« La volonté du gouvernement marocain est d’utiliser la franchise et notamment l’implantation d’enseignes étrangères pour moderniser ses infrastructures commerciales. L’entrée sur le territoire de concepts structurés, de marques fortes a une influence sur le commerce local et notamment sur l’amélioration de la qualité des produits, de la transparence des informations (prix, sécurité, consommateurs,...) » (Intégrales de la Franchise à Casablanca les 8-9 octobre 2004).
L’internationalisation de la distribution depuis une dizaine années correspond à des raisons stratégiques à la fois défensives (saturation des marchés intérieurs, contraintes règlementaires limitant de nouvelles implantations,...) et offensives (atteinte d’une taille critique dans un secteur de plus en plus oligopolistique, émergence de classes moyennes dans les pays émergents, uniformisation de certaines tendances de consommation, ...).
Alors que les grandes enseignes françaises de distribution se distinguent par leur forte dimension internationale (Carrefour N°2 mondial), le développement croissant de la franchise internationale en tant que forme de développement organisationnel permet à certaines, comme Yves Rocher et Lacoste d’être considérées comme les entreprises européennes les plus internationalisées au regard de leurs implantations à l’étranger.
Ce mode de développement à l’international est de plus en plus fréquent dans le commerce de détail, car la franchise permet non seulement une internationalisation plus rapide et moins onéreuse qu’un développement par croissance interne ou externe mais offre également et surtout la possibilité de s’implanter dans de nombreux pays à fort potentiel pour lesquels ce type de réseau de vente représente une innovation organisationnelle (PECO, Moyen-Orient, Afrique du Sud, Asie-Pacifique,...).
D’ailleurs le développement de la franchise est encouragé par les gouvernements de plusieurs pays asiatiques, en termes de financement et d’organisation. « Le gouvernement malais a adopté un plan de développement de la franchise. Le gouvernement singapourien a mis en place une politique pour encourager des miliers de commerçants dans la transformation de leurs magasins en franchise » (Casanova, 2002).
La franchise internationale est un moyen de
minimiser les contraintes financières de croissance de
l’entreprise. Cette forme de réseau de vente en
coopération, dans lequel il y a un partage des risques et
des responsabilités mis en œuvre par voie contractuelle, est un
moyen de limiter l’investissement initial du
franchiseur et d’obtenir une rentabilité plus élevée et
rapide que dans le cas d’une implantation par filiale par
exemple.
« Ce réseau de vente permet au franchiseur de disposer d’un réseau de distribution sélective sans avoir à supporter l’immobilisation de capitaux importants, nécessaires à la constitution d’un réseau de vente intégré. L’investissement en capital et le risque de l’opération locale restent par conséquent à la charge de l’entreprise franchisée » (Allix-Desfautaux C., 1998).
Ainsi, dans la perspective d’un développement
international, la limitation des investissements engagés
apparaît comme l’un des principaux avantages du recours à la
franchise par rapport à une politique de croissance interne (filiale
ex-nihilo,...) ou externe (rachat d’une entreprise locale,...).
La minimisation du risque financier est
également un avantage à prendre en compte, puisque celui-ci est
supporté par les franchisés, ce qui permettra une présence dans des
pays à fort potentiel de développement même si le risque
pays est relativement important à court terme.
Elle permet de couvrir rapidement un marché par ouvertures successives de points de vente sans investissements financiers importants et sans structure administrative lourde.
«
L’accroissement des ventes du franchiseur s’effectuant grâce à
l’investissement réalisé principalement par le franchisé.
Parallèlement, il se produit un équilibrage des coûts de lancement
et d’exploitation de la chaîne par les contributions en redevances
initiales (droit d’entrée) et proportionnelles (royalties) versées
par les franchisés.
La productivité des actifs du
franchiseur augmente puisqu’il bénéficie d’un effet
amplificateur dans la mesure où il perçoit plusieurs sources de
revenus d’une même activité et voit de surcroït sa notoriété
grandir avec l’augmentation du nombre de franchisés »
(Allix-Desfautaux C., 1998).
De
plus, le recours à la franchise internationale peut
faciliter la pénétration de marchés culturellement différents de
celui du marché domestique grâce à la connaissance du franchisé
local.
En effet, les différences
culturelles étant entre deux pays, les différences
d’images positives ou négatives qui relèvent des symboles et des
comportements, il faudra être particulièrement vigileant
dans l’adaptation de l’offre.
La symbolique des
couleurs, les conventions sociales, les habitudes de consommation,
les facteurs personnels (risque perçu, style cognitif,
implication,...) ainsi que les institutions au sein desquelles
s’inscrivent les comportements de consommation devront faire l’objet
d’une attention particulière avec le partenaire
local.
Ainsi, « ce mode de développement international vise à
créer des synergies par l’échange de ressources entre les deux
parties séparées géographiquement, voire culturellement : le
franchiseur propose son concept et un soutien opérationnel ; le
franchisé apporte des capitaux financiers et ses connaissances du
marché local » (Teegen, 2000).
