Les systèmes d’informations, leviers de la performance logistique de l’entreprise

, par Pascal Roos

L’optimisation de la chaîne logistique, permettant notamment l’amélioration du taux de service en magasin ainsi qu’une diminution des niveaux de stock, apparaît comme un enjeu majeur pour les entreprises. Des logiciels informatiques spécialisés permettent d’optimiser les différentes étapes du processus logistique : la prévision des ventes, la synchronisation des données entre les différents services de l’entreprise concourant à la fonction logistique, et enfin la gestion opérationnelle des flux physiques, de la gestion des commandes à la gestion des entrepôts. Ces logiciels, développés par des éditeurs spécialisés, doivent évidemment être capables de dialoguer entre eux dans l’entreprise, mais aussi de plus en plus, avec les systèmes d’informations des partenaires commerciaux impliqués dans la chaîne logistique.

Face à l’évolution des modes de consommation (nomadisme, volatilité, . . .), les entreprises doivent sans cesse adapter leurs pratiques commerciales et améliorer leur réactivité pour répondre au raccourcissement considérable du cycle de vie des produits de grande consommation.


Les enjeux de l’optimisation de la chaîne logistique

Dans ce contexte, la gestion de la chaîne logistique (GCL ou SCM pour Supply Chain Management, le concept anglo-saxon équivalent plus largement utilisé) apparaît comme un axe de rationalisation majeur de l’activité des entreprises. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs construit leur avantage concurrentiel sur leur savoir-faire logistique, à l’image de Zara, Dell, Wal Mart et bien d’autres.

L’économie estimée que pourraient réaliser distributeurs et industriels à travers l’amélioration de leurs performances logistiques s’élève en effet à 16 milliards d’euros d’après une étude de Cap Gemini Ernst & Young. Inversement, des performances médiocres ou insuffisantes par rapport aux standards du secteur d’activités peuvent se révéler fatales. Ainsi, « plusieurs facteurs ont contribué à la chute [de K Mart] (un des leaders de la grande distribution aux Etats-Unis derrière Wal Mart), mais le plus important a été son manque de compétitivité sur les prix, un échec que certains attribuent à son incapacité à maîtriser les technologies Supply Chain, par conséquent, à bénéficier des gains de productivité logistique » (Now in Bankrruptcy, Kmart struggled with supply chain, Information Week january 28, 2002).

L’importance stratégique de la fonction logistique n’est plus à démontrer et se traduit d’ailleurs par un rattachement croissant de cette fonction à la direction générale, et non plus à la direction production et/ou industrielle. Un autre indicateur est la professionnalisation croissante de la fonction logistique, illustré par l’apparition de la fonction « Supply Chain Manager » dans les entreprises, dédiée à l’optimisation de l’ensemble des flux logistiques de l’entreprise, provoquant de fait une différentiation entre les acteurs de pilotage des flux, ayant une approche plus transversale et les acteurs de gestion opérationnelle (l’expédition et la gestion des entrepôts essentiellement) des activités logistiques.

Les objectifs des démarches d’amélioration de la gestion de la chaîne logistique sont multiples :

  • Pour le distributeur, les bénéfices attendus sont l’augmentation de la disponibilité des produits (le taux de service) pour le consommateur, associé à une diminution du niveau de stock (et ce d’autant plus que le cycle de vie des produits est court, avec un risque d’obsolescence et de décote des produits).
  • Pour le fournisseur, les gains se concrétisent autour de trois axes  : une meilleure gestion de son propre stock de produits finis ; la possibilité d’optimisation de son processus de fabrication (grâce à une logistique en flux tendus permettant de minimiser les stocks tampons) ; enfin la possibilité d’optimiser ses coûts de distribution, à travers une meilleure composition et planning des expéditions.

Si la GCL n’est pas un phénomène nouveau l’évolution des outils informatiques, en permettant d’enregistrer des gains de productivité importants, ont considérablement contribué à actualiser la problématique.


Optimisation de la chaîne logistique et système d’information de l’entreprise : des outils adaptés à chaque niveau décisionnel de l’entreprise

L’optimisation de la chaîne logistique s’opère à travers la mise en œuvre d’actions spécifiques qui se situent à différents niveaux du fonctionnement des entreprises :

  • La prévision des volumes de vente afin d’anticiper le volume d’activité de l’entreprise pour lui permettre d’adapter ses ressources à toute évolution de l’activité
  • La synchronisation des informations et des modes opératoires entre les différentes fonctions de l’entreprise (production, administratif, distribution, commercial...) impliqués dans le déroulement de la chaîne logistique ;
  • Et enfin l’amélioration de l’intégration des activités logistiques proprement dites, à savoir les activités de préparation des commandes, d’entreposage et de transport.

