Le e-learning prend son envol en France

, par Christine Lassiette

Le e-learning prend son envol en France

Dès que les performances des ordinateurs l’ont permis, les pédagogues se sont intéressés à leur utilisation pour transmettre le savoir ou évaluer les apprenants. Puis peu à peu les entreprises se sont appropriées la vidéo comme outil de formation et depuis 10 ans, les serious game ont pris leur essor. Aujourd’hui, la moitié des entreprises du CAC 40 ont leur propre jeu vidéo pédagogique et le marché se développe fortement avec les « offres étagères » [1] accessibles aux PME. La France, jusqu’alors en retard dans le domaine de la formation en ligne, a relevé le défi et fait de l’année 2010 la consécration du e-learning. Depuis début 2012, de très nombreux salons sont organisés sur ce thème (avec un avenir très prometteur pour le Mobile Learning).

Quelques dates :

  • 1977 : premiers logiciels d’apprentissage sur ordinateur,
  • 2000 : apparition du terme e-learning,
  • 2005 : premier salon des serious game à Lyon,
  • 2009 : le plan de relance du gouvernement dynamise le secteur des serious game (plan de relance numérique et appel à projets de Nathalie Kosciusko-Morizet alors secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique).

Le e-learning est entre autres un des outils des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et des Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Education (TICE). Plus précisément, l’Union Européenne donne la définition suivante : « l’e-learning est l’utilisation des nouvelles technologies multimédias de l’Internet pour améliorer la qualité de l’apprentissage en facilitant d’une part l’accès à des ressources et à des services, d’autre part les échanges et la collaboration à distance ».

L’intérêt, relativement récent, porté au e-learning est dû principalement à quelques éléments : le plan de relance du numérique du Gouvernement (déjà cité ci-dessus), la maturité du haut débit, la crise économique (les DRH cherchent à former plus vite, mieux et un plus grand nombre de salariés), le développement des TIC bien sûr, mais aussi à l’arrivée, sur le marché du travail, de la génération Y. En effet ces personnes nées entre 1970 et le début des années 1990 sont considérées, contrairement à leurs parents (la génération X) comme interconnectées, naturellement à l’aise avec les technologies, interactives et inventives, d’où leur surnom de Digital Natives. Elles ont également la réputation d’être exigeantes (y compris envers l’évolution des technologies), méfiantes vis-à-vis de la hiérarchie, individualistes et impatientes vis-à-vis de leur évolution de carrière. Cette génération Y, née avec les technologies de l’information et de la communication participe tout naturellement à l’élaboration de ses connaissances via les outils du Web 2, notamment à travers les plateformes collaboratives et les réseaux sociaux. Intégrer et manager cette nouvelle génération est un véritable défi que doivent relever les dirigeants d’entreprise et la formation « à distance » en est l’un des enjeux majeurs.

Le e-learning se décline sous différentes formes qui ont la particularité de ne pas s’opposer mais de se compléter. Il est de plus en plus courant que le e-learning s’intègre au parcours de formation de l’apprenant. Il peut par exemple permettre de veiller à ce que tous les apprenants aient un niveau identique lors du cours en présentiel. Il peut également permettre aux apprenants de préparer de manière autonome et au rythme qui leur convient les exercices demandés pour un prochain module en présentiel. Le e-learning apporte avant tout la théorie, vient ensuite le moment de la mise en pratique. L’avantage du e-learning est qu’il joue également un rôle d’ouvrage de référence consultable à tout moment. Mais, même si le e-learning offre les perspectives d’un marché prometteur, il ne remettra jamais en cause le présentiel, volet fondamental de l’apprentissage.

Il peut donc être :

  • Sous forme présentiel et/ou distanciel,
  • En mode synchrone et/ou asynchrone,
  • En formation structurée et/ou apprentissage informel ou social
  • Par le biais d’un ordinateur ou en Mobile learning (Smartphone, Iphone…)

Exemple de formation multimodale….

  1. Avant d’engager le processus de formation, les apprenants testent leurs connaissances de façon ludique grâce à un quizz ou par l’intermédiaire d’un jeu sérieux,
  2. Une fois l’intérêt suscité, un module d’e-learning sert à découvrir ou à revoir des notions déjà acquises,
  3. Une formation présentielle plus efficace complète le tout (éventuellement en visioconférence),
  4. A tout moment, l’apprenant peut revenir sur certains modules,
  5. Une plateforme collaborative pérennise la formation (LMS : Learning Management System hébergée dans l’entreprise ou chez un fournisseur).

