Toute organisation culturelle dans le spectacle vivant, quelle qu’elle soit, publique/privée, créateur, producteur, diffuseur ou autre cherche à se faire connaitre, ainsi que ses créations. Le marketing culturel, spécifiquement, celui du spectacle vivant connait des similitudes avec la démarche marketing adoptée par toute autre structure. Néanmoins, les missions spécifiques des organisations culturelles et artistiques du fait de ses missions artistique, culturelle et sociale engendrent des singularités dans leur démarche. Notamment, le marketing traditionnel est plutôt orienté marché alors que le marketing culturel est orienté produit. Généralement, notamment dans le subventionné, on part de la vision de l’artiste et on cherche le groupe de consommateurs ayant un comportement le plus susceptible de s’intéresser à l’œuvre. Nous allons nous intéresser au mix à appliquer par l’ensemble des acteurs du spectacle vivant : les créateurs, les producteurs et les diffuseurs.
A priori, la démarche commerciale d’un fabricant de lessive n’est pas semblable à celle d’un spectacle vivant. Pourtant, afin de s’assurer d’une diffusion large et efficace auprès d’une cible, la culture ne peut se passer de la dimension marketing.
Selon Dominique BOURGEON-RENAULT [1], la démarche et les outils du marketing sont indispensables afin de lancer des projets, nouer des partenariats, attirer et fidéliser un public, …
Le marketing culturel peut être défini comme l’art d’atteindre les segments de marché susceptibles de s’intéresser au produit, en ajustant les variables comme le prix, la communication et la distribution afin de mettre le produit en contact avec un nombre suffisant de consommateurs et d’atteindre les objectifs définis en amont. Cela consiste à appliquer les techniques du marketing à la culture, plus spécifiquement aux produits culturels.
Le « produit » culturel peut être un évènement culturel (pièce de théâtre, spectacle de danse, festival, concert, etc.), ou une œuvre (livre, film ou disque, etc.). Il est le résultat d’un mode d’expression issu de l’un des domaines du champ culturel (musique, lyrique, chorégraphique, art dramatique, arts plastiques, cinéma, audiovisuel, expression écrite, etc.). Il est identifié par un cycle de production intégrant, plus ou moins, un travail artistique et par un processus de diffusion spécifique. Ses propriétés font sa spécificité comme sa complexité car il est intangible et peu fonctionnel ; il est unique et à forte valeur symbolique, vecteur d’hédonisme et d’esthétisme ; il s’inscrit dans une temporalité particulière, à la fois durable, éphémère et chronophage. Ainsi, nous allons étudier plus particulièrement le marketing lié aux évènements culturels considérant que concernant les œuvres comme les livres, les disques, etc., la démarche marketing utilisée correspond à une démarche traditionnelle.
Dans cet article, nous allons étudier les spécificités du marketing culturel notamment celles du spectacle vivant. Le spectacle vivant peut être défini comme étant un spectacle se déroulant en direct devant un public. Cette appellation s’applique majoritairement aux pièces de théâtre, aux opéras, aux ballets, aux spectacles de cirque et de cabaret. C’est un sujet vaste puisqu’il comprend des problématiques diverses de situations variées tels les producteurs / les diffuseurs, le spectacle public / privé, les grandes salles/ les petites salles, etc.
Selon Myriam JAKIR [2], le marketing est au service d’une offre culturelle et non l’inverse, tel est le cas pour les biens de consommation. « Les organismes culturels produisent des biens culturels (…). Tous ces organismes commencent à s’apercevoir qu’ils sont concurrencés par une foule d’autres institutions luttant pour accaparer l’attention des consommateurs et une part des ressources nationales, et qu’ils se heurtent donc à un problème de marketing ».
Nous étudierons, dans un premier temps, les composantes stratégiques du marketing culturel en distinguant les similitudes du marketing culturel avec un marketing classique, puis ses spécificités, particulièrement en mettant en exergue les cibles spécifiques et les éléments influençant le comportement du consommateur/spectateur. Dans un second temps, nous analyserons les mix possibles mis en place par les différentes organisations culturelles, tant au niveau de la construction de l’offre, de la stratégie de prix, de la politique de communication ainsi que celle de distribution.
I. Une réelle réflexion stratégique :
Selon Jean-Marc LEHU [3], le marketing stratégique correspond à la déclinaison du marketing dans le but de planifier l’activité de l’entreprise tout en essayant de mesurer les implications de long terme. Il conduit à l’évaluation permanente des domaines d’activité stratégique en fonction de l’environnement dans lequel évolue l’organisation afin de faciliter une anticipation ou une réaction immédiate aux opportunités du marché. Selon Philip KOTLER et Bernard DUBOIS [4], « on appelle stratégie marketing l’approche que l’entité concernée met en place pour atteindre ses objectifs, à partir de décisions prises sur les cibles, le positionnement, le mix et le niveau d’engagement de dépense ».
A. Aspects communs :
Une bonne réflexion stratégique, dans le champ culturel, doit commencer par une réflexion approfondie sur l’identité des organisations, son métier, ses missions et objectifs ainsi que sur l’organisation du travail qui permettent de les remplir.
Face à une concurrence importante, l’organisation culturelle se doit de s’adapter. Le produit culturel est soumis à trois types de concurrence : la concurrence entre les produits culturels de même type (deux spectacles de théâtre différents), la concurrence entre les produits culturels de genre différents (un spectacle de théâtre et un concert), et la concurrence entre les produits culturels et les autres produits de loisirs (les sports, les voyages,...). Dans les grandes villes, la concurrence est particulièrement rude.
