Le droit du travail est caractérisé notamment par l’intervention des pouvoirs publics agissant tantôt par la voie législative, tantôt par la voie réglementaire pour fixer un cadre juridique aux relations individuelles du travail.
Cette intervention des pouvoirs publics qui ne date pas d’aujourd’hui, permet au contrat de travail conclu entre l’employeur et le salarié d’échapper dans une certaine mesure, au principe de la liberté contractuelle ; puisque les dispositions légales impératives régissent la formation du contrat de travail, son exécution et tout particulièrement sa rupture.
Le contrat de travail en droit français est considéré comme devant être un contrat à durée indéterminée (CDI), c’est le contrat de droit commun (article L. 121-1 du code de travail), mais dans certaines conditions il peut être un contrat à durée déterminée (CDD), (article L. 121-1-1 du code du travail). En effet les besoins de flexibilité des entreprises liés à une conjoncture économique instable ont conduit à la multiplication de contrats de travail précaires, dit « atypiques » ; il s’agit notamment du contrat à durée déterminée (CDD), du contrat de travail temporaire (CTT), du contrat d’apprentissage, des contrats aidés...(1)
Il
n’existe pas de définition légale du contrat de travail.
Sa définition est d’origine jurisprudentielle, elle retient trois
conditions nécessaires à son existence : un travail exercé
pour autrui ; une rémunération versée en contrepartie du
travail fourni ; un lien de subordination dans l’exécution du travail.
Le contrat de travail se définit donc comme l’exercice
d’une activité professionnelle sous la direction et l’autorité
d’un employeur en échange d’une rémunération.
Il y a quelques années, la question d’une nécessaire évolution du contrat de travail à durée indéterminée se posait déjà, au regard des mutations de l’environnement économique et du chômage endémique. La réflexion devait conduire à rendre flexible le cadre juridique du CDI, de manière à faciliter les projets individuels et à accroître la souplesse de l’organisation du travail, sans remettre en cause la continuité des droits des salariés.(2)
Cette réflexion aboutit aujourd’hui à la mise en place du contrat nouvelles embauches (CNE) qui vise à favoriser les embauches dans les petites entreprises de 20 salariés au plus, en accordant une plus grande souplesse à l’employeur pendant les deux premières années du contrat qualifiées de " période de consolidation de l’emploi " . C’est un contrat à durée indéterminée assez particulier qui marque une nouvelle étape de l’évolution du droit du travail, sans doute en rupture avec la conception historique qui jadis avait servi de justification à l’intervention des pouvoirs publics pour fixer un cadre juridique aux relations individuelles du travail.
Cette nouvelle étape de l’évolution des relations individuelles du travail est-elle l’illustration d’une volonté des pouvoirs publics d’accentuer la flexibilité du droit du travail ? Pour mieux appréhender cette mutation en cours il nous paraît nécessaire de rappeler quelques périodes essentielles de l’évolution du droit du travail (I) marquée par l’intervention des pouvoirs publics, avant d’illustrer le contrat nouvelles embauches (II) et de décliner ses spécificités, non sans nous interroger sur certains aspects sous-jacents, notamment la compatibilité de ce contrat du travail avec certaines conventions internationales signées par la France.
I. L’EVOLUTION DU DROIT DU TRAVAIL
L’intervention des pouvoirs publics en matière de droit du travail ne date pas d’aujourd’hui, un rappel de cette constance dans le temps devrait nous éclairer sur les entorses auxquelles conduit la réflexion qui a abouti à la flexibilité du cadre juridique du CDI.
I.1 ...MARQUEE PAR L’INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS
Le droit du travail fixe un cadre juridique aux rapports de travail et répond d’une certaine manière aux difficultés socio-économiques de l’entreprise dans sa relation avec les salariés. Son rôle s’étend également hors de l’entreprise dans la mesure ou la situation de ceux qui en sont exclus temporairement ou définitivement est prise en compte.
Sous l’ancien régime, la conception corporative des relations du travail était dominante. Sous la révolution, au nom des principes de liberté et d’égalité, la rupture s’est faite avec le décret d’Allarde des 2, 17 mars 1791, qui a posé le principe de la liberté du travail (liberté d’exercer une profession - liberté de recruter la personne de son choix), et avec la loi Le Chapelier des 14, 17 juin 1791 qui a interdit les groupements professionnels et les coalitions.
