de la production, cela passe par la suppression des stocks chez DELL, externalisation de la production des composants chez les fournisseurs sur lesquels se portent également la contrainte de stockage. La fonction d’intermédiation ne disparait pas mais est intégrée par l’industriel alors que la fonction de production éclate. DELL devient l’intermédiaire en coordonnant le rapport marché/production et la réalisation matérielle du produit dont les composantes sont fabriquées par des fournisseurs extérieurs.
B. La maitrise des réseaux sociaux favorise l’interactivité
La maîtrise des réseaux sociaux est également un enjeu majeur. Selon DIVART [7] (2010), la construction d’une relation simple et de proximité avec ses clients est favorisée par le biais des médias sociaux. Cela contribue à son capital-marque. Ainsi, Archiduchesse.com s’appuie pour cela sur un blog et Facebook. L’objectif étant de transformer les premiers clients en prescripteurs. Tous les deux ou trois jours, les membres de l’équipe postent un billet d’humeur, de réflexion, d’opinion ou d’humour créant une réelle relation saine. Il s’agit de fonder une relation sur des partages sincères et bienveillants qui renforcent la proposition de valeur susceptible d’aboutir à un bouche-à-oreille favorable. Assez régulièrement des consultations sont menées afin de prendre des décisions stratégiques comme, par exemple, l’extension de la distribution de leur production auprès de réseaux physiques. Ces avis sont réellement pris en considération dans les choix stratégiques. Les clients participent à la vie de l’entreprise, ils sont considérés comme étant des membres de l’équipe. Cette démarche s’inscrit dans un processus de marketing participatif, contribuant à la création de valeur. Cependant, les réseaux sociaux tel Facebook permettent de s’exprimer en temps réel autant dans les félicitations que des encouragements mais aussi les déceptions, plaintes et réclamations. Il est primordial d’être très réactif afin de modérer certains propos. Le groupe commercialise ses produits dans le monde entier.
Le Web est un canal très intéressant pour les PME qui souhaitent se lancer à l’export à moindre coût. C’est l’occasion pour une entreprise de se lancer dans de nouveaux marchés à l’international, sans pour autant supporter les frais engendrés par une force de vente sur place ou dans la création d’un réseau de distributeurs. Il faut créer un site Internet marchand dans la langue régionale. De multiples PME comme Laguiole (coutellerie), Heckel (chaussures de sécurité), Allimand (machines à papier) se sont lancées à l’étranger grâce au Web, en canal direct.
Dans le domaine alimentaire, de nouvelles formes de distribution en circuits courts se développent avec une présence très faible voire inexistante du producteur tels les systèmes de vente de paniers par Internet.
Les outils de communication permettent une présence virtuelle, ce qui maintient les contacts directs.
Des producteurs présents virtuellement
C. Jusqu’à la notion de coproduction : marketing et production participatifs
Selon CERMAK, FILE et PRINCE [8] 1994, la participation du consommateur en marketing se définit par une implication du consommateur prenant une forme physique, à savoir un engagement dans l’activité, ou une forme mentale c’est-à-dire un partage de connaissances voire une réelle tâche de réflexion et d’anticipation.
Selon DIVART [9] 2010, un certain nombre de critères permettent de classer les formes de participation : comme le caractère ponctuel ou récurrent voire systématique de l’action ; le caractère partiel ou inhérent au modèle d’affaires (ex lafraise.com, où le consommateur conçoit entièrement le design du T-shirt ; le nombre et la nature des participants).
Il existe de nombreux exemples de co-construction qui renforcent le sentiment de proximité.
En 2010, les adhérents des AMAP du Maine et Loire ont franchi une nouvelle étape. Un éleveur de chèvres participant au réseau a lancé un chantier bardage, c’est à dire revêtir de bois la nouvelle étable. Faute de temps, une dizaine d’adhérents ont aidé le producteur dans son chantier.
Autre exemple, un maraicher de l’AMAP L’Aneth a eu besoin de main d’œuvre afin de nettoyer ses planches de cultures et remonter ses serres, suite à une tempête. A l’aide d’une douzaine d’amapiens en un week-end, le travail a été réalisé.
La co-construction permettant de placer les consommateurs en tant qu’acteur est un levier d’action particulièrement intéressant et efficace dans la fidélisation de la clientèle.
