LES JEUX VIDÉO COMME OUTILS D’APPRENTISSAGE Apprendre et se former par le jeu

, par Guibout Cyril

Dans un contexte où les technologies numériques transforment les approches pédagogiques, les jeux vidéo apparaissent comme des outils d’apprentissage innovants. Leur potentiel repose sur leur capacité à stimuler la motivation des apprenants et à favoriser le développement des compétences. En effet, les outils pédagogiques doivent s’adapter aux élèves pour captiver et engager. Les jeux vidéo, initialement conçus pour le divertissement, ont progressivement été reconnus pour leur potentiel éducatif. Cette chronique se propose d’explorer les mécanismes des jeux vidéo favorisant le développement des compétences des élèves et de souligner l’impact des jeux vidéo sur leur motivation.

1) CADRE INSTITUTIONNEL

L’Académie de Versailles, à travers la Délégation Régionale Académique au Numérique Éducatif (DRANE), s’engage pleinement dans le développement de pratiques pédagogiques innovantes, notamment via l’intégration des jeux vidéo dans l’éducation. Ces outils numériques, porteurs d’un fort potentiel pédagogique, permettent d’impliquer les élèves de manière active tout en développant des compétences variées telles que la collaboration, la stratégie, la résolution de problèmes et la gestion des émotions.

L’une des initiatives phares de l’académie est le projet E-sport éducatif, qui vise à promouvoir l’usage des jeux vidéo compétitifs dans un cadre structuré et pédagogique. Ce projet, soutenu par la DRANE, offre aux élèves l’opportunité de participer à des tournois encadrés tout en travaillant des compétences transversales essentielles, telles que le travail en équipe, la communication et la gestion du stress. Ces expériences sont également un levier pour renforcer l’estime de soi et favoriser l’inclusion, notamment auprès des élèves en difficulté ou éloignés des méthodes d’apprentissage traditionnelles.

Au-delà de l’E-sport, la DRANE accompagne les enseignants dans l’expérimentation et l’intégration du jeu en classe, en les adaptant à des objectifs pédagogiques spécifiques. Des ressources, des formations et des retours d’expériences sont proposés pour permettre une mise en œuvre réfléchie et efficace.

Par exemple, lors d’une journée de formation organisée par le réseau Canopé, la narration a été présentée comme un élément central du dispositif Ludopédagogique. En structurant le jeu autour d’une trame narrative forte, on renforce l’implication émotionnelle et cognitive des élèves. Cette narration suit également plusieurs étapes clés : l’introduction, pour poser le cadre, capter l’attention et donner du sens à l’activité ; le titre, pour susciter la curiosité et installer l’univers narratif ; le lever de rideau, pour lancer l’action, préciser les enjeux et engager activement les apprenants ; la surprise, pour relancer l’intérêt par un rebondissement inattendu, stimulant l’adaptabilité ; la conclusion, pour clôturer l’expérience, offrir une résolution et favoriser un retour réflexif sur les apprentissages.

Ces actions démontrent comment les jeux, loin d’être de simples outils de divertissement, deviennent de véritables leviers pédagogiques au service de l’apprentissage.

2) CADRE THÉORIQUE

Cette structure narrative joue un rôle clé dans l’engagement actif, un des quatre piliers de l’apprentissage selon Stanislas Dehaene. Pour lui un apprentissage efficace repose sur :

  • L’attention, mobilisée dès l’introduction par des éléments narratifs engageants.
  • L’engagement actif, renforcé par la prise de rôle et la résolution de problèmes.
  • Le retour d’information, naturellement intégré dans le jeu (feedbacks, scores, interactions avec l’environnement).
  • La consolidation, assurée par la répétition des mécanismes du jeu et l’ancrage émotionnel de l’expérience vécue.

Les émotions provoquées par la narration (suspense, joie stress, surprise) activent le système limbique et facilitent ainsi le stockage en mémoire à long terme. Célia Hodent, « Dans le cerveau du gamer », met en avant le rôle fondamental de la mémoire et de la motivation dans l’expérience de jeu. Elle explique que la mémoire de travail est sollicitée pour maintenir et manipuler les informations essentielles à court terme, telles que les objectifs ou les stratégies. Cependant, une surcharge cognitive peut engendrer confusion et frustration. Par ailleurs, la mémoire à long terme est renforcée par la répétition des mécaniques et des règles du jeu, facilitant ainsi la consolidation des connaissances et l’acquisition de compétences durables. La motivation joue également un rôle clé dans l’apprentissage par le jeu. Rolland Viau définit trois facteurs essentiels à la motivation scolaire : la perception de la valeur de la tâche, le sentiment de compétence et le contrôle perçu sur l’activité. Ces éléments sont omniprésents dans les jeux vidéo, qui offrent des objectifs clairs, une progression adaptée et une autonomie des choix. Célia Hodent distingue par ailleurs la motivation intrinsèque, fondée sur le plaisir du défi et de l’exploitation, ainsi que la motivation extrinsèque, alimentée par des récompenses comme les points ou les classements. L’équilibre entre ces deux formes de motivation permet de maintenir l’engagement des joueurs et favoriser leur apprentissage.