La problématique est d’acquérir et de fidéliser les clients, les spectateurs, les visiteurs ainsi que les distributeurs. Selon Jaki ELLENBY [5], vice-présidente au développement du marketing stratégique du Cirque du soleil, la stratégie marketing consiste à créer un engagement du consommateur à la marque.
Fréquemment, certains lieux culturels passent commande auprès de compagnies associées ou non, d’une œuvre ou d’un spectacle dont la cible est prédéfinie telle qu’un spectacle pour enfants, ou à thème. Ces commandes sont élaborées en fonction des besoins des diffuseurs et/ou producteurs et notamment en fonction des attentes de leurs publics. Par exemple, la scène nationale La Ferme du Buisson [1] a commandé, au Collectif 18.3, un spectacle autour d’auteurs africains correspondant à une thématique définie en amont par le directeur. En cela, la démarche ressemble à une démarche marketing classique.
Comme les autres marchés, le marché culturel est composé de segments qui répondent aux mêmes qualités que sur les autres marchés : ils sont mesurables, rentables, stables dans le temps, … Les entreprises culturelles suivent les mêmes types de stratégie : les stratégies de segmentation différenciée ou indifférenciée ou de niche.
Les principales bases de segmentation sont : la dichotomie acheteurs – non acheteurs, le volume d’achat, la fidélité, la satisfaction et la marque (ou le type de produit) préférée. Lorsqu’on évoque la stratégie marketing, la tendance de base est identique. Vendre des couches, de la lessive ou des spectacles correspond aux mêmes démarches : écouter le client, comprendre son besoin et créer une relation avec lui. Il faut créer un engagement du consommateur à la marque. Il est nécessaire de se diversifier et de ne plus se contenter des ressources des billetteries. Certaines entreprises culturelles vont jusqu’à nouer des partenariats pour réaliser du co-branding. Il s’agit de l’alliance de deux marques qui vise à promouvoir simultanément les produits de deux entreprises distinctes. C’est le cas du Cirque du soleil et Desigual, marque de vêtement, qui ont créé ensemble une ligne de produits co-brandés, à savoir une ligne de vêtements portant les deux marques.
B. Les spécificités stratégiques du spectacle vivant :
Les produits culturels ne sont pas accessibles à tout le monde car cela nécessite un coût financier mais aussi un investissement en temps. Dans les organisations artistiques et culturelles, les missions et objectifs sont multiples et s’inscrivent souvent dans trois registres :
- Le registre artistique et culturel : l’organisation culturelle favorise les missions de création, de conservation et de diffusion dans un contexte de qualité et de réputation.
- Le registre social : cela sous-entend deux missions, celle d’éducation afin de favoriser la découverte, l’appréciation esthétique, puis une mission d’accessibilité c’est-à-dire ouvrir l’accès au plus grand nombre. Elle s’adresse aux scolaires, aux amateurs, aux associations locales, etc.
- Le registre financier : cela passe par la recherche de la survie, d’un certain niveau d’autofinancement, ou de rentabilité voire de maximisation des profits.
Le marketing traditionnel est plutôt orienté marché, ce qui consiste à rechercher et connaitre les attentes des consommateurs afin d’adapter l’offre, en modifiant le produit ou l’une des autres variables. Le marketing culturel consiste généralement à trouver le public en fonction de l’œuvre, et non à élaborer l’œuvre en fonction du public. On part de la vision de l’artiste et on cherche le groupe de consommateurs le plus susceptible de s’intéresser à l’œuvre. Autrement dit, il s’agit d’un marketing centré sur le produit.
C. Une multitude de cibles spécifiques :
Il y a quatre marchés que vise l’entreprise culturelle : le marché de la consommation, celui des intermédiaires de distribution, le marché des subventionneurs, et celui des commanditaires (mécénat/commandite). Cible institutionnelle (pour le producteur et le distributeur) ; afin de financer l’œuvre, on peut faire appel à l’Etat ; à la fois le Ministère de la Culture, les collectivités territoriales (régions, départements, communes). L’Etat joue un rôle primordial dans le secteur culturel, notamment en accordant diverses formes de subventions : subventions des salles de spectacle (théâtre subventionné) qui leur accordent la possibilité, à leur tour, de distribuer des fonds pour soutenir des projets artistiques, subventions de certains projets artistiques auprès de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), par exemple. Le niveau d’investissement public dans les arts et la culture varie selon la tradition du pays. La France utilise un modèle assez centralisé : le Ministère de la Culture définit une politique culturelle intégrant des objectifs et des priorités. Aux Etats-Unis, l’intervention publique est beaucoup moins importante laissant le secteur privé très présent dans la gestion des organismes culturels.
Cible des commanditaires ; les revenus des entreprises culturelles proviennent essentiellement de trois sources : les revenus autonomes comme la billetterie et la vente de produits dérivés, les revenus sous forme de subventions de l’Etat et les revenus provenant des commanditaires. Ceux-ci sont des particuliers, des fondations et des entreprises privées susceptibles d’appuyer financièrement les organisations culturelles. L’appui peut prendre deux formes : le don et la commandite. Le don peut être effectué par des particuliers, des fondations et des entreprises. Leur motivation est philanthropique, c’est du mécénat. La commandite est un acte de promotion avec une contrepartie publicitaire. L’entreprise commanditaire évalue l’investissement en fonction de divers critères tels la visibilité, la notoriété et le nombre de personnes touchées par le message. Aux Etats-Unis, 26 % des revenus des entreprises consacrés aux arts de la scène sont issus du secteur privé, de manière plus ou moins importante en fonction de la discipline, notamment la musique (orchestres, sociétés musicales, chorales), au détriment de la danse et du théâtre. En Europe, la culture est davantage prise en charge par l’Etat et il y a donc peu de partenaires dans le secteur privé même si cela présente un intérêt de plus en plus important ces dernières années.