III. Raisons de l’essor des méthodes de vente directe :
La commercialisation directe est une forme de publicité et de vente qui met le consommateur en relation directe avec la source initiale d’approvisionnement. Cela permet au producteur d’identifier son client, de connaitre un certain nombre d’informations d’identification, son style de vie, ses besoins et ses préoccupations. S’installe un dialogue constant entre le fabricant et son client. La vente directe est la seule méthode où la publicité et la vente s’unissent en un seul message. Lorsque le client répond à une demande d’information ou qu’il réalise un achat, le producteur commence le travail de fidélisation en développant la connaissance client et ainsi envisage une relation plus durable. Selon HOLLOWAY et al. (2007) [10], le développement des circuits de vente directe est attribué à une plus grande proximité qu’ils engendrent.
Selon Catherine HERAULT-FOURNIER, Aurélie MERLE, Anne-Hélène PRIGENT-SIMONIN [11] (2014), la proximité perçue influence la création et le maintien d’une relation directe avec le consommateur, notamment dans le domaine alimentaire.
Selon FILSER et VERNETTE [12] (2010), le concept de proximité est pertinent car il incite le consommateur à accorder ou non sa confiance, il peut également être vecteur de différenciation.
Il existe cinq dimensions de cette notion de proximité : la proximité d’accès, la proximité identitaire, la proximité relationnelle, la proximité fonctionnelle, et celle de processus. La proximité d’accès consiste à se rendre facilement sur le point de vente à travers les distances physiques, de temps, de transport et de coûts de communication.
La proximité relationnelle correspond au fait d’échanger avec le producteur. Ce dernier est au centre de la procédure et la possibilité d’échanges avec lui sur le lieu de distribution et/ou de production représente un point important de différenciation comparé aux circuits plus longs. Les échanges peuvent porter sur les produits vendus, les modes de production et de préparation. Parfois des relations d’amitié se créent. Selon BENDAPUDI et BERRY [13] (2007), nous n’évoquons plus la notion d’interactions fonctionnelles, directement liées à la tâche à accomplir, mais plutôt celles d’interactions sociales. Par exemple, les AMAP favorisent les liens en dehors du registre marchand. Elles ouvrent un champ relationnel plus global, dépassant le simple échange sur le produit ou des processus de production, rendant ainsi l’interconnaissance entre les producteurs et consommateurs possible. Ce sentiment est d’autant plus renforcé que les paniers sont fréquemment prépayés.
La proximité identitaire se définit comme étant le partage de valeurs communes. C’est une philosophie, un état d’esprit spécifique en général tourné vers les deux dimensions de la consommation responsable, sociale et environnementale. Cela concerne l’évolution de modèles de production et de consommation dominants (BRUNORI, 2007 [14]), soutenir les petits producteurs locaux (SEYFANG [15] 2006), protéger l’environnement (DUBUISSON-QUELLIER et LAMINE [16], 2004) ou encore préserver la biodiversité et le paysage (SIRIEIX, GROLLEAU et SCHAER [17] 2008).
La proximité de processus consiste à rechercher à connaitre les manières de produire, de transformer et de distribuer des producteurs. Etre informé de ce qu’ils ne voient pas semble primordial dans la définition de la proximité en vente directe. Cette proximité repose essentiellement sur l’échange verbal avec le consommateur. Certains PVC mettent à disposition des écrits leur permettant de mieux cerner les modes de production, de transformation des produits.
La confiance repose par ordre croissant par la proximité identitaire, celle de processus et faiblement par la proximité d’accès.
IV. Diagnostic de cette méthode de vente :
A. Avantages de la vente directe :
Cette méthode de vente présente un certain nombre d’avantages.
Elle permet d’établir des relations avec les clients. Cela laisse la possibilité à la société productrice de mieux connaitre ses clients et de ce fait, proposer des produits conformes à leurs attentes. C’est ce que l’on dénomme la mercatique relationnelle, supposant une connaissance approfondie des besoins des consommateurs afin d’adapter l’offre.
Elle favorise une meilleure maitrise du circuit de distribution. Face à un pouvoir de négociation prédominant de la part des distributeurs, notamment la grande distribution, un certain nombre de petits producteurs font le choix de la vente directe afin d’éviter les coûts et obstacles liés à leur petite taille, telles les campagnes publicitaires, les remises pour référencement, etc. et ainsi éviter les problèmes de pouvoir et de contrôle.
Les circuits courts, la vente directe particulièrement, rétablit la vente de gré à gré, de face à face. Ceci doit nous permettre de mieux appréhender cette notion de mesure dans les prix et la nécessaire réciprocité dans les échanges.
B. Limites de la vente directe :
Certains consommateurs considèrent cette méthode de vente comme étant intrusive.