Le principe de liberté interdit toute intervention de l’Etat. La relation de travail est régie par le droit commun des contrats et plus précisément par le contrat de louage de services. Or il s’avère que le rapport de forces entre salarié et employeur est inégal, le salarié est soumis à la volonté patronale.
Avec la révolution industrielle, les conditions de vie des ouvriers sont misérables, l’Etat est obligé d’intervenir pour éviter les troubles sociaux.(3)
L’émergence du droit du travail s’est faite difficilement, car la conception dominante était purement civiliste. Il a fallu un certain temps avant que le particularisme du contrat de travail s’affirme par rapport au droit civil.
L’intervention de l’Etat en faveur de la classe ouvrière autorise le droit de grève (1864) et le droit de se syndiquer (1884). Le rapport de forces est transformé par la montée en puissance des syndicats. A partir de 1936 les conventions collectives se multiplient et viennent ainsi compléter le droit du travail législatif et réglementaire.
Les sources du droit du travail ne sont pas seulement nationales, elles présentent l’originalité de conjuguer l’origine étatique ou conventionnelle des règles élaborées avec des sources internationales, en l’occurrence les conventions de l’O.I.T(4) ., les traités internationaux (exemple : La condition des travailleurs migrants) et le droit européen (exemple : Le principe de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’union européenne, la directive relative à l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’entreprise, et plus récemment la directive européenne du 14 octobre 1991 relative à la forme juridique du contrat de travail) (5)
Le
but du droit du travail est donc d’assurer la protection du salarié
engagé dans un rapport de travail inégalitaire (le salarié
dépend économiquement de l’employeur et lui est soumis juridiquement),
son évolution dans le temps va dans le sens d’une amélioration
des conditions de travail et des garanties sociales. C’est notamment le
cas de l’évolution de la durée de la semaine de travail
ou le cas de l’évolution des congés payés . (6)
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 va également dans
le sens d’une amélioration des garanties sociales pour lutter contre
la précarité des emplois. Un extrait du rapport préalable
au projet de loi en dit long.
En
effet « Si le recours à des emplois temporaires est parfaitement
justifié pour faire face aux situations définies par le code du
travail comme le surcroît temporaire d’activité ou le remplacement
d’un salarié absent, certaines entreprises utilisent les contrats
de travail précaires comme un mode permanent de gestion des effectifs,
au détriment des salariés concernés, qui subissent cette
précarité, et la collectivité qui en paie le coût
notamment à travers l’indemnisation du chômage. Ainsi 10
% des entreprises de plus de vingt salariés ont en permanence plus de
20 % de leurs effectifs en contrat à durée déterminée
(CDD) ou en intérim.
Le projet de loi vise à prévenir ces abus et à favoriser
l’accès à des emplois durables des salariés en situation
précaire ».
Dans
la 3e partie de la loi de modernisation sociale intitulée "Autres
dispositions (Secteur privé)", le point 3.2 traite du travail
précaire. En effet « la loi réaffirme le caractère
exceptionnel du recours au travail précaire, en précisant que
celui-ci ne saurait pourvoir durablement un emploi lié à l’activité
normale et permanente de l’entreprise, quel que soit son motif de recours.
Elle prévoit des dispositions pour encadrer le travail précaire,
notamment :
- Revalorisation de la prime de précarité versée au salarié à la fin du contrat. Elle passe de 6 % à 10 % de la rémunération totale brute, et s’aligne ainsi sur le montant versé en matière d’intérim.
- Augmentation du délai de carence que l’employeur doit observer entre deux contrats précaires portant sur un même poste.
- Renforcement des sanctions pénales en cas de non-respect du respect du principe d’égalité de rémunération entre salarié sous contrat temporaire (CDD ou intérim), et salarié sous CDI, sur le même poste de travail ».(7)
Néanmoins force est de constater que le progrès social va souvent de pair avec une conjoncture économique favorable. Or La morosité actuelle de l’activité économique et les menaces de la mondialisation fragilisent sans doute certains acquis sociaux, d’où la difficulté de garantir aux salariés un emploi stable, inadéquat aux besoins de flexibilité des entreprises.