Alain Manoukian reconnaît
avoir adapté certains paramètres de son mix-marketing au marché
marocain en adaptant une politique de standardisation
retardée (globalocalisation) . Deux magasins ont par
exemple été ouverts à Casablanca, un pour les hommes, un pour les
femmes. Le choix des supports de communication et les mailings ont
été adaptés puis validés par la France, afin de permettre des offres
spéciales Ramadan, fêtes de l’Aid,...
Par ailleurs, la spécificité de la franchise
internationale fait apparaître deux
caractéristiques :
« Ce mode de développement
international repose sur la réplication d’une formule
commerciale d’un marché domestique sur des marchés
étrangers en s’appuyant sur des entités franchisées,
indépendantes hiérarchiquement du franchiseur, qui assument le
risque du développement des unités. Les questions de
transfert du concept et de contrôle des entités franchisées
constituent alors des défis stratégiques centraux à
l’opérationnalisation d’un système de franchise à l’international,
en particulier pour un réseau de distribution »
(Picot-Coupey, 2004, Eroglu, 1992).
En effet, le principal problème d’agence (une relation d’agence apparaît dès lors qu’une entreprise confie plus ou moins partiellement la gestion de ses propres intérêts à autrui) est celui du comportement opportuniste du franchisé, qui se trouve amplifié par l’importance croissante du capital immatériel stratégique, que représente la marque pour le franchiseur dans son développement international.
Parallèlement la dispersion géographique des points de vente franchisés peut induire des problèmes de contrôle. mais qui seront à minimiser par rapport à d’autres formes organisationnelles. Le franchisé étant un commerçant indépendant, la valeur de son patrimoine est liée à la performance de son point de vente et il n’aura aucun intérêt à se comporter en « passager clandestin » aux dépends du franchiseur, qu’il représente (Jensen & Meckling, Williamson).
Cependant l’émergence d’une concurrence locale
souvent très réactive sur un marché, où la franchise est en phase de
croissance, devra inciter les franchiseurs a être
particulièrement attentifs à l’adaptation de la politique
des prix, en tenant compte du niveau de vie locale.
Beaucoup d’enseignes internationales s’implantent en se
positionnant sur le haut de gamme, alors que la demande de
nombreux pays émergents se situent à des niveaux de prix moins
élevés (Mr Bricolage, Mc Donald’s, Mango,..).
« Les
franchisés marocains qui se développent l’ont parfaitement compris
et ont réussi à créer des enseignes accessibles au plus grand
nombre. Ainsi le nombre des points de vente créés en 2004 est pour
la première fois nettement supérieur à celui des enseignes
internationales » (Moci N° 1669).
De
plus, le développement de la franchise a pour certains pays
émergents non seulement une influence sur l’emploi,
mais est également un facteur de dynamisme économique par
les transferts de savoir-faire et de technologies qu’elle
induit. Les enseignes étant de plus en plus amenées à
favoriser le sourcing local, celui-ci permet à la
fois une baisse sensible des coûts et des délais
d’approvisionnement.
Il a également des conséquences sur le
tissu industriel et commercial local, en favorisant
le développement de partenariats et la
création de nouveaux métiers, ce qui contribue à la
modernisation de l’immobilier commercial. En ce sens,
celui-ci représente une
opportunité à saisir rapidement afin de bénéficier d’emplacements
stratégiques pour l’avenir.
La
limitation des coûts d’approche des marchés étrangers et la
nécessité de s’engager sur des marchés à fort potentiel de
développement devraient accentuer le recours à la
franchise, surtout lorsque la dispersion
géographique des opérations et les risques s’accroîssent du fait de
la distance qui sépare les deux partenaires.
Elle
permet d’éviter la mise en place de procédures longues et
coûteuses nécessaires à toute relation d’agence et est une
réponse efficiente à la nécessité de protéger sa
marque internationale, en tant qu’actif immatériel
stratégique.
Pour aller plus loin :
Allix-Desfautaux C. (1998), « Le choix de la franchise »,
Revue Française de Gestion
Casanova C, « Are Filipino Franchises
Ready for the Global Market ? »
Cliquet G., Facy A., Basset G.
(2002), « Management de la distribution »
Eroglu S. (1992), “The
internationalization process of franchise systems : a conceptual
model”, International Management Review N° 5
Jensen M.C.,
Meckling WH (1976), “Theory of the Firm”
Machkova H. (1998), «
Pratiques et politiques de marketing en Europe de l’Est »,RFG N°
108
Picot-Coupey K., Cliquet G. (2004), “Internationalisation des
distributeurs dans les pays en transition d’Europe de l’Est”, Revue
Française du Marketing N°198
Quinn B., Alexander N. (2002), «
International retail franchising : a conceptual framework »,
International Journal of Retail and Distribution Management
N°5
Teegen H. (2000) - “Examining strategic and economic
development implications of globalising through franchising”,
International Business n° 9