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, chacun des niveaux décisionnels de l’entreprise concernés par l’optimisation de la chaîne logistique est doté d’un outillage informatique spécifique, proposés par des éditeurs souvent spécialisés dans les problématiques propres à chacun des niveaux concernés  :

  • les progiciels APS (Advanced Planning System) en amont de l’activité logistique, permettent une automatisation du processus de planification des achats, de la production, de la distribution et des transports en effectuant des arbitrages entre les demandes prévues des clients et les capacités des fournisseurs à y répondre ;
  • les ERP (Enterprise Ressource Planning) pour la gestion opérationnelle quotidienne de l’activité logistique, dont l’implantation dans les entreprises est plus ancienne et qui possèdent pour la plupart des modules de stocks et de logistiques ; ce sont des logiciels de gestion paramétrables qui intègrent les données relatives à l’ensemble des fonctions d’une entreprise (prospection, vente, facturation, production, stock, approvisionnements, comptabilité et finance,....). Concrètement, ils permettent de planifier les réapprovisionnements à partir des capacités maximales de stockage, de calculer le nombre d’entrepôts nécessaires par région, de sélectionner le mode de transport le plus économique, de planifier les tournées...  ;
  • et les logiciels SCE (Supply Chain execution) pour la gestion des entrepôts et des tournées ; ils rationalisent la totalité du cycle de traitement des commandes en permettant un suivi de l’état d’avancement des commandes, une optimisation de l’ordonnancement des transports et une amélioration des préparations des commandes (pilotage d’éxécution). Ces logiciels sont orientés vers l’optimisation de l’activité logistique en temps réel.


Des logiciels adaptés à chaque niveau décisionnel de l’entreprise

Les différentes fonctions de l’entreprise et les processus associés
Niveau décisionnel / Type de logiciel
Acheter
Fabriquer
Stocker
Transporter
Vendre
Stratégique
Quels fournisseurs ? Quelles usines, quels sous-traitants ? Quel réseau de distribution ? Quels modes de transport, quels transporteurs ? Quels produits/services, quels clients ?

Tactique

ADVANCED PLANNING and SCHEDULING

Planification des achats Planification de production Planification de la distribution Planification des transports Prévision des ventes

Opérationnel

ENTERPRISE RESSOURCE PLANNING

Gestion des achats Gestion de la production Gestion des stocks Gestion des transports Administration des ventes

Exécution

SUPPLY CHAIN EXECUTION

Approvisionnements Suivi d’atelier(Manufacturing execution system) Gestion de l’entrepôt(Warehouse Management Systems) Gestion des tournées(Transportation management system) Saisie des commandes

(D’après Stratégie logistique n°63, nov. 2003 et Points de vente n°904, fév. 2003)

L’ensemble de ces solutions informatiques se complétant, leur compatibilité est indispensable afin que chaque système puisse dialoguer avec les autres, afin de synchroniser et d’intégrer les données relatives à la chaîne logistique. Les APS sont donc couplés avec les ERP, eux-mêmes couplés avec les SCE. Contrairement à ce qu’ont pu croire un temps nombre d’éditeurs et d’entreprises (et bien que certains ERP proposent des modules de planification par exemple) il est aujourd’hui impensable de vouloir gérer l’ensemble de la chaîne logistique avec un seul outil, les connaissances métier qui y sont intégrés ainsi que les algorithmes d’optimisation déployés ne sont effectivement pas les mêmes selon le niveau considéré (tactique, opérationnel et exécution).

Gestion de la Chaîne logistique et commerce collaboratif : vers l’intégration des données et des systèmes d’informations

Au-delà de la nécessaire coordination des différents acteurs et services impliqués dans l’amélioration de la gestion de la chaîne logistique au sein même de l’entreprise, les entreprises doivent aussi intégrer dans leur dispositif de GCL leurs partenaires commerciaux. De ce point de vue, l’échange des données informatisés (EDI ou web-EDI) permet à minima de coordonner les actions entre les différents acteurs de la chaîne logistique étendue, et même de mettre en œuvre une gestion partagée des approvisionnements (GPA ou VMI, Vendor-Managed Inventory pour le concept anglo-saxon équivalent). Ce dispositif permet au fournisseur, qui possède l’ensemble des informations relatives aux ventes de son client, de gérer lui-même le stock de ce dernier, le dispositif étant généralement assorti de pénalités en cas de taux de service inférieur aux attentes. Selon une étude récente, ce type de coopération couvre actuellement plus de 30% du chiffre d’affaires réalisé auprès des chaînes européennes de supermarchés et d’hypermarchés sur certaines catégories de produit.