Notamment, dans le cas de la vente par réunions, l’idée de se servir de relations sociales pour instaurer la relation commerciale peut gêner un certain nombre de consommateurs. Prendre appui sur l’amitié pour conclure une vente peut déstabiliser et peut nuire sérieusement à l’image du producteur.
Dans le cas d’une vente directe sur Internet, les producteurs risquent de rentrer en conflit avec leurs réseaux de distributeurs.
Le nombre de nouveaux internautes augmente très peu, comme celui des e-acheteurs, ce qui engendre un coût de conquête de nouveaux clients de plus en plus onéreux. Par ailleurs, ils sont de plus en plus zappeurs.
Selon la FEVAD, de plus en plus d’offres et de sites marchands existent. En 2013, plus de 20 000 nouveaux sites.
Dans le cas des AMAP, des PCV, il est particulièrement complexe pour le producteur d’assumer lui-même ses ventes de produits. Effectivement, il cumule de nombreuses autres tâches comme celles de production, de commercialisation et parfois de transformation. Une certaine vision évoque davantage la notion de relation centrée sur l’accessibilité du producteur et non sur son entière disponibilité. Selon PRIGENT-SIMONIN et HERAULT-FOURNIER [18] (2005), cette accessibilité suffit pour influer une confiance. Ce qui est primordial n’est pas le fait d’échanger régulièrement mais plutôt de laisser la possibilité au consommateur de pouvoir le faire. Les outils de communication permettent une présence virtuelle, ce qui maintient les contacts directs.
Les clients des circuits courts en Europe payent un prix généralement plus élevé que par les autres circuits de distribution. En temps de crise, cela peut représenter un certain inconvénient.
Conclusion :
Les enjeux de la distribution directe des producteurs aux consommateurs sont importants et favorisent la proximité entre ces deux agents. Cela présente un certain nombre d‘avantages. Même les distributeurs ont bien compris les enjeux d’une telle proximité. Ils cherchent à s’emparer de cette réelle valeur ajoutée que représente l’image du producteur. Ainsi, on voit de plus en plus la présence de producteurs dans les linéaires de la grande distribution. Des enseignes telles que Leclerc, Casino organisent des évènements tels « les alliances locales » pour l’un ou « le meilleur d’ici » pour l’autre. Selon MERLE et PIOTROWSKI [19] (2012), la présence du producteur sur un lieu de vente est présentée comme un élément fort de différenciation. La volonté de « mettre un visage derrière le produit », traduction de l’ancêtre japonais « teikei », ancêtre japonais de l’AMAP, renvoie à la volonté du consommateur d’avoir la possibilité d’entrer en contact avec le producteur qu’il le fasse ou non. La représentation symbolique du producteur local pourrait réduire les risques sanitaires et créer la confiance autour du produit. L’utilisation de l’image du producteur se développe, son impact semble important car la proximité géographique rend la relation directe potentiellement active et renforce la capacité perçue à se représenter le travail du producteur.
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE
- Amap : du producteur au consommateur, le succès de la vente directe – Diane Jean – challenges.fr – octobre 2014
- Diagnostiquer la proximité perçue en vente directe de produits alimentaires – Catherine Hérault-Fournier, Aurélie Merle, Anne-Hélène Prigent-Simonin – Décisions Marketing – Janvier – mars 2014
- Ancrer une proposition de valeur dans la simplicité : le cas d’un site web marchand – Karine Raïes, Agnès Helme-Guizon, Décisions Marketing, janvier-mars 2014
- Le futur de l’e-commerce ? La technologie ! Alban Peltier – journal du net.fr - Mars 2014
- Co-innover avec les clients : entre intérêt et réticence pour les entreprises grand public – Emmanuelle Le Nagard, Fanny Reniou, Décisions Marketing – juillet – septembre 2013
- Regards sur la co-production du client : comment les entreprises nous font-elles participer ? – Sandrine Cadenat, Audrey Bonnemaizon, Florence Benoit-Moreau, Valérie Renaudin – Décisions Marketing – Avril- juin 2013
- Circuits courts, vente directe et construction des prix – Jean-Claude Balbot – Mai 2012
- Consommer des produits alimentaires locaux : comment et pourquoi ? – Aurélie Merle, Mathilde Piotrowski –Décisions Marketing – Juillet – septembre 2012
- Les avantages stratégiques de la vente directe – K. Grayson et R. Berry – Les échos – 14/11/2005
- Un premier pas vers la vente directe à moindre coût – Frédéric Thibaud – Action Commerciale – Novembre 2003
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