I.2 ...ET PAR DES REFLEXIONS SUR LA FLEXIBILITE DU CADRE JURIDIQUE DU CONTRAT A DUREE INDETERMINEE
Le taux de chômage en France demeure très élevé malgré la baisse consécutive enregistrée depuis neuf mois : 2 310 600 demandeurs d’emplois (fin décembre 2005) soit 9.5 % de la population active. Presque tous les remèdes ont été essayés sans arriver à bout de ce fléau. Cependant certains experts estiment que tout n’a pas été tenté, et surtout sont persuadés que d’autres solutions que celles actuellement appliquées sont possibles, et qu’il ne faut s’interdire aucune piste de réflexion.
C’est dans ce contexte que des rapports ont été commandés par le ministère des finances d’une part, et le ministère des affaires sociales d’autre part "pour relancer la croissance et réaménager le modèle social à la française".
D’abord
en janvier 2004 le rapport de Michel de VIRVILLE, DRH et secrétaire
général du Groupe Renault, est remis au ministre de l’emploi.
Il fait une cinquantaine de propositions destinées à simplifier
le droit du travail, partant du constat que le contrat de travail de droit commun
est trop rigide et n’est donc plus adapté aux mutations de l’environnement
de l’entreprise.
Pierre angulaire de la future loi dite de « mobilisation pour l’emploi
», ce rapport propose notamment :
- D’instaurer un nouveau motif de cessation du contrat de travail, pour « rupture négociée » qui serait accompagné d’un régime social et fiscal adapté.
- De créer un contrat de mission, nouveau type de CDD pouvant être conclu dans le cadre d’un projet, d’un événement ou d’un objectif déterminé et pour une durée de plusieurs années.
Ensuite en septembre 2004 le rapport de Michel CAMDESSUS, ancien directeur général du Fonds monétaire international et gouverneur de la Banque de France, est remis au ministre des Finances. Il fait 120 propositions pour « lever les freins de la croissance ». Pour l’emploi, il préconise la fusion du CDI et du CDD en un contrat de travail unique « dans lequel les droits relatifs à la protection de l’emploi et à l’indemnisation se renforceraient progressivement ».(8)
En effet le nombre croissant de licenciements pour motif personnel et pour motif économique pourrait faire penser que le CDI n’est plus une garantie pour la pérennité de l’emploi. A contrario, le salariat sous forme de missions de longue durée fixerait au contraire un avenir prévisible aux salariés, étant donné qu’en principe un CDD ne peut être rompu avant terme, et ne comporte pas l’aléa d’un licenciement inattendu.
Cependant peut - on imaginer sérieusement que le CDD soit la meilleure solution lorsqu’il peut être renouvelé à l’infini ? C’est ce que propose « le contrat de mission » qui pourrait être conclu successivement en nombre illimité avec le même salarié. Pour bien comprendre la différence avec le cadre juridique actuel, il est important de faire un petit rappel.
L’article L. 122.1 du code du travail prévoit que « Le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pouvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés à l’article L. 122-1-1. »
Et selon l’article L. 122-1-1 du code du travail « Le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants :
- Remplacement d’un salarié en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif, précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l’objet d’une saisine du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe, ou en cas d’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.
- Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
- Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois »
Et enfin l’article L. 122-1-2 du code du travail précise que la durée totale du CDD ne peut excéder dix huit mois.
On voit donc à travers ces rapports se profiler une nouvelle conception des relations individuelles du travail, basée sur la précarité et pourtant encensée puisque ne comportant pas d’aléa d’un licenciement inattendu comme c’est le cas avec un CDI. Compte tenu de ce virage amorcé par les rapports de VIRVILLE et CAMDESSUS, il fallait s’attendre un jour ou l’autre à une réforme du CDI, non pas pour pérenniser davantage l’emploi, mais pour accorder plus de souplesse aux entreprises qui en ont bien besoin.
II. L’ILLUSTRATION DU CONTRAT NOUVELLES EMBAUCHES
Lors de sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005, le Premier ministre a annoncé des mesures d’urgence pour l’emploi. L’une de ces mesures est la création d’une nouvelle catégorie de contrat de travail à durée indéterminée, dénommé "contrat nouvelles embauches" (CNE). Quelles sont les spécificités de ce nouveau contrat et quelles interrogations sous-jacentes suscite - il ?
