Chester Barnard (1886-1961), président de l’entreprise Bell puis de la Fondation Rockefeller, a apporté une importante contribution à cette réflexion, dans un ouvrage publié en 1938,The Functions of the Executive, dans lequel il livre sa conception du management dans les organisations.
Celles-ci sont considérées comme des systèmes de coopération de l’activité humaine, dont la durée de vie est relativement éphémère. Selon Barnard, ceci s’explique par l’incapacité des organisations à satisfaire à deux critères simultanément : l’efficacité et l’efficience.
L’efficacité se définit traditionnellement comme l’atteinte d’un niveau de performance préalablement identifié (volume de vente, taux de rentabilité...).
L’efficience d’une organisation se définit quant à elle comme la capacité d’une organisation à donner satisfaction aux attentes des membres qui la composent.
Selon Barnard, une organisation capable d’atteindre un bon niveau de « performance » dans ces deux champs d’action entretiendra son système de coopération de façon durable, prolongeant ainsi sa durée de vie.
Dans le champ de l’action commerciale, et en s’appuyant sur les apports de Barnard à la théorie des organisations, la performance commerciale d’une entreprise peut donc être définie comme l’atteinte d’objectifs commerciaux de façon relative aux moyens engagés pour les atteindre. Dit autrement, l’atteinte d’un certain niveau de réalisation ne peut pas être dissocié du contexte et des ressources mobilisées pour les atteindre.
I- L’Efficacité : l’atteinte d’un niveau de performance défini ex-ante
La performance d’une organisation s’évalue donc pour une part au regard de l’efficacité qu’elle aura su démontrer. Cette efficacité se traduit par l’atteinte d’un niveau de réalisation sur des indicateurs préalablement identifiés. S’agissant des entreprises, les indicateurs utilisés sont aussi bien quantitatifs (CA, marge, PNB, part de marché, résultat, volume de stock, notoriété, nombre de journées de formation, nombre de journées d’absence ...) que qualitatifs (climat social dans l’entreprise, degré de satisfaction de la clientèle, positionnement de l’entreprise aux yeux de sa cible...).
Le choix de l’indicateur ne fait généralement pas discussion dans l’entreprise pour ce qui concerne les entités opérationnelles. Il s’impose en effet de façon assez naturelle selon la nature de l’activité de l’entité concernée (centre de coût ou centre de profit) et le secteur d’activité. Le niveau de réalisation attendu sur les indicateurs de performance sélectionnés peut quant à lui faire l’objet de discussions dans l’entreprise, même si le processus de fixation des objectifs suit généralement une trajectoire descendante depuis la direction générale jusqu’aux entités opérationnelles en suivant la ligne hiérarchique, suivant une logique à dominante financière.
Schéma : la logique de pilotage financière
Extrait de Lorino, 2003
Par contre au niveau de l’entreprise prise dans son ensemble la nature de la performance fait de plus en plus question, comme l’attestent les débats sur le développement ou encore la responsabilité sociétale de l’entreprise institutionnalisée dans le cadre de la loi Nouvelles Régulations Economiques de 2001, (http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ECOX0000021L). En fonction du niveau de pilotage, les indicateurs de performance n’ont donc pas le même statut et leur pertinence peut donc faire l’objet d’une négociation entre les différentes parties prenantes de cette performance.
L’identification des indicateurs pertinents de performance peut se révéler problématique lorsque la contribution d’une entité organisationnelle (exerçant le plus souvent une fonction support dans l’entreprise, telle que le marketing) à l’atteinte des objectifs de l’organisation est difficile à évaluer.
Le niveau de réalisation sur chacun des indicateurs étant défini, il s’agit de suivre régulièrement le degré de réalisation des objectifs. Au sein des entités opérationnelles, le degré de réalisation des objectifs est souvent suivi quotidiennement au travers de la lecture des tableaux de bords quotidiens, facilitée par l’informatisation de l’environnement de travail des équipes commerciales et du traitement des flux de marchandises, depuis le fournisseur jusqu’au consommateur final.
Au plus on remonte la ligne hiérarchique, au plus le délai de consolidation des performances de chaque unité commerciale impose un pilotage plus distancié du suivi des performances. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la base opérationnelle, le « reporting » intègre toujours plus d’indicateurs comptables et financiers, sur lesquels sera évaluée in fine l’entreprise, et plus encore les entreprises cotées en bourse.
Quel que soit le niveau hiérarchique, la procédure de suivi de réalisation des objectifs, ou « reporting », est une étape fondamentale qui permettra de questionner la pertinence du volume, de la nature et de l’organisation des ressources disponibles pour atteindre les niveaux de réalisation attendus.