Cible intermédiaire (pour le producteur) ; pour diffuser l’œuvre : salles de spectacle comme celles de théâtre, de concert, de danse. La mise en marché d’un produit culturel se fait en deux étapes : la première consiste à convaincre le distributeur de participer à la programmation de la saison, la seconde consiste, pour le diffuseur, de s’adresser aux consommateurs. Le producteur investit les sommes nécessaires afin qu’un évènement puisse prendre forme. Il prend en charge les frais liés au metteur en scène, les décors, les techniciens, les comédiens, les musiciens, … Le producteur adopte une stratégie précise ayant pour cible les diffuseurs, puis anticipe les outils promotionnels utilisés vis-à-vis du consommateur final.
Cible plus classique (pour le distributeur et éventuellement le producteur) : les spectateurs. Le diffuseur est la personne qui permet au spectacle d’être présenté au public. Le diffuseur est propriétaire d’une salle de spectacle et achète un spectacle afin d’occuper sa salle. Le locateur est payé par le locataire afin qu’il puisse occuper, exploiter un lieu donné avec les services fournis. Il exploite un lieu public et vise à le louer pour la tenue d’évènements. Près de 100 % des consommateurs consomment un produit culturel. Cependant, cette offre est très fragmentée : la pièce de théâtre, la comédie musicale, l’opéra, la musique classique, le concert de rock, le cinéma, le musée, le disque, le livre, les expositions, etc. Au sein de ces segments, les consommateurs se regroupent en fonction d’intérêts particuliers, ce qui donne lieu à une segmentation plus fine. Les marchés subissent l’influence des leaders d’opinion, des modes, des goûts, des caractéristiques sociétales. Des études du profil sociodémographique de la clientèle de produits culturels ont été réalisées en Europe et en Amérique du Nord depuis 40 ans. Elles convergent toutes aux même constats : une forte polarisation des auditoires et des consommateurs dans chacun des pays. Les produits en art savant attirent des consommateurs scolarisés alors que les produits en art populaire attirent des clients moins scolarisés. Les clients réguliers ne représentent qu’une faible proportion de la population totale. Quatre facteurs principaux agissent sur les préférences en matière de goût des consommateurs : les valeurs familiales qui favorisent ou non la consommation d’art savant, le milieu scolaire, le fait d’avoir assisté à des spectacles dans son enfance et la pratique d’un art en amateur. Les enseignements de ces études sont que les compagnies dont le public se compose de diplômés universitaires ciblent un marché très limité, même si ceux-ci sont de grands consommateurs de produits culturels. L’art populaire cible uns segment beaucoup plus important.
Un plan marketing doit être réfléchi pour chacun de ces marchés cibles.
L’outil central du marketing est l’étude des publics qui permet de décrire et comprendre leurs comportements et donc d’œuvrer à la réalisation des objectifs que l’organisation s’est fixée, comme l’amélioration de la relation aux publics pour en accroitre leur satisfaction pour les fidéliser.
D. Le comportement du consommateur :
Le produit culturel n’est pas comparable avec les autres types de produits pour trois raisons : la consommation de produits culturels nécessite la capacité et la volonté d’y consacrer du temps. On parle autant d’investissement en argent qu’en temps ; c’est un bien « expérientiel », c’est-à-dire qu’il n’est évaluable qu’à l’usage ; il s’adresse à la dimension hédonique et affective des consommateurs et moins à leur dimension utilitariste. Le spectateur se projette dans le spectacle, c’est ce que l’on dénomme la catharsis. Cela correspond à l’épuration des passions par le moyen de la représentation dramatique. En assistant à un spectacle théâtral, l’être humain se libère de ses pulsions, de ses angoisses ou fantasmes en les vivant à travers le héros ou les situations représentées sous ses yeux.
La propension à consommer les spectacles culturels dépend de l’âge des individus, leurs revenus ainsi que leur condition physique. Par exemple, en matière de spectacle vivant, la plupart de la demande commence à la cinquantaine, ils n’ont plus d’enfants en bas âge et ils ont des moyens raisonnables et la santé pour sortir.
Les produits culturels ne s’adressent pas exclusivement à l’esprit mais surtout aux émotions des consommateurs.
Afin de prendre leur décision, les consommateurs se basent sur des informations internes telles les expériences de vie, préférences, attitudes, …, et externes comme la nature du produit offert, la publicité, le bouche à oreilles, ... Par exemple, la conjoncture influe sur le type de spectacles produits. Ainsi, actuellement, étant donné la conjoncture morose, les spectateurs ont une appétence particulière pour les comédies. A l’apogée de l’Antiquité grecque, étant donné la période faste, les spectateurs étaient particulièrement sensibles aux tragédies.
Le processus de décision repose sur l’influence de trois grandes catégories de variables : celles liées au consommateur lui-même, celles liées à la situation d’achat et celles liées au produit considéré.
La motivation est l’élément déclencheur qui est à la base des comportements des consommateurs. Elle découle du déséquilibre entre l’état actuel du consommateur et un état recherché. Plus ce déséquilibre est fort, plus la motivation sera grande. Ce déséquilibre peut provenir du consommateur lui-même (en vieillissant, une appétence envers le théâtre peut se développer), une situation donnée (les fêtes de Noël encouragent vivement certains spectacles telles les comédies musicales ou ceux qui ont pour cible les enfants), ou la promotion effectuée pour un spectacle.
Le degré de motivation du spectateur pour un spectacle dépendra de ses expériences antérieures qu’elles soient positives ou négatives considérées comme étant ses acquis et de son degré d’implication envers le produit. Ces expériences joueront sur la confiance en son jugement de prendre une décision rapide et efficace.