II.1 LES SPECIFICITES DU CONTRAT NOUVELLES EMBAUCHES
Le contrat de travail "nouvelles embauches" est la mesure phare du plan d’urgence pour l’emploi, il a été créé par voie d’ordonnance du 2 août 2005 et est entré en application le 4 août 2005.(9)
L’objectif et le champ d’application du CNE
Les employeurs concernés sont, aux termes de la loi n° 2005
- 846 du 26 juillet 2005, les entreprises et organismes mentionnés
au premier alinéa de l’article L. 131 - 2 du code
du travail. Toutefois les entreprises de plus de 20 salariés
peuvent bénéficier de ce contrat à titre exceptionnel,
lorsque sont exclus du décompte des effectifs certaines catégories
de salariés, notamment les apprentis et les salariés embauchés
à compter du 22 juin 2005, âgés de moins de 26 ans. Cette
mesure transitoire relative au décompte des effectifs s’applique
jusqu’au 31 décembre 2007.
La nature du CNE
Le CNE est un contrat à durée indéterminée établit par écrit. Il est soumis à l’ensemble des prescriptions du code du travail et des conventions collectives du secteur d’activité, à l’exception pendant les deux premières années, des règles relatives à la rupture du contrat. En effet pendant les deux premières années du contrat qualifiées de "période de consolidation de l’emploi" le CNE peut être rompu sur l’initiative de l’employeur ou du salarié par lettre recommandée avec avis de réception. Au - delà de cette période, le CNE est entièrement soumis au régime de droit commun du contrat à durée indéterminée.
Les conditions d’utilisation du CNE
Le CNE s’applique aussi bien au travail à temps complet qu’au travail à temps partiel. Il peut prendre le relais d’un CDD ou d’un CTT lorsque ces contrats arrivent à leur terme. A contrario un employeur ne peut ni modifier ni rompre un CDD ou un CTT pour conclure un CNE avec le même salarié. De même la rupture d’un CNE et l’embauche du même salarié par le même employeur dans le cadre d’un autre CNE doit tenir compte d’un délai de carence de trois mois suivant la rupture du premier CNE.
La rupture du CNE
Lorsque l’employeur prend l’initiative de la rupture, sauf faute grave ou force majeure, un préavis est dû au salarié aux conditions suivantes :
- Au cours du premier mois, le contrat peut être rompu sans préavis.
- Après un mois et jusqu’à 6 mois, il faut quinze jours de préavis.
- Au-delà de 6 mois il faut trente jours de préavis.
Le salarié dont le contrat a été rompu aura droit à :
- Une indemnité de départ équivalent à 8 % des salaires perçus (indemnité non imposable ni soumise aux cotisations sociales).
- Une assurance chômage, sauf lorsque la rupture du contrat intervient après le 4e mois et avant la fin du 6e mois du contrat. Dans ce cas l’Etat versera une indemnité au salarié.
- Un accompagnement en faveur de son retour à l’emploi renforcé par le service public de l’emploi, dont le financement sera complété par une contribution de l’employeur égale à 2 % du montant total de la rémunération brute.
En cas de faute grave ou lourde, permettant l’exonération du versement de l’indemnité et de la contribution, la notification de rupture ne suffit pas, il faudra entamer la procédure disciplinaire de droit commun (convocation, entretien, et notification).
Lorsque c’est le salarié qui prend l’initiative de la rupture pendant la période de consolidation de l’emploi, il doit adresser à son employeur une lettre recommandée avec avis de réception lui notifiant sa décision de rompre le contrat. Celui-ci sera alors rompu dès la première présentation de la lettre recommandée.
Il faut souligner que la jurisprudence sanctionnant l’abus de droit s’appliquera aussi au CNE. A ce titre, un licenciement qui révèlerait par exemple une intention de nuire sera considéré comme abusif et ouvrira donc droit à des dommages et intérêts.
Toute contestation par l’employeur ou par le salarié portant sur la rupture du CNE se prescrit par douze mois à compter de l’envoi de la lettre recommandée pour rupture. Ce délai n’est opposable au salarié que s’il a été mentionné dans la lettre de rupture, dans le cas contraire il continuera à se prévaloir de la prescription trentenaire en application de l’article 2 262 du code Civil.
Ainsi déclinées, les spécificités du CNE paraissent claires pour tous, néanmoins ce contrat suscite des interrogations sous-jacentes sur le plan juridique au regard de certaines conventions internationales signées par la France et au regard du droit commun français.