A un degré d’intégration plus poussée, on trouve des démarches dites CPFR (Collaborative Planning Forecasting and Replenishment) dans lesquelles la gestion de la demande, la planification de l’activité ainsi que le réapprovisionnement sont réalisés conjointement entre fournisseur et client. Cette démarche, qui appelle un travail en commun plus abouti, permet la création d’un environnement collaboratif avec des fournisseurs stratégiques (on parle de gestion de la relation fournisseur ou SRM, Supplier Relationship Management). A ce niveau de collaboration, la compatibilité et l’inter connectivité des systèmes informatiques des partenaires est une condition préalable à l’établissement de toute relation commerciale.


Quelle perspective pour la Gestion de la Chaîne Logistique  ?

Malgré la performance des solutions informatiques disponibles sur le marché, la mise en place d’une gestion plus rationalisée de la chaîne logistique reste à concrétiser pour de nombreuses entreprises : « selon les estimations d’une étude récente, le papier et le tableur sont les outils principaux de pilotage de la Supply Chain dans plus de 50% des entreprises américaines de commerce international » (Stratégie logistique, n°61, nov.2003).

Quant aux entreprises ayant déjà mis en œuvre des démarches d’optimisation de leur chaîne logistique, de nouveaux chantiers émergent :

  • Mettre en place une chaîne logistique optimisée à l’échelle européenne pour les entreprises multi-sites ;
  • Rendre les chaînes logistiques flexibles afin qu’elles s’adaptent à l’évolution des besoins induits par l’évolution de la demande et des modes de consommation (et notamment le développement inéluctable de l’e-business) ;
  • Et enfin développer des pratiques et des outils de gestion des risques logistiques : un incident à un point de la chaîne peut en affecter rapidement l’ensemble, indépendamment des frontières habituelles entre firmes. Les risques deviennent donc interdépendants, d’autant plus que les flux sont tendus et optimisés au plus juste.


Conclusion :

Les applications informatiques, si elles ont permis des avancées spectaculaires dans la gestion de la chaîne logistique, ne doivent pas pour autant faire oublier que la dimension organisationnelle et humaine de tout projet de GCL reste prédominante. En effet, la mise en place d’une organisation orientée vers l’optimisation de la chaîne logistique nécessite dans tous les cas une transformation en profondeurde l’organisation (ou reengineering), ce qui n’est jamais sans effet sur la ressource humaine de l’entreprise : la prestation logistique ne peut en aucun cas être considérée comme une variable indépendante de l’activité générale de la firme.

Quelles que soient les activités que les entreprises cherchent à rationaliser, depuis la production jusqu’à la conception en passant par la relation client, et aujourd’hui la logistique, les systèmes d’information restent donc avant tout des outils au service d’une transformation de l’organisation de l’activité dont on peut difficilement faire l’économie pour enregistrer des gains de productivité significatifs et durables.

Quelques sites pour aller plus loin :

www.aperia.fr pour les logiciels APS.

www.peoplesoft.com, www.oracle.fr, www.unilog.fr, www.sap.com et www.ibm.com pour les ERP.

www.Aldata.fr et www.loxane.com pour les logiciels SCE.


Ressources bibliographiques :

L’officiel des transporteurs n° 2205, 1er mars 2003, « Quels outils de gestion choisir ? », pp. 23-29.

Logistique magazine, décembre 1998, n° 133, « Des mutations à l’échelle des enjeux industriels », pp. 172-177.

LSA n° 1813, 8 mai 2003, « Gestion d’entrepôts, un outil pour piloter la complexité de l’offre », p. 80.

Points de vente n° 904, 24 février 2003, « Des progiciels bon à tout faire », pp. 68-71.

Progilog, Salon du Supply Chain Management et du Commerce Collaboratif, 26 et 27 novembre 2003, Cnit, Paris La Défense.

Stratégies Logistiques n° 61, novembre 2003.

www.accenture.fr

- La gestion partagée des approvisionnements Industrielle peut-elle être créatrice de valeur ?
- Prestations logistiques : faire vivre la relation entre les partenaires
- Supply Chain Intelligence : de l’automatisation des processus à la compréhension de l’activité.

www.industrie.gouv.fr/cgi-bin/industrie/framen2.pl ?contenu=/biblioth/docu/mb_docu.htm

www.sap.com

 

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Les systèmes d’information

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