L’implication peut être structurelle et/ou conjoncturelle, c’est-à-dire liée à la situation. Ainsi, un consommateur peut, de manière continue, percevoir le théâtre comme étant un produit à forte implication alors qu’un autre individu pourra ressentir le même niveau d’implication mais exclusivement de manière situationnelle, comme par exemple lors de la rentrée artistique. Ainsi, beaucoup de lieux artistiques tentent de saisir cette opportunité en organisant des évènements afin de susciter le désir de cette seconde catégorie d’individus. Le TNB [2] (Théâtre National de Bretagne) organise une présentation de saison, conviant ses abonnés à un buffet. La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne la Vallée, organise un pique-nique.
L’implication dépend du risque que le consommateur associe à l’achat ou l’utilisation d’un produit ou d’un service. On distingue quatre types de risques : le risque fonctionnel, le risque économique, le risque psychologique ainsi que le risque social.
Le risque fonctionnel correspond au risque que le produit ne soit pas à la hauteur de ses attentes. Ce risque est d’autant plus fort que la consommation de produits culturels connait une forte dimension expérientielle. La seule façon de réduire ce risque est de s’informer en amont par le biais de médias, de critiques, ou le bouche à oreilles. D’où l’importance d’une politique de communication efficace. Les dirigeants du domaine culturel accordent aux critiques, une importance primordiale, autant sur les consommateurs, que les commanditaires.
Le risque économique correspond au coût généré par la sortie culturelle comme le prix du spectacle, les frais de déplacement, de gardiennage, frais de repas, etc. Plus un produit est coûteux, plus le processus de décision est complexe.
Le risque psychologique correspond au risque lié à une consommation ou un achat qui ne serait pas conforme avec l’image qu’il a de lui –même. Un consommateur peut avoir peur d’affronter certaines pulsions. Inversement, il peut être tenté de s’initier à certaines formes d’art afin de conforter une meilleure image de lui.
Le risque social est fonction de l’image que les autres se font de nous. Certains consommateurs assistent à des spectacles non par goût personnel mais pour l’image sociale qu’ils souhaitent véhiculer. Inversement, certains consommateurs vont se priver de certains spectacles de crainte d’être mal jugés par leur entourage.
L’expérience a un impact majeur dans le processus de décision d’un consommateur. Plus son expérience est grande, plus son processus décisionnel est court. Certains peuvent même devenir des experts. Lorsque le produit est à forte implication et que l’expérience du consommateur est élevée et concluante, celui-ci peut créer une prédisposition affective à tel point qu’il accorde davantage de mérite au spectacle qu’il n’en a réellement. C’est le phénomène des inconditionnels. Par exemple, dans le monde du théâtre, un metteur en scène tels Joël POMMERAT, Thomas OSTERMEIER, …, un comédien tels Michel FAU, Michel BOUQUET, Isabelle HUPPERT, …, suscitent l’envie des aficionados.
Dans le cas de produits à forte implication, le consommateur, s’il ne bénéficie de peu ou pas d’expérience, peut s’appuyer sur des processus décisionnels cognitifs, c’est-à-dire en fonction d’attributs objectifs. Mais il peut également baser sa décision sur des processus affectifs comme l’amour, la haine, la joie, l’ennui, la fatigue, etc. En général, le processus de décision se base sur ces deux aspects. La complexité du marketing culturel réside dans le fait de concilier à la fois la conception artistique, le financement de la production et le marketing de l’œuvre auprès de sa cible.
Nous pouvons définir le marketing des entreprises culturelles de la manière suivante : l’art d’atteindre les segments de marché qui soient susceptibles de s’intéresser au produit proposé, en ajustant les autres variables comme le prix, la distribution, la communication, afin de toucher le plus grand nombre possible de consommateurs et ainsi atteindre les objectifs fixés en amont.
II. Une application opérationnelle :
Le marketing culturel relève d’une logique opérationnelle cherchant à mettre en relation une offre culturelle et une demande (existante ou potentielle). Selon Jean-Marc LEHU, le marketing opérationnel est la déclinaison du marketing qui consiste à mettre en application les conclusions du marketing stratégique. Il regroupe l’ensemble des décisions qui sont prises sur le terrain à propos des différents éléments du marketing mix, tels le produit, le prix, la force de vente, les services, la marque, les circuits de distribution, les outils de communication, … Comme pour tout produit, il faut connaitre les attentes et les besoins du public pour satisfaire les clients, définir un prix, promouvoir l’œuvre, choisir les bonnes salles de spectacles de la tournée.
A. La construction de l’offre :
Toute stratégie de positionnement nécessite à la fois une réelle compréhension des caractéristiques et des bénéfices attendus par les consommateurs ainsi que le positionnement occupé par les concurrents. Le gestionnaire doit offrir à sa clientèle un bénéfice supplémentaire en mettant en exergue les caractéristiques distinctives de son offre par rapport aux concurrents. Selon Jean-Marc LEHU, un produit marketing peut être défini comme étant un objet matériel, un service, un homme, un lieu, une idée ou une organisation conçu, créé et offert à la consommation dans le but de satisfaire un besoin identifié des consommateurs.
Le produit culturel est défini comme étant l’ensemble des bénéfices perçus par la clientèle tant réels qu’illusoires. Il décrit le résultat de tout processus de création qui fait l’objet d’une mise sur le marché comme un spectacle, une exposition, un disque. Dans le cas du marketing du spectacle vivant, le consommateur achète, en réalité, non pas le service, encore moins le bien mais plutôt l’expérience. Celle-ci varie en fonction du désir du consommateur, d’où l’importance de la définir avec précision.