II.2 LES INTERROGATIONS SOUS-JACENTES
Par rapport aux conventions internationales
Nous
l’avons évoqué dans l’introduction, les sources du
droit du travail ne sont pas seulement nationales, elles sont également
internationales, dans ces conditions il se pose le problème de la hiérarchie
des règles de droit et donc de la conformité des règles
françaises avec les règles internationales ratifiées par
la France. La convention 158 sur le licenciement de l’Organisation
internationale du travail (OIT) s’impose à la France parce
qu’elle l’a ratifiée. Cette convention dans son article
4 repris par la Charte sociale européenne prévoit
qu’un salarié "ne peut être licencié sans
qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude
ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités
du fonctionnement de l’entreprise".
Cependant son article 2 stipule par ailleurs qu’un Etat peut exclure
du champ d’application de ce texte "les travailleurs effectuant une
période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté
requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée
d’avance et qu’elle soit raisonnable".
Au regard de cette convention on est en droit de s’interroger sur la validité du licenciement d’un salarié pendant la période de consolidation de deux ans prévue par le CNE. Certes le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 19 octobre 2005, estime que le CNE ne contrevient pas à la convention 158, dès lors que la période de consolidation du CNE ne peut "en aucun cas être assimilée à une période d’essai". De plus il estime que cette durée de deux ans est "raisonnable" au regard du but poursuivi par l’ordonnance à savoir : favoriser l’emploi. Il n’en demeure pas moins que sa décision est contestable et à ce titre, loin de décourager tous les salariés qui sollicitent les tribunaux, d’autant plus que "la jurisprudence du Conseil d’Etat ne s’impose pas à la cour de cassation". (10)
Par rapport au droit commun
Le contrat de travail à durée indéterminée est au cœur du droit du travail français avec la protection de la stabilité à l’inverse des contrats qui impliquent une précarité, il ne prévoit aucun formalisme et peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter. La loi n’impose pas au salarié d’effectuer une période d’essai avant d’être embauché définitivement. C’est le contrat de travail ou la convention collective applicable à l’entreprise ou l’usage en vigueur dans la profession qui doit prévoir l’existence d’une période d’essai et en fixer la durée. En l’absence d’une période d’essai, le salarié est définitivement embauché dès la conclusion du contrat.
Lorsqu’elle est prévue, la période d’essai peut avoir une durée variable qui dépend des fonctions occupées . Durant cette période le contrat de travail peut être rompu soit par l’employeur, soit par le salarié, sans conséquence ni pour l’un ni pour l’autre. L’employeur n’est pas tenu de respecter les règles applicables en matière de licenciement (procédure et indemnités), le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.
Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à tout moment par l’employeur, mais il doit justifier d’une cause réelle et sérieuse et respecter une procédure précise sous peine de voir qualifier son initiative de licenciement abusif. En effet le licenciement d’un salarié pour motif personnel est strictement encadré par la loi. Les juges sont très vigilants sur les motifs invoqués par l’employeur et sanctionnent les mesures injustifiées(11). Selon la loi, seules des causes réelles et sérieuses justifient un licenciement. Le motif doit être exact, précis et objectif. Il doit revêtir un caractère de gravité suffisant pour justifier le départ du salarié.
Ce rappel des règles du droit commun en matière de relations individuelles du travail illustre clairement les différences entre le CDI classique et le CNE, il y a matière à conforter l’idée selon laquelle la volonté des pouvoirs publics serait d’accentuer la flexibilité du droit du travail. Plusieurs articles du code du travail sont écartés, notamment les règles relatives au licenciement, pendant la période de consolidation. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, certains employeurs sont mal à l’aise avec le mode de rupture du CNE qui conduit souvent à la saisine de la justice par le salarié licencié. Ces employeurs ne sont pas rassurés à l’idée qu’il y a abus de droit puisque "Absence de motivation n’est pas absence de motif ". De plus en plus de juristes soutiennent cette thèse c’est d’ailleurs pourquoi des juristes patronaux ont "conseillé aux employeurs, par précaution, de rompre le CNE en appliquant la procédure classique d’un licenciement de droit commun".
Par comparaison au modèle social nordique actuel qui est essentiellement axé sur la "flexsécurité" et qui produit des résultats satisfaisants en matière de chômage, puisqu’en dix ans elle a permis de baisser le chômage au Danemark, pays de 5.4 millions d’habitants ; la tentative d’introduction de la flexibilité dans le modèle social en France n’est pas utopique à condition "d’augmenter les droits des salariés avant d’introduire la flexibilité".