Dans cette perspective, Edward Deci et Richard Ryan, à l’origine de la théorie de l’autodétermination, apportent un éclairage essentiel. Ils considèrent que la qualité de la motivation dépend du degré d’autonomie perçu par l’individu. À l’opposé de la motivation intrinsèque ou extrinsèque, ils identifient un autre état : l’amotivation, défini comme l’absence de motivation, où l’individu ne voit ni valeur, ni utilité à l’activité. Cet état, souvent lié à un manque de confiance en ses capacités ou le sentiment de ne pas pouvoir contrôler la situation, peut entraîner un désengagement total. Les jeux vidéo bien conçus, en stimulant le plaisir, le sentiment de progression et l’autonomie, permettent précisément d’éviter cette amotivation et de soutenir une motivation durable.

Outre la motivation et la mémoire, les jeux vidéo contribuent au développement des compétences, une notion développée par Guy Le Boterf. Selon lui, une compétence repose sur la mobilisation de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être dans une situation donnée. Les jeux vidéo, en particulier les serious games (jeux sérieux) et les simulations, permettent aux apprenants d’expérimenter activement ces trois dimensions en leur offrant des contextes interactifs et immersifs. Ils encouragent ainsi l’apprentissage expérientiel et la mise en pratique des connaissances dans des scénarios proches de la réalité.

En s’appuyant sur leurs travaux, il apparaît que l’intégration des jeux vidéo dans les pratiques pédagogiques offrent un cadre propice à l’apprentissage en sollicitant la mémoire, en renforçant la motivation et en développant les compétences des joueurs.

3) CONSTAT : OBSERVATIONS DES JEUX VIDÉO DANS L’APPRENTISSAGE

Depuis des années, la pédagogie du jeu occupe une place importante dans les méthodes d’apprentissage en raison de son efficacité à capter l’attention, stimuler la motivation et favoriser l’acquisition de compétences. Qu’il s’agisse de jeux traditionnels, de simulations ou de jeux de rôle, cette approche pédagogique repose sur le principe de l’apprentissage actif. Cependant, avec l’avènement des technologies numériques, cette pédagogie s’est enrichie de nouveaux outils, notamment les jeux vidéo, qui transforment profondément les pratiques éducatives.

Les jeux vidéo, souvent critiqués, sont en réalité de puissants stimulateurs pour notre cerveau. Les neurosciences nous montrent que ces jeux sollicitent des zones clés du cerveau, celles qui régulent la mémoire, la prise de décision, la coordination et l’attention. Nous constatons que l’action de jouer permet de planifier, de s’adapter, d’apprendre et de réagir vite entraînant notre cerveau à analyser, mémoriser et anticiper des situations complexes. Ainsi, derrière l’écran, un système cognitif entier se met en mouvement, activant des circuits neuronaux liés à la concentration, à la gestion de la pression et à la mémorisation des informations en temps réel.

L’intégration des jeux vidéo dans les formations professionnelles témoigne d’une évolution significative dans les méthodes d’apprentissage destinées aux élèves. Les jeux vidéo, en particulier à travers des dispositifs tels que les serious games et les simulations interactives, permettent de créer des environnements immersifs et engageants où les élèves peuvent acquérir des compétences pratiques tout en restant acteurs de leur apprentissage.

Les élèves, développent des compétences professionnelles et comportementales essentielles. En effet, l’apprentissage actif favorise la création de nouvelles connexions neuronales, renforçant des compétences comme la créativité, la communication et le travail en équipe, des soft skills devenues incontournables dans le monde professionnel. La pédagogie du jeu offre également un avantage majeur : elle repose sur l’apprentissage actif. Contrairement aux méthodes traditionnelles, elle encourage les élèves à expérimenter, échouer, recommencer et s’améliorer, le tout dans un cadre sécurisé et stimulant.

Les jeux vidéo sont particulièrement efficaces pour maintenir l’engagement des élèves, car ils transforment l’effort en défi, l’erreur en apprentissage et la progression en plaisir. Des éléments qui activent des systèmes de récompense cérébraux, augmentant la libération de dopamine, un neurotransmetteur lié à la motivation et à la satisfaction.