Le domaine culturel détient un avantage concurrentiel majeur car chaque artiste, par sa démarche artistique propre qui le caractérise, cherche à se démarquer naturellement de ses pairs. L’artiste, de ce fait, détient un avantage concurrentiel du seul fait de son « produit ». Dans le cas du produit culturel, on définit l’œuvre artistique selon trois dimensions : les dimensions référentielle, technique et circonstancielle :
Dimension référentielle | Dimension technique | Dimension circonstancielle |
---|---|---|
Elle permet au consommateur de situer un produit par rapport aux différents points de référence, par comparaison par rapport à ce qui existe et ce qui a existé. | Elle englobe les différentes composantes techniques et matérielles du produit : l’œuvre même (sculpture), d’un support technique pour l’œuvre (livre ou disque) ou d’un élément de la représentation de l’œuvre (spectacle). | Elle a trait aux circonstances éphémères de la perception des produits. Une œuvre ne peut être perçue deux fois de la même manière. Pour la personne en situation de perception, les états d’âme, la condition physique, l’humeur immédiate le confort de la situation, sont des facteurs éphémères intervenant dans sa perception globale du produit et influent sur son appréciation. La perception des réactions des spectateurs, l’humeur de l’artiste, ses états d’âme, sa condition physique jouent aussi sur la qualité de la prestation sur scène. |
La discipline. Le genre. L’histoire. Les produits de la compétition. Les produits de substitution. |
Du produit consommé. Du processus de production. |
Les composantes éphémères. Le consommateur. L’artiste |
Certains produits sont considérés comme étant plus ou moins complexes en fonction des caractéristiques propres du produit ou de la perception du produit. Ainsi, le théâtre de tréteaux est considéré comme un produit simple alors que le théâtre classique ou avant-gardiste est plus complexe. Cela exige du consommateur un certain nombre de connaissances ou des notions abstraites pour pouvoir apprécier les concepts. Les produits culturels complexes sont certainement plus compliqués à distribuer.
Les organisations culturelles tels les producteurs ainsi que les salles de spectacle tentent de diversifier leur offre en proposant des produits dérivés, des visites de lieux, des tournages, assister à des répétitions, participation à des stages de théâtre, de danse, etc.
La vente de produits dérivés comme les albums, les vêtements, les programmes de soirée, …, doit, dans la plupart des cas, être répartie entre le producteur et le diffuseur. L’Opéra de Paris organise des visites du Palais Garnier, cela génère un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros. Il expose des costumes de scène, des accessoires. L’Opéra propose également des tournages et la location du lieu propice à l’organisation d’évènementiels d’entreprises. L’Opéra de Paris réfléchit à conclure, avec des entreprises, un système de licences de marques, à développer des produits à leur nom. Il y a donc création de la marque « Opéra de Paris ».
C’est le cas également de la Comédie Française qui propose un vaste assortiment de produits tels des DVD, des produits de papeterie, de décoration, de mode, de jeu, des publications, etc. Elle propose également une sélection de cadeaux à l’occasion d’évènements dans l’année comme la fête des mères, etc. Ces produits sont mis en vente à la fois en boutique au sein de leurs locaux mais également sur leur site Internet marchand. La Comédie Française propose une sélection de produits à destination des prescripteurs tels les enseignants et institutionnels tels les établissements scolaires et collectivités territoriales.
B. La communication :
La communication s’effectue sur un double niveau : des créateurs auprès des commanditaires qu’ils soient publics ou privés, puis auprès des spectateurs.
Vis-à-vis des commanditaires :
Le démarchage s’effectue par un contact direct avec comme support un dossier pertinent, qui peut être formaté s’il s’agit de requérir des subventions auprès du ministère de la culture, de la DRAC [3], (Direction Régionale des Affaires Culturelles) de l’ADAMI (Société pour l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes), de la SPEDIDAM (Société de Perception Et de Distribution des Droits des Artistes-interprètes) par exemple.
La rédaction d’un dossier est un acte sensible et singulier à chaque artiste puisqu’il s’agit de rechercher des producteurs et/ou des salles de spectacle, mettant en exergue leur note d’intention à l’égard des œuvres choisies ou créées, la scénographie envisagée, la distribution ainsi que le parcours des différents artistes du projet, la revue de presse s’il y a eu de précédents spectacles, etc.
Les créateurs recourent à des teasers, notamment depuis une dizaine d’années, c’est-à-dire des messages vidéo visant à aguicher les producteurs et diffuseurs. Cela passe par la captation et un montage vidéo du spectacle laissant entrevoir l’esprit envisagé. Un site Internet peut être créé également par les compagnies.
Vis-à-vis des consommateurs :
La plupart du temps, la communication est réalisée par les diffuseurs, donc les salles de spectacle.
L’entreprise culturelle dispose de quatre outils afin de véhiculer un message : la publicité payée, la vente de personne à personne, la publicité gratuite, la promotion des ventes. Les deux dernières formes conviennent plus particulièrement pour une grande majorité d’organismes culturels, étant donné leur manque de moyens.
La publicité est définie comme l’ensemble des moyens, non personnalisés, pour lesquels l’entreprise paye pour communiquer avec son marché cible. Divers médias peuvent être utilisés autant électroniques qu’écrits : la télévision, la radio, les journaux, les revues, les affiches imprimées et lumineuses, les panneaux-réclames, les annonces dans les transports en commun, le site Internet. L’affichage est l’un des moyens les plus utilisés par les organisations culturelles. Néanmoins, certaines scènes nationales ont abandonné les campagnes d’affichage jugées trop coûteuses. A l’inverse, certaines salles, notamment dans le spectacle non subventionné, c’est-à-dire privé, recourent à des modes de communication plus onéreux. Ainsi, Robert HOSSEIN, pour son spectacle « Jésus » avait bénéficié d’une campagne d’affichage trois ans auparavant la date de sa sortie. Actuellement, il en est de même, pour la pièce « Le père Noël est une ordure ». repris par Pierre PALMADE qui bénéficie d’une campagne d’affichage dès à présent alors que la pièce sera présentée au public à partir du 12 septembre, c’est-à-dire plusieurs mois avant.