Comment mettre en œuvre le e-learning ?

Côté apprenant, le minimum requis consiste en un ordinateur individuel standard muni d’une connexion Internet avec un débit le plus élevé possible.

Côté fournisseur, les possibilités sont multiples. Si l’offre se focalise davantage sur les formations métier ou le lancement de nouveaux produits, il faudra peut être recourir à du e-learning sur mesure. Grâce à la simplicité grandissante des logiciels de création de contenu (cf. article sur « Les logiciels de gestion de contenu »), les formateurs conçoivent des modules sur des problématiques spécifiques à leur société. Cette solution nécessite des développeurs, des logiciels, du matériel adéquat (serveur, base de données ….)

Si le formateur ne veut pas créer sa propre solution, il peut se tourner vers des outils déjà réalisés comme les Jeux Sérieux (Serious games) [2]. Les jeux sérieux sont ni plus ni moins que des jeux vidéo classiques (même design et savoir-faire) mais qui dépassent la seule dimension du divertissement. En effet, l’intention première est pédagogique, informative, marketing, communicationnelle ou idéologique. Leur vocation n’est pas de remplacer les modes traditionnels d’information et de formation mais de les compléter en utilisant les technologies nouvelles et principalement à travers elles, l’interactivité. L’apprenant n’est pas dans un mode d’apprentissage passif, le jeu le rend opérationnel plus rapidement. Les grandes sociétés ont de plus en plus souvent recours à ces outils notamment pour le recrutement.

Si le formateur ne dispose pas ou du hardware nécessaire ou s’il ne veut pas assurer la maintenance de son outil de formation, il peut alors envisager les solutions en mode SAAS (cf. article sur le « Cloud computing, la révolution du monde informatique »). Ce mode locatif libère les entreprises des contraintes d’hébergement et de maintenance tout en leur assurant la dernière version en date du logiciel ; elles peuvent également s’abonner aux services dont elles ont réellement besoin, au moment opportun ; plus rapide à mettre en œuvre, le mode SAAS supporte plus aisément la montée en puissance des connexions

Le dispositif peut se compléter également par un espace collaboratif. De nombreux outils (libres ou pas) permettent aujourd’hui de déployer de tels espaces.

Autre solution le Social Learning [3], nouveau concept, annoncé comme une révolution dans le monde de la formation pour les prochaines années à venir. Il se caractérise comme l’application d’outils de partage, de connaissance autour d’une plateforme entre apprenants dans une optique collaborative. Les outils du social learning sont directement issus du Web2 (blogs, wiki, facebook…) et doivent permettre d’accroître les connaissances et les compétences par la connexion des autres (collaborateurs, conseillers, experts). Ces réseaux apprenants utilisent majoritairement les processus d’apprentissage par le jeu. Ils sont gérés par un animateur de communauté (cf. article sur « Les Communautés de Pratique, une nouvelle étape dans la gestion des connaissances »). L’idée étant que progressivement les acteurs deviennent à la fois les co-apprenants et co-formateurs les uns des autres (notion d’apprendre à apprendre).

L’apprenant peut également de plus en plus accéder à tous ces outils par le biais d’ordinateurs portables ou de téléphones dernière génération (Mobil Learning), à condition qu’une version spécifique ait été développée pour ces mini appareils au risque sinon de rendre l’utilisation très inconfortable !

Gains du e-learning

  • Des coûts réduits : former en ligne est financièrement très intéressant dès lors qu’il s’agit de former plusieurs centaines de salariés sur un même produit ou sur une nouvelle offre de service ; il est en effet moins couteux de développer un contenu pédagogique sur mesure s’il est destiné à de nombreux collaborateurs et pour plusieurs années,
  • Il existe également de plus en plus sur le marché d’offres étagères pour les PME-PMI à des prix abordables,
  • Formations flexibles : le recours à ce mode de formation libère également les entreprises de la gestion des salles de cours, des absences de personnel, des coûts liés au transport et à l’hébergement des participants,
  • Evaluation performante : quelque soit le lieu où exerce le salarié, la formation reçue est la même et les tests d’évaluation sont identiques,
  • Technologie adaptée à une génération Y : toute formation ayant pour support des plateformes collaboratives obtient facilement l’adhésion des apprenants de cette génération,
  • L’apprenant peut apprendre à tout moment et en tout endroit,
  • Pas de perte de temps à aborder des sujets déjà maîtrisés,
  • Possibilité de suivi de l’apprentissage,
  • Aide à la promotion de l’apprentissage tout au long de la vie,
  • Formation disponible 24h sur 24 et 7j sur 7,
  • Permet la transmission de connaissances sans que cela ne nécessite le déplacement des travailleurs,
  • Permet la communication d’un même message à travers le monde.