Les premiers conflits individuels concernant le CNE vont bientôt être tranchés par le Conseil de Prud’hommes, il s’agit notamment des licenciements pour maladie ou pour grossesse pendant la période de consolidation de l’emploi. Les jugements rendus serviront de repère pour tous, et les recours auprès de la plus haute juridiction (cour de cassation) pour les cas les plus épineux seront l’occasion de l’éclosion d’une jurisprudence tant attendue, puisqu’elle pourra s’appliquer ensuite à tous les cas semblables.
(1)
Un contrat de travail précaire est un contrat comportant
un terme fixé dès sa conclusion.
Un CDD est un contrat comportant un terme et qui prend fin
à son arrivée.
Un CTT est un contrat de travail comportant un terme précis
et faisant intervenir deux contrats : le contrat de mise à disposition
entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice,
et le contrat de mission entre l’entreprise de travail temporaire et le
travailleur intérimaire.
Un contrat d’apprentissage est un contrat à durée
déterminée comportant pour le salarié (apprenti) des périodes
en entreprise et d’autres en formation pour l’obtention d’un
diplôme.
Un contrat aidé est un contrat bénéficiant
du soutien de l’Etat (subventions, exonération de charges ...)
pour favoriser l’embauche de certaines catégories de personnes.
(2) "CDI, CDD, contrat d’intérim et peut-être de nouvelles formes de contrat de travail" (diffusion CREG par Viviane MECHALI, décembre 2004)
(3)
"Histoire du Travail" www.linternaute.com
De nombreuses règles applicables au salarié proviennent de la
négociation collective. C’est l’ensemble
des discussions engagées entre les organisations syndicales d’employeurs
et de salariés, afin d’aboutir à la conclusion d’une
convention ou d’un accord collectif. (Pour aller plus loin, voir
l’article L. 131-1 du code du travail et la circulaire
du ministère du travail du 25 octobre 1983 qui fixe l’obligation
de négociation annuelle sur les salaires effectifs, la durée effective
et l’organisation du temps de travail).
(4) L’organisation internationale du travail (O.I.T) est rattachée à l’ONU depuis 1946, elle regroupe la presque totalité des Etats. Elle comporte une conférence internationale du travail où siègent les représentants des Etats membres, des syndicats de salariés et d’employeurs et un organe administratif, le Bureau International du Travail. Elle a pour but d’améliorer les conditions de travail, le niveau de vie et de veiller à la stabilité économique et sociale
(5) La directive européenne du 14 octobre 1991 indique
« qu’il convient d’établir au niveau communautaire
l’obligation générale selon laquelle, tout travailleur salarié
doit disposer d’un document contenant les informations sur les éléments
essentiels de son contrat ou de sa relation de travail ».
(6)
La durée de la semaine de travail est passée de 72 heures
en 1868 à 60 heures en 1910, à 48 heures en 1919, à 40
heures en 1936, à 39 heures en 1981 et enfin à 35 heures en 2000.
Les congés payés conquis en 1936 sont passés
de 2 semaines en 1936 à 3 semaines en 1956, à 4 semaines en 1969
et à 5 semaines en 1982.
(7) Rapport préalable au projet de loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 : Harcèlement Moral. www.abcdent.fr
(8)
Le 15 janvier 2004 le rapport de Michel de VIRVILLE a été
remis au ministre de l’emploi M. François FILLON qui en avait fait
la commande pour permettre « l’émergence d’un droit
du travail plus efficace ». En septembre 2004 le rapport de Michel
CAMDESSUS a été remis au ministre de l’économie
et des finances M. Nicolas SARKOZY qui en avait fait la commande pour permettre
de « lever les freins de la croissance ».
PARIS (Reuters
2006) chiffres de l’ANPE sur le chômage en France. REUTERS
KNOW. NOW
(9) Ordonnance n° 2005 - 893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail "nouvelles embauches" JO n° 179 du 3 août 2005. (Legifrance.gouv.fr)
(10) Le Monde.fr « Simplifier les procédures, un casse-tête depuis 25 ans » par Francine AIZICOVICI édition du 28/02/06
Pour allerplus loin
http://www.travail.gouv.fr
http://www.premier-ministre.gouv.fr
http://www.village-justice.com
http://www.anpe.fr
http://www.politis.fr
http://www.net-iris.com
http://www.lexinter.net
http://www.lemonde.fr
Pour une utilisation pédagogique
- Le contrat de travail
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