Le recours aux relations presse est un moyen utilisé afin de promouvoir un produit culturel. Les communiqués et conférences de presse, les discours et allocutions, le temps d’antenne offert gratuitement par les stations de radio et les chaines de télévision ainsi que la couverture médiatique sont autant d’exemples. Les critiques ont un rôle essentiel. Certains médias tels Télérama, Libération, les Inrockuptibles pour la presse, « Le masque et la plume » sur France Inter, pour la radio, ont un impact retentissant sur le public et les autres diffuseurs. L’objectif des producteurs et diffuseurs est d’attirer la presse afin d’avoir des parutions.
La promotion des ventes comporte trois volets : le premier, l’organisation culturelle peut imprimer sur des objets son logo ou tout autre élément. Par exemple, tous les ans la Scène Nationale de Clermont-Ferrand imprime des sacs en toile avec comme imprimé le nom des compagnies de la saison à venir. Le second, elle peut proposer des éléments de motivation pour inciter à l’achat comme des offres de billet gratuit pour l’achat d’un billet, les concours, les cadeaux liés aux abonnements à l’occasion des présentations de saison. Le troisième, c’est la vente de produits dérivés. Par exemple, le Cirque du Soleil propose, à l’issue de chacun de ses spectacles, un ensemble de produits dérivés en sus du spectacle comme des vêtements, gadgets, papeterie, etc. Ceci est mené en partenariat avec des marques de producteur.
La vente personnelle n’est pas appropriée, mais il faut privilégier la distribution de dépliants, une campagne de relations de presse qui appuie une série d’annonces journaux, de la publication de critiques éventuelles en presse et/ou radio.
Pour des cibles plus importantes comme les établissements scolaires, il faut davantage privilégier les relations publiques avec comme supports, les dossiers de presse, de présentation de saison.
Les salles ont de plus en plus recours à ce que l’on dénomme la communication 360°. Cela consiste à utiliser tous les moyens et techniques afin de transmettre le bon message au bon endroit et au bon moment. On peut envisager d’utiliser les relations presse, la distribution de flyers, la publicité traditionnelle et le web. Avec l’émergence du web et des réseaux sociaux, le marketing permet de conquérir de nouvelles cibles ou consolider les positions existantes en interagissant avec les spectateurs. C’est un très bon moyen d’être en contact direct avec le public. La séparation entre les producteurs d’une œuvre et les consommateurs n’est plus claire puisque l’on fait appel à ces derniers pour financer la production de certaines œuvres, c’est ce que l’on dénomme le crowdfunding. Désormais, le consommateur participe, il s’agit de marketing participatif. Selon Jaki ELLENBY [5], le public a de plus en plus besoin d’interactivité. Cette mercatique relationnelle voire participative s’effectue par le biais du Web 1.0 (site Internet) mais surtout du Web 2.0, les réseaux sociaux. On met l’accent sur le participatif et le communautaire. Les rencontres entre les artistes ou la création de Clubs ou de communautés peuvent répondre aux besoins des spectateurs/clients. Afin de fidéliser sa clientèle, le Cirque du Soleil a créé un Club gratuit laissant la possibilité de s’abonner et de recevoir des informations. Ainsi, se créée une relation qualitative. Pour acquérir de nouveaux clients, le Cirque du Soleil utilise tous les moyens et techniques pour transmettre le bon message au bon endroit. La stratégie de communication est différenciée en fonction des segments de publics et des marchés selon le critère géographique. Par exemple, en Chine, il faut utiliser les bons réseaux sociaux comme Weibo, étant donné le nombre limité de possibilités laissé par la censure. L’Opéra de Paris s’efforce d’utiliser les médias sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, …) pour communiquer avec les spectateurs et les futurs clients. Leur site Internet est le second site d’opéra le plus visité au monde après l’opéra de New-York. L’une des plus grandes ambitions est de pouvoir inter-réagir avec les spectateurs.
Internet peut également servir à créer du buzz par le biais du marketing viral. Il est toujours souhaitable qu’une critique soit bonne. Cette rumeur s’amplifie sur Internet. Ce phénomène de recommandations ou de bouche à oreille prend de l’ampleur et devient essentiel dans la diffusion et le succès des produits culturels, notamment dans le spectacle vivant. Il suffit d’un clic d’un leader d’opinion pour transmettre le message instantanément à des milliers d’internautes. Le marketing viral est devenu une stratégie par excellence pour un bon nombre d’organisations culturelles, étant donné sa vitesse de propagation, son faible coût et son efficacité. Un client satisfait est l’un des meilleurs leaders d’opinion possibles pour une entreprise.
Divers systèmes peuvent être envisagés :
Les systèmes de recommandation : il s’agit de créer sur le site de l’organisation culturelle (producteur, diffuseur) la possibilité de recommander le contenu ou le spectacle à une autre personne qui, à son tour, fera de même avec une autre personne. Il faut que cette recommandation soit véhiculée par courriel en provenance d’amis et de connaissances suscitant davantage la curiosité.