Ses limites

  • Connaissances minimum du PC et d’Internet requises pour les apprenants,
  • Ergonomie : ces outils de formation nécessitent de la part du concepteur beaucoup de travail de réflexion sur la manière dont la navigation se fait (elle doit être souple et intuitive) et sur l’illustration des thèmes abordés (vidéos, animations),
  • Connexion : il est évident qu’une telle solution doit être conçue pour supporter la montée en charge des connexions. L’apprenant veut se former quand il veut, la plate forme doit être accessible 24h/24 et 7j/7 d’où l’obligation de bien dimensionner la connexion,
  • Accompagnement nécessaire : une solution qui ne s’accompagnerait pas d’un échange (présentiel, téléphonique ou par vidéo) avec un manager est vouée à l’échec. Aujourd’hui, la solution la plus plébiscitée est le blended learning qui associe présentiel et e-learning ,
  • Durée de disponibilité en ligne de l’application : trop courte elle ne tient pas compte de la réalité des emplois du temps de chacun, trop longue elle renforcera la tendance à la procrastination,
  • Avec les mobiles, nécessité d’un accès au réseau permanent ce qui engendre des contraintes techniques liées à à la diversité des environnements d’exploitation et à la sécurité des données,
  • Risque de voir le temps d’apprentissage « glisser » vers le temps des loisirs.

Positionnement actuel du e-learning

-> en entreprise Toute entreprise doit répondre à la nécessité de former son personnel, que ce soit pour des raisons stratégiques mais aussi par obligation (droit individuel à la formation). La nouvelle génération d’apprenants délaisse les formations en salle, ils veulent pouvoir se former où et quand ils veulent.

On assiste actuellement au développement du mobile-learning (avec de nombreux développements pour PDA et smartphone) et un passage au e-learning social ou réseaux sociaux appliqués à la formation en ligne. Autre facette en plein essor, l’e-learning et la gestion des talents : l’intégration du e-learning dans le SIRH (Système d’Information de Gestion des Ressources Humaines) fait de ce mode d’apprentissage une composante à part entière des parcours de formation mais aussi de la gestion des talents, des carrières.

Quelques exemples... Les serious game servent la cause de la responsabilité sociétale des entreprises… La responsabilité sociétale des entreprises est la déclinaison, pour les sociétés, du concept de développement durable. Elle consiste à intégrer les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs différents partenaires (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires..). Mettre tout le monde au diapason n’est pas aisé surtout lorsqu’il s’agit d’aborder des thèmes sensibles comme les obligations liées à la diversité sociale. Les serious game, de part leur aspect ludique permettent de transmettre bon nombre de messages plus aisément. Certaines sociétés (comme la Société Générale) ont même mis au point des jeux sérieux, en collaboration avec des écoles partenaires, qui permettent aux étudiants de toute filière d’établir leur projet professionnel. Citizen Act (Société Générale) par exemple équivaut à 100h de formation à la responsabilité sociétale des entreprises.

Les grandes entreprises (l’Oréal, Renault, Société Générale, BNP Paribas, Total, Les Pages Jaunes) utilisent les Serious Game pour recruter leurs futurs collaborateurs… A travers ces jeux, elles repèrent les talents et affinent ainsi la sélection de leurs futurs collaborateurs

Les Serious Game comme support de formation… La RATP entraîne ses conducteurs de bus via un jeu pédagogique (« Bus Training Game ») Les Serious Game s’avèrent également très utile pour faire acquérir à la nouvelle génération les bons comportements managériaux. Orange a choisi cette option arguant notamment que le fait que l’apprenant ne soit pas exposé au regard des autres avait été un élément décisif dans le choix du mode de formation.

Inattendu, l’Eglise lance un site d’e_learning pour lutter contre la pédophilie… Le Vatican a annoncé le lancement prochain d’un centre de formation en ligne ; le clergé et les éducateurs y apprendront les manières de répondre aux victimes d’actes pédophiles.