II- L’efficience : l’analyse critique et a posteriori des ressources mobilisées au regard du niveau de performance commerciale atteint
Le débat sur la performance des entreprises ne doit pas se porter exclusivement sur l’atteinte d’un niveau de réalisation mais aussi sur les responsabilités endossées par les membres de l’équipe commerciale dans le niveau de performance atteint.
En effet, l’enjeu pour l’entreprise n’est pas seulement d’atteindre un niveau de performance donné mais également de comprendre pourquoi ce dernier a été atteint ou pas. La performance ne doit pas résulter d’un processus hasardeux, et doit au contraire s’envisager comme l’aboutissement d’un processus de mobilisation raisonné des moyens disponibles dans l’entreprise, afin que cette performance puisse être renouvelée durablement.
De ce point de vue, deux cas de figure peuvent être distingués, selon la facilité à identifier des liens de causalité entre ressources mobilisées et niveau de performance atteint.
a- Le lien de causalité entre utilisation des ressources et niveau de performance atteint est simple : la problématique du contrôle
Dans certaines situations, il sera relativement aisé d’associer mauvaise performance et productivité insuffisante des ressources disponibles. On pourrait dire que la grille d’interprétation est disponible pour les décideurs dans l’entreprise, dont l’efficacité pour l’action a été vérifiée dans des contextes d’action similaires par le passé. A titre d’exemple, un trop faible nombre de rendez-vous pour un conseiller commercial dans une agence bancaire ou encore un niveau de stock insuffisant pour un produit ou une famille de produit donné dans la distribution alimentaire ou spécialisée, s’imposeront assez naturellement comme des causes élémentaires d’un niveau de réalisation inférieur aux objectifs.
Ici, le manageur de l’unité commerciale devra s’assurer que la productivité des ressources dont il dispose est conforme aux ambitions commerciales affichées. Pour ce faire, il pourra s’appuyer sur les nombreux outils et techniques dont il dispose, telles que les réunions et entretiens, la formation, l’accompagnement des collaborateurs....
Dans de nombreux cas, pourtant, le diagnostic reste délicat à poser et les grilles d’interprétation existantes sont inopérantes.
b- Le lien entre leviers d’actions et niveau de performance est complexe : la problématique de construction d’une relation de cause à effet
Dans ce cas, la question n’est pas d’améliorer la productivité des ressources disponible, mais d’interroger et de remettre en cause le cas échéant le lien supposé entre utilisation de la ressource et niveau de réalisation atteint, et qui constitue la grille d’interprétation en vigueur.
Deux cas de figure peuvent se présenter pour expliquer une telle situation :
- le champ d’action est nouveau pour l’entreprise : c’est le cas des banques qui ont investi récemment le marché de l’assurance.
- l’imbrication des événements est par nature trop complexe : comment par exemple mesurer l’impact de la communication publicitaire (L’évaluation de la performance de la communication media) ou des investissements de parrainage sur le CA d’une entreprise ?
Dans ce cas la construction d’une représentation pertinente de la réalité permettant de mettre en relation des variables expliquées et des variables explicatives est une des missions dévolues aux managers, qui s’appuient sur leur personnalité, leur expérience propre et les sources d’informations qu’ils peuvent mobiliser pour construire cette représentation opératoire de la réalité.
Conclusion :
La performance dans l’entreprise ainsi que son évaluation ne s’appréhendent pas aussi facilement qu’il n’y parait au premier abord. Cette notion fait donc débat, à des degrés divers dans l’entreprise, mais aussi plus largement dans la société (comme l’atteste l’instauration du bilan sociétal par la loi NRE notamment ou encore la prise en compte de l’impact écologique de l’activité des entreprises).
Enfin, toute réflexion sur l’évaluation de la performance de l’entreprise, quelle que soit la nature de son activité, est indissociable des dispositifs de contrôle, de rémunération ou de récompense de la performance, comme l’attestent les débats actuels qui portent notamment sur la rémunération des dirigeants (que ce soit les parachutes dorés ou encore les stock-options). La définition, le contrôle et la rémunération de la performance restent avant tout un acte de management.
Ressources bibliographiques :
- Barnard, C.,The Functions of the Executive, 1938.
- Lorino, P., “Comptes et récits de la performance. Essai sur le pilotage de l’entreprise », Editions d’Organisation, Paris, 1996.
- Lorino, P., Méthodes et pratiques de la performance : le pilotage par les processus et les compétences, troisième édition, Editions d’organisation, 2003.