Les systèmes de parrainage : ils permettent d’amplifier les systèmes de recommandation ou de le provoquer lorsque l’offre n’est pas suffisamment compétitive pour qu’il y ait un système de recommandation spontanée. La récompense peut prendre la forme de billets gratuits, rencontres avec les artistes, …
Les communautés virtuelles : ce sont des rassemblements de personnes organisés autour d’intérêts communs. Elles peuvent partager en temps réel leurs informations, leurs passions ou leur enthousiasme pour la consommation d’un spectacle.
Les sites personnels : dans certains cas, des sites personnels peuvent jouer un rôle majeur dans la diffusion d’un spectacle. Ils sont l’œuvre de particuliers mais peuvent avoir des auditoires importants.
C. Le Prix :
Le prix payé pour un produit ne tient pas toujours compte de son coût de revient. Le raisonnement est similaire pour la valeur qu’on lui attribue. Le prix le plus juste correspond à celui qu’il est prêt à payer.
Par rapport aux consommateurs :
L’entreprise culturelle peut avoir recours à diverses stratégies de prix comme le recours aux prix de prestige, de prix d’étudiants, prix de dernière minute ou des soldes.
Si on prend, pour exemple, une compagnie de théâtre, on distingue deux groupes de consommateurs importants : ceux qui ont le temps de se rendre au théâtre mais dont les moyens sont limités, et ceux qui n’en ont pas le temps mais dont le prix est une variable négligeable.
Afin de maximiser les revenus du guichet, on peut envisager une stratégie de prix différenciée qui pourrait s’apparenter au « Yield management ». Le « Yield management » est une technique qui consiste à fixer des tarifs différenciés en fonction de certains critères tels le moment de consommation, le profil du consommateur, … Ainsi, les diffuseurs peuvent maximiser l’occupation de leurs salles ainsi que leur chiffre d’affaires.
D’une part, on peut fixer des prix bas à destination du segment qui détient du temps mais qui est sensible au prix. D’autre part, on peut imposer une prime pour le segment qui ne dispose que de peu de temps mais qui est indifférent à la variable prix en échange d’un avantage certain, la possibilité d’échange de billet contre une place similaire un autre soir. Tous les soirs, l’Opéra de Paris propose un certain nombre de places à un prix d’appel de 5 € afin de démocratiser l’opéra.
Dans le cas de l’abonnement, deux possibilités peuvent s’offrir au distributeur : proposer un rabais d’un certain pourcentage afin d’attirer les consommateurs sensibles au prix et proposer un abonnement flexible à condition de payer une prime. De même, on peut proposer des tarifs préférentiels en fonction du profil du consommateur comme les tarifs étudiants, les tarifs intermittents du spectacle, les tarifs pour les riverains, … C’est le cas pour le théâtre Gérard Philippe à Saint Denis qui propose des tarifs spéciaux pour les habitants de la Seine Saint Denis après avoir réalisé une étude démographique et sociologique de la zone géographique. Afin de conquérir son public, dans un souci de démocratisation, le théâtre propose des billets à 13 € au lieu du plein tarif à 22 €.
Le prix d’une sortie dans un spectacle vivant comprend le prix du billet, auquel on peut ajouter l’effort de se procurer ce billet avant le spectacle, de se rendre au lieu de spectacle tels les prix du transport, de stationnement, de repas, de garde d’enfant, etc. On estime que les dépenses liées à une sortie culturelle doublent, la plupart du temps, le prix du billet.
Pour le consommateur le prix d’une activité culturelle est constitué de trois éléments : le montant exigé, les dépenses associées à une sortie et l’effort à fournir. Ce qui représente un investissement important.
Par rapport aux commanditaires :
Concernant les commanditaires, il s’agit de faire un choix, notamment celui de rechercher un gros commanditaire à gros budget ou une pluralité de commanditaires avec un budget unitaire moindre.
Dans le cas de l’unique commanditaire, la dépendance est grande et le risque de se trouver sans financement est important.
D. La distribution :
On distingue les produits de consommation collective des produits de consommation individuelle dont le client jouit au moment et à l’endroit de son choix. Les produits du spectacle vivant correspondent à une consommation collective, c’est-à-dire ceux auxquels les consommateurs ont accès en se regroupant en un endroit, à un moment précis. Il s’agit d’une distribution en séquence, telle la tournée de spectacle. Nous pouvons nuancer l’analyse concernant le lieu, la durée et le moment de consommation. Un producteur de spectacle doit nécessairement visiter les diverses régions en séquence, avec un seul exemplaire du produit. Il faut donc être au bon endroit, au bon moment. Ce sont des produits dont la consommation ne peut pas être reportée. Le consommateur doit réaliser un choix parmi les produits offerts au même moment.
Cela concerne le déplacement d’un bien ou d’un service du producteur jusqu’au consommateur.
Il existe plusieurs composantes dans la distribution : la distribution physique, les réseaux de distribution et la localisation commerciale.
Dans le cas du spectacle vivant, la distribution physique correspond à la réalisation d’une tournée. Ce déplacement s’effectue par le biais d’intermédiaires. Une entreprise culturelle peut décider de faire affaire directement avec le public ou de passer par des intermédiaires.
Certains outils sont créés pour faciliter la gestion de tournées du spectacle vivant comme Eventsoft, un logiciel de gestion dédié à l’évènementiel permettant de gérer les moyens humains et matériels tels : la gestion des salles et lieux, la gestion des véhicules, la gestion du personnel, la gestion des prestations, la gestion de l’outillage, la gestion des salaires, etc.
Il faut assurer le transport des produits ou du personnel et des équipements de la tournée aux destinations ou aux points de vente. Le choix du lieu, la salle de spectacle est un choix primordial.