-> dans l’enseignement L’utilisation du « social learning » dans l’Education facilite l’échange entre l’enseignant et les élèves. Force est de constater actuellement que bon nombre d’enseignants sont encore réfractaires à l’utilisation des réseaux sociaux dans leurs cours (alors qu’ils sont tous majoritairement inscrits sur des réseaux sociaux professionnels !). Si on parle depuis de nombreuses années du travail collaboratif en entreprise, le sujet est nettement moins abordé à l’école. C’est dommage, ceux qui l’ont intégré dans leurs pratiques vous diront tous qu’ils ont ainsi mieux fédéré la classe et appris aux jeunes à mieux analyser leurs sources d’information, à développer leur sens critique et ainsi les préparer à leurs futurs environnement de travail. Pour faciliter ce virage de l’enseignement vers le numérique, il faut non seulement changer le statut de l’enseignant (qui ne transfère plus du savoir mais devient intermédiaire entre les réseaux d’apprentissage et les élèves) mais également acquérir davantage d’équipements tels que les TNI, les ENT ..etc et produire du contenu. Certaines pratiques existent déjà malgré tout et tendent fort heureusement à se multiplier.

Quelques exemples… Les pratiques collaboratives, utiliser les réseaux sociaux…http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/apprendre/travail-apprentissage-collaboratifs/outils-collaboratifs-enseignement/utiliser-les-reseaux-sociaux/

Le reseautage social dans l’éducationhttp://ntic.org/docs/68_reseautage_social.pdf

Les visioconférences de M. Michalewski et le projet Europe Education Ecole au lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres http://lyc-sevres.ac-versailles.fr/projet-eee.phphttp://lyc-sevres.ac-versailles.fr/

La formation en visioconférence des futurs enseignants de l’option « Droit et grands enjeux du monde contemporain » en Terminale Lhttp://lyc-sevres.ac-versailles.fr/eee.11-12.formation-en-droit.php

La plateforme Athena pour la formation des nouveaux enseignants dans l’académie de Versailleshttp://athena.ac-versailles.fr/PFEG

Les cours en visioconférence du Collège de Francehttp://www.college-de-france.fr/site/college/index.htm

Avec l’arrivée de la nouvelle génération C (les 10 – 12 ans actuels), nul doute qu’il faille à nouveau adapter les pratiques pédagogiques. L’heure n’est plus au débat sur les dangers et les dérives possibles de l’Internet. Ces environnements font partie de notre cadre de vie, nous devons les accepter et en tirer le meilleur profit y compris dans l’enseignement. Le social-learning y aura toute sa place en développant les plateformes collaboratives où les élèves et étudiants participeront à l’élaboration du savoir en proposant et en confrontant des textes ou des sources d’information face auxquels l’enseignant retrouve son rôle de facilitateur d’apprentissage.

Liens

⇒ Ipasserelle, une passerelle numérique pour les clés de la réussite http://www.ludovia.com/recherche_labos/2012/1296/ipasserelle-une-passerelle-numerique-pour-les-cles-de-la-reussite.html

⇒ Le portail d’information de la e-education http://www.ludovia.com/

⇒ Jeux sérieux et monde virtuel sur le site du ministère http://eduscol.education.fr/dossier/jeuxserieux

⇒ l’actualité du e-learning http://www.elearning-actu.org

⇒ site d’information professionnelle traitant du e-learning sous tous ses aspects http://www.e-learning-letter.com

Sources

⇒ 01 Informatique du 14/01/2010 : cours de rattrapage pour le e-learning ⇒ 01 Informatique du 27/10/2011 : les serious game servent la cause de la responsabilité sociétale des entreprises ⇒ Economie et management du Scérén, numéro 141 d’octobre 2011 ⇒ 01 Informatique du 12/01/2012 ⇒ Institutions éducatives et e-formation (CRDP de Paris) ⇒ Informatique et pédagogie (monde virtuel, et jeux sérieux – JP Moiraud)

Notes

[1le catalogue des offres sur étagère s’est enrichi dans le domaine du management, du développement personnel, des techniques de vente ou de gestion de projet

[2définition (proposée en 2006 par Julian Alvarez et Olivier Rampnoux) : un logiciel qui combine une intention sérieuse, de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement avec des ressorts ludiques. La vocation d’un serious game est donc de rendre attrayante la dimension sérieuse par une forme, une interaction, des règles et éventuellement des objectifs ludiques.

[3développement des savoirs, des aptitudes, des attitudes, par la connexion aux autres, que ce soit des collègues, des mentors ou des experts, via les médias électroniques synchrones ou asynchrones. Certains associent le « social learning » à des réseaux apprenants

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