4) HYPOTHÈSE : LA PÉDAGOGIE DU JEU POUR PRÉPARER LES ÉLÈVES

Il est donc plausible de supposer que les jeux vidéo pourraient devenir des outils pédagogiques efficaces, combinant interactivité, immersion et narration pour offrir un apprentissage ludique et engageant. Certains jeux permettraient aux élèves d’explorer des concepts scientifiques, historiques ou mathématiques tout en développant des compétences telles que la résolution de problèmes, la créativité et la collaboration.

Sur le plan cognitif, les élèves pourraient apprendre à planifier, prendre des décisions et gérer des ressources de manière plus efficace qu’avec des méthodes traditionnelles. Sur le plan émotionnel, les jeux vidéo éducatifs pourraient les aider à mieux gérer le stress et à renforcer leur résilience face aux défis. Socialement, ils seraient susceptibles d’améliorer la collaboration et la communication grâce à des activités coopératives. En termes d’engagement, leur nature interactive et immersive motiverait les élèves et les inciterait à s’impliquer davantage.

5) PROBLÉMATIQUE : L’IMPACT DES JEUX VIDÉO

L’étude de la pédagogie du jeu nous amène à nous poser la question suivante : Dans quelle mesure les jeux vidéo ont-ils un impact sur la motivation et le développement des compétences des élèves ? Afin de répondre à cette problématique je me suis fixé deux objectifs :

  • Explorer les mécanismes et le potentiel des jeux vidéo dans le développement des compétences des élèves.
  • l’impact des jeux vidéo sur la motivation des élèves dans un contexte d’apprentissage.

6) LA PÉDAGOGIE DU JEU : UNE APPROCHE NOVATRICE

La pédagogie du jeu, qu’est-ce que c’est ? Elle repose sur l’utilisation de mécanisme ludiques pour engager les apprenants, les immerger dans des situations interactives et leur permettre d’apprendre en s’amusant. Cette approche transforme l’apprentissage en une aventure captivante, où l’élève devient acteur de son savoir.

À travers des jeux sérieux ou des activités gamifiées, cette pédagogie introduit des scénarios réalistes tout en intégrant une dimension ludique qui stimule la curiosité et la motivation des élèves. Par exemple, des jeux éducatifs peuvent reproduire des contextes professionnels ou sociaux, encourageant les apprenants à résoudre des problèmes, collaborer ou prendre des décisions dans un cadre stimulant et engageant.

Un des grands atouts de cette pédagogie est sa capacité à offrir une expérience concrète et dynamique. Les élèves, impliqués dans des jeux ou des activités interactives, peuvent se projeter dans des situations qui simulent des défis réels.

En intégrant la pédagogie du jeu dans les environnements éducatifs, on ouvre la voie à une méthode d’apprentissage à la fois innovante et efficace, où plaisir et apprentissage vont de pair.

7) À SUIVRE… L’EXPÉRIMENTATION EN CLASSE…

La seconde partie de ce travail sera consacrée à l’expérimentation du jeu « Supermarket Simulator », un jeu vidéo de simulation centré sur la gestion d’un supermarché. L’objectif sera de montrer comment ce type de jeu peut favoriser le développement de compétences professionnelles et psychosociales chez les élèves : organisation, prise d’initiative, gestion du temps et travail en équipe. Cette phase expérimentale permettra également d’observer l’impact de l’engagement ludique sur leur motivation et leur implication dans les apprentissages.



BIBLIOGRAPHIE

  • https://www.education.gouv.fr
  • Centre de Ressources en Économie-Gestion, Référentiel : Bac. Pro. MCV, CAP EPC
  • Délégation Régionale Académique au Numérique Éducatif : Esport et gaming
  • Canopé : Ludopédagogie
  • Hodent, C. (2020). Dans le cerveau du gamer : Neurosciences et UX dans la conception de jeux vidéo. Éditions Dunod.
  • Alvarez, J., Djaouti, D., &Rampnoux, O. (2016). Apprendre avec les serious games ?. Éditions Canopé - CNDP
  • Viau, R. (2003). La motivation en contexte scolaire. Éditions De Boeck Supérieur.
  • Boterf, G. L. (2015). Construire les compétences individuelles et collectives : Agir et réussir avec compétences, les réponses à 100 questions. Éditions Eyrolles.
  • Tardif, J. (2023). Pour un enseignement stratégique. Éditions Logique.
  • https://store.steampowered.com

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