Une troupe peut faire le choix de démarcher elle-même auprès de diffuseurs éventuels ou de faire appel à un agent qui le fera à sa place.
Dans le cas d’une tournée, la stratégie de distribution physique correspond à l’ordonnancement des différentes villes où se produira la compagnie, alors que la tactique correspond au choix des moyens de transport ou des hôtels. Par réseau de distribution, on entend les rapports entre les divers intermédiaires entre artistes, producteurs et diffuseurs.
Concernant la localisation, la stratégie est le choix de l’emplacement, en fonction de divers critères tels l’accès en transports en commun, en voiture ; les infrastructures techniques comme le son, l’éclairage ; la capacité du lieu ; sa notoriété ou la proximité d’autres lieux de loisirs pouvant produire un effet de synergie.
La tactique est l’aménagement des lieux ainsi que les services apportés à la clientèle, comme l’accueil de groupes scolaires ou de familles avec enfants, le vestiaire, les toilettes, un bar, un restaurant, un système de réservation par Internet. Le billet est un produit qui se prête bien à la vente à distance. 80 % de la billetterie du Cirque du Soleil s’effectue par Internet. L’Opéra de Paris a mis en place un certain nombre d’initiatives afin de développer la distribution de ses productions en ayant recours aux salles de cinéma. Ainsi, 8 spectacles sont actuellement diffusés dans 70 salles de cinéma en France en direct, ainsi que dans 155 endroits et une cinquantaine de salles dans le monde. L’effet immédiat est d’accroitre le nombre de spectateurs. Sont proposés également des DVD ainsi que des téléchargements légaux sur leur site ou le visionnage gratuit en streaming.
Conclusion
L’inspection générale des finances et celles des affaires culturelles ont publié un rapport qui évalue l’apport annuel de la culture à 3,2 % de la richesse nationale. Le spectacle vivant représente, à lui seul, 8,8 milliards d’euros de valeur ajoutée. C’est donc une manne financière conséquente. Aurélie FILIPETTI, ministre de la culture, estime qu’un euro investi dans un évènement ou un festival culturel engendre 4 à 10 dix euros de retombées économiques. Ces sommes investies proviennent, entre autres, de subventions publiques ainsi que des collectivités territoriales. A titre d’exemple, le budget du Festival d’Avignon s’élève à 12 millions d’euros. 59 % de cette somme provient des subventions publiques, dont 13 % de la ville d’Avignon, 13 % de la Communauté du grand Avignon. La ville et l’agglomération investissent donc 2 millions d’euros investis pour 23 millions euros de retombées économiques estimées. Dans ce contexte, les enjeux financiers de la Culture et plus spécifiquement ceux du spectacle vivant sont tels que la nécessité de recourir aux outils du marketing sont évidents et ceci pour de multiples raisons, tels le retour sur investissement, la recherche de son public, etc. autant que, dans certains domaines tels le disque, le livre, le cinéma, une démarche marketing classique est de vigueur. Les acteurs du spectacle vivant ont compris les enjeux et se sont appropriés, eux aussi, les techniques du marketing afin de mieux comprendre le comportement de leurs spectateurs, de créer des spectacles adéquats et de s’adresser à eux par les moyens appropriés, plus particulièrement le spectacle non subventionné qui a besoin de remplir les salles. A l’instar du privé, le spectacle subventionné recourt également aux méthodes du marketing. Un équilibre complexe est recherché entre les missions sociales, artistiques, culturelles et financières, tout en préservant la liberté de création artistique.
BIBLIOGRAPHIE, VIDEOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE
- Marketing de l’art et de la culture – Dominique Bourgeon-Renault – Edition DUNOD – 2009
- L’art du buzz – Laurent Rigoulet – Télérama - Janvier 2014
- Marketing et publics de la culture – Jean-Michel Tobelem – www.option-culture.com – 2013
- Le marketing dans le secteur culturel, le cas de l’Opéra de Paris – Intervention de Christophe Tardieu, directeur général adjoint à l’Opéra de Paris lors de la nuit du Marketing organisé par l’ADETEM - 2013
- Marketing culturel : deux concepts qui s’opposent ? – Emilie Moronvalle – www.expertinbox.com – 2013
- La résistance à l’art contemporain, des attitudes et représentations des publics aux implications marketing – Virginie de Barnier et Joëlle Lagier - 2012
- La culture, un produit comme les autres ? – Aude Mathey – www.culture-communication.fr - 2012
- Le plan marketing – François Colbert – www.managementculturel.com
- Marketing des arts et de la culture – Jacques Nantel - www.managementculturel.com
- La production d’évènements, les salles de spectacle – Karina Brousseau - www.managementculturel.com
- Les éléments du marketing et des arts – François Colbert - www.managementculturel.com
- Comportement des consommateurs dans le domaine des arts et de la culture – Jacques Nantel - www.managementculturel.com
- www.comediefrancaise.com
- Vidéo : Entretien avec Laurent BELLAMBE, comédien, metteur en scène, membre fondateur du Collectif 18.3 – Mai 2014
NOTES
[1], Dominique BOURGEON-RENAULT, Marketing de l’art et de la culture, Edition DUNOD, 2009 [2], Myriam JAKIR, « Comment vendre du théâtre ? L’art de promouvoir a- t-il ses limites ? Thèse sur le marketing du théâtre, Université de Genève, 2006 [3], Jean-Marc LEHU, L’encyclopédie du marketing commentée et illustrée, Edition Eyrolles, 2012 [4], Philip KOTLER et Bernard DUBOIS, Marketing management, 13e édition, Edition Pearson éducation, 2009 [5], Jaki ELLENBY, Vice-présidente du Cirque du Soleil, chargée du développement du marketing stratégique
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